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06/07/2022 | FRANCE | N°19/01899

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 06 juillet 2022, 19/01899


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR



N° RG 19/01899 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MICC



[B]

C/

Société CATESSON



APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 14 Février 2019

RG : 15/00370







COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 06 JUILLET 2022







APPELANT :



[E] [B]

né le 17 Décembre 1968 à [Localité 3]

[Adresse 1]

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représenté par Me Xavier BONTOUX de la SELARL FAYAN-ROUX, BONTOUX ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Lionel THOMASSON, avocat au barreau de VIENNE







INTIMÉE :



Société CATESSON

[Adresse 2]

[Adre...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/01899 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MICC

[B]

C/

Société CATESSON

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 14 Février 2019

RG : 15/00370

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 06 JUILLET 2022

APPELANT :

[E] [B]

né le 17 Décembre 1968 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Xavier BONTOUX de la SELARL FAYAN-ROUX, BONTOUX ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Lionel THOMASSON, avocat au barreau de VIENNE

INTIMÉE :

Société CATESSON

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Olivia LONGUET, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 09 Mai 2022

Présidée par Nathalie ROCCI, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Joëlle DOAT, présidente

- Nathalie ROCCI, conseiller

- Antoine MOLINAR-MIN, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 06 Juillet 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [B] a été embauché par la société Catesson suivant contrat de travail à durée indéterminée du 21 mars 2005, en qualité de conducteur routier, groupe 7, coefficient 150 de la convention collective des transports routiers.

Au dernier état de la relation contractuelle, M. [B] percevait une rémunération mensuelle moyenne brute de 1 606, 64 euros pour 152 heures mensuelles.

Le contrat de travail prévoit en outre une prime de non-accrochage de 171,21 euros.

Par un accord d'entreprise initial du 4 mai 2010, le versement de cette prime a été suspendu pour une période de 9 mois.

M. [B] a signé un accord individuel portant sur la suppression de cette prime, le 14 octobre 2012.

Le 14 mars 2013, un accord d'entreprise était régularisé renouvelant la suspension du versement de la prime de non-accrochage pour une durée de 12 mois.

M. [B] a été placé en arrêt de travail à compter du 10 juin 2014.

Par deux avis en date des 2 et 20 octobre 2014, M. [B] a été déclaré inapte à son poste par le médecin du travail.

Le 24 juin 2015, la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône a notifié à M. [B] la prise en charge, au titre de la législation relative aux risques professionnels, de sa maladie, en l'espèce une radiculalgie crurale par hernie discale L3-L4 inscrite au tableau n°97.

Par lettre remise en main propre en date du 20 novembre 2014, M. [B] a été convoqué à un entretien préalable.

La société Catesson a notifié à M. [B], le 9 décembre 2014, son licenciement pour inaptitude.

Par requête en date du 29 janvier 2015, M. [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon en lui demandant de condamner la société Catesson à lui verser diverses sommes à titre de rappel de salaire sur la prime de non-accrochage et les congés payés afférents, de rappel sur les heures supplémentaires et congés payés afférents, de dommages et intérêts pour inexécution fautive du contrat de travail, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents.

Le conseil de prud'hommes s'est déclaré en partage de voix, par procès verbal du 8 janvier 2018.

Par jugement en date du 14 février 2019, le conseil de prud'hommes, en sa formation de départage, a :

- dit que le licenciement de M.[B], notifié le 9 décembre 2014, est justifié et comporte une cause réelle et sérieuse,

- condamné en conséquence la société Catesson à verser à M. [B] les sommes suivantes :

avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement.

1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné la société Catesson à verser à M. [B] la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société Catesson de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n' avoir lieu à exécution provisoire

- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 1 606,64 euros,

- condamné la société Catesson aux dépens.

M. [B] a interjeté appel de ce jugement, le 13 mars 2019.

M. [B] demande à la cour de :

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Lyon du 14 février 2019 en ce qu'il a dit que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

et statuant à nouveau :

- dire et juger que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse et intervenait en l'absence de recherche loyale et sérieuse de reclassement et en l'absence de consultation des délégués du personnel ;

- condamner en conséquence, la société Catesson à lui verser , outre intérêts légaux, les sommes suivantes :

rappel de salaire sur prime de non-accrochage : 4 622,77 euros

congés payés afférents : 462,27 euros

rappel de salaire sur heures supplémentaires : 323,20 euros

congés payés afférents : 32,32 euros

dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail : 10 000 euros

indemnité compensatrice de préavis : 3 213,28 euros

congés payés afférents : 321,32 euros

dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 30 000 euros

- condamner la société Catesson, outre aux entiers dépens, à verser à chacun des demandeurs la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Il soutient :

- que la société Catesson a suspendu, d'autorité, le versement de la prime de non-accrochage prévue dans son contrat de travail à compter de l'année 2010, en ayant parfaitement conscience de procéder à la modification des contrats de travail de ses salariés

- qu'en comparant ses bulletins de salaire avec les relevés de disques chronotachygraphes établis par l'employeur, il s'est rendu compte que la société Catesson ne réglait pas l'intégralité des heures supplémentaires qu'elle lui faisait accomplir et pour lesquelles il apporte la preuve de leur accomplissement par un décompte précis et hebdomadaire

- que par le simple fait que les fiches de décompte établies par l'employeur ne renseignent pas les heures effectuées, la société s'est rendue coupable de travail dissimulé

- que la société Catesson a exécuté déloyalement son contrat de travail puisqu'elle faisait, d'une part, tout pour empêcher les salariés de vérifier leur temps de travail et de pouvoir faire valoir leurs droits, et que d'autre part, elle soumettait ses salariés à un chantage confinant à la discrimination, notamment au regard de la prime de non-accrochage en tentant d'obtenir cet accord par la ruse et la mauvaise foi et en menaçant les salariés de voir leur rémunération baisser s'ils n'acceptaient pas la suspension du versement de la prime de non-accrochage

- que la société Catesson devait tenir compte de l'origine professionnelle, au moins partielle, de son inaptitude et appliquer la procédure de licenciement protectrice, mais qu'elle n'a pas consulté les délégués du personnel avant de prononcer son licenciement qui se trouve nécessairement dénué de toute cause réelle et sérieuse.

La société Catesson demande à la cour de :

- confirmer le jugement du conseil des prud'hommes de Lyon en ce qu'il a dit et jugé que la demande de rappel de prime de non-accrochage de M. [B] était infondée dans son principe et dans son quantum.

- débouter M. [B] de sa demande à ce titre.

- confirmer le jugement du conseil des prud'hommes en ce qu'il a jugé prescrites les demandes de rappel d'heures supplémentaires antérieures au 26 décembre 2013.

- confirmer le jugement du conseil des prud'hommes en ce qu'il a débouté M. [B] du restant des demandes de rappel d'heures supplémentaires.

A titre principal,

- dire et juger que l'inaptitude de M. [B] est d'origine non professionnelle.

- confirmer le jugement du conseil des prud'hommes de Lyon en ce qu'il a jugé le licenciement de M. [B] fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Par conséquent,

- débouter M. [B] de ses demandes de dommages et intérêts.

A titre subsidiaire,

Si, par extraordinaire, la Cour de Céans venait à juger le licenciement de M. [B] dénué de cause réelle et sérieuse,

- réduire sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 9 639,84 euros

- infirmer le jugement du conseil des prud'hommes en ce qu'il l'a condamnée à verser à M. [B] la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail

- infirmer le jugement du conseil des prud'hommes en ce qu'il l'a condamnée à verser à M. [B] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En tout état de cause,

- condamner M. [B] à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- le condamner aux entiers dépens.

Elle soutient :

- que l'accord du 4 mai 2010 visant à suspendre la prime de non-accrochage pendant une période de neuf mois, a produit ses effets comme un accord à durée indéterminée n'ayant jamais été dénoncé, de sorte que la suspension de la prime de non-accrochage de M. [B] s'est poursuivie postérieurement à cet accord

- que les heures supplémentaires ont toujours fait l'objet d'un règlement effectif

- qu'aucun chantage n'a été opéré afin de contraindre le salarié à renoncer à la prime de non-accrochage, qu'il n'y a eu aucune ruse, ni mauvaise foi et que le fait de solliciter le remboursement d'une somme indûment perçue par un salarié ne saurait constituer une exécution fautive du contrat de travail

- qu'elle n'avait pas connaissance des démarches de M. [B] visant à faire reconnaître l'origine professionnelle de la maladie dont il aurait été victime le 21 octobre 2014, lors de la notification du licenciement pour inaptitude le 9 décembre 2014, et que le second avis d'inaptitude du 20 octobre 2014 antérieur à la maladie du 21 octobre 2014 ne pouvait à aucun moment être en lien, même partiel, avec la maladie professionnelle de sorte que les délégués du personnel n'avaient pas à être consulté

- qu'elle a proposé à M. [B] un poste d'agent de cour, par lettre remise en main propre le 18 novembre 2014, que M. [B] a refusé, et qu'aucun autre poste ne pouvait lui être proposé.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 avril 2022.

SUR CE :

- Sur la demande au titre de la prime de non accrochage :

M. [B] expose que la société Catesson ne pouvait suspendre le paiement de la prime de non accrochage par la voie de différents accords collectifs alors que :

- il s'agit d'une prime contractuelle

- un accord collectif même postérieur, ne peut pas restreindre les droits que les salariés tiennent du contrat de travail

- le contrat de travail en ce qu'il offre des avantages supérieurs à la convention collective et en ce qu'il constitue la loi des parties, doit nécessairement prévaloir sur les dispositions moins favorables de la convention collective

- la proposition, par la société Catesson, de ratifier un avenant au contrat de travail refusé par tous les salariés, rend compte de ce que l'employeur avait pourtant conscience de procéder à une modification du contrat de travail.

La société Catesson soutient, à titre principal, qu'en l'absence de pièces justificatives du salarié, elle est dans l'impossibilité de déterminer à quoi correspond le quantum sollicité et quelle période de travail serait concernée, le salarié se contentant d'une argumentation générale sur les dispositions du contrat de travail.

La société Catesson soutient à titre subsidiaire :

- que l'accord d'entreprise du 4 mai 2010 relatif au paiement de la prime de non-accident, qui prévoyait une application pour une durée de neuf mois sans reconduction et une renégociation à son terme pour éventuelle prorogation, a produit ses effets comme un accord à durée indéterminée n'ayant jamais été dénoncé pour la période postérieure au 4 mai ;

- le simple fait que le contrat prévoyait qu'il était seulement « prévu » une prime de non-accrochage ôte à cette dernière tout caractère systématique ;

- qu'un accord d'entreprise a été régularisé le14 mars 2013suspendant à nouveau le versement de la prime de non-accrochage pour une durée de 12 mois; que cet accord a été validé par le comité d'entreprise ;

- que M. [B] a signé un accord individuel de renonciation à la prime de non-accrochage, le 14 octobre 2012

- que plusieurs cours d'appel ont validé l'effectivité de l'accord d'entreprise du 4 mai 2010 et sa légalité

- que la suspension du versement de la prime de non accrochage, dont l'origine étaient les difficultés économiques de la société, avait pour corollaire le maintien des heures supplémentaires à hauteur de 205 heures mensuelles, les découchés permettant aux conducteurs de bénéficier de rémunérations plus avantageuses.

****

M. [B] indique dans ses conclusions que la demande de rappel de salaire correspond au multiple du nombre de mois inclus dans la prescription légale applicable au jour de la saisine de la juridiction par la somme de 171, 21 euros, outre la somme afférente au titre des congés payés.

M. [B] ayant saisi le conseil de prud'hommes le 29 janvier 2015 et sollicitant à titre de rappel de prime d'accrochage la somme de 4 622,77 euros, sa demande porte sur 27 mois, du 29 juin 2012 au 29 septembre 2014.

La demande telle qu'elle est formulée par le salarié permet en conséquence de déterminer tant le quantum que la période visée par le rappel, de sorte que la société Catesson n'est pas fondée à demander le rejet de cette prétention au visa des articles 6 et 9 du code de procédure civile et des dispositions de l'article 1353 du code civil.

L'accord d'entreprise Catesson Transports du 4 mai 2010 énonce en son article 4 :

' Le versement de la prime de non-accident est suspendu pour une durée de neuf mois ( personnel roulant).

Une réduction solidaire équivalente du salaire du personnel sédentaire (moins 6%) est effective dans cette même durée. Sont compris les salaires de l'encadrement et de la direction.

Les sommes non perçues ne sont plus dues par l'entreprise. Il y a dérogation partielle au contrats de travail pour cas de force majeure, ce d'un commun accord majoritaire et dans l'intérêt collectif.'

L'article 5 ajoute : 'Cet accord sera éventuellement re-négocié à son terme. Le CE sera partie prenante à cette discussion.'

La clause relative à l'éventualité d'une négociation à l'issue du terme de l'accord est seulement incitative, de sorte qu'elle ne peut être analysée comme étant une stipulation contraire au sens de l'article L. 2222-4 sus-visé lequel est d'interprétation stricte.

En tout état de cause, il résulte de la réunion du comité d'entreprise de la société Catesson Transports du 29 novembre 2012, qu'ayant fait le constat du maintien de l'alerte économique à l'origine de l'accord salarial du 4 mai 2010, le comité d'entreprise a voté en faveur du maintien du non-versement de la prime de non-accrochage, dans le souci de préserver l'emploi.

Ainsi, à défaut de stipulation contraire, l'accord salarial du 4 mai 2010 prévoyant la suspension du paiement de la prime de non-accrochage pour une durée de 9 mois, soit jusqu'au 4 février 2011, a continué à produire ses effets comme un accord à durée indéterminée, ce qui a été entériné par le comité d'entreprise de la société au cours de la réunion du 29 novembre 2012.

Par un nouvel accord d'entreprise à durée déterminée de 12 mois sans reconduction tacite, daté du 14 mars 2013, il a été décidé que le versement de la prime dite de non-accident restait suspendu pour une nouvelle durée d'une année, jusqu'à la prochaine négociation annuelle obligatoire ( personnel roulant) qui interviendra au plus tard le 31 mars 2014. Ce nouvel accord a été ratifié par le comité d'entreprise le 19 mars 2013.

Un accord d'entreprise du 6 février 2014 énonce en son article 6 l'abandon de l'ancienne prime de 172 euros pour trois nouvelles années par les salariés signataires au bénéfice de l'entreprise.

Il en résulte que les accords d'entreprise s'appliquent sur la totalité de la période visée par la demande de rappel de primes de non accrochage.

Cependant un accord collectif ne peut permettre à un employeur de procéder à la modification du contrat de travail sans recueillir l'accord exprès du salarié.

Et la suppression de la prime de non accrochage constitue bien une modification du contrat de travail dés lors qu'elle modifie de façon substantielle la rémunération du salarié sans que la société Catesson ne soit fondée à tirer argument des termes du contrat selon lesquels 'il est prévu le versement d'une prime de non-accrochage de 171, 21 euros', l'expression 'il est prévu' ne conférant nullement un caractère discrétionnaire au versement de ladite prime.

D'ailleurs, en faisant état d'une 'dérogation partielle au contrat de travail', la société Catesson et les organisations syndicales signataires de l'accord du 4 mai 2010 ont effectivement admis que la suspension de la prime constituait bien une modification du contrat de travail.

La société Catesson produit un document intitulé 'accord individuel' signé par M. [B] le 14 octobre 2012 et libellé comme suit :

' Je suis conscient de la situation économique générale et de la situation comptable particulière de la société Catesson, depuis sa perte de 400 000 euros en 2009.

La société a suspendu le versement d'une prime de 'non-accident' mentionnée à certains contrats de travail.

Cette suspension provisoire permet le fonctionnement de la société et la préservation des emplois.

En conséquence, je déclare être d'accord avec cette suspension jusqu'à ce que la Société retrouve avec des résultats bénéficiaires, les moyens de reprendre le versement de cette prime.'

Si M. [B] soutient qu'aucun des salariés n'a consenti à la modification de son contrat de travail, il ne résulte pas débats qu'il ait, à un moment quelconque, remis en cause les circonstances dans lesquelles il a signé cet accord, lequel est intervenu alors que l'accord d'entreprise du 4 mai 2010 était toujours en vigueur.

Il en résulte que M. [B] a expressément donné son accord à la modification de son contrat de travail résultant de la suspension de la prime de non-accrochage conformément à l'accord d'entreprise du 4 mai 2010 et qu'il n'est, dans ces conditions, pas fondé en sa demande de rappel de salaire au titre de la prime de non-accrochage.

Le jugement déféré doit par conséquent être confirmé sur ce point.

- Sur la demande au titre des heures supplémentaires :

M. [B] soutient qu'en comparant ses bulletins de salaire avec les relevés de disques chronotachygraphes établis par l'employeur, il s'est rendu compte que la société Catesson ne réglait pas l'intégralité des heures supplémentaires qu'elle lui faisait accomplir.

Il demande la somme de 323, 20 euros au titre de ses heures supplémentaires, outre les congés payés afférents et produit au soutien de sa demande :

- ses bulletins de salaire et les fiches de temps y afférant,

- un décompte des heures effectuées, par semaine, depuis 2011, comportant le calcul des majorations.

La société Catesson expose :

- que les demandes antérieures au 26 décembre 2013 sont prescrites par application des dispositions de l'article L. 3245-1 du code du travail, le salarié ayant saisi la juridiction prud'homale le 26 décembre 2016

- que le décompte du salarié est hebdomadaire alors qu'elle pratique un décompte au mois comme cela est possible pour le personnel roulant dans le secteur du transport routier,

- que M. [B] n'a élevé aucun grief relatif au paiement des heures supplémentaires pendant la relation contractuelle,

- par la voix de M. [T], chauffeur et délégué du personnel, qu'en cas de mauvaise manipulation du chronotachygraphe, le service d'exploitation qui contrôle les enregistrements et les disques, est amené à corriger le nombre d'heures payées, que le salarié est averti et qu'en cas de désaccord, le salarié peut demander l'intervention de la direction ou des délégués du personnel qui contrôlent le bien -fondé de la réduction opérée.

****

L'article L. 3245-1 du code du travail, issu de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013, énonce que l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

Or, les dispositions de l'article 21, V, de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi prévoient expressément que les dispositions ramenant de cinq à trois années le délai de prescription applicable aux demandes de rappel de salaire aux termes de l'article L. 3245-1, trouvent à s'appliquer aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la loi, sans toutefois que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

M. [B] ayant saisi la juridiction prud'homale le 29 janvier 2015 et non le 26 décembre 2016 tel que l'a retenu le premier juge, la demande au titre des heures supplémentaires remontant au mois d'octobre 2011, M. [B] avait, conformément à la prescription de 5 ans antérieure au 17 juin 2013 jusqu'au 30 octobre 2016 pour introduire sa demande, de sorte qu'à la date de la saisine du conseil de prud'hommes, la prescription n'était pas acquise.

****

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient à l'employeur de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par son salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

M. [B] présente un relevé d'heures distinct de celui présenté par la société Catesson, qui résulterait d'une analyse réalisée au moyen du logiciel Tachyfox. Mais, l'analyse croisée des données versées aux débats ne permet pas à la cour de dire en quoi le système d'enregistrement automatique et d'analyse des données enregistrées dont justifie la société Catesson ne serait pas conforme à la réalité des heures effectuées, ni en quoi l'utilisation du logiciel Tachyfox serait plus pertinente.

Il en résulte que la société Catesson a régulièrement payé à M. [B] des heures supplémentaires dont le calcul a fait l'objet à la fois de feuilles de travail déclaratives remplies par le salarié et de feuilles de temps récapitulant pour chaque mois, et par semaine, les heures de prise et de fin de service, les heures de nuit, le nombre de kilomètres parcourus, ainsi que le nombre d'heures de repos, de service et de travail effectif, sans que le salarié n'ait à aucun moment de la relation contractuelle soulevé une distorsion entre les heures réellement effectuées et les heures payées par l'employeur.

Il s'ensuit que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a jugé que les éléments du débat ne permettaient pas d'établir que M. [B] n'avait pas été payé pour l'intégralité des heures supplémentaires accomplies.

- sur la demande au titre de l'exécution fautive du contrat de travail :

M. [B] sollicite la somme de 10 000 euros pour exécution fautive du contrat de travail. Il invoque à ce titre :

- un défaut de rémunération conforme au temps de travail réel, le nombre d'heures réellement accompli ne figurant pas sur le bulletin de salaire, ce qui pourrait également relever de l'infraction de travail dissimulé,

- la volonté de la société Catesson de tout faire pour empêcher les salariés de vérifier leur temps de travail et de pouvoir faire valoir leurs droits,

- le chantage à l'emploi opéré par la société Catesson pour contraindre les salariés à renoncer à la prime de non-accrochage,

- la discrimination consistant à demander aux salariés qui avaient refusé de voir le paiement de leur prime de non-accrochage suspendu, de rembourser un trop-perçu de congés payés, ce qui constitue une sanction pécuniaire non applicable aux salariés ayant accepté de faire allégeance à l'employeur.

La société Catesson conteste toute exécution déloyale du contrat de travail.

****

Il ne résulte des développements ci-dessus, ni une dissimulation des heures de travail réellement accomplies, ni aucun chantage à l'emploi sur le sujet de la suspension de la prime de non-accrochage. En effet, les différents accords d'entreprise sus-visés, tous entérinés par le comité d'entreprise rendent compte d'une négociation collective étrangère à un quelconque procédé de chantage. En ce qui le concerne, M. [B] qui a expressément donné son accord à une suspension provisoire de la prime de non-accrochage et qui ne soutient pas que son consentement aurait été vicié, n'est pas fondé à invoquer un quelconque chantage à l'emploi.

En ce qui concerne la discrimination qui résulterait de demandes de remboursement d'un trop-perçu de congés payés, M. [B] verse aux débats les demandes adressées à d'autres salariés que lui ( M. [S], M. [H], M. [K], M. [I]), mais aucun document le concernant personnellement ,de sorte qu'il n'établit aucune discrimination dans l'exécution de son contrat de travail.

En tout état de cause, la société Catesson a, dés le 26 juin 2014, après concertation avec l'inspection du travail et avec les membres de sa direction, décidé de renoncer au remboursement du trop perçu sur congés payés et a diffusé en toute transparence, une note d'information en ce sens, de sorte qu'aucune exécution déloyale ne saurait lui être reprochée à ce titre.

Le premier juge a considéré que la signature, le 14 février 2014 d'un avenant temporaire modifiant l'article 5 du contrat de travail de M. [B], relatif à la prime de non-accrochage et visant l'accord d'entreprise signé avec les organisations syndicales représentatives le 6 février 2014 , s'apparentait à un procédé fallacieux dés lors qu'il ressortait du texte une formulation trompeuse ne permettant pas au salarié de considérer qu'il peut s'opposer à l'application de l'avenant eu égard à la référence à la conclusion des accords collectifs prévoyant la suspension de l'avenant.

La cour observe que M. [B] ne demande pas expressément la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Catesson à payer à M. [B] la somme de 1 500 euros de dommages-intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail puisqu'il reprend simplement dans le dispositif de ses conclusions d'appel sa demande en paiement de la somme de 10 000 euros pour exécution fautive du contrat de travail et qu'il ne présente aucun moyen relatif à l'avenant en question au soutien de sa demande, de sorte que sa demande de dommages-intérêts au titre de l'exécution déloyale doit être rejetée.

Le jugement déféré qui a fait droit à la demande de M. [B] à hauteur de 1 500 euros sera en conséquence infirmé.

- Sur le licenciement :

M. [B] fait grief à la société Catesson de ne pas avoir consulté les délégués du personnel avant de prononcer son licenciement alors qu'il ne peut être contesté qu'il a procédé à la déclaration de maladie professionnelle avant son licenciement, et que même si sa prise en charge au titre de la législation professionnelle n'était pas acquise à cette date, l'employeur avait connaissance de l'origine professionnelle, au moins partielle, de l'inaptitude et devait mettre en oeuvre la procédure protectrice imposant de prendre l'avis des délégués du personnel.

M. [B] souligne que son cas a été examiné par le comité d'entreprise et que cette consultation confirme que la société Catesson avait conscience de se placer dans un contexte d'inaptitude d'origine professionnelle.

M. [B] conclut qu'en tout état de cause, il appartient à la société Catesson de démontrer qu'elle a loyalement envisagé son reclassement, faute de quoi et de plus fort, le licenciement devra être dit comme ne reposant sur aucune cause réelle et sérieuse

La société Catesson fait valoir d'une part, qu'elle n'avait pas à consulter les délégués du personnel dés lors que :

- contrairement à ce que soutient le salarié dans ses écritures et pour la première fois, la maladie professionnelle n'a fait l'objet d'une déclaration que le 19 janvier 2015, soit postérieurement au licenciement et non le 21 octobre 2014,

- elle n'avait, par conséquent, à la date de notification de son licenciement à M. [B], pas connaissance des démarches du salarié visant à faire reconnaître l'origine professionnelle de la maladie,

- le second avis d'inaptitude du 20 octobre 2014 est antérieur.

La société Catesson fait valoir, d'autre part, qu'elle a rempli son obligation de reclassement en ce qu'elle :

- a proposé à M. [B], par lettre remise en main propre du 18 novembre 2014 un poste d'agent de cour que le salarié a refusé le 20 novembre 2014,

- verse aux débats son registre d'entrée et de sortie du personnel qui démontre qu'aucun poste ne pouvait être proposé à M. [B]

A titre subsidiaire, la société Catesson fait valoir que la demande de dommages-intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse devra être réduite à la somme de 9 639, 84 euros correspondant à six mois de salaire.

****

L'article L. 1226-10 du code du travail dans sa version applicable au litige, antérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, précise que lorsqu'un salarié est déclaré inapte à son emploi consécutivement à un accident du travail ou une maladie professionnelle, « l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise (...) ».

L'avis des délégués du personnel doit être recueilli avant que la procédure de licenciement d'un salarié inapte à son emploi en conséquence d'un accident de travail ou d'une maladie professionnelle ne soit engagée.

L'avis des délégués du personnel doit être recueilli après que l'inaptitude de l'intéressé a été constatée dans les conditions prévues par l'article R. 4626-31 du code du travail (c'est-à-dire, après le deuxième examen médical prévu par ces textes) mais avant la proposition à l'intéressé d'un poste de reclassement approprié à ses capacités.

En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats que le salarié a transmis un avis d'arrêt de travail daté du 22 octobre 2014 rempli sur un formulaire ne faisant pas référence à l'accident du travail ou à la maladie professionnelle, et que la société Catesson justifie de la transmission le 21 janvier 2015, par la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, d'une déclaration de maladie professionnelle signée par le salarié le 19 janvier 2015 et qui est par conséquent postérieure à la notification du licenciement au salarié par lettre du 9 décembre 2014.

Le fait que la société Catesson ait examiné la situation de M. [B] avec les représentants du personnel lors du comité d'entreprise du 22 octobre 2014 à la suite de l'avis d'inaptitude définitive du 20 octobre 2014, ainsi qu'elle en a informé l'intéressé le 18 novembre 2014 dans son courrier proposant un poste d'agent de cour, ne signifie pas que l'employeur avait connaissance de l'origine professionnelle de la maladie, mais témoigne uniquement d'une démarche de concertation dans le cadre de la mise en oeuvre de l'obligation de reclassement.

Faute de tout autre élément attestant que la société Catesson avait connaissance du caractère professionnel de l'inaptitude de M. [B] à la date de notification du licenciement, le grief tiré du défaut de consultation des délégués du personnel n'est pas fondé, et M. [B] qui n'articule par ailleurs aucun autre moyen à l'appui de sa demande au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, notamment quant à l'obligation de reclassement, sera débouté de ses demandes en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et de dommages et intérêts au titre du licenciement. Le jugement déféré sera donc confirmé.

- Sur les demandes accessoires

Les dépens de première instance et d'appel, suivant le principal, seront supportés par M. [B].

L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il ne soit pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance et en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné la société Catesson à payer à M. [B] la somme de 1 500 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail et sauf sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

Statuant à nouveau sur ces chefs

DÉBOUTE M. [B] de sa demande de dommages-intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d'appel,

CONDAMNE M. [B] aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 19/01899
Date de la décision : 06/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-06;19.01899 ?
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