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27/03/2012 | FRANCE | N°11/00249

France | France, Cour d'appel de Lyon, 8ème chambre, 27 mars 2012, 11/00249


R.G : 11/00249

COUR D'APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRET DU 27 Mars 2012

Décision du Tribunal de Grande Instance de LYONRéférédu 20 décembre 2010

RG : 2010.2902ch no

SARL ALO

C/
SAS BELLAMY
APPELANTE :
SARL ALO représentée par ses dirigeants légaux28 rue de Saint Cyr69009 LYON 09

repésentée par la SCP LAFFLY - WICKY, avocats au barreau de LYON
assistée de la SELARL QUADRATUR, avocats au barreau de LYON, représentée par Me MORALES, avocat

INTIMÉE :

SAS BELLAMYreprésentée par ses dirigeants légauxLa Pointe

49600 LA CHAPELLE DU GENET

représentée par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON
assistée de Me DECRESSAT, avocat au barreau...

R.G : 11/00249

COUR D'APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRET DU 27 Mars 2012

Décision du Tribunal de Grande Instance de LYONRéférédu 20 décembre 2010

RG : 2010.2902ch no

SARL ALO

C/
SAS BELLAMY
APPELANTE :
SARL ALO représentée par ses dirigeants légaux28 rue de Saint Cyr69009 LYON 09

repésentée par la SCP LAFFLY - WICKY, avocats au barreau de LYON
assistée de la SELARL QUADRATUR, avocats au barreau de LYON, représentée par Me MORALES, avocat

INTIMÉE :

SAS BELLAMYreprésentée par ses dirigeants légauxLa Pointe49600 LA CHAPELLE DU GENET

représentée par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON
assistée de Me DECRESSAT, avocat au barreau de POITIERS
* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 07 Novembre 2011

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 08 Février 2012
Date de mise à disposition : 27 Mars 2012
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :- Pascal VENCENT, président- Dominique DEFRASNE, conseiller- Catherine ZAGALA, conseiller

assistés pendant les débats de Nicole MONTAGNE, greffier.
A l'audience, Pascal VENCENT a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Pascal VENCENT, président, et par Nicole MONTAGNE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
La société ALO, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Lyon le 28 février 2008, a pour activité la production et la commercialisation de produits liés au secteur de la chaussure et de la maroquinerie. Elle commercialise ainsi sous la marque " Valentine la coquine " des collections de chaussures, bottes et sandales, à destinations des femmes et des enfants.
De son côté, la SAS BELLAMY, ayant son siège dans le département du Maine et Loire, immatriculée au registre du commerce et des sociétés d'Angers depuis le 20 août 2000, a pour activité la fabrication et la commercialisation de chaussures, plus particulièrement destinées aux enfants. Elle procédait ainsi à la commercialisation d'une layette pour le pied des bébés, sous la marque " Les Valentines de Bellamy " après avoir procédé à un dépôt de marque auprès de l'INPI le 18 mars 2010.
La société ALO se disant victime de contrefaçon de marque, obtenait une ordonnance du président du tribunal de grande instance de Lyon, le 27 septembre 2010, l'autorisant à faire procéder par tout huissier de justice territorialement compétent à la constatation des actes allégués de contrefaçon ainsi qu'à leur saisie.
Dans le même trait de temps et suivant exploit en date du 28 octobre 2010, la SARL ALO faisait citer la société BELLAMY à comparaître en référé par devant le président du tribunal de grande instance de Lyon, aux fins qu'il lui soit ordonné de cesser tout acte de contrefaçon, de cesser de reproduire ou d'imiter la marque " Valentine la coquine " sous quelque forme que ce soit, et ce sous astreinte de 2.000 euros par infraction constatée.
Il était encore sollicité la condamnation de la SAS BELLAMY au paiement d'une indemnité provisionnelle d'un montant de 50.000 euros à valoir sur la réparation du préjudice prétendu.
Par ordonnance de référé en date du 20 décembre 2010, le premier juge disait n'y avoir lieu à référé, rejetait les demandes de la SARL ALO, mais également celles formulées à titre reconventionnel par la société BELLAMY, et condamnait la SARL ALO à payer à la société BELLAMY une somme de 800 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance en référé.
Ce magistrat considérait en substance que si les deux marques présentaient incontestablement une ressemblance du fait de l'utilisation du terme " Valentine " apposé au surplus dans les deux cas en première partie de dénomination, il n'était pas pour autant évident qu'il y ait atteinte aux droits de propriété intellectuelle de la société ALO.
La société ALO a relevé appel de la décision et demande à la cour de dire qu'elle est parfaitement compétente, tant territorialement que matériellement, pour connaître du présent litige ; que contrairement à ce que prétend la société BELLAMY, le procès-verbal de saisie contrefaçon du 23 septembre 2010 ne peut nullement être frappé d'une quelconque nullité, que la contrefaçon arguée présente un caractère " vraisemblable ", seule condition nécessaire pour obtenir des mesures d'interdiction dans le cadre de la procédure de référé.
Sur les nullités soulevées il est affirmé, d'une part, que le nom et la qualité du signataire de l'ordonnance sur requête du 27 septembre 2010 sont parfaitement identifiables, que s'agissant de l'exception de nullité soulevée par la société BELLAMY tirée d'un manquement quant à l'indication des voies de recours offertes, celle-ci se heurte à une fin de non-recevoir, tirée du caractère tardif de ce moyen et de l'absence de démonstration d'un grief.

Sur le caractère " vraisemblable " de la contrefaçon, il est demandé à la cour de constater que le risque de confusion entre ces deux marques est d'autant plus flagrant que la société BELLAMY aurait sciemment extrait de la marque déposée " Les Valentines de Bellamy " la dénomination " Valentines ", présentant la plupart du temps sa collection sous ce seul vocable, lequel constituerait indéniablement le terme fort et distinctif des marques en cause.

Il conviendrait dans ces conditions de dire et juger qu'en application de l'article L.716-6 du code de la propriété intellectuelle, la société ALO est bien fondée à faire sanctionner l'usage de la marque " les Valentines de Bellamy " laquelle constituerait incontestablement, ou à tout le moins en toute vraisemblance, une contrefaçon par imitation de la marque " Valentine la coquine ".
Il est donc demandé à la cour de condamner la société BELLAMY à cesser tout acte de contrefaçon à l'encontre de la société ALO, à lui payer la somme de 50.000 euros, à titre de provision sur le préjudice subi du fait des agissements illicites de cette société outre une indemnité de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

A l'opposé, la SAS BELLAMY demande à la cour de voir à titre principal, déclarer nulle et de nul effet l'ordonnance ayant autorisé la saisie contrefaçon, à titre subsidiaire, de déclarer également nulle et de nul effet la signification de ladite ordonnance, plus subsidiairement encore de confirmer la décision du juge des référés en ce qu'elle a débouté la SARL ALO de l'ensemble de ses demandes. Voir enfin condamner la SARL ALO au paiement d'une indemnité de 7.500 euros du chef de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

Il est ainsi répliqué qu'il convient de s'interroger sur la validité de l'ordonnance prononcée le 27 septembre 2010 dans la mesure où il existerait une contradiction dans le nom et le titre des auteurs de cette ordonnance qui émanerait en en-tête du président du tribunal de Lyon et en signature de " Marie-Noëlle Y..., vice-présidente ".
De même, la signification de la décision serait également nulle dans la mesure où l'huissier instrumentaire indiquait qu'un appel était possible alors que seule la voie de la rétractation était ouverte à la société BELLAMY par saisine du juge auteur de cette ordonnance et ce par application des dispositions des articles 496 et 497 du code de procédure civile.
A titre subsidiaire, sur le caractère prétendument vraisemblable des actes de contrefaçon, il est affirmé que la jurisprudence communautaire, considère que le risque de confusion entre les signes doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce, et que cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, conceptuelle et sémantique des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par celles-ci, en tenant compte de tous leurs éléments pertinents et distinctifs.
Or, en l'espèce, les deux signes concernés apparaîtraient bien distincts, la simple reprise du prénom " Valentine ", prénom tout à la fois ancien et courant en France, ne saurait à elle seule suffire à engendrer une confusion, dans la mesure où pour chacune des marques en cause, ce prénom est intégré dans une expression qui forme un tout indivisible, ayant un sens particulier et au sein de laquelle il perd son caractère distinctif.
Il conviendrait encore de tenir compte de l'existence de différences visuelles et phonétiques de nature à écarter tout risque de confusion.
La vraisemblance de l'atteinte portée à la marque de la société ALO ne serait donc pas établie alors même que les produits commercialisés sous ces deux marques seraient profondément différents, la société ALO commercialisant des chaussures style spartiates ou des bottines alors que la société BELLAMY produirait et commercialiserait sous la marque " Les Valentines de Bellamy " des chaussons destinés aux très jeunes enfants, de 0 à 24 mois, consistant selon cette partie plus en une layette pour le pied de bébé qu'en une chaussure ou encore un chausson à proprement parler.
En tout état de cause concernant la demande de condamnation provisionnelle, il appartiendrait à la SARL ALO de démontrer l'existence d'un préjudice qui ne serait pas sérieusement contestable
Or, selon la société ALO, son préjudice serait notamment constitué par le manque à gagner consécutif à des ventes qu'elle n'aurait pu réaliser, en raison de la présence sur le marché de la marque exploitée par la société BELLAMY.
Mais encore une fois, selon cette partie, les produits vendus ne seraient pas comparables et elle prétend qu'elle ne voit pas dès lors en quoi elle aurait pu léser son adversaire en commercialisant ses propres produits.

SUR QUOI LA COUR

La cour reprend à son compte la motivation du premier juge sur la claire identification de l'ordonnance de saisie contrefaçon qui par l'apposition d'un timbre humide renfermant le nom du magistrat signataire identifie avec certitude l'auteur de l'ordonnance alors que la référence en entête de celle-ci au " président du tribunal ", sans identification du nom du magistrat titulaire, est à l'évidence une simple allusion à la fonction présidentielle laquelle peut parfaitement être déléguée par celui qui la détient en certaines matières notamment pour ce qui touche aux saisies contrefaçons, ce qui est bien le cas de l'espèce.
Sur le caractère irrecevable et non fondé de la nullité soulevée à l'encontre de l'acte de signification de l'ordonnance sur requête du 27 septembre 2010, la cour reprend à son compte la judicieuse motivation de la société ALO touchant au fait que le moyen tiré de la prétendue nullité de l'ordonnance sur requête du 27 septembre 2010 et des actes subséquents pour manquement quant à l'indication des voies de recours offertes, n'a été soulevée par la société BELLAMY pour la première fois qu'en cause d'appel.
Ce moyen n'avait nullement été développé par la société BELLAMY en première instance, les écritures prises par cette société devant le juge des référés n'en faisant aucunement état.
Or, il appartenait à la société BELLAMY de soulever cette éventuelle nullité avant toute défense au fond, en application des articles 74 et 112 du code de procédure civile.
De plus, constitue incontestablement un vice de forme l'absence d'indication, dans l'acte de signification d'une décision, des modalités d'exercice du recours et présentement, en infraction avec l'article 114 du code de procédure civile, la société BELLAMY ne démontre aucun grief à l'appui de sa demande de nullité.
Reste à statuer sur le bien fondé de la demande et le caractère vraisemblable de la contrefaçon tenant au risque de confusion dans l'esprit du public par imitation de la marque pour les produits identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement.
Il échet immédiatement de noter que les marques " Valentine la coquine " et " Les Valentines de Bellamy " sont grammaticalement très différentes, seul le mot " Valentine " placé en tête du groupe de mots les rapprochant.
La première marque utilise le vocable " Valentine " comme le prénom féminin bien connu sans aucune référence au produit vendu, ses concepteurs l'ayant simplement accolé à un présupposé de coquinerie des petites filles portant ce prénom, alors que la seconde le transforme radicalement en l'utilisant au pluriel comme un nom commun, faisant implicitement référence aux produits vendus sous cette marque, les valentines désignant alors de la layette, cela à la manière de jeunes enfants qui ont tendance à appeler les objets de leur intimité par un prénom comme " doudou " ou " Mickey ".
Au pan visuel et phonétique, la première marque se plaît à faire rimer le prénom Valentine avec l'adjectif coquine et donc à le valoriser poétiquement alors que la seconde le banalise et le transforme par son utilisation au pluriel et comme nom commun en objet du quotidien.

Au reste, le prénom " Valentine " très répandu en France, a été le support de nombreuses marques commerciales en toutes matières, la plus célèbre peut être étant celle d'une fabrique de peintures qui a apposé son nom sur des milliers de murs au bord des routes pendant des décennies.

L'impression d'ensemble que donnent d'un coté les mots " Valentine la coquine " et de l'autre " Les Valentines de Bellamy " est donc différente, le vocable " Valentine ", qui ne peut pas être totalement assimilé au prénom féminin de référence, étant à la fois trop banal, trop utilisé par ailleurs, trop transformé grammaticalement dans le deuxième cas pour inciter le consommateur moyen a établir un rapprochement et donc une confusion entre les deux marques.
Enfin, les produits commercialisés par ces deux marques, s'ils peuvent être classés dans la catégorie des vêtements au sens large, sont malgré tout objectivement différents pour prendre la forme de chaussures pour jeunes filles et fillettes pour la première marque et de chaussons pour bébés pour la seconde.
Selon toute vraisemblance, le consommateur à la recherche de chaussures féminines ne serait pas tenté d'acheter aux lieu et place des chaussons pour bébé, et inversement, même si ces produits étaient vendus dans le même point de vente, voire à proximité dans les rayons.
De toute manière la prétendue proximité visuelle et phonétique, ci-dessus contestée, ne pourrait dans ce cas précis jouer aucun rôle, tant la démarche d'acheter de la layette pour un nourrisson et celle d'habiller à la mode les pieds, même d'une toute jeune fille, correspond généralement à des préoccupations différentes qui sont essentiellement de l'ordre du pratique pour l'un et du ludique pour l'autre.
Il échet donc à la suite du premier juge de dire et juger au provisoire que le caractère vraisemblable des faits de contrefaçons n'est pas établi au stade des référés.
L'ordonnance déférée doit être confirmée en toutes ses dispositions sauf à y ajouter une somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l' article 700 du code de procédure civile outre condamnation aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Dit n'y avoir lieu à déclarer nulle et de nul effet la signification de l'ordonnance ayant autorisé la saisie contrefaçon.
Pour le surplus,
Confirme la décision déférée en tous ses effets.
Condamne complémentairement la SARL ALO au paiement d'une indemnité de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, par ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 11/00249
Date de la décision : 27/03/2012
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2012-03-27;11.00249 ?
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