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26/08/2011 | FRANCE | N°11/01687

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 26 août 2011, 11/01687


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 11/01687





[W]



C/

SAS AQUASURE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTBRISON

du 24 Février 2011

RG : F 09/00213











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 26 AOUT 2011

















APPELANT :



[Z] [W]

né le [Date naissance 2] 1975

à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 4]



comparant en personne,

assisté de Me Chantal JULLIEN,

avocat au barreau de SAINT-ETIENNE









INTIMÉE :



SAS AQUASURE

[Adresse 6]

[Localité 3]



représentée par Me Pascal GARCIA,

avocat au barreau de SAINT-ETIENNE











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AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 11/01687

[W]

C/

SAS AQUASURE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTBRISON

du 24 Février 2011

RG : F 09/00213

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 26 AOUT 2011

APPELANT :

[Z] [W]

né le [Date naissance 2] 1975 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 4]

comparant en personne,

assisté de Me Chantal JULLIEN,

avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMÉE :

SAS AQUASURE

[Adresse 6]

[Localité 3]

représentée par Me Pascal GARCIA,

avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

PARTIES CONVOQUÉES LE : 28 Mars 2011

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 10 Juin 2011

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Nicole BURKEL, Président de chambre

Hélène HOMS, Conseiller

Marie-Claude REVOL, Conseiller

Assistés pendant les débats de Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 26 Août 2011, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nicole BURKEL, Président de chambre, et par Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

EXPOSE DU LITIGE

[Z] [W] a été embauché par la S.A.S. AQUASURE par contrat de travail à durée déterminée du 6 juillet 2009 au 30 juin 2010 en qualité de coordinateur local, chef de projet en INDE ; il a été en position de congé sans solde du 13 juillet au 5 septembre 2009 ; la période d'essai devait courir du 6 septembre au 6 octobre 2009 ; le 17 septembre 2009, l'employeur a rompu le contrat de travail à effet au 21 septembre 2009.

[Z] [W] a saisi le conseil des prud'hommes de MONTBRISON ; il a réclamé un rappel de salaire au titre du minimum conventionnel, des dommages et intérêts au titre de la rupture du contrat, une indemnité de précarité, une indemnité au titre de la clause de non concurrence et une indemnité au titre des frais irrépétibles.

Par jugement du 24 février 2011, le conseil des prud'hommes a débouté [Z] [W] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné à verser à la S.A. S. AQUASURE la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles et à acquitter les dépens de l'instance.

Le jugement a été notifié le 1er mars 2011 à [Z] [W] qui a interjeté appel par lettre recommandée adressée au greffe le 7 mars 2011.

Par conclusions visées au greffe le 10 juin 2011 maintenues et soutenues oralement à l'audience, [Z] [W] :

- indique que sa rémunération fixée 3.185 euros par mois est inférieure au minimum conventionnel et, prenant en considération la clause de forfait jour, réclame un rappel de salaire de 317,94 euros, outre 31,79 euros de congés payés afférents,

- argue du caractère abusif de la rupture du contrat de travail et fait valoir à cet effet que la rupture n'a pas été décidée par l'employeur, que la rupture ne se fonde pas sur l'appréciation de ses compétences et de ses aptitudes professionnelles et personnelles mais sur l'absence de financement du projet pour lequel il avait été embauché,

- au principal, réclame les salaires auxquels il aurait pu prétendre s'il avait travaillé, soit la somme de 33.009,60 euros et l'indemnité de précarité, soit la somme de 3.572,05 euros, et, au subsidiaire, réclame la somme de 36.581,65 euros à titre de dommages et intérêts,

- observe que l'employeur ne l'a pas délié de la clause de non concurrence et réclame la somme de 13.671,12 euros, outre 1.367,11 euros de congés payés afférents,

- sollicite la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions visées au greffe le 10 juin 2011 maintenues et soutenues oralement à l'audience, la S.A.S. AQUASURE :

- objecte que seuls les salariés soumis à une durée horaire de travail de 38 heures hebdomadaires bénéficient des minima conventionnels pour le montant de leur rémunération et, en outre, que [Z] [W] percevait une rémunération excédant le minimum conventionnel,

- affirme que le salarié a voulu modifier ses engagements à plusieurs reprises, qu'elle a alors perdu toute confiance en lui et qu'elle a donc valablement rompu le contrat pendant la période d'essai,

- subsidiairement, estime que le salarié peut prétendre uniquement à des dommages et intérêts et qu'il ne prouve pas avoir subi un préjudice,

- expose que la clause de non concurrence prend effet seulement à l'expiration de la période de préavis et qu'elle n'a donc pas à verser une contrepartie financière,

- demande le rejet des prétentions du salarié et la confirmation du jugement entrepris,

- sollicite, en cause d'appel, la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le rappel de salaire :

[Z] [W] a été embauché en qualité d'ingénieur, niveau cadre, coefficient 460, moyennant un salaire mensuel brut de 3.185 euros ; le contrat stipulait un forfait de 218 jours ; les bulletins de salaire mentionnent une durée mensuelle de travail de 151,67 heures, soit 35 heures hebdomadaires.

S'applique à la cause la convention collective de la chimie ; l'accord du 7 janvier 2009 fixe, au 1er septembre 2009, la valeur du point d'un cadre au coefficient 460 travaillant 38 heures hebdomadaires à la somme de 7,43 euros ; le principe de proratisation en fonction de la durée du travail conduit à retenir une valeur du point d'un cadre au coefficient 460 travaillant 35 heures hebdomadaires de 6,84 euros ; le salaire minimum conventionnel d'un cadre au coefficient 460 se montait donc au 1er septembre 2009 à la somme mensuelle brute de 3.146,40 euros (460 x 6,84 euros).

[Z] [W] qui percevait une rémunération de 3.185 euros ne peut pas invoquer une violation du salaire minimum conventionnel.

En conséquence, [Z] [W] doit être débouté de sa demande de rappel de salaire et le jugement entrepris doit être confirmé.

Sur la clause de non concurrence :

Le contrat de travail stipulait une clause de non concurrence ainsi libellée :

' A sa sortie du groupe EUROTAB, monsieur [Z] [W] sera soumis à une obligation de non concurrence pendant une année chez les concurrents européens directs d'EUROTAB' ;

La généralité des termes 'sortie du groupe' ne permet pas, sauf dénaturation, de considérer que la rupture du contrat pendant la période d'essai exonérait le salarié de la clause de non concurrence ; par ailleurs, le contrat insérait également une clause de fidélité et de secret professionnel sans donner un statut autonome distinct à la période d'essai.

En conséquence, [Z] [W] était tenu par une clause de non concurrence d'une durée d'une année au moment de la rupture du contrat ; l'employeur n'a pas levé la clause.

[Z] [W] a retrouvé du travail, en qualité d'ingénieur spécialisé dans les questions énergétiques et les énergies renouvelables ; il est soumis à la convention collective nationale des sociétés de bureaux d'études techniques et cabinets d'ingénieur conseil ; il n'exerce donc pas une activité concurrentielle à celle de la S.A.S. AQUASURE dont le domaine est l'eau potable.

[Z] [W] a donc droit à la contrepartie financière de la clause de non concurrence.

La convention collective de la chimie applicable à la cause chiffre la contrepartie de la clause de non concurrence à un tiers de la rémunération mensuelle ; au jour de la rupture, [Z] [W] percevait un salaire mensuel brut de 3.185 euros ; la contrepartie financière s'élève donc à la somme de 12.740 euros.

En conséquence, la S.A.S. AQUASURE doit être condamnée à verser à [Z] [W] la somme de 12.740 euros au titre de la contrepartie financière de la clause de non concurrence, outre 1.274 euros de congés payés afférents.

Le jugement entrepris doit être infirmé.

Sur la rupture du contrat de travail :

Si l'employeur dispose du pouvoir discrétionnaire de mettre fin aux relations contractuelles avant l'expiration de la période d'essai, il ne saurait faire dégénérer ce droit en abus ; la période d'essai est destinée à permettre à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié ; aussi, l'employeur peut rompre la période d'essai uniquement pour un motif inhérent à la personne du salarié.

Par lettre du 17 juin 2009, la S.A.S. AQUASURE a confirmé à [Z] [W] son embauche à compter du 1er juillet 2009, a précisé qu'elle prenait en charge les frais des vols internationaux pour les visites prévues au BANGLADESH et au LAOS, que la durée de ces visites était considérée comme un congé sans solde et que le travail effectif relatif à la promotion et à l'introduction du concept AQUASURE effectué en juin 2009, période de pré-embauche, sera compensé par le biais d'un ajustement sur la participation aux frais sur les visites prévues au BANGLADESH et au LAOS.

Le contrat de travail fixait la période d'embauche du 6 juillet 2009 au 30 juin 2010 et la période de congé sans solde du 13 juillet 2009 au 5 septembre 2009 ; il rappelait que l'employeur participait aux frais de voyage au BANGLADESH et au LAOS ; il instituait une période d'essai qui courait du 6 septembre au 6 octobre 2009.

Le 15 juillet 2009, [Z] [W] a envoyé à l'employeur un document qu'il avait retravaillé ; la réponse du 16 juillet 2009 est ainsi libellée 'je te remercie pour ton document, c'est du bon travail'.

Le 19 août 2009, [Z] [W] a demandé de mettre fin le 24 août au congé sans solde ; il a expliqué que sa visite au LAOS devait être décalée fin octobre ; le 20 août 2009, le responsable de l'entreprise a répondu qu'il acceptait le décalage du voyage mais n'entendait pas modifier le contrat de travail ; il invitait le salarié à se reposer.

Il résulte de courriers échangés entre l'employeur et le salarié le 27 août 2009, le 31 août 2009 et le 4 septembre 2009 que [Z] [W] a travaillé sur des documents qui ont donné satisfaction à l'employeur.

Le 9 septembre 2009, le dirigeant de la S.A.S. AQUASUR a proposé à [Z] [W] un congé sans solde du 10 septembre au 30 novembre 2009 ; par courrier du 11 septembre 2009, [Z] [W] a refusé d'être en position de congé sans solde du 10 septembre au 30 novembre 2009.

Le 14 septembre 2009, le président de la S.A.S. AQUASURE a demandé à [Z] [W] de lui rendre compte de manière détaillée de l'activité pendant sa première semaine de travail ; [Z] [W] a répondu le même jour.

Au 31 décembre 2009, le bilan de la S.A.S. AQUASURE a été clôturé avec un déficit de 350.234 euros.

Par courrier électronique du 15 septembre 2009, émanant de la directrice des ressources humaines de EUROTAB GROUP et du président de la S.A.S. AQUASURE, [Z] [W] a été informé de la rupture de la période d'essai ; par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 17 septembre 2009 postée le 21 septembre 2009, la directrice des ressources humaines de EUROTAB GROUP a notifié à [Z] [W] la rupture de la période d'essai à la date du 21 septembre 2009 au motif que l'essai n'avait pas donné satisfaction.

Le courrier électronique du 15 septembre 2009 montre que le président de la S.A.S. AQUASURE a rompu la période d'essai ; d'ailleurs, le certificat de travail du 21 septembre 2009 a été établi par le président de la S.A.S. AQUASURE.

Il résulte des énonciations qui précèdent que la période d'essai a commencé à courir alors que [Z] [W] travaillait déjà pour le compte de la S.A.S. AQUASURE, que le dirigeant de l'entreprise était satisfait du travail effectué par [Z] [W], que la rupture de la période d'essai a immédiatement suivi le refus opposé par [Z] [W] de prendre un congé sans solde du 10 septembre au 30 novembre 2009 et, enfin, que la S.A.S. AQUASURE connaissait des difficultés financières.

Il s'évince de ces éléments que l'employeur a mis fin à la période d'essai pour un motif non inhérent à la personne du salarié.

En conséquence, la rupture de la période d'essai doit être déclarée abusive et le jugement entrepris doit être infirmé.

L'article L. 1243-4 du code du travail oblige l'employeur qui rompt de manière anticipée le contrat de travail à durée déterminée, en dehors des cas de faute grave ou de force majeure, à verser au salarié des dommages et intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat sans préjudice de l'indemnité de fin de contrat ; aux termes de l'article L. 1242-11 du code du travail, ni l'article L. 1243-4 du code du travail en ses dispositions relatives à la rupture anticipée du contrat ni l'article L. 1243-8 du code du travail en ses dispositions relatives à l'indemnité de fin de contrat s'appliquent pendant la période d'essai ; la première exclusion autorise la rupture de la période d'essai d'un contrat à durée déterminée hors les cas de faute grave ou de force majeure mais cette exclusion ne s'étend pas au mode de calcul des dommages et intérêts revenant au salarié ; la seconde exclusion prive le salarié dont le contrat à durée déterminée été rompu pendant la période d'essai de l'indemnité de fin de contrat.

Ainsi, [Z] [W] a droit à des dommages et intérêts d'un montant au moins égal aux salaires qu'il aurait touché jusqu'au terme du contrat mais n'a pas droit à l'indemnité de fin de contrat.

Le contrat de travail fixait la rémunération mensuelle brute à 3.185 euros pendant les six premiers mois et à 3.670 euros à compter du 1er janvier 2010 ; [Z] [W] peut donc prétendre à des dommages et intérêts qui ne sont pas inférieurs à la somme de 32.626,15 euros.

[Z] [W] a retrouvé du travail le 17 mai 2010.

Au vu des éléments de la cause, les dommages et intérêts doivent être chiffrés à la somme de 33.000 euros.

En conséquence, la S.A.S. AQUASURE doit être condamnée à verser à [Z] [W] la somme de 33.000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive de la période d'essai et [Z] [W] doit être débouté de sa demande d'indemnité de fin de contrat.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

L'équité commande de débouter la S.A.S. AQUASURE de ses demandes présentées en première instance et en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la S.A.S. AQUASURE à verser à [Z] [W] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La S.A.S. AQUASURE qui succombe doit supporter les dépens de première instance et d'appel.

Le jugement entrepris doit être infirmé.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté [Z] [W] de sa demande de rappel de salaire,

Infirmant pour le surplus et statuant à nouveau,

Condamne la S.A.S. AQUASURE à verser à [Z] [W] la somme de 12.740 euros au titre de la contrepartie financière de la clause de non concurrence, outre 1.274 euros de congés payés afférents,

Juge abusive la rupture de la période d'essai,

Condamne la S.A.S. AQUASURE à verser à [Z] [W] la somme de 33.000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive de la période d'essai,

Déboute [Z] [W] de sa demande d'indemnité de fin de contrat,

Déboute la S.A.S. AQUASURE de sa demande présentée en première instance au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la S.A.S. AQUASURE aux dépens de première instance,

Ajoutant,

Condamne la S.A.S. AQUASURE à verser à [Z] [W] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la S.A.S. AQUASURE de sa demande présentée en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la S.A.S. AQUASURE aux dépens d'appel.

Le Greffier, Le Président,

Evelyne FERRIER Nicole BURKEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 11/01687
Date de la décision : 26/08/2011

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°11/01687 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-08-26;11.01687 ?
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