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27/10/2015 | FRANCE | N°14/05646

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 27 octobre 2015, 14/05646


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 14/05646





[O]



C/

SAS VOLVO TRUCKS FRANCE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 26 Juin 2014

RG : F 12/04345











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2015













APPELANT :



[P] [O]

né le [Date naissance 1] 1973 à [Localit

é 12]

[Adresse 1]

[Adresse 2]



représenté par Me John CURIOZ, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE







INTIMÉE :



SAS VOLVO TRUCKS FRANCE,

MR [S], directeur commercial (pouvoir)

[Adresse 5]

[Adresse 3]

[Adresse 4]



comparante en personne, assistée de Me Nicolas...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 14/05646

[O]

C/

SAS VOLVO TRUCKS FRANCE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 26 Juin 2014

RG : F 12/04345

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2015

APPELANT :

[P] [O]

né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 12]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

représenté par Me John CURIOZ, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMÉE :

SAS VOLVO TRUCKS FRANCE,

MR [S], directeur commercial (pouvoir)

[Adresse 5]

[Adresse 3]

[Adresse 4]

comparante en personne, assistée de Me Nicolas MANCRET de la SCP HOCHE, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 19 Mai 2015

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Michel BUSSIERE, Président

Agnès THAUNAT, Conseiller

Vincent NICOLAS, Conseiller

Assistés pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 27 Octobre 2015, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Michel BUSSIERE, Président, et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

Attendu que M. [O] est entré au service de la SAS Volvo Trucks France le 5 mai 2003 selon contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de chargé d'affaires, avec statut de cadre, position I et indice 72 et qu'il était prévu une rémunération fixe annuelle brute de 21'960 € versée en douze mensualités de 2830 € auxquelles s'ajouteraient des primes variables d'objectifs, 'suivant plan opérationnel défini en commun avec son supérieur hiérarchique' ;

Attendu que selon avenant signé le 31 janvier 2006, il devenait, en application des nouvelles classifications de la convention collective applicable dans l'entreprise, conseiller des ventes avec une appellation d'emploi de conseiller commercial, lui conférant le statut de cadre, niveau I, degré A, et une rémunération mensuelle brute forfaitaire de 2300 €, les autres clauses du contrat de travail demeurant inchangées ;

Attendu que par avenant du 17 janvier 2011, il accédait au poste de conseiller commercial, niveau II, degré A, les autres dispositions du contrat de travail demeurant inchangées ; que la fonction de conseiller commercial est définie par une fiche descriptive ;

Attendu que chaque année le montant de la rémunération variable et les objectifs à atteindre étaient définis selon avenant dit de 'rémunération variable' dont le contrat de travail initial, toujours en vigueur, précisait que le plan opérationnel était défini en commun avec le supérieur hiérarchique ;

Attendu notamment que pour l'année 2004, l'avenant de rémunération variable prévoyait une commission fixe de 150 € à la commande, avec un 'dossier propre, complet et lisible', une commission de 50 € à la livraison et un pourcentage 5 % sur la différence 'entre PV châssis nu VN et PEP remisé' outre une somme de 500 € à titre de prime mensuelle sur commande 'si objectif atteint rattrapable au cumul' et enfin des commissions sur vente de contrats de maintenance ; que l'objectif de vente pour l'année 2004 était de 65 véhicules sur douze mois avec une répartition pour chacun des mois de l'année ;

Attendu que les avenants de rémunération variable pour les années 2005, 2006 et 2007, prévoyaient des objectifs respectifs de 70 - 75 et 70 véhicules ; que le mode de calcul de la rémunération variable était encore modifié par avenant du 5 mai 2003 mais avec un nombre de véhicules fixés à 70 ;

Attendu que pour l'année 2011, l'avenant du 2 février 2011 reprenait le mode de calcul de la part variable mais fixait un objectif de vente de 60 véhicules ;

Attendu que pour l'année 2012, il a été proposé un avenant concernant le calcul de la rémunération variable prévoyant un objectif de 70 véhicules, ce que M. [O] a refusé de signer ; que par lettre du 6 août 2012, l'employeur rappelait qu'au titre de l'année 2011, M. [O] avait passé 84 commandes, et demandait la signature de l'avenant au plus tard le 24 août 2012 afin de pouvoir appliquer le nouveau barème ;

Attendu qu'un avertissement disciplinaire a été notifié à M. [O] par lettre du 21 mai 2012 remise par La Poste le 7 juillet 2012 et qu'un deuxième avertissement disciplinaire lui a été envoyé par lettre du 20 août 2012 qui n'a pas été retirée par le destinataire malgré l'avis de passage laissé par l'employé de La Poste le 21 août 2012 ;

Attendu que M. [O] s'est trouvé en congé de maladie du 3 au 24 septembre 2012, du 27 septembre au 30 octobre 2012 et de façon ininterrompue à compter du 12 novembre 2012 jusqu'à ce que le médecin du travail constate son inaptitude au poste ;

Attendu qu'après entretien préalable du 12 mai 2004, M. [O] a été licencié par lettre du 15 mai 2014 au motif que le médecin du travail avait constaté son inaptitude au poste actuel et qu'il avait refusé les trois postes proposés en vue de son reclassement en tenant compte des conclusions du médecin du travail ;

Attendu que par jugement n° RG F 12/04345 daté du 26 juin 2014 le conseil de prud'hommes de Lyon, section encadrement, a statué ainsi :

- dit qu'il n'y a pas lieu d'annuler l'avertissement notifié le 21 mai 2012

- dit que M. [O] n'a pas fait l'objet de harcèlement moral

- déboute M. [O] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur et en conséquence

- déboute M. [O] de la totalité de ses demandes

- condamne M. [O] à payer à la société Volvo Trucks France la somme de un euro au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens

Attendu que par lettre recommandée n° 1A 098 787 1204 6 reçue au greffe de la cour le 18 juillet 2014, M. [P] [O] (l'appelant) a déclaré interjeter appel du jugement précité à l'encontre de la SAS Volvo Trucks France (l'intimée) ;

Attendu que par conclusions n° 2 déposées au soutien de ses observations orales à l'audience, l'appelant demande de :

- écarter des débats les conclusions notifiées par la SAS Volvo Trucks France le 11 mai 2015

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions

* à titre principal

- prononcer la nullité de l'avertissement notifié le 21 mai 2012

- dire et juger qu'il a été victime de faits positifs et répétés de harcèlement moral

- dire et juger que l'employeur n'a pas respecté son obligation de sécurité vis-à-vis de son salarié

- prononcer la nullité du licenciement intervenu le 15 mai 2014

* a titre subsidiaire

- dire et juger que l'employeur a manqué à son obligation légale de reclassement et que le licenciement est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse, l'employeur n'ayant pas respecté ses obligations légales puisqu'il n'a pas bénéficié de deux visites médicales de reprise auprès de la médecine du travail

- en conséquence, condamner la SAS Volvo Trucks France à lui payer les sommes suivantes à titre de :

* dommages-intérêts pour nullité du licenciement et absence de cause réelle et sérieuse : 172 224 €

* dommages-intérêts en réparation du préjudice lié au harcèlement moral : 20'000 €

* rappel de salaire durant l'arrêt de maladie et jusqu'à la notification

du licenciement : 65'834,33 €

* congés payés afférents : 6 583,43 €

* indemnité de préavis : 4 611,48 €

* indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 4 611,15 €

* indemnité légale de licenciement : 5 018,28 €

- condamnerla SAS Volvo Trucks France à lui remettre les bulletins de salaire modifiés, un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle Emploi dans un délai de 15 jours qui courra à compter de la notification de l'arrêt

- dire et juger que passer cette date, l'employeur sera redevable d'une astreinte d'un montant journalier de 100 €

- condamner la SAS Volvo Trucks France à lui verser la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance

Attendu que par conclusions déposées au soutien de ses observations orales à l'audience, l'intimée demande de :

- confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions

- débouter M. [O] de l'ensemble de ses demandes

- condamner M. [O] à lui verser la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens

Attendu que l'affaire a été plaidée à l'audience du 19 mai 2015 ;

Attendu que l'appelant demande d'écarter les conclusions de l'intimée communiquées tardivement en date du 11 mai 2015 et que l'intimée fait remarquer que l'appelant a pu y répondre en temps utile ; que la cour a décidé de joindre l'incident avec le fond de l'affaire ;

Attendu qu'il est expressément référé aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs faits, moyens et prétentions ;

SUR CE

Attendu que la recevabilité de l'appel n'est pas contestée ;

sur l'incident de procédure

Attendu que si l'intimée n'a effectivement communiqué ses conclusions que peu de temps avant l'audience, l'appelant a néanmoins disposé d'un temps suffisant pour y répondre en rédigeant des conclusions portant le numéro 2 et comprenant 26 pages ; que dans ces conditions le principe du contradictoire bien été respecté ;

au fond

Attendu que dans les motifs de ses deuxièmes conclusions, l'appelant indique que la situation ayant évolué, ses demandes ont nécessairement évolué également et que le contrat de travail ayant été rompu suite au licenciement intervenu le 15 mai 2014, il n'est plus question de demander la résiliation du contrat de travail ;

Sur le harcèlement moral, l'obligation de sécurité et le premier avertissement

Attendu qu'en premier lieu, l'appelant demande de reconnaître qu'il a été victime de faits positifs et répétés de harcèlement moral caractérisés de la manière suivante :

- le nouveau directeur M. [S] n'a eu de cesse de le dénigrer, il a voulu le forcer à signer un avenant à son contrat de travail qui modifiait totalement le mode de rémunération et s'est livré à un véritable chantage puisqu'il a écrit dans sa lettre du 6 août 2012 que M. [O] disposait d'un délai allant jusqu'au vendredi 24 août 2012 pour remettre l'avenant de rémunération valablement signé et que passé cette échéance la non remise de l'avenant dûment signé sera assimilée à un refus explicite pouvant avoir des conséquences quant aux relations contractuelles liant les parties

- M. [S] a prétendu que l'avenant de 2012 serait plus avantageux, ce qui entièrement faux

- ses deux plus gros clients lui ont été refusés alors qu'ils lui assuraient la vente de 20 à 25 camions neufs par an

- un premier avertissement lui a été notifié en l'accusant d'avoir tenu des propos injurieux et en lui reprochant de ne pas être capable de remplir les bons de commandes

- le 10 août 2012, il lui a été demandé de rembourser l'avance permanente de 400 € dont il disposait depuis sa prise de fonction

- un deuxième avertissement a été prononcé le 6 août 2012 mais ne lui aurait jamais été notifié

- une réunion des vendeurs et secrétaires de la zone sud-est tenue le 12 novembre 2013, confirme l'attitude désobligeante de M. [S] à l'égard des employés

- le médecin du travail du site d'[Localité 1] a alerté le service des ressources humaines sur d'éventuels risques psychosociaux en estimant que la situation professionnelle remontée par un et même plusieurs salariés, est caractérisée par des agissements qui ne peuvent pas être acceptés par un employeur

- le salarié [X] [L] a témoigné de l'agressivité de M. [S] notamment à l'égard de M. [O]

et qu'il avait rappelé liminairement que l'employeur lui avait refusé une augmentation de la partie fixe de sa rémunération en 2011 , un véhicule automobile avec sept places et une formation en langue anglaise ;

Attendu que l'employeur réplique M. [O] ne s'était jamais plaint de harcèlement moral avant la présente instance (cf lettre à l'employeur du 3 septembre 2012) et que même dans sa requête initiale déposée au conseil de prud'hommes, il n'en avait pas fait état ; qu'il a exprimé la première fois cette doléance dans ses conclusions en première instance soit sept mois après le début de son arrêt de travail pour cause de maladie ;

Attendu que l'employeur soutient que les commandes de véhicules visés dans l'avertissement du 20 mai 2012 n'ont pas été prises régulièrement, que M. [O] n'avait pas vérifié lui-même la faisabilité des livraisons exigées par les clients et qu'il s'est emporté au téléphone vis-à-vis de son supérieur hiérarchique ; que chaque année un avenant de rémunération variable avait été signé par M. [O] qui devait vendre entre 60 et 75 véhicules et que l'avenant refusé reprenait l'objectif de 70 véhicules et que le mode de rémunération proposée était plus favorable ; que les entretiens d'évaluation avant l'arrivée de M. [S] révèlent également des difficultés ; que le retrait des clients faisait suite à une réorganisation des équipes que M. [O] avait acceptée ;

Attendu que peu importe le moment de la présentation procédurale de la demande au titre du harcèlement moral, elle est recevable à défaut de prescription et qu'il convient d'y répondre ;

Attendu que M. [O] incrimine particulièrement le nouveau directeur M. [S] ayant succédé à M. [H] en mai 2012 ;

Attendu cependant que ce n'est qu'au travers de l'évaluation de l'année 2012 que M. [O] s'est plaint que depuis sept années, il demandait en vain une augmentation, une voiture à sept places, une formation en anglais et qu'en conséquence il est difficile de le reprocher au nouveau directeur, arrivé au cours de l'année de référence ; qu'en outre M. [O] n'explique pas en quoi l'utilisation d'une voiture à sept places et une formation en anglais seraient de nature à faciliter la vente de camions dans les départements de l'Isère ou de la Haute-Savoie ; que ces éléments ne sont manifestement pas des actes de harcèlement moral ;

Attendu que les bulletins d'évaluation de 2009, 2010 et 2011 versés aux débats par l'appelant renferment de très bonnes appréciations mais également certaines réserves puisqu'il est noté pour la dernière année que 'la direction du groupe est quelquefois difficile à assimiler' pour M. [O] (pièce 9) ; qu'il est également noté pour l'année 2010, qu'il a accepté de prendre en charge toute la Haute-Savoie durant plus d'un semestre puis a demandé l'attribution définitive de ce département avec lequel il avait beaucoup d'affinités ; qu'il en résulte qu'il a bien accepté la modification de son secteur géographique d'activité ;

Attendu l'appelant cite également comme élément de harcèlement l'avertissement notifié le 21 mai 2012, dont il demande de prononcer la nullité et ainsi libellé :

« Vous êtes employé au sein de notre société depuis le 5 mai 2003 et occupez actuellement les fonctions de Conseiller Commercial.

Votre rôle est de vendre des solutions de transport complètes, associées aux ventes des véhicules neufs, qui correspondent au mieux aux besoins des clients et dans le respect de la politique commerciale Volvo Véhicules Neufs et de la stratégie de développement du Volvo Truck Center. En tant que Conseiller Commercial, vous êtes l'interlocuteur privilégié des clients et vous devez travailler en parfaite harmonie avec les autres services de l'entreprise (notamment Véhicules d'Occasion, SAV, administration commerciale, finance et unités support (locales, VTF et « usine »)).

Or, nous avons eu à déplorer de votre part une attitude en totale contradiction avec les valeurs d'entreprise que nous souhaitons véhiculer, et citées dans le Volvo Way, comme par exemple le respect de l'individu et l'esprit d'équipe basé notamment sur un travail de coopération et une volonté de créer un climat de travail favorable dans la perspective d'atteindre des objectifs commerciaux communs.

Nous vous relatons ces faits :

Le vendredi 11 Mai 2012, vous avez téléphoné à votre hiérarchie, M. [A] [S], Directeur Commercial Régional Véhicules Neufs, pour savoir si les commandes que vous souhaitiez passer dans l'après-midi seraient livrables à vos clients mi-juillet. Votre hiérarchie étant alors en voiture et se rendant chez le client ALGAFLEX pour un rendez-vous, vous a informé qu'il n'avait pas le planning de production (« guideline ») pour vous répondre immédiatement, mais que pour les commandes passées ce début de semaine, ces dernières avaient été confirmées en livraison pour la mi-juillet. Toutefois, votre hiérarchie vous a demandé de vous assurer vous-même du délai en le contrôlant sur le portail réseau dans le 'guideline' prévu à cet effet.

Le lundi 14 Mai 2012, alors que vous étiez en congés pour une semaine, vous avez envoyé un mail à [K] [R], votre assistance commerciale, en lui demandant de vous tenir au courant du bon déroulement des affaires suivantes :

- SIGISMONDI - un véhicule

- GRANULATEX - deux véhicules

- BOURDON - un véhicule

- BOCHATON - un véhicule

et vous lui avez demandé qu'elle s'assure que ces 5 véhicules seraient, comme vous vous y étiez engagé vis-à-vis du client, livrés au 15 Juillet 2012.

Le Mardi 15 Mai 2012, dès l'arrivée de [K] [R] à son poste de travail, M. [A] [S] a fait un point sur vos cinq dossiers.

Ayant changé de semaine, le planning de production a été modifié (comme chaque semaine) rendant quasiment impossible la livraison des cinq véhicules en commande aux dates indiquées sur vos bons de commande.

Par ailleurs, sur les cinq dossiers en possession de [K] [R], deux étaient administrativement incomplets tandis que des corrections devaient être apportées sur les trois autres. Pour être en conformité avec les procédures actuellement en vigueur au sein de Volvo Trucks France, il était donc, au matin du 15 mai 2012, toujours impossible de passer les commandes au siège en l'état de ces 5 dossiers confiés par vos soins.

Votre hiérarchie a donc demandé à [K] [R], après avoir fait un point précis avec M. [F] [I] du service production au siège, de vous informer par retour de mail de la situation concernant vos dossiers et de vous faire part, que votre hiérarchie vous téléphonerais après le comité de direction auquel il participait pour faire un point ensemble sur vos dossiers.

Pendant cette matinée du mardi 15 mai 2012, vous avez laissé deux messages téléphoniques à M. [S] dont un particulièrement déplacé sur la forme ou vous indiquiez : « ... vous être fait chier à passer des commandes... ». Lorsque M. [A] [S] vous a rappelé à 12h30 ce mardi 15 mai 2012 pour en parler avec vous, vous lui faisiez part de votre mécontentement d'être obligé de suivre vos affaires alors que vous étiez en congés et alors que vous l'aviez demandé vous-même par mail. Votre hiérarchie vous a alors indiqué qu'il avait fait le nécessaire avec [K] [R] en votre absence, ce à quoi vous lui avez répondu que : ' [K] [R] ne servait à rien et que s'il comptait sur elle pour résoudre quoique ce soit cela revenait à annuler tout de suite les commandes'. Puis vous avez fait remarquer que vous téléphoniez pendant vos congés, ce à quoi votre hiérarchie vous a répondu que vous auriez dû vous organiser en conséquence pour ces dossiers.

Vous avez alors perdu tout contrôle en manifestant une grande agressivité à l'égard de votre hiérarchie et en lui tenant des propos tels que : ' va te faire foutre', ponctuant vos phrases de mots plus grossiers les uns que les autres.

Au vu des éléments ci-dessus mentionnés, nous vous rappelons qu'il est de votre responsabilité de vous assurer, que le bon de commande est complété correctement, en conformité avec nos procédures internes, et avec tous les documents administratifs nécessaires annexés et cela avant même que le dossier n'arrive à l'administration commerciale pour traitement administratif de votre commande.

Faute de dossier 'bon de commande' complet, complété correctement et en conformité avec nos procédures internes, la commande du véhicule neuf ne pourra pas être effectuée auprès de l'usine par l'assistante commerciale et le délai de livraison du véhicule au client en sera d'autant affecté.

Par conséquent, il vous appartient, avant de vous engager vis-à-vis du client sur un délai de livraison, d'une part de vous assurer que le dossier est conforme et complet pour que la commande puisse être prise en compte, d'autre part, de vous organiser avant votre départ en congés, pour la bonne gestion administrative de vos dossiers en votre absence.

Le délai de livraison à mi-juillet 12 que vous avait communiqué votre hiérarchie - et qu'il vous avait demandé de vérifier en consultant le guideline sur le portail réseau - valait pour une commande passée sur la semaine du 7 au 11 mai 12. Et chaque semaine, comme vous le savez, le planning de livraison change.

Or, vous vous êtes engagé vis-à-vis du client sur, une livraison à mi-juillet 2012 et avez demandé à [K] [R] de s'assurer que ces véhicules seraient livrés le 15 juillet 2012, ce qui était impossible compte tenu de la date à laquelle nous avons eu vos dossiers en main et de l'état des dossiers transmis par vos soins en non-conformité par rapport à nos procédures internes.

Votre hiérarchie vous informant, par l'intermédiaire de votre assistante commerciale, qu'il ferait un point téléphonique avec vous-même sur vos dossiers, vous avez, sur les messages téléphoniques laissés ou lors de votre conversation avec votre hiérarchie, eu une attitude d'agressivité et des propos injurieux inadmissibles que nous ne pouvons tolérer de votre part. Par ailleurs, vous avez, par vos remarques déplacées à l'égard de votre assistante commerciale, tenu là aussi des propos inacceptables révélateurs aussi de l'estime que vous avez pour les personnes de l'équipe commerciale en général et à l'antithèse de l'esprit d'équipe que nous considérons comme un incontournable au sein de l'entreprise, tant au sein du service commercial, que vis-à-vis des autres services

Compte tenu de tous ces éléments et de votre conduite inacceptable propre à remettre gravement en cause la bonne marche du service, nous vous informons par la présente que nous avons décidé de verser à votre dossier personnel un avertissement disciplinaire.

A l'avenir, nous vous demandons de veiller à ce que de tels faits ne se renouvellent pas et à faire en sorte de garder la maîtrise de votre communication afin de favoriser un climat de travail serein et constructif au sein de l'équipe, faute de quoi, nous pourrions être amenés à envisager à votre égard une sanction disciplinaire plus grave. »

Attendu qu'il est certain que pour cause de départ en congé, M. [O] n'a pas été en mesure de finaliser complètement les cinq ventes réalisées début mai 2012 et qu'il ne s'est pas assuré lui-même de la possibilité de livrer les camions le 15 juillet 2012 comme le demandait les clients puisqu'il a appelé le directeur, M. [S] ; qu'en outre au début de son congé d'une semaine, M. [O] a contacté son assistante commerciale pour s'assurer du suivi des ventes et qu'elle lui a répondu que pour trois véhicules il n'y avait aucune disponibilité pour le mois de juillet 2012 et qu'elle ajoutait que pour deux clients, un collègue devait lui envoyer l'extension de garantie, la fiche descriptive VO, la copie des cartes grises pour deux reprises de véhicule (Granulatex), le bon de commande et l'extension de garantie (Bochaton) ; qu'il en résulte donc que M. [O] a pris des commandes de manière rapide sans s'assurer personnellement de la possibilité de livraison à la mi-juillet ni même constitué des dossiers 'propres, complets et lisibles' selon l'exigence contractuelle ; qu'il en résulte que M. [O] a donc pris les commandes juste avant son départ en vacances mais sans avoir le temps de préparer les dossiers complets et que ses collègues ont dû assumer ses carences (pièces 25 & 33 de l'intimée) ; que M. [S] lui en ayant fait part téléphoniquement, il a répondu de manière incorrecte, ce qu'il ne conteste pas puisqu'il écrit dans ses conclusions que 'l'énervement de M. [O] était légitime' ;

Attendu en conséquence que les faits visés dans la lettre du 20 mai 2012 sont établis et que dans ces conditions l'avertissement était justifié comme le conseil des prud'hommes l'a décidé à bon droit ;

Attendu en conséquence que cet élément justifié par l'employeur ne peut pas être retenu comme acte de harcèlement moral et qu'il n'y a pas lieu d'annuler l'avertissement ;

Attendu que M. [O] déclare qu'il n'a pas eu connaissance du second avertissement alors que l'employeur justifie de ce que l'avis postal lui a bien été remis mais que visiblement il n'a pas retiré la lettre recommandée ; que n'ayant pas eu connaissance de cette lettre, il ne peut pas en avoir souffert et que d'ailleurs il n'en demande pas l'annulation ; qu'en revanche le deuxième avertissement conserve son plein et entier effet puisqu'il a été régulièrement notifié par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception ;

Attendu que si l'employeur a bien demandé au début du mois d'août 2012 à M. [O] de rembourser l'avance permanente de 400 € qui lui avait été consentie, cette mesure concernait l'ensemble du personnel, puisqu'il est justifié par l'employeur que des demandes similaires avaient été formulées auprès de MM [U], [W] et [J] et ce depuis le mois de janvier 2012, alors qu'un délai avait été laissé à M. [O] jusqu'au mois de d'août suivant ; que ce fait ne peut pas davantage être considéré comme un acte de harcèlement moral ;

Attendu qu'il est établi, comme relaté en tête de l'arrêt, qu'en début de chaque année était signé un avenant concernant la rémunération variable avec indication des objectifs à réaliser ; qu'entre les années 2003 et 2010, la rémunération variable dépendait de la réalisation d'objectifs fixés à 65 véhicules en 2004, 70 véhicules en 2005, 75 véhicules en 2006, 70 véhicules en 2007, 70 véhicules en 2008, 60 véhicules en 2011 selon les pièces communiquées par l'employeur ; que par lettre du 4 janvier 2011, l'employeur confirmait à M. [O] que le salaire de base annuel brut était porté à 33'607,20 € au 1er janvier 2011 (pièce n° 3) ;

Attendu que l'annexe de l'avenant au contrat de travail du 2 février 2011, signé par M. [O], prévoyait un objectif annuel de 60 véhicules et que pour l'année 2012 il était proposé un avenant avec une annexe prévoyant un objectif de 70 véhicules, ce que M. [O] a contesté en refusant de signer cet avenant ; qu'il convient de retenir que le chiffre de 70 véhicules avait déjà été retenu en 2005, 2007 et 2008 et même porté à 75 en 2006 ; que par lettre du 6 août 2012, l'employeur, sous la signature de M. [S], expliquait au salarié, qui avait au cours de l'année 2011 passé 84 commandes (objectif 60), que si l'on appliquait les nouvelles modalités de rémunération variable proposée pour l'année 2012, la rémunération variable aurait été augmentée de 4,57 % en faveur du salarié ; ce qui n'était pas défavorable ; qu'une simulation était jointe à la lettre et que le directeur se tenait à la disposition de M. [O] pour lui apporter toute précision qu'il estimerait nécessaire ; que la lettre s'achevait par la phrase 'la non remise de l'avenant dûment signé sera assimilée à un refus explicite de votre part sur ces nouvelles modalités de rémunération variable dont nous serions amenés à tirer les conséquences quant aux relations contractuelles qui nous lient actuellement' ;

Attendu que l'objectif proposé dans l'avenant de 2012 n'était pas exorbitant puisque le chiffre de 70 véhicules avait déjà été retenu au cours des années précédentes et qu'il était démontré par une simulation que le mode de rémunération n'était pas défavorable ; que dans ces conditions, la proposition ne peut pas être assimilée à un acte de harcèlement moral de même que la conséquence possible du refus de signer ledit avenant qui ne constituerait tout au plus qu'un acte isolé insuffisant pour caractériser un harcèlement moral ;

Attendu qu'enfin M. [O] expose que ses deux plus gros clients, les sociétés Samse et Laffont lui ont été retirées en visant ses pièces 8 et 21 ; que la première est le résumé global de l'entretien pour l'année 2010 qui indique qu'il demande de prendre en charge définitivement le département de la Haute-Savoie et qu'il garde et anime les clients Samse et C. Laffont ; que la seconde pièce, est difficilement lisible dans la version de l'appelant, mais que l'intimée en produit une copie parfaitement lisible dont il résulte que l'attribution du secteur géographique d'[Localité 2] remplaçait celui de [Localité 8] à l'intérieur duquel se trouvait les deux clients précités ; que dans la mesure où des secteurs géographiques déterminés étaient attribués aux conseillers commerciaux, il était effectivement plus rationnel de laisser les sociétés Samse et C. Laffont à l'attributaire du département de l'Isère et que ce fait ne constitue pas davantage un acte de harcèlement moral, mais plutôt une mesure de rationalisation des attributions de sa conscription de vente ;

Attendu en conséquence que l'employeur rapporte la preuve de ce que les décisions critiquées par M. [O] étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et qu'il convient de confirmer la décision du conseil de prud'hommes ayant débouté M. [O] de sa demande au titre du harcèlement moral ; qu'il n'y a pas lieu de prononcer la nullité du licenciement ni de retenir que l'employeur n'a pas respecté son obligation de sécurité vis-à-vis de son salarié dans la mesure où il n'est pas établi que l'altération de la santé de M. [O] résulte d'un harcèlement moral ;

Sur le licenciement

Attendu que M. [O] demande de considérer que son licenciement a été prononcé sans cause réelle et sérieuse en raison d'une part de l'absence de double visite par le médecin du travail préalablement à la mesure de licenciement et d'autre part du non-respect de l'obligation de reclassement ;

Attendu que la SAS Volvo Trucks France réplique que M. [O] a bénéficié de deux visites médicales les 21 novembre et 10 décembre 2013 et que le médecin du travail a expressément indiqué qu'il donnait deux avis successifs ; qu'en outre trois postes lui ont été proposées afin de le reclasser au sein du groupe Volvo ;

Attendu que le médecin du travail compétent pour les salariés de la SAS Volvo Trucks France a examiné à deux reprises M. [O] et qu'il a établi des fiches de visites en application de l'article D 4624-47 du code du travail, la première datée du 21 novembre 2013 avec la mention 'premier avis' et la seconde du 17 décembre 2013 avec la mention 'deuxième avis' ; que le premier avis concluait à l'inaptitude au poste, dans le contexte organisationnel actuel mais déclarait le sujet apte à un même poste dans une autre entreprise ; que le second avis confirmait l'inaptitude au poste actuel et l'aptitude au même poste dans toute autre entreprise ; qu'il a donc bien été satisfait aux exigences du code du travail puisque, d'une part il a été procédé à des examens médicaux espacés de deux semaines, et que d'autre part le médecin s'est clairement prononcé sur l'aptitude de M. [O] aux mêmes fonctions mais dans un autre contexte organisationnel ; que la formule retenue par le praticien recouvrait bien l'étude du poste pouvant être tenu par le salarié et qu'il est évident que la référence au contexte organisationnel excluait toute possibilité d'aménagement de poste au sein de la même structure ; que par lettre datée du 21 novembre 2013 et réitérée le 14 janvier 2014, le médecin du travail a bien confirmé que l'état de santé du salarié ne permettait pas d'envisager un reclassement au sein de l'entreprise actuelle ;

Attendu qu'en vue du reclassement de M. [O], l'employeur a contacté les divers établissements du groupe Volvo afin de rechercher un nouveau poste ; que des réponses négatives ont été formulées par les sociétés du groupe Volvo à [Localité 16] (deux structures), [Localité 4], [Localité 13] (cinq structures), [Localité 5] (deux structures), [Localité 6], [Localité 3] (deux structures), [Localité 15], [Localité 9] et [Localité 11] ainsi que par la société Renault Trucks (deux structures) ;

Attendu qu'en revanche et par lettre du 17 mars 2014, l'employeur a proposé le reclassement de M. [O] dans les fonctions de conseiller commercial, statut cadre, niveau 2 A, soit au centre Volvo Truck Center de [Localité 14] dans le département des Bouches-du-Rhône soit à [Localité 7], dans le département de la Haute-Garonne et avec un traitement fixe identique de 2856,61 € bruts ; que M. [O] ayant refusé, ces deux postes situés au sud de la France, un troisième poste de conseiller commercial en véhicules d'occasion lui a été était proposé à Moscou ;

Attendu qu'en proposant à M. [O] deux postes identiques dans le Sud de la France, l'employeur a parfaitement exécuté son obligation de reclassement et que dans ces conditions le licenciement prononcé en raison de l'inaptitude du salarié à l'exercice de ses fonctions au centre Volvo Truck Center de [Localité 10] est parfaitement régulier ;

Attendu en conséquence qu'il convient de débouter M. [O] de l'ensemble de ses demandes ;

Attendu que l'appelant qui succombe supportera les entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant après en avoir délibéré, publiquement, en matière sociale, en dernier ressort et contradictoirement

Déclare l'appel recevable mais non fondé ;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions et y ajoutant ;

Dit que le licenciement pour inaptitude de M. [O] est parfaitement fondé ;

Déboute M. [O] de l'ensemble de ses demandes ;

Y ajoutant

Condamne M. [O] à payer à la SAS Volvo Trucks France la somme de 2000 (deux mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [O] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Le greffierLe président

Sophie MascrierMichel Bussière


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 14/05646
Date de la décision : 27/10/2015

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°14/05646 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-10-27;14.05646 ?
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