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05/04/2013 | FRANCE | N°12/03275

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 05 avril 2013, 12/03275


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : 12/03275





SA AGRI SUD EST



C/

[Q]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Saint Etienne

du 12 Avril 2012

RG : F 10/00882











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 05 AVRIL 2013







APPELANTE :



SA AGRI SUD EST

[Adresse 2]

[Localité 1]



reprÃ

©sentée par Me Anne-Sophie LARDON-BOYER de la SELARL CAPSTAN AVOCATS, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE







INTIMÉ :



[J] [Q]

né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]



représenté par la SCP CROCHET-DIMIER (Me Hélène CROCHET), ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 12/03275

SA AGRI SUD EST

C/

[Q]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Saint Etienne

du 12 Avril 2012

RG : F 10/00882

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 05 AVRIL 2013

APPELANTE :

SA AGRI SUD EST

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Anne-Sophie LARDON-BOYER de la SELARL CAPSTAN AVOCATS, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMÉ :

[J] [Q]

né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par la SCP CROCHET-DIMIER (Me Hélène CROCHET), avocats au barreau de SAINT-ETIENNE

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 21 Février 2013

Présidée par Nicole BURKEL, Président de chambre magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Chantal RIVOIRE, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Nicole BURKEL, Président de chambre

Marie-Claude REVOL, Conseiller

Michèle JAILLET, Conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 05 Avril 2013 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nicole BURKEL, Président de chambre, et par Christine SENTIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Attendu que le conseil de prud'hommes de Saint-Étienne section commerce, par jugement contradictoire du 12 avril 2012, a :

- condamné la société Agri Sud est à verser à monsieur [Q] la somme de 25200 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- débouté monsieur [Q] de ses autres demandes (non respect de la procédure de licenciement, harcèlement moral)

- débouté la société Agri Sud-Est de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile

- ordonné le remboursement par la société Agri Sud-Est aux organismes intéressés des indemnités de chômage payées à monsieur [J] [Q] dans la limite de six mois

- condamné la société Agri Sud-Est aux entiers dépens de l'instance;

Attendu que la cour est régulièrement saisie par un appel formé par la Sa Agri Sud Est ;

Attendu que monsieur [Q] a été engagé par la Sa Agri Sud Est suivant contrat à durée indéterminée du 19 mars 1998 à effet au 1er avril 1998, en qualité de vendeur conseil coefficient 200 ;

Que son contrat prévoyait une clause de non-concurrence sur les départements 42, 43, 69, 71, 15, 48,63 et une clause de mobilité sur ces mêmes points de vente et les établissements ou filiales;

Attendu que monsieur [Q] a été nommé à compter du 1er juillet 1999 responsable Grand Public coefficient 220;

Qu'à compter du 1er juin 2000, il a été agent de maîtrise coefficient 245 ;

Que par avenant du 5 décembre 2003, il a été nommé Responsable de Magasin numéro 2 sur le magasin d'[Localité 6];

Que par avenant du 1er juillet 2007, il a été nommé Responsable Grand Public 2 coefficient 325 statut agent de maîtrise, sur le site d'[Localité 6];

Attendu que l'employeur a informé monsieur [Q] de sa nomination à compter du 1er mars 2008 aux fonctions de responsable de magasin grand public 2 sur le site de [Localité 3];

Que son revenu moyen mensuel s'est élevé à 2200 euros ;

Attendu que monsieur [Q] a été en arrêt de travail du 17 mars 2010 au 4 juillet 2010 pour syndrome anxieux dépressif;

Qu'il a été placé en RTT à compter du 5 juillet 2010 par décision de son employeur;

Attendu que monsieur [Q] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 13 juillet 2010 par lettre du 5 juillet 2010 ;

Qu'il a été licencié par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 juillet 2010 pour « insuffisance professionnelle caractérisée au niveau de vos missions commerciales et managériales qui font partie intégrante de votre fonction de responsable de magasin » ;

Attendu que le magistrat d'audience a invité à l'appelante de produire sous 8 jours l'avis de reprise au 5 juillet 2010 ;

Que par note du 16 novembre 2010, la société Agri Sud Est a informé la cour de l'absence de visite de reprise et précisé que « monsieur [Q] ne s'est pas trouvé dans une situation de reprise effective de travail à l'issue de son arrêt maladie. Son dernier arrêt de travail se terminait le dimanche 4 juillet 2010. Monsieur [Q] s'est présenté au magasin le lundi 5 juillet 2010, sans prévenir son responsable de son retour. La direction s'est rendue au magasin pour informer [J] [Q] qu'il serait en RTT à compter de ce jour et dispensé d'activité dans la perspective d'une convocation à un entretien préalable de licenciement. De surcroit, l'entreprise ne pouvait pas anticiper une visite de reprise auprès des services de santé au travail compte tenu que monsieur [Q] n'avait pas communiqué sur son retour » ;

Que monsieur [Q] n'a adressé à la cour aucune note en cours de délibéré ;

Attendu que la Sa Agri Sud Est emploie plus de 11 salariés (environ 150 salariés) et est dotée d'institutions représentatives du personnel;

Que la convention collective applicable est celle du négoce et l'industrie des produits du sol, engrais et produits connexes ;

Attendu que la cour, par arrêt avant dire droit du 11 janvier 2013, a :

- ordonné la réouverture des débats et invite les parties à conclure sur les conséquences susceptibles d'être tirées concernant la mesure de licenciement pour insuffisance professionnelle dont monsieur [Q] a fait l'objet, en cours de suspension de son contrat de travail

- renvoyé les parties et la cause à l'audience du 21 février 2013

- dit que la notification du présent arrêt vaut convocation des parties

- réservé les prétentions et les dépens;

Attendu que la Sa Agri Sud Est demande à la cour par conclusions écrites, déposées le 7 février 2013, visées par le greffier le 21 février 2013 et soutenues oralement, au visa de l'article L. 1152-1 du code du travail de :

- infirmer le jugement entrepris

- constater que les insuffisances professionnelles de monsieur [Q] sont avérées

- dire que son licenciement pour insuffisance professionnelle repose sur une cause réelle et sérieuse

- confirmer le jugement

- constater qu'aucune irrégularité n'affecte la procédure de licenciement

- débouter monsieur [Q] de sa demande de dommages et intérêts de ce chef

- constater que monsieur [Q] ne rapporte pas la preuve d'agissements constitutifs de harcèlement moral

- débouter monsieur [Q] de sa demande de dommages et intérêts de ce chef

- accueillir en sa demande reconventionnelle et condamner monsieur [Q] à lui verser la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile;

Attendu que monsieur [Q] demande à la cour par conclusions écrites, déposées le 15 février 2013, visées par le greffier le 21 février 2013, soutenues oralement, de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur à lui payer 25200 eurosà titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- condamner en outre la société Agri Sud Est à lui verser 1500 euros à titre de dommages et intérêts résultant du préjudice spécifique lié à l'absence de visite de reprise

- condamner la société Agri Sud-Est à lui verser la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile concernant ses frais de représentation tant en première instance qu'en cause d'appel;

Attendu que pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie en application de l'article 455 du code de procédure civile aux conclusions déposées et soutenues oralement;

MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu que les parties s'accordent pour admettre que monsieur [Q] a été licencié alors que son contrat de travail était suspendu sans qu'aucune visite médicale de reprise n'ait été mise en place mais n'en tirent aucune conséquence ;

Sur la rupture des relations contractuelles

Attendu que monsieur [Q] a été licencié, pour insuffisance professionnelle, par lettre du 19 juillet 2010 rédigée en ces termes :

« Vous occupez la fonction de Responsable du magasin Agri Sud Est Centre de [Localité 3].

Or, vous .témoignez d'insuffisance professionnelle caractérisée dans l'exercice des responsabilités commerciales et managériales qui vous sont dévolues.

Au titre de vos missions commerciales vous avez pour fonction d'assurer un accueil, un service et un conseil client de qualité. '

Or, nous tenons à vous faire part de l'insatisfaction récurrente de clients agricoles et grand public quant à la qualité de votre accueil et de votre service.

En votre qualité de responsable de magasin, il demeure inacceptable que vous ne satisfaisiez pas à votre rôle commercial en négligeant l'accueil et le service des clients.

Nous ne pouvons tolérer de tels manquements compte tenu de leur impact négatif sur l'image du magasin auprès de la clientèle et par conséquent sur l'activité de l'entreprise.

En outre vous avez pour fonction d'assurer le management du personnel du magasin, en traitant de problématiques d'organisation, d'encadrement et d'animation d'équipe.

Or, .vous faites preuve d'insuffisance dans l'organisation et la répartition du travail au sein de votre équipe, notamment en refusant d'instaurer toute délégation auprès de vos salariés,

Dans un même esprit, vous ne communiquez pas avec vos salariés et prenez systématiquement vos décisions unilatéralement sans concertation préalable.

A titre d'exemple, vous avez retourné votre planning des congés d'été 2009 et d'hiver 2010 sans avoir préalablement consulté vos salariés.

Votre comportement demeure inacceptable compte tenu de son impact sur la démotivation de l'équipe.

Votre attitude que nous pouvons qualifier d'autoritariste et d'irrespectueuse nuit aux relations professionnelles au sein du magasin et entraîne un désaveu unanime de votre équipe à votre encontre.

En synthèse, nous concluons à votre insuffisance professionnelle caractérisée au niveau de vos missions commerciales et managériales qui font partie intégrante de votre fonction de Responsable de Magasin.

Qui plus est, votre insuffisance professionnelle s'avère fortement préjudiciable aux intérêts de l'entreprise compte tenu de son impact sur l'image de votre magasin et les conséquences économiques associées pour l'entreprise.

Nous tenons également à vous rappeler que votre responsable hiérarchique vous a interpellé à plusieurs reprises sur vos lacunes commerciales et managériales en vous enjoignant de progresser sous peine que nous ne soyons contraints de prendre d'autres mesures à votre encontre.

Ses remontrances vous ont été exprimées oralement de façon régulière et ont été formellement actées dans votre entretien annuel 2009 qui conclut à l'insuffisance de vos résultats professionnels.

Dès lors, compte tenu de votre absence de réaction par rapport à ces mises au point préalables, nous n'avons d'autre alternative que de conclure à votre incapacité à remplir la mission qui vous a été dévolue. » ;

Attendu que l'employeur n'a aucunement entendu se placer sur un terrain disciplinaire excluant dès lors que les dispositions relatives à la prescription des faits fautifs puissent recevoir application ;

Attendu que l'employeur verse régulièrement aux débats :

- une attestation dactylographiée de monsieur [D], collègue de travail ayant remplacé monsieur [Q] en tant que responsable de magasin à [Localité 3], qui date le changement de comportement de monsieur [Q] à son accession au poste de responsable de magasin et précise :

« Le lundi, je travaillais souvent avec lui, il s'enferme dans le bureau toute la journée me laissant servir les clients seul même quand j'avais besoin de lui il m'envoyait sur les roses. Son contact avec les clients devenait de plus en plus problématique il m'appelait sur mon portable pour savoir si je serai présent au magasin pour les servir. J'ai eu pas mal de souci avec lui à un moment je pensais quitter l'entreprise car l'ambiance devenait trop lourde à supporter. ..Il n'a pas été facile de reconquérir la clientèle. Je peux vous assurer qu'il a fallu du temps pour que l'esprit redevienne comme dans le agréable (sic) » 

- une attestation dactylographiée de monsieur [W], qui a travaillé sous les ordres de monsieur [Q], qui dénonce une dégradation des conditions de travail à l'arrivée de ce dernier comme responsable de magasin, un dénigrement dont il a été victime, une dévalorisation du personnel, des « critiques acerbes profusément distribuées en présence de la clientèle et de (ses) collègues de travail », des contacts difficiles avec les professionnels agricoles « tant l'attitude de monsieur [Q] était arrogante et hautaine envers eux », l'absence de directive de travail lui ayant valu un avertissement

- une attestation de madame [R], collègue de travail, qui se plaint de n'avoir pas été associée à l'organisation des plannings de congés payés de 2009, à la réorganisation de son travail à son retour de congé maternité et à son affectation en caisse, qui dénonce la dégradation de la fréquentation du magasin et les plaintes de clients sur le comportement désagréable de monsieur [Q] qui ne disait pas bonjour, ne donnait aucun renseignement ou « sinon avec l'impression de le déranger même parfois avec des remarques déplacées »

- deux attestations de monsieur [P], qui a travaillé 14 mois avec monsieur [Q] sans avoir rencontré des problème personnels avec lui, mais soulignant que du fait de ses méthodes de travail des difficultés d'organisation, concernant l'organisation du temps de travail ou la gestion des congés payés , dénonçant l'accueil manquant de politesse de la clientèle et précisant que ce dernier n'a jamais repris son travail le 5 juillet 2010

- une attestation de monsieur [B], commercial, qui déclare « avoir eu des remontées négatives concernant [J] [Q] et ses relations commerciales avec les clients » et avoir compris « qu'il existait des tensions relationnelles » entre monsieur [Q], monsieur [P] et madame [R]

- une attestation de monsieur [Y] rédigée en ces termes « J'ai rédigé une attestation pour [J] [Q] puis j'ai souhaité me rétracter je l'avais écrit car il m'avait sollicité avec insistance et était venu à mon domicile. J'ai eu avec [J] [Q] des problèmes relationnels comme avec l'équipe du magasin [J] avait aussi des problèmes avec les clients qui reviennent maintenant au magasin »

- une attestation de monsieur [L], qui indique être présent 20% de son temps au magasin de [Localité 3], avoir remarqué « le manque d'envie de monsieur [Q] et la démotivation qu'il engendrait sur ses collègues de travail », reçu les plaintes de clients agricoles qui ne veulent plus aller au magasin

- une attestation de monsieur [S] [O] qui se présente comme prospectant chez les agriculteurs, lesquels l'ont informé « du mauvais accueil de monsieur [Q] », indique que cette attitude a pénalisé ses ventes

- la lettre adressée le 6 avril 2010 à l'inspecteur du travail par monsieur [Q] qui dénonce l'entretien traumatisant du 12 mars 2010 au cours duquel il lui a été proposé une rupture conventionnelle alors qu'il se décrit lui-même comme déprimé, « profondément marqué » par le décès de son père en 2007

- la lettre de réponse de l'employeur datée du 12 avril 2010 faisant part de son incompréhension, et renonçant à toute discussion en vue de la conclusion d'une rupture conventionnelle compte tenu de « l'inconstance de votre proposition et de vos propos »

- une fiche intitulée « prime individuelle 2007-2008 » sur laquelle il est mentionné que monsieur [Q] a atteint les objectifs en matière de respect des procédures et conditions commerciales, des référencements et des plans de vente, en matière de qualité de l'activité grand public avec comme commentaire du responsable hiérarchique :

« A réussi avec succès la transition avec JM Bourg, s'est attaché à s'impliquer dans le dossier agricole auprès de [S] [S] ! Points à améliorer : doit communiquer plus avec son équipe au quotidien .Doit maintenir les réunions. Soigner l'accueil des agriculteurs. »

- une fiche d'entretien annuel d'appréciation datée du 7 septembre 2009, où est ciblé l'accueil commercial non atteint, avec la mention « attention remontées directes d'informations clients agricoles ou non qui se plaignent d'un mauvais accueil du magasin », où les résultats sont jugés insuffisants au titre de l'appréciation globale sur la tenue du poste notamment en matière de management et d'animation de l'équipe avec comme points à améliorer : « communication défaillante avec le personnel du magasin' animation de l'équipe au sens être moteur, donner envie, de gros efforts sont à fournir'organisation du travail (ex congés) et dans la distribution du travail, les résultats actuels ne sont pas satisfaisants » et où monsieur [Q] demande à participer à un stage ou s'appuyer sur l'expérience d'autres collègues

- la fiche de convocation à une formation management les 1er et 2 décembre 2003, 14 et 15 janvier 2004

- le procès verbal de la délégation unique du personnel du 12 décembre 2008 où était notamment présente madame [R] en qualité de membre de cette délégation et ayant la qualité de trésorier adjoint sur lequel une synthèse des primes individuelles et collectives en vigueur est présentée par l'employeur

- une facture du 4 juin 2010 concernant la fourniture et pose de deux serrures et d'une double béquille

- une attestation de monsieur [S] [U] [H] qui souligne que la serrure du magasin a été changée en raison de l'usure et celle du portail suite à une tentative d'effraction et qu'à la date de juin 2011 le vestiaire de monsieur [Q] n'a pas été encore vidé

- une plainte pour vol déposée par monsieur [Q] le 5 janvier 2010 pour vol avec effraction à la gendarmerie de [Localité 5]

- un tableau récapitulatif du chiffre d'affaires du magasin [Localité 3] en Grand public qui passe de 2007 : 549225, à 2008 : 556774, à 2009 : 549127, à 2010 : 501933 et 2011 :513296 et en Total Agricole de 2007 : 1048303, à 2008 : 1141202, à 2009 : 1200836, à 2010 : 921089 et 2011 :1054551

- le règlement intérieur de Agri Sud Est Centre prohibant l'usage de l'alcool et de la drogue

- la fiche de fonction de responsable de magasin vocation grand public sur laquelle sont répertoriées des missions commerciales, de gestion et de management du personnel du magasin

- un organigramme comportant une direction générale, une direction exploitation des magasins, un responsable de magasin [Localité 3]- monsieur [Q] - ayant 3 salariés sous ses ordres madame [R] et messieurs [B] et [P]

- une fiche de formations suivies par monsieur [Q] et notamment celles suivies en management d'équipe les 1er, 2 décembre 2003, 14, 15 janvier 2004 et management opérationnel 2ème niveau les 11 et 12 janvier 2007 ;

Attendu que préliminairement, le fait que monsieur [Q] ait fait l'objet de promotions ou n'ait pas de passé disciplinaire ne saurait conduire à exclure de façon péremptoire que monsieur [Q] n'ait pas commis des faits d'insuffisance professionnelle, lesquels s'inscrivent hors de tout cadre disciplinaire, notamment lors de son accession à la fonction de responsable de magasin, impliquant l'exercice cumulé de fonctions commerciales, de management du personnel et de gestion, telles que définies dans la fiche de fonction produite par le salarié lui-même ;

Attendu que d'une part, monsieur [Q] a été nommé à compter de juillet 2007 responsable de magasin d'abord à [Localité 6] puis à compter du 1er mars 2008 à [Localité 3] et a été placé en arrêt maladie à compter du 17 mars 2010 ;

Qu'il reconnaît lui- même avoir travaillé pendant 6 mois avec l'ancien responsable du site de [Localité 3], avant que celui-ci ne prenne sa retraite ;

Que durant cette période, le chiffre d'affaires de ce magasin en matière de « total grand public » a baissé et celui « total agricole » a augmenté ;

Que le chiffre d'appel total du magasin [Localité 3] a augmenté de 3,6 % entre 2008 /2009 et baissé de 18,68 % entre 2009/2010 ;

Que les extraits de compte fournis par monsieur [Q] couvrant les exercices 2007/2008 et tableau dit « évolution des quantités vendues sur les 5 derniers exercices » de 2004/2005 à 2008/2009 ne sont nullement en contradiction avec ceux produits par l'employeur ;

Attendu que parallèlement, si tous les salariés ont perçu en 2008, année de sa création, la même prime annuelle qualitative de 40%, monsieur [Q], dès l'année suivante à partir de laquelle des critères en lien avec la performance professionnelle de chaque salarié ont été retenus, a perçu 20% sur l'exercice 2008/2009 et n'a rien perçu en 2009/2010 ;

Attendu que d'autre part, monsieur [Q], qui avait suivi deux sessions de formation en matière de management en 2004 et 2007 et a fait l'objet d'une transmission de pouvoirs par son prédécesseur, lui permettant d'avoir une connaissance suffisante pour exercer sa fonction, a fait l'objet de deux évaluations sur lesquels ont été ciblées des insuffisances en matière de gestion managériale, mission correspondant à celle devant être exercée par un responsable de magasin, et en matière de difficultés relationnelles personnelles avec les clients du magasin ;

Que les différentes et multiples attestations circonstanciées, précédemment analysées, lesquelles présentent des garanties suffisantes malgré leur rédaction sous forme dactylographiées pour deux d'entre elles, toutes les autres règles édictées par l'article 202 du code de procédure civile ayant été respectées, corroborent les difficultés relationnelles, rencontrées par monsieur [Q], de communication tant avec ses collaborateurs directs qu'avec les clients ;

Qu'elles ne peuvent être écartées des débats comme le demande monsieur [Q] pour vice de forme ou en l'état d'un ressentiment à son égard non démontré;

Que le fait pour monsieur [Q] de verser le planning de congés établi en 2009 ne permet nullement de retenir qu'il a été établi en parfaite concertation avec ses collaborateurs directs ;

Qu'il en est de même de feuillets dactylographiés sans date concernant les « feuilles de retour » de madame [R], monsieur [S] [O], monsieur [E] [P] sans date ni signature permettant de démontrer qu'elles aient été présentées, développées et remises aux salariés concernés en cours d'exécution de la relation contractuelle de travail ;

Que si monsieur [Q] fournit comme explication que son prédécesseur avait pour habitude d'offrir des boissons alcoolisées aux agriculteurs, aucun élément ne vient le caractériser, pratique au demeurant interdite selon les termes du règlement intérieur en vigueur;

Que si monsieur [Q] verse aux débats des attestations de 5 clients, messieurs [Q] [I], [A], [T], [V] et madame [M], se louant de la qualité de l'accueil qui leur a été réservé, l'employeur précise sans être démenti qu'il s'agit de « petits clients ponctuels », témoignages nullement révélateurs d'une totale maîtrise de l'accueil de 22000 clients étant comptabilisés dont 3000 réguliers ;

Que monsieur [Q] verse des attestations de monsieur [B] affirmant n'avoir jamais eu de difficultés personnelles avec celui-ci et de madame [X] [F], louant l'engagement total de celui-ci à son employeur ;

Qu'outre le témoignage de monsieur [B] n'est pas en contradiction avec celui remis par ce même salarié à l'employeur, les deux témoignages émanent de commerciaux peu présents, du fait même de leur fonction sur site ;

Attendu enfin, que si monsieur [Q] ne formule plus de demande en termes de harcèlement moral, il entend souligner avoir été placé en arrêt maladie après la proposition d'une rupture conventionnelle, avoir été confronté à sa reprise du travail à un refus de l'employeur de le recevoir, à une absence d'information sur le changement de serrures de portes, à l'attribution de son vestiaire à une autre personne et la suppression de son emplacement de courrier, il ne produit que les propres courriers qu'il a adressés à son employeur dénonçant les faits dont il s'estime victime ;

Que l'employeur produit des attestations démontrant le caractère erroné des affirmations de monsieur [Q] concernant le vestiaire non vidé encore en juin 2011, le changement de clés de l'entreprise intervenu pour des raisons extérieures à monsieur [Q];

Que le fait que des discussions pour rupture conventionnelle aient pu être initiées et rompues par l'employeur dès connaissance des contestations élevées par le salarié ne saurait démontrer le caractère infondé de la mesure de licenciement prononcée ;

Que le fait pour l'employeur face à un salarié de retour d'un congé maladie de plusieurs mois de ne l'avoir point autorisé à reprendre son activité professionnelle sans visite médicale préalable de reprise ne saurait être révélateur d'une volonté de rupture consommée;

Attendu que monsieur [Q], formé à la fonction de responsable de magasin, n'a pas rempli les missions, qui lui étaient imparties, managériales et commerciales ;

Que mis en garde, lors de deux entretiens d'évaluation successifs, la situation a perduré ;

Que le licenciement prononcé doit être jugé comme fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

Sur l'absence de visite médicale de reprise

Attendu que monsieur [Q] verse aux débats les 8 arrêts de travail successifs que son médecin traitant lui a prescrit à compter du 17 mars 2010 dont le dernier en date du 18 juin 2010 courant jusqu'au 4 juillet 2010 ;

Attendu que la société Agri Sud Est, au lieu de placer monsieur [Q] en RTT d'autorité le 5 juillet 2010, aurait dû organiser la visite de reprise à la date du 5 juillet 2010, date de reprise du travail effective ;

Attendu que monsieur [Q] a nécessairement subi un préjudice pouvant être légitimement indemnisé par l'allocation de 500 euros à titre de dommages et intérêts ;

Attendu que le jugement entrepris doit être infirmé en toutes ses dispositions ;

Attendu que les dépens d'instance doivent être laissés à la charge de monsieur [Q] qui a succombé en toutes ses demandes ;

Attendu que les dépens d'appel doivent être laissés à la charge de la société Agri Sud Est qui succombe partiellement ;

Attendu qu'aucune considération d'équité ne justifie l'application de l'article 700 du code de procédure civile ni en première instance ni en cause d'appel, au profit de l'une ou l'autre partie ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement par arrêt contradictoire

Reçoit l'appel

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a jugé le licenciement comme dépourvu de cause réelle et sérieuse, alloué à monsieur [Q] 25.200 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ordonné le remboursement par la société Agri Sud-Est aux organismes intéressés des indemnités de chômage payées à monsieur [J] [Q] dans la limite de six mois et condamné la société Agri Sud-Est aux entiers dépens de l'instance

Statuant à nouveau

Dit que le licenciement de monsieur [Q] est fondé sur une cause réelle et sérieuse

Déboute monsieur [Q] de sa demande à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Condamne monsieur [Q] aux dépens de première instance

Y ajoutant

Condamne la société Agri Sud Est à payer à monsieur [Q] 500 euros à titre de dommages et intérêts résultant du préjudice spécifique lié à l'absence de visite de reprise

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la société Agri Sud Est aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Christine SENTIS Nicole BURKEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 12/03275
Date de la décision : 05/04/2013

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°12/03275 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-04-05;12.03275 ?
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