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05/10/2022 | FRANCE | N°19/04702

France | France, Cour d'appel de Lyon, 8ème chambre, 05 octobre 2022, 19/04702


N° RG 19/04702 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MO2F





Décision du Tribunal de Commerce de LYON au fond

du 27 mai 2019



RG : 2017j00586





SAS BRUYAS



C/



SAS APRC





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



8ème chambre



ARRÊT DU 05 Octobre 2022





APPELANTE :



La société BRUYAS, S.A.S, immatriculée au RCS de Nîmes sous le n° 378 566 087 dont le siège social es

t [Adresse 2], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège



Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON, toque ...

N° RG 19/04702 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MO2F

Décision du Tribunal de Commerce de LYON au fond

du 27 mai 2019

RG : 2017j00586

SAS BRUYAS

C/

SAS APRC

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

8ème chambre

ARRÊT DU 05 Octobre 2022

APPELANTE :

La société BRUYAS, S.A.S, immatriculée au RCS de Nîmes sous le n° 378 566 087 dont le siège social est [Adresse 2], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938

Ayant pour avocat plaidant Me Alexandre MARCE, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMÉE :

La société A.P.R.C, Société par Actions Simplifiée au capital de 200 000 euros, immatriculée au RCS de LYON sous le numéro 488 345 638, dont le siège social est [Adresse 1], prise en la personne de son dirigeant légal en exercice demeurant audit siège

Représentée par Me Guillaume BELLUC, avocat au barreau de LYON, toque : 1203

******

Date de clôture de l'instruction : 04 Octobre 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 07 Septembre 2022

Date de mise à disposition : 05 Octobre 2022

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Bénédicte BOISSELET, président

- Karen STELLA, conseiller

- Véronique MASSON-BESSOU, conseiller

assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Bénédicte BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

Dans le cadre de la réalisation d'une plate-forme frigorifique localisée à [Localité 3] pour le compte de la société STEF TFE, la société A.P.R.C. a, par marché de travaux en date du 13 février 2013, confié à la société Bruyas la réalisation du lot « serrurerie » pour un montant global et forfaitaire de 112 434,00 € HT.

Les travaux ont été réceptionnés avec réserves le 23 avril 2013.

Le montant total des travaux a été porté par voie d'avenant en date du 11 septembre 2013 à la somme de 128 781,86 € HT, suivant devis du 23 avril 2013 intitulé « Travaux en plus-values » d'un montant de 16 347,86 € HT.

Le 19 août 2015, la société Bruyas sollicitait par voie de mise en demeure le règlement de travaux qu'elle qualifie de « supplémentaires », chiffrés à 21 983,83 € HT dans le cadre de son projet de décompte final daté du 25 avril 2013.

Un désaccord est alors apparu entre les parties, la société A.P.R.C. refusant cette demande de paiement considérée comme infondée.

Par acte d'huissier régulièrement signifié le 24 mars 2017, la société Bruyas a assigné la société A.P.R.C. devant le Tribunal de commerce de Lyon afin de la voir condamnée, au visa des articles 1134 et 1147 anciens du Code Civil, au paiement des sommes suivantes :

21 873,64 € TTC (TVA 19,6 %) au titre du solde du marché,

6 439,09 € au titre des pénalités prévues pour retard d'exécution, avec intérêt de retard majoré de 5 points depuis le 25/04/2013,

15 000 € à titre de dommages et intérêts.

Par Jugement en date du 27 mai 2019, le Tribunal de commerce de Lyon a :

débouté la société Bruyas SAS de la totalité de ses demandes ;

rejeté comme non fondés toutes autres demandes, moyens, fins et conclusions contraires des parties ;

rejeté la demande d'exécution provisoire du jugement ;

condamné la société Bruyas SAS à payer à la société A.P.R.C., SAS la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

condamné la société Bruyas SAS à supporter les entiers dépens.

Le Tribunal a retenu  que la société Bruyas n'avait, en aucune occasion où cela était possible et conformément aux termes de l'article 11.1.4.2 du CCAG du contrat signé (NF P 03-001 ' Marchés privés), émis d'opposition, ni de contestation formalisée, tant lors de la réception des ouvrages que de la signature de l'avenant N°1 à son marché de travaux ; que de plus, aucun ordre de service formalisé, ni avenant n'avait été établi préalablement à la réalisation des « Travaux supplémentaires » allégués pour un montant de 21 983,83 € HT.

Par déclaration électronique en date du 4 juillet 2019, la société Bruyas a relevé appel de l'entier jugement en en reproduisant le dispositif.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 21 avril 2021, la société Bruyas demande à la Cour d'appel de Lyon de :

Vu les dispositions des articles 1134, 1147 et suivants du Code Civil, ancienne rédaction ou 1103, 1104, 1195, 1217 et 1231-1 et suivants du Code civil suite à l'ordonnance du 10/02/2016 n°2016-131,

Réformer la décision dont appel dans toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

I Sur le fait que la société A.P.R.C. est redevable de certaines sommes :

A titre principal : sur la deconnection nécessaire entre le devis initial et les autres travaux :

Dire et juger que les travaux litigieux n'étaient pas prévus initialement et ont été commandés hors du DQE et doivent s'analyser comme une nouvelle relation contractuelle créatrice d'obligations,

Dire et juger que la société A.P.R.C. est redevable de la somme de 21 983,83 € HT au titre de ces travaux qui demeurent impayés :

Dire et juger que la somme de 10 781 € HT au titre des travaux relatifs aux tôles larmées est incontestablement due par A.P.R.C. et la Condamner au paiement,

Dire et juger que la somme de 196 € HT au titre des travaux relatifs aux potences fixes sur poteaux bétons est due par A.P.R.C. et la Condamner au paiement,

Dire et juger que la somme de 302 € HT au titre des travaux relatifs aux grilles de ventilations est due par A.P.R.C. et la Condamner au paiement,

Dire et juger que la somme de 2 700 € HT au titre des travaux relatifs au local convoyeur est due par A.P.R.C. et la Condamner au paiement,

Dire et juger que la somme de 1 425 € HT au titre des travaux relatifs à la protection des poteaux bétons local maintenance est due par A.P.R.C. et la Condamner au paiement,

Dire et juger que la somme de 1 024,10 € HT au titre des travaux relatifs aux marches de l'escalier d'accès R+1 est due par A.P.R.C. et la Condamner au paiement,

Dire et juger que la somme de 1 117,20 € HT au titre des travaux relatifs aux gardes corps supplémentaires est due par A.P.R.C. et la Condamner au paiement,

Dire et juger que la somme de 1 233 € HT au titre des travaux relatifs aux caillebotis initialement imputés au lot gros 'uvre est due par A.P.R.C. et la Condamner au paiement,

Dire et juger que la somme de 670 € HT au titre des travaux relatifs au rallongement de l'échelle à ciroline est due par A.P.R.C. et la Condamner au paiement,

Dire et juger que la somme de 1 700 € HT au titre des travaux relatifs aux modifications des protections des portes 4 ou 5 points est due par A.P.R.C. et la Condamner au paiement.

A titre subsidiaire : sur l'acceptation des travaux litigieux :

Dire et juger que la société A.P.R.C. est redevable de la somme de 21 983,83 € HT au titre de ces travaux qui demeurent impayés.

A titre infiniment subsidiaire : sur le bouleversement de l'économie du contrat :

Dire et juger que l'économie du contrat initial a été bouleversée au regard d'un écart de +37,32 % entre le marché initial et les travaux réalisés,

Dire et juger que le principe du forfait du marché initial doit être écarté, Dire et juger que la société A.P.R.C. est redevable de la somme de 21 983,83 € HT au titre de ces travaux qui demeurent impayés.

II sur les comptes entre les parties :

A titre principal :

Condamner la société A.P.R.C. d'avoir à payer la somme de 21 873,64 euros TTC à la société Bruyas.

A titre subsidiaire :

Ordonner telle mesure d'expertise judiciaire confiée à tel expert qu'il plaira à la juridiction de céans avec pour mission principale de faire le compte entre les parties et de donner son avis sur le caractère supplémentaire des travaux dont il est demandé le paiement par la concluante ;

Ordonner pour le surplus à l'expert la mission habituelle en la matière, Statuer ce que de droit sur les frais d'expertise.

En tout état de cause :

Dire et juger que par son attitude la société A.P.R.C. cause un préjudice à la société Bruyas,

Condamner la société A.P.R.C. à la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts,

Condamner la société A.P.R.C. aux entiers dépens d'instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de la SELARL LAFFLY & Associés, avocat sur son affirmation de droit ainsi qu'au paiement de la somme de 10 500 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'appelante soutient notamment à l'appui de ses demandes :

A titre liminaire : sur la nécessaire réformation du jugement

Que la décision entreprise a trop limitativement apprécié les engagements réciproques des parties et s'est limitée à ne prendre en compte qu'une partie des engagements (travaux issus de l'avenant n°1) et pas l'autre (travaux litigieux) alors que le formalisme du marché n'avait pas non plus été respecté pour les travaux issus de l'avenant n°1 ;

Que le formalisme du marché ne permettait pas de faire avancer les travaux et de permettre l'achèvement de ceux-ci dans les délais escomptés ;

Que les premiers juges n'ont pas plus pris en compte les termes et l'importance du DGD : Il aurait dû être relevé par les premiers juges que la société A.P.R.C. n'a pas contesté ou présenté un autre DGD dans les délais imposés par la norme ni même au-delà ;

Que les premiers juges se devaient de relever les incohérences de l'intimée dans la gestion financière des travaux et surtout sa mauvaise foi : il a été nécessaire à la concluante de mener des actions précontentieuses pour que la société A.P.R.C. accepte de libérer la retenue de garantie indûment conservée.

I Sur le fait que la société ARPC est redevable de certaines sommes

A titre principal : sur la deconnection nécessaire entre le marche initial et les autres travaux :

Que le caractère forfaitaire n'est opposable à la concluante que pour les travaux prévus au marché de travaux initial. Une simple comparaison de ce DQE et du DGD permet de comprendre que les travaux litigieux n'étaient pas compris dans l'assiette du marché initial, qu'ils correspondaient par conséquent à des travaux supplémentaires commandés par A.P.R.C. devant s'analyser comme une nouvelle relation contractuelle créatrice d'obligations ;

Que les travaux litigieux devaient être régularisés par avenant après leur exécution comme cela a été fait dans le cadre du premier avenant ;

Qu'une partie des travaux litigieux ont été demandés et exécutés postérieurement au PV de réception, de sorte qu'ils sont totalement déconnectés du marché initial.

A sa lecture, le PV de réception ne concerne en effet pas lesdits travaux. Il s'agit des travaux :

De tôles larmées dans les couloirs et sur une trappe d'accès au vide sanitaire, demandés par mail le 20 juin 2013. Travaux initialement prévus uniquement au niveau des bureaux pour 68m linéaires,

De fixation de potences sur poteaux bétons, commandée par mail du 20 juin 2013.

Deux grilles de ventilation commandées par mail du 29 mai 2013.

Que ces travaux, exécutés, constituent un enrichissement sans cause qu'il convient de rembourser à la concluante ;

Que les autres travaux litigieux, réalisés avant réception, sont également totalement déconnectés du marché initial soit parce que le projet a été modifié, soit parce que le Maître d'ouvrage a demandé leur réalisation en plus. Il s'agit :

De la protection du local convoyeurs,

De la protection des poteaux béton local maintenance,

Du remplacement des marches et des contres marche initialement prévues en bois par des marches de type caisson de l'escalier d'accès R+1,

Du rajout de gardes corps non prévus initialement,

Des caillebotis en toiture SDM, mise en 'uvre initialement prévue par le lot gros 'uvre,

Du rallongement d'échelle à ciroline,

De la modification des protections des portes 4 ou 5 points.

A titre subsidiaire : sur l'acceptation des travaux litigieux

Qu'au regard des différents mails, il y a lieu de considérer que les travaux litigieux ont été commandés et acceptés par la société A.P.R.C.. Il apparaît également que ces travaux ont été ratifiés par le Maître d'ouvrage par son attitude, ne les contestant pas et les acceptant dans leur principe dans le cadre du DGD.

A titre infiniment subsidiaire : sur le bouleversement de l'économie du contrat

Que l'écart de + 37,32 % entre le marché initial de 109 794 euros HT et les travaux en plus de 40 977,69 euros HT (Avenant n°1 : 16 347,86 euros HT ; Travaux litigieux : 21 983,83 euros HT ; TS grilles ventilations : 2 640 euros HT) constitue un bouleversement de l'économie du contrat résultant de la volonté du Maître d'ouvrage et en aucun cas d'une initiative de la société Bruyas ;

Qu'un tel bouleversement constitue un cas d'exclusion du forfait, le caractère forfaitaire du marché sera exclu et la société A.P.R.C. sera condamnée d'avoir à payer les travaux non compris dans l'assiette initiale restant dus, soit la somme de 21 983,83 € HT.

Sur les comptes entre les parties :

A titre principal

Qu'il reste la somme de 21.873,64 euros TTC à régler à la société Bruyas.

A titre subsidiaire : sur l'organisation d'une mesure d'expertise judiciaire

Si la juridiction de céans devait se considérer insuffisamment informée aux termes des pièces versées aux débats, il sera ordonné avant dire droit au fond une mesure d'expertise judiciaire et donné pour mission à l'expert à désigner de faire le compte entre les parties. Pour le surplus il sera donné mission habituelle en la matière à l'expert et statué ce que de droit sur les frais d'expertise.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 29 avril 2021, la société A.P.R.C. demande à la Cour de :

Vu les articles 1134 (ancien) et 1793 du Code Civil,

Confirmer le jugement rendu le 27 mai 2019 par le Tribunal de Commerce de Lyon en ce qu'il a débouté la société Bruyas de l'intégralité de ses demandes, et l'a condamnée à payer la somme de 2 000 € à la société A.P.R.C. en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens de l'instance.

Et, y ajoutant,

Débouter la société Bruyas de l'intégralité de ses demandes,

Condamner la société Bruyas à payer à la société A.P.R.C. la somme de 10 000 € en applications des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamner la société Bruyas aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'intimée soutient notamment à l'appui de ses demandes :

Sur l'assiette forfaitaire :

Que la société Bruyas ne justifie pas du fondement technique de ses prétentions :

S'agissant des travaux hors marché sollicités en cours d'exécution du contrat, les « demandes » du maître de l'ouvrage sont soit de simples précisions techniques n'impliquant aucun changement par rapport au projet initial, soit antérieures à la signature du marché du 13 février 2013 (protection du local convoyeurs, l'escalier d'accès au R+1 et les garde-corps pour escalier).

S'agissant des travaux sollicités postérieurement à la réception de l'ouvrage, lesdites prestations figurent au CCTP et les échanges de mails postérieurs à la réception traduisent exclusivement la volonté de voir la société Bruyas achever ses ouvrages (réserve n°26 notamment). En outre, tous les échanges produits par l'appelante sont antérieurs à l'avenant conclu en septembre 2013 entre les parties, et même, pour certains, antérieurs au DGD émis en avril 2013 par la société Bruyas, privant la position de cette dernière de toute pertinence.

Que le fondement de l'enrichissement sans cause ne peut être retenu en présence du support contractuel qu'est le marché de travaux du 13 février 2013 et ne peut jamais, de jurisprudence constante, être allégué pour pallier l'insuffisance d'un moyen soutenu à titre principal.

Que la société Bruyas admet d'ailleurs implicitement l'inanité de son raisonnement en maintenant aux termes de son dispositif :

Une demande en paiement à hauteur de « 21 873,64 € TTC (TVA 19,6%) au titre du solde du marché »,

Une demande en paiement à hauteur de 6 439,09 € correspondant aux pénalités contractuelles pour retard d'exécution.

Qu'en tout état de cause, le marché de travaux présentant un caractère strictement forfaitaire, tous travaux supplémentaires supposent une autorisation par écrit préalable et un prix convenu avec le propriétaire ;

Qu'en outre, la procédure de contestation du DGD prévue par la norme AFNOR NF P 03.001 ne peut trouver à s'appliquer puisque la réclamation de la société Bruyas s'inscrit dans le cadre de l'article 1793 du Code civil ;

Qu'enfin, les prétendues modifications sont antérieures à la régularisation de l'avenant du 11 septembre 2013. En effet, le montant forfaitaire du marché a, après négociation entre les parties, été augmenté par un avenant du 11 septembre 2013, soit à une date bien postérieure au chiffrage par Bruyas (avril 2013) des travaux objets du présent différend. Pourquoi, si la société Bruyas ne s'estimait pas remplie de ses droits par l'avenant n°1, aurait t-elle accepté de signer cet avenant qui, précisément, validait les seuls « vrais » travaux supplémentaires '

Sur l'absence d'accord des travaux supplémentaires par le maître de l'ouvrage :

Que la signature de l'avenant est la preuve-même de ce que la société A.P.R.C. n'a aucunement ratifié les travaux litigieux.

Sur l'absence de bouleversement de l'économie du contrat :

Que les prétendues modifications que la société Bruyas attribue au maître de l'ouvrage sont en réalité des prestations incluses au marché initial ;

Que l'invocation de l'article 1195 du Code civil est tout aussi vaine : la seule explication à l'augmentation des coûts que la société Bruyas tente de faire supporter par la société A.P.R.C. réside dans sa propre défaillance à chiffrer de manière adéquate le montant des prestations qu'elle s'est engagée à réaliser aux termes du marché. Rien d'imprévisible là-dedans ;

Qu'enfin, la société Bruyas fait erreur en affirmant que les travaux non compris dans le forfait représenteraient un dépassement de 37,32 %. Le marché initial a en effet été porté par avenant à hauteur de 128 781,86 € HT et les travaux litigieux ont été chiffrés à 21 983,83 € HT.

Dès lors, la fraction représentée par lesdits travaux ' dont il est contesté qu'ils ne seraient pas prévus par le marché et à tout le moins qu'ils ont été acceptés par le maître de l'ouvrage ' ne peut excéder 17,07 %.

Pour plus ample exposé des moyens développés par les parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile il sera fait référence à leurs écritures déposées et débattues par observations à l'audience du 7 septembre 2022 à 9 heures.

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 5 octobre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

A titre liminaire, les demandes des parties tendant à voir la Cour « constater » ou « dire et juger » ne constituant pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, il n'y a pas lieu de statuer sur celles-ci.

Sur la demande en paiement

Aux termes de l'article 1793 du Code civil, lorsqu'un entrepreneur s'est chargé de la construction à forfait d'un bâtiment, d'après un plan arrêté convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte de l'augmentation de la main-d''uvre des matériaux, ni sous celui de changement d'augmentation fait sur ce plan, si ces changements ou augmentation n'ont pas été autorisés par écrit, et le prix convenu avec le propriétaire.

À défaut d'accord préalable écrit du maître d'ouvrage, celui-ci est tenu de les payer si il les a ratifiés postérieurement à leur réalisation par un accord express et non équivoque.

Si les travaux supplémentaires n'ont pas été autorisés dans les conditions de l'article 1793 ou n'ont pas été ratifiés par le maître de l'ouvrage, l'entrepreneur peut obtenir le paiement des travaux voulus par le maître de l'ouvrage et qui auraient bouleversé l'économie du contrat.

La SAS Bruyas soutient que les travaux objets du litige sont déconnectés du marché à forfait, et en invoquant la comparaison entre le DQE élaboré sur la base du CCTP et le DGD, dit que les travaux litigieux doivent s'analyser comme des travaux supplémentaires commandés par A.P.R.C. et doivent s'analyser comme une nouvelle relation contractuelle, créatrice d'obligations.

La Cour relève que ces travaux sont pourtant inclus dans le DGD consécutif au marché à forfait signé entre les parties, que la première contestation émise constituée par la lettre recommandée de la société Bruyas du 19 août 2015 se place dans le cadre du marché, demandant le solde des travaux impayés. De plus, cette société a ensuite saisi le premier juge d'une demande de paiement au titre du solde du marché et de pénalités en découlant.

En l'espèce, il est établi et non contesté que les parties ont conclu le 13 février 2013 un marché à forfait relatif à des travaux de serrurerie pour un montant global forfaitaire de 112'434 euros HT. L'article 3 dernier alinéa indique que : 'les travaux supplémentaires confiés à l'entreprise font l'objet d'un ordre écrit ou d'un avenant préalable à leur réalisation. À défaut, aucun règlement ne pourra être exigé d'ARPC.'

Concernant la modification des travaux, le contrat s'est expressément référé à la norme NF P 03-001.

Aucun avenant préalable n'a été signé relativement aux travaux contestés.

La réception des travaux est intervenue avec réserves le 23 avril 2013.

Le DGD non signé versé aux débats est daté du 25 avril 2013, date erronée selon l'appelant qui n'indique pas la date réelle du décompte. Aucune pièce ne permet de savoir à quelle date, ce décompte a été porté à la connaissance de la société A.P.R.C..

Nonobstant les conclusions de l'appelante, les dispositions de l'article 1793 susvisé s'appliquent à l'espèce sans pouvoir être écartées du fait de la lourdeur invoquée du formalisme.

La société Bruyas invoque d'une part la réalisation de travaux demandés avant la réception :

Cependant, elle a établi le 23 avril 2013 un devis 'récapitulatif travaux'. Travaux en plus value portant pour une somme de 16 347,86 euros HT, listant des travaux mais aucunement ceux dont la Cour est saisie. Ce devis sera pris en compte par l'avant du 21 septembre du même montant sans contestation de la société Bruyas.

1- L'appelante invoque justifier de la commande de ces travaux qu'elle dit déconnectés du marché et non visés au CCTP :

concernant la protection du local convoyeur : courriel du coordinateur travaux d'A.P.R.C. du 30 janvier 2013 'ci-joint, plan des convoyers pour mise à jour des protection',

concernant la protection des poteaux béton local maintenance prévue au compte-rendu n°19 du 26 mars 2013,

concernant l'escalier d'accès R+1, courriel du coordinateur de travaux du 17 décembre 2012 'modification hauteur est de 3.20 ml pour le reste OK me faire un détail des marchés caisson',

concernant les gardes corps supplémentaires pour escalier : courriel du coordinateur de travaux du 1er février 2013 : 'concernant l'escalier des bureaux si après remarque de l'architecte à prendre en compte',

concernant les caillebotis, courriel du coordinateur de travaux du 7 mars 2013 ' ..... veuillez trouver ci-joint un schéma de principe pour les caillebotis à mettre en place sur les plafonds de la CFN existante et de la CFN extension. Vous trouverez également le repérage de la zone entre la CFN et la chambre sec dans laquelle il faudra installer au sol des caillebotis et un quantitatif à titre indicatif de ces installations'.

concernant le rallongement d'échelle à caroline : compte-rendu de chantier numéro 20,

concernant la modification des protections des portes 4 ou 5 points : compte-rendu de chantier numéro 20.

Il n'est pas suffisamment établi que ces travaux ne participent pas à l'objet même du contrat du 13 février 2013 et au surplus la société Bruyas ne démontre pas par ces courriels ou compte-rendu de réunion de chantier, d'un accord sur un prix et ne démontre pas plus d'une ratification contrairement aux travaux objet du devis du 23 avril 2013, ni d'un enrichissement sans cause de la SAS A.P.R.C..

En effet, l'avenant de septembre 2013 qui aurait pu les ratifier n'a pris en compte que d'autres travaux et certes également une moins-value mentionnée au DGD. La prise en compte de cette moins-value n'a pas d'incidence sur la preuve non rapportée par la société Bruyas, d'autant que cette dernière ne démontre d'aucune contestation avant la lettre du 19 août 2015.

2- L'appelante sollicite d'autre part le paiement de travaux supplémentaires demandés et réalisés postérieurement à la réception des travaux objet du marché initial.

La Cour rappelle que ces travaux sont cependant mentionnés dans le DGD daté du 25 avril 2013.

L'entreprise soutient justifier de la commande de ces travaux qu'elle dit déconnectés du marché et non visés au CCTP :

concernant les tôles larmées, elle invoque la réalisation de 144 mètres au lieu des 68 prévus au CCTP en produisant un courriel du coordinateur de travaux du 20 juin 2013 'merci de prévoir une tôle l'arme (sic) de 96x84 cm à poser sur la trappe d'accès au vide sanitaire dans le local informatique des bureaux',

concernant les potences fixées sur poteaux béton, courriel du coordinateur de travaux du 20 juin 2013 prévoir des potences complémentaires à fixer sur mes poteaux béton pour fixation du câble (nb7),

concernant les grilles de ventilation supplémentaires : la société Bruyas invoque la réalisation de 7 grilles alors que cinqs étaient prévus par le DQE.

La Cour relève que même si ces travaux ne s'inscrivent pas dans le marché initial ou ne relèveraient pas de travaux permettant la levée de réserves, les pièces produites ne mentionnent aucun prix et n'ont pas fait l'objet de ratification tacite puisque intervenus avant la signature de l'avenant du 21 septembre 2013 et non-objet d'une contestation avant la lettre recommandée du 19 août 2015.

La 'pratique' et 'l'usage' du chantier ne dispensant pas la société Bruyas de démontrer que les travaux qu'elle dit non prévus dans le marché initial ont été demandés.

Concernant le bouleversement invoqué de l'économie du contrat, les modifications apportées en cours de travaux doivent être d'une importance telle que la nature et le coût de l'ouvrage cesse de se situer dans les prévisions du projet initial.

La société Bruyas soutient que le marché initial a été modifié de + 37,32 %, retenant un marché initial de 109 794 euros HT auxquels s'ajoutent l'avenant n°1 : 16 347,86 euros HT, Travaux litigieux 21 983,83 eurosHT, Ts grilles ventilations : 2 640 euros HT soit 40 977,69 HT. Montant total : 150 771,69 euros.

Il doit être relevé que la somme de 2 640 euros HT correspond en réalité à la moins-value déjà évoquée, et la somme de 16 347,86 euros HT a fait l'objet d'un paiement.

Ne peut être prise en compte pour apprécier l'économie du contrat que la somme de 16 347,86 euros HT et parmi celle-ci doivent être exclus les travaux réalisés avant la réception dont il n'est pas suffisamment rapporté la preuve de leur caractère supplémentaire.

Le bouleversement de l'économie du contrat n'est pas prouvé.

Subsidiairement, l'appelante sollicite une expertise judiciaire avec pour mission que l'expert fasse les comptes entre les parties. Il appartenait à la société Bruyas, de veiller à pouvoir justifier de l'obligation à paiement des travaux invoqués. Une expertise ne se justifie pas. La demande sera rejetée.

La Cour ne peut que confirmer le jugement attaqué ayant rejeté la demande de paiement de solde du marché et des pénalités y afférent, la demande d'exécution provisoire.

L'appelante ne justifiant pas plus d'un préjudice, la Cour confirmera donc le rejet de sa demande de dommages et intérêts.

Si le dispositif du jugement attaqué a également mentionné le rejet comme non fondé de tout autres demandes, la Cour constate qu'aucune autre demande n'avait été présentée.

L'article 700 du code de procédure civile prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée et peut même d'office pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.

Partie succombant tant en première instance qu'en appel, la SAS Bruyas doit supporter les entiers dépens. La Cour confirmera le jugement sur les dépens et condamne la SAS Bruyas aux entiers dépens d'appel.

Il n'y a pas lieu de faire application au profit de la société Bruyas, succombant, des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

La Cour confirmera la décision attaquée en son application au profit de la société A.P.R.C. des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en y ajoutant en cause d'appel, une nouvelle somme de 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté la SAS Bruyas de la totalité de ses demandes et l'a condamnée à payer à la SAS A.P.R.C. une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Y ajoutant,

Condamne à hauteur d'appel, la SAS Bruyas à payer à la SAS A.P.R.C. la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Déboute la SAS Bruyas de ses demandes au titre des frais irrépétibles et des dépens,

Condamne la SAS Bruyas aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 19/04702
Date de la décision : 05/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-05;19.04702 ?
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