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05/10/2022 | FRANCE | N°19/03626

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 05 octobre 2022, 19/03626


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE



N° RG 19/03626 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MMIP



[B]

C/

Société CLINIQUE DU VAL D'OUEST-VENDOME

Société IMMOBILIERE DU VAL D'OUEST



APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 09 Mai 2019

RG : 17/01182



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 05 OCTOBRE 2022







APPELANT :



[F] [B]

né le 26 Décembre 1955 à [Localité 5]

[Adre

sse 4]

[Localité 5]



représenté par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Laurence SEGURA-LLORENS, avocat au barreau de LY...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 19/03626 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MMIP

[B]

C/

Société CLINIQUE DU VAL D'OUEST-VENDOME

Société IMMOBILIERE DU VAL D'OUEST

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 09 Mai 2019

RG : 17/01182

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 05 OCTOBRE 2022

APPELANT :

[F] [B]

né le 26 Décembre 1955 à [Localité 5]

[Adresse 4]

[Localité 5]

représenté par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Laurence SEGURA-LLORENS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉES :

Société CLINIQUE DU VAL D'OUEST-VENDÔME

[Adresse 3]

[Localité 6]

représentée par Me Karen SOMM, avocat au barreau de LYON

Société IMMOBILIERE DU VAL D'OUEST

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Karen SOMM, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 21 Juin 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Joëlle DOAT, Présidente

Nathalie ROCCI, Conseiller

Antoine MOLINAR-MIN, Conseiller

Assistés pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 05 Octobre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente, et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat à durée indéterminée en date du 2 avril 2002 à effet au 14 septembre 2002, M. [F] [B] a été embauché par la société clinique du Val d'Ouest en qualité de directeur, position cadre, coefficient 800 de la convention collective nationale de l'hospitalisation privée, placé sous la responsabilité du président du directoire.

A compter du 1er février 2008, M. [B] a été embauché en qualité de directeur de la société Immobilière du Val d'Ouest, sans contrat de travail écrit.

Ces deux sociétés étaient détenues par la holding Pôle de santé du Grand Ouest Lyonnais.

Par contrat de cession d'actions sous conditions suspensives du 10 juin 2016, la société Oger Investissements a promis d'acquérir les titres représentant 100 % du capital et des droits de vote de la société Pôle de santé du Grand Ouest Lyonnais

La cession a été réitérée par acte du 30 juin 2016.

Par lettres remise en main propre contre signature datées du 15 juin 2016, la clinique du Val d'Ouest et la société Immobilière du Val d'Ouest ont convoqué M. [B] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 23 juin 2016, puis, le 28 juin 2016, elles ont chacune prononcé le licenciement de M. [B].

M. [B] a déposé deux requêtes devant le conseil de prud'hommes de Lyon, le 27 avril 2017, dirigées contre chacun de ses deux employeurs.

Il a demandé que chacune des deux sociétés soit condamnée à lui verser des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des dommages et intérêts pour licenciement vexatoire.

Il a également demandé que la clinique du Val d'Ouest soit condamnée à lui régler un rappel de prime sur objectifs et des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Par jugement du 9 mai 2019, le conseil de prud'hommes a :

- ordonné la jonction des deux instances

- dit que le licenciement de Monsieur [B] n'a pas été prononcé en violation de l'article

L 1224-1 du code du travail 

- dit que le licenciement de Monsieur [B] par la SA Clinique du VAL D'OUEST est fondé sur une cause réelle et sérieuse

- en conséquence, débouté Monsieur [B] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à l'encontre de la société CLINIQUE DU VAL D'OUEST ;

- débouté Monsieur [B] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement à caractère vexatoire à l'encontre de la société CLINIQUE DU VAL D'OUEST ;

- condamné la SA Clinique du VAL D'OUEST à verser à Monsieur [B] la somme de 7 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale au titre du non-respect de l'article 3 de son contrat de travail ;

- condamné la SA Clinique du VAL D'OUEST à verser à Monsieur [B] la somme de 1 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que le licenciement de Monsieur [B] par la société IMMOBILIERE DU VAL D'OUEST est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- en conséquence, condamné la société IMMOBILIERE DU VAL D'OUEST à verser à Monsieur [B] la somme de 12 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 

- débouté Monsieur [B] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement à caractère vexatoire à l'encontre de la société IMMOBILIERE DU VAL D'OUEST 

- condamné la société IMMOBILIERE DU VAL D'OUEST à verser à Monsieur [B] la somme de 1 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté la SA Clinique du VAL D'OUEST et la Société IMMOBILIERE DU VAL D'OUEST de leurs demandes d'article 700 du code de procédure civile 

- condamné la SA Clinique du VAL D'OUEST et la Société IMMOBILIERE DU VAL D'OUEST aux entiers dépens 

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

M. [B] a interjeté appel de ce jugement, le 24 mai 2019.

Il demande à la cour :

- d'infirmer le jugement en ce qu'il :

- a dit que son licenciement n'a pas été prononcé en violation de l'article L.1224-1 du code du travail

-a dit que son licenciement par la SA clinique du VAL D'OUEST est fondé sur une cause réelle et sérieuse et, en conséquence l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à l'encontre de la société Clinique du VAL D'OUEST

- l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement à caractère vexatoire à l'encontre de la société Clinique du VAL D'OUEST

- a condamné la société Clinique du VAL D'OUEST à lui verser la somme de 7 000 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale au titre du non-respect de l'article 3 de son contrat de travail

- a condamné la société IMMOBILIERE DU VAL D'OUEST à lui verser la somme de

12 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement à caractère vexatoire à l'encontre de la société IMMOBILIERE DU VAL D'OUEST

- l'a débouté du surplus de ses demandes

- de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que l'exécution du contrat de travail par la CLINIQUE DU VAL D'OUEST est déloyale par violation de l'article 3 du contrat et que le licenciement prononcé par la société IMMOBILIERE DU VAL D'OUEST est mal-fondé

Et statuant à nouveau,

A l'encontre de la SOCIETE CLINIQUE DU VAL D'OUEST :

- de juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse 

- de condamner la société CLINIQUE DU VAL D'OUEST à lui verser les sommes de :

- 759 000 euros nets de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 52 665 euros nets de dommages et intérêts pour procédure vexatoire

- 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel

- de condamner la société CLINIQUE DU VAL D'OUEST à lui verser la somme de 48 632 euros bruts à titre de rappel de prime d'objectifs, outre 4 863,20 euros bruts de congés payés afférents

- de condamner la société CLINIQUE DU VAL D'OUEST à lui verser la somme de 21 000 euros nets de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat

- de condamner la société CLINIQUE DU VAL D'0UEST à lui remettre une attestation pôle emploi rectifiée conforme aux chefs de demande sus sollicités, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, 'le Conseil' se réservant la possibilité de liquider l'astreinte

- de fixer le salaire moyen à la somme de 10 533,11 euros

- de débouter la société CLINIQUE DU VAL D'OUE5T de toutes demandes contraires

- de condamner la société CLINIQUE DU VAL D'OUEST aux entiers dépens

- de dire et juger qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées et qu'en cas d'exécution par voie extra-judiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par la société CLINIQUE DU VAL D'OUEST en sus de l'indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'encontre de la société IMMOBILIERE DU VAL D'OUEST :

- de juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- de condamner la société IMMOBILIERE DU VAL D'OUEST à lui verser les sommes de :

- 178 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 21 415 euros nets à titre de dommages et intérêts pour rupture vexatoire,

- 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- de fixer le salaire moyen à la somme de 4 283,91 euros,

- de débouter la société IMMOBILIERE DU VAL D'OUEST de toutes demandes contraires,

- de condamner la société IMMOBILIERE DU VAL D'OUEST aux entiers dépens,

- de dire et juger qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées et qu'en cas d'exécution par voie extra-judiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par la société IMMOBILIERE DU VAL D'OUEST en sus de l'indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Clinique du Val d'Ouest devenue Clinique du Val d'Ouest-Vendôme et la société immobilière du Val d'Ouest demandent à la cour :

- de réformer le jugement en ce qu'il a :

- condamné la clinique du Val d'Ouest à verser à Monsieur [B] la somme de 7 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale au titre du non-respect de l'article 3 de son contrat de travail et la somme de 1 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que le licenciement de Monsieur [B] par la société IMMOBILIERE DU VAL D'OUEST était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- condamné la société IMMOBILIERE DU VAL D'OUEST à verser à Monsieur [B] la somme de 12.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et la somme de 1 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

et les a condamnées aux entiers dépens.

statuant à nouveau :

- de dire qu'aucune prime d'objectif n'est dûe à Monsieur [B] ;

- de constater que la CLINIQUE DU VAL D'OUEST n'a réalisé aucune exécution déloyale du contrat de travail de Monsieur [B] ;

- de confirmer le jugement pour le surplus de ses dispositions

En tout état de cause :

- de condamner Monsieur [F] [B] au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour chaque intimée ;

- de condamner Monsieur [F] [B] aux entiers dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 mai 2022.

SUR CE :

Sur la demande de rappel de prime

M. [B] sollicite un rappel de prime sur trois ans (2013 à 2016) en faisant valoir qu'en l'absence de fixation des objectifs, il appartient au juge de déterminer le montant de la rémunération en fonction des critères visés au contrat et, à défaut, des données de la cause.

La clinique du Val d'Ouest fait valoir qu'aux termes de la clause litigieuse du contrat de travail, elle n'a pris aucun engagement définitif, se réservant l'opportunité du versement et du montant de la prime, et qu'aucune prime sur objectif n'a été versée au salarié au cours de leurs 14 années de collaboration.

L'article 3 du contrat de travail contient la clause suivante :

« En rémunération de vos fonctions, vous bénéficierez d'un revenu annuel garanti brut de 99200 euros la première année et de 106800 euros à partir de la deuxième année.

Une prime d'objectif pourra être versée annuellement. Les objectifs seront définis chaque année avec le Conseil d'Administration ».

Le conseil d'administration n'a jamais défini d'objectifs annuels et M. [B] n'a jamais perçu de prime d'objectif.

Le salarié a simplement perçu une prime exceptionnelle d'un montant de 12 158 euros en avril 2006.

Il demande à la cour de fixer à ladite somme sa prime d'objectif annuelle.

Toutefois, en l'absence de précision dans le contrat en ce qui concerne les critères de fixation de la prime d'objectif et le montant ou les modalités de calcul de celle-ci, il apparaît que le versement d'une telle prime présentait un caractère discrétionnaire pour l'employeur. L'absence de définition annuelle d'objectifs ne peut donc avoir pour conséquence d'ouvrir droit au versement au profit du salarié d'une prime d'objectif d'un montant équivalent à celui de la prime exceptionnelle perçue une fois dix ans avant la rupture du contrat de travail.

C'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a rejeté ce chef de demande.

Sur la demande fondée sur l'exécution déloyale du contrat de travail

L'article L. 1222-1 du code du travail dispose que le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

M. [B] demande à la cour de condamner la société Clinique du Val d'Ouest à lui verser une somme de 21 000 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat, 'car il a été indûment privé au cours de la collaboration des droits acquis selon le dispositif contractuel applicable'.

La clause litigieuse devant être interprétée comme laissant à l'employeur le pouvoir discrétionnaire de verser une prime d'objectif et de définir annuellement des objectifs, la mauvaise foi de la clinique dans l'exécution du contrat de travail n'est pas démontrée.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement qui a alloué des dommages et intérêts à M. [B] et de rejeter ce chef de demande.

Sur les licenciements

M. [B] fait valoir en premier lieu que la chronologie des faits précédant son licenciement, intervenu quarante-huit heures avant la réitération du contrat de cession du 10 juin 2016 au profit du groupe OGER INVESTISSEMENTS, démontre que cette mesure était destinée à faire échec à l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail et qu'il existait une collusion entre les cédants (MM. [K] et [C], Présidents des conseils de surveillance de la clinique et de l'Immobilière du Val d'Ouest), et l'acquéreur, ce dernier ne souhaitant pas le reprendre au sein de son nouveau groupe. Il affirme que les deux licenciements dont il a fait l'objet sont pour ce seul motif sans cause réelle et sérieuse.

Or, les licenciements pour motif personnel sont intervenus avant la cession, de sorte que l'article L1224-1 du code du travail n'est pas applicable.

Et la fraude alléguée qui ne peut résulter de la seule chronologie de la cession et des mesures de licenciement prononcées n'est pas démontrée.

En application de l'article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement individuel doit reposer sur une cause réelle et sérieuse.

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables, qu'il doit reprendre dans la lettre de licenciement prévue par l'article L1232-6 du code du travail, cette lettre fixant ainsi les limites du litige.

Le licenciement prononcé par la société Clinique du Val d'Ouest

Aux termes de la lettre de licenciement du 30 juin 2016, la clinique du Val d'Ouest reproche à M. [B] des manquements professionnels et des dysfonctionnements majeurs dans l'exercice de ses fonctions de nature à remettre en cause la bonne marche de l'entreprise, (ce qui) a révélé sa non adhésion à la stratégie et à la politique de l'entreprise ainsi que son comportement et ses agissements inadaptés de nature à détériorer l'image et à porter préjudice à un projet d'entreprise majeur.

A l'appui du licenciement, la clinique invoque cinq séries de faits dont elle estime en conclusion qu'ils ont conduit à une perte de confiance irréversible et incompatible avec les fonctions de directeur exercées par le salarié.

1) Dégradation de la notation de la clinique par la Haute Autorité de Santé

Le 4 avril 2016, la Clinique a été notée C (« certification avec obligation d'amélioration » avant le 31 octobre 2016, soit une certification en sursis) par la HAS, sur une échelle allant de A à E, alors que la Clinique était jusqu'à présent certifiée sans réserve.

Le rapport de certification publié à cette occasion a pointé des carences importantes dans le management de la qualité et le respect des normes au sein de la clinique.

En particulier, des obligations d'amélioration ont été listées dans les domaines suivants, pourtant au c'ur de l'activité de la clinique :

- management de la qualité et des risques

- droit des patients

- management de la prise en charge médicamenteuse du patient

- management de la prise en charge du patient au bloc opératoire

- management de la prise en charge du patient en endoscopie

- management de la prise en charge du patient en salle de naissance

Or, le management de la qualité est du ressort direct du Directeur, à qui est rattachée une personne dédiée.

Dans ces différents domaines, il est notamment reproché à la clinique dans le rapport de certification :

- une absence d'analyse des risques et de formalisation et de suivi des programmes d'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins,

- un non-respect des régies de prescription médicamenteuse,

- des défaillances dans les conditions de stockage des matériels et médicaments,

- des défaillances dans la maîtrise du risque infectieux autour du bloc opératoire,

- et la récurrence de dysfonctionnements déjà constatés lors de l'audit 2010...

Ces sujets de premier plan qui relèvent des responsabilités du Directeur n'ont donc pas été traités convenablement.

Il vous appartenait de vous assurer de l'avancée et de la bonne réalisation des obligations en vigueur en matière de qualité et de certification, sujet que vous devriez maitriser tout particulièrement.

Ceci est d'autant plus inacceptable que vous avez été jusqu'à récemment Auditeur Vérificateur auprès d'autres établissements de soins.

Ce rapport étant rendu public, il est de nature à porter préjudice à la Clinique, dont les patients peuvent aisément comparer les notations de la clinique avec celles obtenues par les établissements concurrents (ayant pour la plupart obtenu de meilleures notations).

M. [B] soulève la prescription du grief dans la mesure où, au plus tard le 4 avril 2016, et en réalité bien antérieurement à cette date, comme en attestent les différentes phases de la procédure de certification, son employeur avait connaissance des manquements signalés.

L'employeur n'a pas répondu à ce moyen.

****

Le rapport de la Haute Autorité de Santé notifié le 4 avril 2016 contient les conclusions suivantes :

'Votre établissement est certifié avec obligations d'améliorations.

Au regard d'une situation à risques identifiée en visite constituant un manquement pour la sécurité des personnes le collège de la HAS a décidé :

- pour la thématique management de la qualité et des risques, de prononcer une obligation d'amélioration au motif qu l'ensemble des écarts relevés dans les audits de processus vus en visite révèle une absence de structuration globale de la démarche qualité de l'établissement , et plus particulièrement de la thématique maîtresse MQGDR

- pour la thématique management de la prise en charge médicamenteuse du patient, de prononcer une obligation d'amélioration au motif que des non-conformités et situations à risques ont té relevées (les infirmières et aide-soignantes accèdent au module de prescription, retranscription du traitement personnel par les infirmières, retranscription de prescriptions médicales par les sage-femmes, existence de double prescription contradictoire, non sécurisation des conditions de stockage)

(...)

Le suivi des obligations d'amélioration est obligatoire et votre établissement est tenu de réaliser un compte qualité supplémentaire. Il devra parvenir à la HAS, dans l'application SARA, dans un délai de 6 mois (au plus tard le 31 octobre 2016) à compter de la notification de la présente décision. Il portera sur les obligations d'amélioration définies dans le rapport de certification.

Au terme de l'analyse de ce compte qualité, la HAS peut :

- prononcer une nouvelle décision de certification avec ou sans recommandations d'amélioration

- ou décider d'organiser une visite de suivi sur les obligations d'amélioration définies dans le rapport de certification.

A défaut de résolution effective des obligations d'amélioration, une décision de non-certification sera prononcée à l'égard de votre établissement.

(...)'

Il résulte des documents versés aux débats par M. [B] que, dans le cadre de la procédure de certification V2014 de la clinique en 2014 et 2015 :

- les experts visiteurs ont effectué une visite sur les lieux du 27 au 30 avril 2015 en sa présence et celle des interlocuteurs suivants : le président de la commission médicale d'établissement, le président du directoire, la directrice des soins et la directrice qualité

- une réunion de bilan de fin de visite a eu lieu le 30 avril 2015 en présence des mêmes personnes et a donné lieu à une synthèse collective et à un bilan de fin de visite

- un pré-rapport de visite daté d'avril 2015 a ensuite été transmis à l'établissement, le 6 novembre 2015, et une réponse a été faite le 9 décembre 2015 sur le compte qualité SARA (outil informatique de l'HAS, selon le courriel de M. [B] du 3 juin 2016 adressé à M. [L], directeur administratif et financier de l'acquéreur

- la commission médicale d'établissement s'est réunie le 24 novembre 2015 avec pour premier point de l'ordre du jour : le retour de la Haute Autorité de Santé concernant la prise en charge médicamenteuse à la suite de la visite de certification V2014 de fin avril

- le rapport définitif a été établi en février 2016 et adopté par décision de la Haute Autorité de Santé du 23 mars 2016 notifiée le 4 avril 2016.

L'article L1332-4 du code du travail dispose qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Les éléments apportés par M. [B] montrent que l'employeur était présent lors de la visite de l'établissement et a eu connaissance des observations des visiteurs experts le 30 avril 2015 à la fin de la visite. Les constatations et évaluations figurant dans le pré-rapport d'avril 2015 communiqué à l'établissement en novembre 2015 sont reprises à l'identique dans le rapport définitif de février 2016 notifié le 4 avril 2016.

En effet, le guide de méthodologie de certification V2014 à destination des établissements de santé prévoit que, cinq à huit semaines après la visite, l'établissement reçoit le rapport de visite et dispose d'un délai d'un mois pour formuler ses observations qui peuvent porter sur des erreurs matérielles ou des formulations inadéquates relatives aux écarts et à leur qualification mais qui ne peuvent s'appuyer sur des faits postérieurs à la visite ou des actions correctives mises en place depuis la visite des experts-visiteurs.

La fiche de poste produite par la clinique précisant que le directeur général de l'établissement travaille en étroite relation avec le conseil de surveillance et le directoire dans la poursuite des buts de la société et de son projet stratégique d'établissement, l'employeur ne peut sérieusement soutenir qu'il n'a pas été informé du contenu du pré-rapport de certification d'avril 2015, des observations effectuées par le directeur général, enfin de la notification du 4 avril 2016 de la décision de certification avec obligations d'amélioration.

L'employeur n'a néanmoins formulé aucun reproche à M. [B], ni en novembre 2015, ni le 4 avril 2016, sur les carences fautives qu'il lui impute dans la lettre de licenciement en ce qu'elles seraient révélées par les conclusions du rapport et la décision de la Haute Autorité de Santé.

La procédure de licenciement disciplinaire ayant été engagée le 15 juin 2016, soit plus de deux mois après la notification de la décision du 4 avril 2016, le grief est en conséquence prescrit.

2) Mauvaise gestion du processus de gestion de certification de la HAS

Le rapport de certification pointe des dysfonctionnements importants.

En effet à titre d'exemple, la présence des personnes non autorisées dans certaines zones sensibles de l'établissement ainsi qu'une gestion déficiente du stockage de certains médicaments ont été révélées.

De tels constats révèlent une certaine impréparation de l'établissement en préalable des visites des auditeurs, et votre légèreté dans la gestion du processus.

Ces dysfonctionnements auraient en effet dû être anticipés et corrigés auparavant.

Par ailleurs, il y a un échec évident dans le processus contradictoire des échanges entre l'HAS et la clinique ayant précédé la publication de la notation de la clinique.

L'HAS ayant formulé ses observations à la clinique en fin d'année 2015, les réponses apportées n'ont pas été retenues et ont abouti à un rapport de certification très dégradé, presque à charge contre la clinique.

Enfin, les organes de Direction de la société n'ont été informés que tardivement et de façon insuffisante de la mauvaise direction que prenait le processus de certification, alors qu'un devoir d'alerte s'imposait à vous sur un sujet d'une telle importance. Vous avez camouflé à tout le moins omis de communiquer sur cette information pendant tout le processus contradictoire. Or une meilleure information aurait probablement permis de corriger certains dysfonctionnements.

Au cours de notre entretien du 23 juin 2016, vous avez objecté que la clinique avait été certifiée. Cette réponse n'est absolument pas satisfaisante dans la mesure où cette certification est assortie d'obligations d'amélioration, qui constitue un sursis et pointe de façon publique, un grand nombre de manquements qui ne sont pas acceptables pour un établissement comme la CLINIQUE VAL D'OUEST.

Il a été dit ci-dessus, d'une part que la Haute Autorité de Santé ne pouvait pas tenir compte dans sa décision des actions correctrices réalisées postérieurement à la visite des experts du mois d'avril 2015 et que les observations de l'établissement postérieures au pré-rapport qui ont bien été faites dans le temps imparti ne pouvaient avoir pour effet de modifier les constatations des experts effectuées lors de la visite, d'autre part que l'employeur avait été associé à la procédure entre avril 2015 et février 2016, et informé de ses résultats le 30 avril 2015, en novembre 2015 et le 4 avril 2016.

Dans ces conditions, la légèreté fautive reprochée au salarié dans la préparation de la visite des experts, à supposer qu'elle soit démontrée, était prescrite lors de l'engagement de la procédure de licenciement, tandis que les griefs de mauvaise gestion de la procédure contradictoire et de dissimulation à l'employeur d'informations par le salarié ne sont pas établis.

3) Carences dans la gestion du contrôle fiscal

Le 27 juin 2016, la clinique s'est vu notifier une proposition de redressement fiscal particulièrement lourde, portant en particulier sur la TVA, l'impôt sur les sociétés et la CVAE, alors qu'il n'avait pas été mentionné aux organes de la Direction ainsi qu'aux candidats à l'acquisition de risques particuliers au titre de ce contrôle initié le 1er décembre 2015.

La proposition de redressement témoigne égaiement d'une carence de votre part dans la gestion de ce contrôle, votre légèreté avant conduit à une proposition de redressement qui aurait pu être très largement évitée avec un suivi plus appliqué :

- il est reproché à la Clinique de ne pas avoir rapporté la preuve des dépassements d'honoraires pratiqués par les chirurgiens esthétiques sur les opérations à visée thérapeutique, ce qui aurait permis de justifier le faible taux de remboursement des actes concernés ;

- il est également reproché à la Clinique de n'avoir effectué aucun contrôle quant à l'assujettissement éventuel à la TVA des opérations de chirurgie réparatrice ;

- Par ailleurs, la Clinique ne pas été en mesure de fournir un contrat de location et entretien du linge loué, alors que ses charges représentent plus de 300.000 euros par an ;

- Enfin, vous n'avez pas su défendre auprès de l'administration fiscale, le mode de financement que vous avez mis en place pour la filiale PM DEVELOPPEMENTS ni justifié du caractère essentiel du logiciel de cette dernière pour la Clinique, et donc du caractère opportun des avances faites.

Tous ces manquements ont conduit l'administration à formuler une proposition de rectification extrêmement lourde, qui aurait pu être évitée en grande partie si vous aviez suivi le dossier avec un professionnalisme et une diligence à hauteur de l'enjeu.

Au cours de notre entretien du 23juin 2016, vous avez objecté avoir transmis à l'administration fiscale l'ensemble des éléments demandés par cette dernière.

La proposition de rectification reçue par la société témoigne du contraire, et en particulier de la faiblesse de l'échange contradictoire entre la clinique et l'administration fiscale lors de ce contrôle (la rectification proposée portant notamment sur les honoraires des Médecins et non de la Clinique, ce qui est tout à fait incohérent et aurait dû être contesté vigoureusement lors de l'échange précédant la notification, et non après...).

Il ne résulte pas de la proposition de rectification notifiée le 16 juin 2016 à l'issue de la vérification de comptabilité dont la clinique avait fait l'objet pour la période du 1er janvier 2012 au 30 septembre 2015 que, dans le cadre de ce contrôle, M. [B] n'a pas correctement répondu à l'administration fiscale, ni communiqué les documents réclamés par elle.

En tout état de cause, dès lors qu'à la date de l'engagement de la procédure de licenciement, le 15 juin 2016, la proposition de rectification n'avait pas encore été envoyée à la société et que le délai dans lequel cette dernière, assistée d'un conseil fiscal, pouvait présenter ses observations, contester les chefs de rectification et communiquer le cas échéant des pièces justificatives supplémentaires n'avait pas commencé à courir, l'employeur ne peut sérieusement reprocher au salarié la 'faiblesse' de l'échange contradictoire ou son absence de contrôle, dans les termes de la lettre de licenciement.

La proposition de rectification du 19 décembre 2016 dont toutes les pages ne sont pas produites et l'avis de mise en recouvrement correspondant daté du 15 février 2017, tous éléments postérieurs au licenciement, concernent en réalité l'impôt sur les sociétés dû par la société immobilière du Val d'Ouest, ce qui est sans rapport avec la procédure de redressement litigieuse.

Les manquements allégués de M. [B] à l'appui du troisième grief ne sont pas établis, comme l'a justement retenu le conseil de prud'hommes.

4) Mise en danger du processus de vente envisagé

Alors que vous étiez en charge de mener à bonne fin et assurer le bon déroulement du processus de vente de la Clinique et du Groupe en cours de discussion, il a été constaté qu'un certain nombre d'éléments importants ont été omis voire dissimulés dans le cadre du projet de cession au mépris des intérêts de l'entreprise et de ses actionnaires.

En particulier et à titre d'exemples :

- Dissimulation de l'information sur la certification dégradée de la HAS alors que cette question avait été spécifiquement adressée lors des audits d'acquisition ;

- Transmission des contrats d'exercices caducs pour les Médecins de la Clinique de la PART-DIEU, l'acquéreur potentiel ayant découvert de nouveaux contrats très différents à quelques jours seulement de la signature du protocole de cession'

Ces déficits dans la gestion du projet de transaction sont inacceptables.

Les actionnaires de la Clinique et du groupe ont pris des engagements quant à la complétude et la sincérité de l'information transmise au repreneur potentiel. En particulier, l'information sur la certification HAS était de nature à remettre en question la confiance l'acquéreur potentiel dans les informations transmises, et plus généralement le projet de transaction et son prix, dans la mesure ou la perte de la certification pourrait avoir des conséquences financières importantes pour l'établissement. Fort heureusement, les actionnaires du groupe sont parvenus à éviter une remise en cause de la transaction envisagée et de ses conditions.

La société Clinique du Val d'Ouest a signé un contrat de cession d'actions sous conditions suspensives le 10 juin 2016 et la vente a été réitérée par protocole en date du 30 juin 2016.

L'employeur n'est en conséquence pas fondé à reprocher à M. [B] de lui avoir dissimulé 'l'information sur la certification dégradée de la Haute Autorité de Santé', antérieure de plus de deux mois à la signature de la promesse d'achat.

En ce qui concerne les contrats d'exercice caducs des médecins de la clinique de [7], établissement dont M. [B] n'était pas le directeur, les échanges de courriels du 7 juin 2016 entre [J] [X], avocat au barreau de Paris, et M. [L], directeur administratif et financier de l'acquéreur des actions du Pôle de santé du Grand Ouest Lyonnais, ainsi que le contrat de praticien associé entre la société Clinique de [7] et le docteur [O], pièces versées aux débats à l'appui du grief, ne permettent pas de déterminer de fait précis imputable à M. [B] caractérisant une dissimulation volontaire d'éléments d'information et ayant eu pour conséquence de compromettre la vente envisagée.

5) Mise en danger du processus de vente

De façon plus générale, nous déplorons votre attitude de plus en plus négative de votre part qui s'est installée au fur et à mesure que le processus de cession envisagé s'est précisé. Votre implication dans le processus est alors devenue de plus en plus distante et erratique.

Votre implication dans la Direction de la clinique et le suivi général des affaires s'est également nettement dégradée, l'insuffisance du suivi des dossiers de la HAS et du contrôle fiscal en sont des exemples. Le retard pris dans le transfert de la crèche de l'établissement dans les nouveaux locaux de la Clinique en est un autre.

Par ailleurs, nous avons observé un accroissement des tensions avec un certain nombre de Médecins et cadres du groupe ces dernières semaines, avec un comportement de votre part générateur de conflits dont la Clinique se serait bien passée (blocage du règlement de factures PM DEVELOPPEMENT par exemple).

Il a déjà été dit que les carences fautives reprochées M. [B] dans le suivi des dossiers de certification et de contrôle fiscal étaient prescrites ou non établies quand la procédure de licenciement a été engagée.

Les seules pièces versées par l'employeur au sujet du retard pris dans le transfert de la crèche, à savoir le procès-verbal consignant la décision du conseil d'administration du 13 octobre 2015 de convoquer les actionnaires en assemblée générale extraordinaire le 10 novembre 2015 à l'effet de délibérer sur la cession du local de la crèche et le certificat notarié de vente d'un local à usage de crèche par la société Immobilière du Val d'Ouest en date du 30 janvier 2017, ne permettent pas d'attribuer à M. [B] la responsabilité du fait allégué, pas plus que de démontrer la réalité d'une attitude négative et d'un manque d'implication du salarié dans le processus de vente des actions de la société, constitutifs de déloyauté.

Enfin, la société ne verse aucune pièce établissant que M. [B] a adopté 'un comportement générateur de conflits' préjudiciable à l'entreprise.

Le cinquième grief n'est pas fondé.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, le licenciement de M. [B] par la société Clinique du Val d'Ouest est sans cause réelle et sérieuse, contrairement à ce qu'a dit le conseil de prud'hommes dont le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur le fondement de l'ancien article L1235-3 du code du travail, au regard de l'ancienneté (13 ans et 9 mois), de l'âge du salarié (61 ans) à la date du licenciement, du montant de son salaire brut des six derniers mois d'un montant de 10 496 euros et au vu du document relatif à l'impact de ce licenciement sur ses droits à la retraite, le préjudice résultant pour M. [B] de son licenciement injustifié doit être réparé par l'allocation de la somme de 150 000 euros bruts, somme que la société Clinique du Val d'Ouest doit être condamnée à lui payer, à titre de dommages et intérêts.

M. [B] justifie en outre d'un préjudice distinct lié aux circonstances vexatoires dans lesquelles son licenciement est intervenu. Il a en effet été dispensé de l'exécution de son préavis et contraint de quitter la clinique à la fin de la même journée du 28 juin 2016 au cours de laquelle lui avait été remise en mains propres sa lettre de licenciement.

Il y a lieu de condamner la société Clinique du Val d'Ouest à lui payer la somme de 1 500 euros en réparation du préjudice ainsi causé.

Il convient de condamner la société Clinique du Val d'Ouest à remettre à M. [B] une attestation Pôle emploi rectifiée conforme aux dispositions du présent arrêt sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette obligation du prononcé d'une astreinte.

En application de l'article L1235-4 du code du travail dans sa version antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, le salarié ayant plus de deux ans d'ancienneté dans une entreprise comptant plus de dix salariés, il convient de condamner d'office la société Clinique du Val d'Ouest à rembourser à POLE EMPLOI les allocations de chômage qui ont été versées au salarié dans la limite de quatre mois d'indemnités.

Le licenciement prononcé par la société Immobilière du Val d'Ouest

(...) Au cours de ces derniers mois et plus particulièrement de ces dernières semaines, il a été constaté de votre part des manquements professionnels et des dysfonctionnements majeurs dans l'exercice de vos fonctions de nature à remettre en cause la bonne marche de l'entreprise, 'a révélé votre non adhésion à la stratégie et à la politique de l'entreprise' ainsi que votre comportement et vos agissements inadaptés de nature à détériorer l'image et à porter préjudice à un projet d'entreprise important. Ces faits ont conduit  à une perte de confiance irréversible et incompatible avec les fonctions de Directeur que vous exercez.

A titre d'illustration des reproches formulés, nous déplorons les différents faits et griefs suivants.

Vous n'avez pas hésité à mettre en danger le processus de vente envisagé.

Ainsi, alors que vous étiez chargé de mener à bonne fin le bon déroulement du processus de vente de la société immobilière, de la clinique et du groupe en cours de discussion, nous avons constaté qu'un certain nombre d'éléments importants ont été dissimulés dans le cadre du projet de cession au mépris des intérêts de l'entreprise et de ses actionnaires ;

A tout le moins, à aucun moment, vous ne nous avez alertés sur ces points importants.

En particulier, nous avons relevé une dissimulation de l'information sur la certification dégradée de la HAS, transmission de contrats d'exercice caducs pour les médecins de la clinique de [7], que l'acquéreur a découvert à quelques jours seulement de la signature.

S'agissant d'un projet global de cession, ces déficits dans la gestion de la clinique, du groupe et dans le projet de transaction sont inacceptables.

Les actionnaires de la société, de la clinique et du groupe ont pris des engagements quant à la complétude et à la sincérité de l'information transmise au potentiel repreneur.

Cette situation a été par ailleurs de nature à remettre en question le projet de transaction et son prix ce que les actionnaires du groupe sont parvenus à éviter.

De façon plus générale, nous déplorons votre attitude de plus en plus négative qui s'est installée au fur et à mesure que le process de cession envisagé s'est précisé. Votre implication dans ce processus est alors devenue de plus en plus distante et erratique.

Votre implication dans la direction de la société s'est également nettement dégradée , en témoigne le retard pris dans le dossier de la cession du local de la crèche, entérinée en assemblée générale de la société en novembre 2015 et qui n'en est toujours qu'à la réception d'un premier projet de promesse synallagmatique de vente, sept mois après cette assemblée (...)

Ce retard, très dommageable à la société, témoigne d'un suivi des différents dossiers bien insuffisant. Ceci est d'autant plus inacceptable que vous aviez insisté vous-même sur l'urgence de la cession fin 2015, la trésorerie du groupe ayant alors grandement besoin de ce produit de cession pour financer les besoins des mois suivants.

Par ailleurs, il a pu être observé un accroissement des tensions avec un certain nombre de dirigeants du groupe ces dernières semaines.

L'ensemble des faits ci-dessus a un impact sur notre entreprise.

En conclusion, force est de constater votre échec dans vos missions professionnelles et la perte de confiance en résultant, incompatible avec l'exercice des fonctions de directeur.

(...)

Il résulte de ce qui précède qu'aucun des griefs énoncés par la société Immobilière du Val d'Ouest à l'appui de la mesure de licenciement n'est fondé.

Il y a lieu de confirmer le jugement qui a constaté que ce licenciement était sans cause réelle et sérieuse.

Sur le fondement de l'ancien article L1235-3 du code du travail, au regard de l'ancienneté (8 ans et 5 mois), de l'âge du salarié (61 ans) à la date du licenciement, du montant de son salaire brut des six derniers mois d'un montant de 4065,46 euros et au vu du document relatif à l'impact de ce licenciement sur ses droits à la retraite, le préjudice résultant pour M. [B] de son licenciement injustifié a été inexactement apprécié par le conseil de prud'hommes.

Il convient de porter le montant des dommages et intérêts à la somme de 34 500 euros bruts.

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts formée au motif du caractère vexatoire de la procédure. Ce préjudice a en effet été indemnisé dans le cadre du licenciement prononcé par la société Clinique du Val d'Ouest, les deux procédures ayant été menées de manière connexe.

Le recours de M. [B] étant partiellement accueilli, les sociétés Clinique du Val d'Ouest et Immobilière du Val d'Ouest doivent être condamnées in solidum aux dépens d'appel et à payer chacune au salarié la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement :

CONFIRME le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de M. [B] en paiement d'un rappel de prime d'objectifs, dit que le licenciement prononcé par la société Immobilière du Val d'Ouest était sans cause réelle et sérieuse, rejeté la demande de dommages et intérêts pour circonstances vexatoires de licenciement formée à l'encontre de la société Immobilière du Val d'Ouest et condamné les sociétés Clinique du Val d'Ouest et Immobilière du Val d'Ouest aux dépens ainsi qu'à payer à M. [B] une indemnité de procédure

INFIRME le jugement pour le surplus de ses dispositions

STATUANT à nouveau sur les chefs infirmés et Y AJOUTANT,

REJETTE la demande de dommages et intérêts fondée sur l'exécution déloyale du contrat de travail par la société Clinique du Val d'Ouest-Vendôme

DIT que le licenciement prononcé par la société Clinique du Val d'Ouest-Vendôme est sans cause réelle et sérieuse

CONDAMNE la société Clinique du Val d'Ouest-Vendôme à payer à M. [B] les sommes suivantes :

- 150 000 euros bruts à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice causé par le licenciement injustifié

- 1 500 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice causé par les circonstances vexatoires du licenciement

CONDAMNE la société Clinique du Val d'Ouest-Vendôme à remettre à M. [B] une attestation Pôle emploi rectifiée conforme aux dispositions du présent arrêt

REJETTE la demande tendant au prononcé d'une astreinte

CONDAMNE d'office la société Clinique du Val d'Ouest -Vendôme à rembourser à Pôle Emploi les allocations de chômage qui ont été versées au salarié dans la limite de quatre mois d'indemnités

CONDAMNE la société Immobilière du Val d'Ouest à payer à M. [B] la somme de

34 500 euros bruts à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice causé par le licenciement injustifié

CONDAMNE in solidum les sociétés Clinique du Val d'Ouest-Vendôme et Immobilière du Val d'Ouest aux dépens d'appel

CONDAMNE les sociétés Clinique du Val d'Ouest-Vendôme et Immobilière du Val d'Ouest à payer chacune à M. [B] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 19/03626
Date de la décision : 05/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-05;19.03626 ?
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