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29/03/2023 | FRANCE | N°22/04204

France | France, Cour d'appel de Lyon, 8ème chambre, 29 mars 2023, 22/04204


N° RG 22/04204 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OLDQ









Décision du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LYON

en référé du 30 mai 2022



RG : 22/00889





S.A.R.L. RITMO EVENTO



C/



S.C.I. SEVLOR





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



8ème chambre



ARRÊT DU 29 Mars 2023







APPELANTE :



La société RITMO EVENTO, société à responsabil

ité limitée au capital de 42 200 euros, immatriculée au RCS de LYON sous le numéro 753 107 275, ayant son siège social [Adresse 1], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



Représentée par Me...

N° RG 22/04204 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OLDQ

Décision du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LYON

en référé du 30 mai 2022

RG : 22/00889

S.A.R.L. RITMO EVENTO

C/

S.C.I. SEVLOR

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

8ème chambre

ARRÊT DU 29 Mars 2023

APPELANTE :

La société RITMO EVENTO, société à responsabilité limitée au capital de 42 200 euros, immatriculée au RCS de LYON sous le numéro 753 107 275, ayant son siège social [Adresse 1], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Gaël SOURBE de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON, toque : 1547

Ayant pour avocat plaidant Me Yann GALLONE, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

La société SCI SEVLOR, société civile immobilière au capital de 1 000 euros, immatriculée au RCS de LYON sous le numéro 498 366 160, dont le siège social est situé [Adresse 1], représentée par son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège.

Représentée par Me Brice LACOSTE de la SELARL LACOSTE CHEBROUX BUREAU D'AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1207

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 08 Février 2023

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 08 Février 2023

Date de mise à disposition : 29 Mars 2023

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Bénédicte BOISSELET, président

- Karen STELLA, conseiller

- Véronique MASSON-BESSOU, conseiller

assistés pendant les débats de Tiffany JOUBARD, directrice des services de greffie judiciaires

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Bénédicte BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

Par acte sous seing privé du 25 juin 2013, la SCI Sevlor a donné à bail, durant 9 ans, le bateau nommé Sevlor de type chaland ordinaire à la SARL Ritmo Evento moyennant un loyer d'un montant annuel principal de 252 000 euros HT. Celle-ci y exploite un établissement, le Bellona Club. Le bail est pris à usage de bateau restaurant, salon, bar, réception, location d'espace et discothèque. Le bail l'autorisait à exploiter une terrasse à quai, le bateau qui est un établissement recevant du public, étant amarré au [Adresse 1].

La SCI Sevlor a expliqué avoir refusé de lui vendre le bateau en 2017, ce que la société Ritmo Evento n'aurait pas accepté en stoppant le paiement de ses loyers et charges.

De nombreuses procédures ont été diligentées.

La SARL Ritmo Evento a été placée en redressement judiciaire.

Depuis septembre 2019, la locataire n'a plus respecté ses obligations et sa dette locative a cru à la somme de 500 000 euros TTC.

La SCI Sevlor a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde du fait des impayés, avec un plan de sauvegarde adopté le 17 décembre 2019. Elle a exposé que selon elle, la société Ritmo Evento a fait des travaux sur le bateau sans autorisation du bailleur en ajoutant deux passerelles et en faisant des aménagements hydrauliques, électriques, et informatiques de raccordement. En 2016, la locataire a voulu faire un toit sur la terrasse du bateau modifiant les conditions de navigabilité et de flottabilité. Par ailleurs, elle ne lui a pas transmis les documents nécessaires au renouvellement du titre de navigation en agissant en justice à trois reprises. Le titre de navigation a expiré le 14 mars 2022. Elle a fini par s'exécuter ce qui lui a permis, en tant que propriétaire, de solliciter un titre provisoire auprès de la DDT enregistrée le 7 avril 2022. Elle a demandé un rendez-vous auprès d'un chantier naval pour la mise en cale sèche du bateau, étape indispensable pour obtenir le titre de navigation définitif. La société Sacha lui a donné une disponibilité au 13 juin 2022 et la société STF lui a donné un rendez-vous plus tôt le 13 mai 2022. Elle a informé sa locataire, la société Ritmo Evento, pour qu'elle prépare le bateau. Mais celle-ci lui a répondu le 22 avril 2022 qu'elle ne ferait rien sans engagement du bailleur de lui restituer le bateau à l'issue des opérations. Malgré la péremption de son titre de navigation, la société Ritmo Evento a poursuivi son exploitation.

Elle ne lui a pas non plus communiqué son attestation d'assurance sollicitée depuis le 6 avril 2022.

La situation est urgente, le bateau est exposé à un risque étant exploité sans titre de navigation.

Après autorisation judiciaire donnée le 16 mai 2022, la SCI Sevlor a fait assigner, par exploit du 17 mai 2022, la SARL Ritmo Evento devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Lyon en vue de :

La voir condamner sous astreinte à débarrasser tous les objets de la salle machine, à lui remettre les clés d'accès au bateau et au réseau, à déposer à ses frais le toit terrasse, à libérer le pont terrasse, et à lui transmettre une attestation d'assurance à jour ;

La voir condamner au paiement de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Ritmo Evento a sollicité le rejet des demandes et a, à titre reconventionnel, demandé la condamnation de la SCI Sevlor sous astreinte à effectuer les démarches nécessaires pour l'obtention du titre de navigation provisoire du bateau et pour organiser une mise en cale sèche le 1er août 2022 pour une durée n'excédant pas 15 jours. Elle a demandé une expertise pour procéder à l'évaluation de l'indemnité d'éviction qui lui est due et la condamnation de la société Sevlor à lui payer une provision de 300 000 euros au titre d'une partie de l'indemnité d'éviction outre 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle a exposé que :

elle n'était pas en mesure de trouver des artisans disponibles dans un délai aussi bref qu'imparti les 12 et 14 avril 2022 pour préparer le bateau en le débarrassant du toit terrasse pour un départ le 12 mai suivant. Elle n'avait pas l'engagement du bailleur que le bateau lui serait restitué. La SCI Sevlor n'a pas transmis le bon de réservation du chantier naval avec le date de départ et la date de retour du bateau ni les modalités de déplacement ni le contrat régularisé avec l'expert devant effectuer les opérations de contrôle des épaisseurs de coque ;

la DDT a dit qu'elle attendait l'attestation de navigabilité, le nom et le titre de navigation du bateau convoyeur, le plan de brêlage et a listé les travaux préalables nécessaires qui n'ont pas été réalisés ;

elle voudrait exploiter son activité jusque fin juillet 2022, date à laquelle elle s'engage à enlever le toit terrasse ;

elle a produit l'attestation d'assurance valable du 1er janvier au 31 décembre 2022 ;

la demande d'expertise est motivée par le refus de renouvellement du bail et de son offre d'indemnité d'éviction. Le montant de la provision provient de l'importance de son chiffre d'affaires.

A l'audience, la société Sevlor s'est opposée aux demandes reconventionnelles à défaut de lien suffisant avec l'instance principale.

Par ordonnance du 30 mai 2022, le juge des référés a :

Condamné la société Ritmo Evento à débarrasser de tous les objets (chaises, tables, cartons divers, frigo') de la salle machine, à remettre les clés d'accès au réseau et au bateau, à déposer le toit terrasse à ses frais et à libérer le pont terrasse sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la présente décision pour une durée de six mois ;

Condamné la société Ritmo Evento à remettre à la SCI Sevlor une attestation d'assurance à jour de la situation administrative du bateau sous astreinte de 1'000 euros par jour de retard à compter de la signification de la présente décision pour une durée de six mois';

Déclaré irrecevables les demandes reconventionnelles en désignation d'un expert et en obtention d'une provision à valoir sur une indemnité d'éviction ;

Condamné la société Ritmo Evento aux dépens de l'instance ;

Condamné la société Ritmo Evento à verser à la SCI Sevlor la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le juge a retenu en substance que :

la SCI Sevlor justifie de l'urgence à obtenir le renouvellement du titre de navigation de son bateau, lequel est expiré depuis le 15 mars 2022. L'expert désigné en référé, Monsieur [N], a confirmé avoir en sa possession les éléments demandés par l'autorité permettant à la société Sevlor de présenter une demande de titre provisoire de navigation pour le déplacement du bateau. Il a invité le propriétaire à agir sans délai et rappelé qu'en cas de titre provisoire, la date butoir de validité est au 1er juillet 2022 ;

monsieur [H] de la DDT a indiqué avoir reçu le 7 avril 2022 un dossier de demande de titre provisoire de navigation et qu'elle disposait d'un mois pour se prononcer. Ses services devaient procéder à une commission de visite dans le délai. Celle-ci a établi le 4 mai 2022 un compte-rendu de visite faisant état de la nécessité de lui transmettre une attestation de navigabilité, le nom et la copie du titre de navigation du bateau assurant le convoyage ainsi que le plan de brêlage ;

la société Sevlor a demandé le 12 avril 2022 à la société Ritmo Evento de préparer le bateau, outre la remise des clés ;

le 14 avril suivant, elle lui a dit de faire toutes les démarches d'ici au 30 avril en lui communiquant les dates disponibles pour le chantier naval les 13 mai ou 13 juin 2022 ;

les oppositions de la société Ritmo Evento sont sic «'oiseuses et absolument pas en conformité avec les demandes urgentes'» qu'elle avait présentées pour obtenir une date pour le renouvellement du titre de navigation ;

un constat d'huissier du 3 avril 2022 montre qu'elle poursuit l'exploitation commerciale du bateau sans attacher d'importance à l'obtention d'un certificat de navigation en vue duquel elle a pourtant mobilisé la juridiction des référés à plusieurs reprises ;

la défenderesse oppose un retard injustifié à la demande légitime de la SCI Sevlor de satisfaire les exigences de la réglementation car elle ne poursuit que le but de protéger son exploitation printanière sans nul doute lucrative ;

il convient d'ordonner la préparation du bateau en vue de son déplacement et de sa mise en cale sèche sous astreinte, outre la production d'une attestation d'assurance conformément à l'article 4.1 du contrat de bail ;

rien ne justifie de conserver la liquidation de l'astreinte alors que le juge naturel est le juge de l'exécution en application de l'article L 131-3 du Code des procédures civiles d'exécution ;

les demandes reconventionnelles sont sans lien suffisant avec la demande principale au regard de l'article 70 du Code de procédure civile.

Par déclaration électronique du 7 juin 2022, le conseil de la SARL Ritmo Evento a interjeté appel de l'ordonnance sur les condamnations prononcées à son encontre sauf sur la communication de l'attestation d'assurance sous astreinte et le rejet de ses demandes reconventionnelles.

L'ordonnance a été signifiée le 7 juin 2022.

La procédure a été orientée à bref délai suivant les articles 905 à 905-2 du Code de procédure civile et les plaidoiries fixées au 8 février 2023 à 9 heures.

Dans ses dernières conclusions n°2 récapitulatives et complémentaires notifiées par voie électronique le 5 septembre 2022, la SARL Ritmo Evento demande à la Cour de :

REFORMER l'ordonnance en ce qu'elle a prononcé des condamnations à son encontre ;

DEBOUTER la SCI Sevlor de ses entières demandes à ce titre ;

LA CONDAMNER à lui payer 5'000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

L'appelante reprend en substance au soutien de son appel ses arguments et ses pièces de première instance.

Elle rappelle l'origine du différend et le fait qu'elle reproche de nombreux manquements contractuels conduisant à une procédure en indemnisation.

Elle conteste bloquer la procédure de mise en cale sèche.

Elle a fait le nécessaire pour que le bateau puisse partir le 1er août 2022. Le bailleur n'a rien fait pour trouver un nouveau créneau auprès du chantier naval alors que la société Sacha a averti en avoir. Le bailleur n'a pas avancé dans son dossier auprès de la DDT, ce qu'elle a confirmé par courriel du 5 septembre 2022. La SCI Sevlor ne souhaite que lui faire cesser son activité. Depuis le 22 juillet 2022, le restaurant est fermé dans l'espoir d'une mise en cale sèche. Elle a dû mettre en demeure son bailleur. La SCI Sevlor lui avait d'ailleurs fait signifier un congé mettant fin au bail commercial en date du 28 janvier 2022 pour le 31 juillet 2022 avec offre d'indemnité. Cela explique son blocage pour le renouvellement du titre de navigation.

Or, en cas d'éviction, aucun locataire n'est tenu de libérer les lieux tant que l'indemnité d'éviction n'est pas réglée par le bailleur. Elle n'entend dès lors pas obtempérer. Une assignation pour obtenir une expertise judiciaire pour évaluer le montant de l'indemnité d'éviction est en cours en septembre 2022.

Au fond, le bailleur a conclu à son expulsion, ce qui démontre sa stratégie judiciaire et son manque de sincérité quant à la mise en cale sèche. Elle attendait en réalité patiemment la fin du congé pour tenter de la forcer à partir.

ll y a dans les impayés prétendus des loyers suspendus judiciairement. Le juge de l'exécution a validé la compensation des créances le 19 janvier 2021. La créance de restitution liée au paiement de taxes foncières et de taxes VNF jugées indues n'est pas totalement compensée à ce jour. Son préjudice indemnitaire a été arbitré par voie d'expertise judiciaire à environ 1,7 million d'euros.

Elle a agi en justice pour obtenir le renouvellement du titre de navigation car c'était son intérêt.

Elle ne s'est opposée qu'à l'expertise judiciaire ordonnée pour le titre de navigation car d'une part c'était inutile et d'autre part, est apparue une difficulté avec l'expert judiciaire qui a eu des propos déplacés à l'encontre de son conseil et qui a des liens avec une connaissance du gérant de la SCI Sevlor avec échanges directs avec lui en début d'expertise.

Il a été exigé d'elle des plans qui n'existaient pas et des vérifications de travaux. Elle a pris sur elle de financer un expert fluvial pour sortir du blocage et ce, en lien avec la DDT. Il est apparu qu'on lui demandait des documents non nécessaires dans l'expertise judiciaire sous les demandes fallacieuses de la société Sevlor. D'ailleurs, celle-ci a attendu sa condamnation sous astreinte pour engager des démarches.

La SCI Sevlor est de mauvaise foi et elle-même n'a commis aucun manquement dans la transmission des pièces.

Pour le toit terrasse, il a en réalité été construit sur l'intervention d'un associé (Monsieur [K]) de la SCI Sevlor et sous la direction des travaux de son gérant. (Monsieur [B]). Ces travaux n'ont pas eu lieu en catimini en 2016. Il incombait à la SCI Sevlor en qualité de propriétaire de s'occuper des formalités éventuelles relatives aux normes de navigation liées à l'installation de ce toit. Il lui incombait de démonter le toit pour les besoins du déplacement du bateau en cale sèche. Pour débloquer la situation, elle a pris l'engagement de démonter le toit terrasse dès que le bateau partirait en cale sèche. Rien ne l'y obligeait et surtout pas quelques semaines avant le départ. La demande en avril 2022 était dès lors prématurée d'autant qu'une date de chantier naval n'était en réalité par ferme.

A l'audience de référé, n'ayant toujours pas de titre provisoire, le bateau ne pouvait pas être déplacé. La DDT, dans son courriel du 6 mai 2022 suite au compte rendu de visite, a dit être toujours en attente de documents de la part du bailleur et a dressé une liste de travaux que le propriétaire devait faire. Pour obtenir l'attestation de navigabilité, le propriétaire devait mandater un expert fluvial pour l'inspection du bateau. Le plan de brêlage correspond aux modalités techniques pour la prise en charge matérielle du bateau. Il doit être fait dans les règles de l'art. A défaut, l'installation doit être modifiée. La SCI Sevlor ne s'est même pas rendue à la réunion de la DDT qui suivant mail du 19 mai a dit qu'elle n'avait pas de nouvelles du bailleur. La SCI Sevlor n'est pas non plus intervenue pour remettre en état les moteurs et faire le nécessaire pour enlever les passerelles à l'aide de grues, notamment leur réservation, suivant expertise de Monsieur [N]. Il était ignoré si un nouveau chantier naval était réservé.

Ainsi au moment du référé, il n'y avait pas de raison qu'elle soit contrainte d'interrompre immédiatement l'exploitation de son établissement en remettant au bailleur les clés du bateau. Démonter le toit terrasse n'était pas encore nécessaire et aurait interdit l'accueil du public au restaurant. Pour des opérations d'une telle ampleur, il n'était pas possible de trouver les artisans adéquats en un temps si bref. La date prévue était fin juillet 2022.

Dans la salle machine, il ne restait plus que le frigo.

Initialement, la DDT avait souhaité que le bateau soit sorti de l'eau, vérifié et contrôlé avant le 1er juillet 2022. Mais il était nécessaire que le bailleur ait préalablement obtenu un titre de navigation provisoire. Or, il n'a pas transmis les documents requis. La phase d'instruction supposait également un certain temps. Le jour de l'audience le 20 mai 2022, rien n'avait été communiqué. Ainsi, la date du 1er juillet 2022 était nécessairement caduque. Elle pouvait de ce fait exploiter le fonds de commerce dans l'attente du départ du bateau en août 2022.

Prétendre qu'elle n'aurait pas pu organiser un nouveau rendez-vous pour un chantier naval, faute de savoir si le bateau serait prêt n'est pas sérieux. Lors de l'audience de référé, elle avait bien pris l'engagement que le bateau serait prêt à partir du 1er août 2022 ce qui figure dans l'ordonnance. Elle a confirmé ce point dans des courriers officiels de juin 2022. Le bailleur aurait ainsi pu parfaitement prendre une réservation. La société Sacha a attesté n'avoir pas été contactée malgré ses créneaux disponibles en août et septembre 2022.

Il pouvait aussi finaliser son dossier à la DDT pour le certificat provisoire dans l'optique du déplacement du bateau. Or, personne en l'a contactée pour les modalités pratiques du déplacement du bateau. Elle a même prouvé qu'elle avait supprimé le toit et libéré le pont terrasse puis débarrassé la salle des machines ainsi que cela ressort du constat d'huissier du 28 juillet 2022, transmis au bailleur le 9 août suivant. La présence de quelques tables et chaises ne change rien à un départ rapide d'autant que la date de départ était ignorée. Elle a de ce fait, dans l'attente, maintenu son activité de bar sur le toit.

Le bailleur a menti pour obtenir l'ordonnance de référé et lui a causé un important préjudice d'exploitation.

Dans ses dernières conclusions n°3 notifiées par voie électronique le 7 février 2023, la SCI Sevlor demande à la Cour de :

Vu les articles 834 et 835 du Code de procédure civile,

Vu l'article L 4221 du Code des transports et L 131-1 du Code des procédures civiles d'exécution,

PRENDRE ACTE que la société Ritmo Evento n'a pas contesté les dispositions s'agissant de la demande de transmission sous astreinte de l'attestation d'assurance et de l'irrecevabilité de ses demandes reconventionnelles, de sorte que l'ordonnance est définitive sur ces points ;

CONFIRMER l'ordonnance de référé en toutes ses dispositions.

Et y ajoutant,

FIXER à 5'000 euros par jour de retard pendant un nouveau délai de six mois le montant de l'astreinte provisoire due par la société Ritmo Evento pour libérer le bateau passé le délai de 8 jours suivant la signification de l'arrêt à intervenir ;

SE RÉSERVER la liquidation de l'astreinte.

En tout état de cause :

CONDAMNER la société Ritmo Evento à lui payer 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et les entiers dépens.

Au soutien de ses demandes, l'intimée fait notamment valoir que :

sa locataire manque de transparence. Une expertise est pendante au cours de laquelle la société Ritmo Evento a refusé de communiquer des éléments. Il est contesté que le bail devait lui permettre d'exploiter une terrasse à quai et une discothèque. Le préjudice estimé à 1,7 million euros par expertise est critiquable. A ce jour, aucune décision au fond ne reconnaît sa propre responsabilité, ni ne l'a condamnée à verser des dommages et intérêts.

la société Ritmo Evento a la volonté de lui nuire. Elle ne perçoit plus aucune ressource car la société Ritmo Evento a sollicité sa liquidation judiciaire. De ce fait, elle a dû elle-même faire l'objet d'un plan de sauvegarde.

la locataire a engagé des procédures pour le titre de navigation alors qu'elle ne lui a pas fourni les pièces nécessaires pour faire les démarches. Elle a été déboutée le 7 mars 2022 au motif qu'une expertise était en cours et qu'elle devait communiquer certaines pièces.

elle ne l'a fait que le 11 et 14 mars. Le 15 mars, l'expert judiciaire lui a dit que cela était insuffisant car il manquait deux rapports : celui de la Socotec et un rapport de commission de sécurité de 2020.

elle a saisi la DDT pour un titre provisoire dès réception des pièces': le 7 avril 2022, sa demande a dûment été enregistrée.

deux jours après, la société Ritmo Evento a déposé sans mise en demeure préalable une nouvelle requête identique à la précédente pour l'assigner aux fins de condamnation à faire les démarches pour l'obtention d'un titre de navigation outre l'obtention d'une suspension des loyers.

le 4 avril 2022, il a été fait droit à sa demande de condamnation sous astreinte, ce qui n'était pas nécessaire, les démarches étant en cours. En revanche, sa demande de suspension des loyers a été refusée.

tout a été préparé pour la mise en cale sèche du bateau par ses soins : les demandes ont été faites en vain à la société locataire pour la préparation effective du bateau. Pourtant elle devait enlever le toit terrasse à ses frais dès le 11 février 2022, ce qu'elle n'a pas fait alors même qu'elle se plaignait de l'inaction du bailleur.

l'attestation d'assurance produite est en réalité un document non valable car il concernait non pas la responsabilité locative mais la responsabilité civile de l'exploitant. Ainsi, le bateau n'était pas assuré depuis le 14 mars 2022 contrairement à ce qui a été prétendu alors qu'il recevait du public. Ce n'est que le 6 juillet 2022 que le bateau a été assuré.

l'appelante n'a pas exécuté l'ordonnance déférée et a continué son activité durant deux mois en faisant fi de la décision de justice. Elle a signalé avoir démonté le toit terrasse le 29 juillet 2022. A ce jour, à défaut de s'être exécuté les autres points, le bateau n'est pas apte à être enlevé.

l'appel est dilatoire, la société Ritmo Evento a multiplié les comportements d'obstruction.

l'ordonnance a été parfaitement motivée.

Pour l'exposé des moyens développés par les parties, il sera fait référence conformément à l'article 455 du Code de procédure civile à leurs écritures déposées et débattues à l'audience du 8 février 2023 à 9 heures.

A l'audience, les parties ont pu faire leurs observations et/ou déposer leurs dossiers respectifs. Puis, l'affaire a été mise en délibéré au 29 mars 2023

MOTIFS

A titre liminaire, les demandes des parties tendant à voir la Cour « constater » ou « dire et juger » ne constituant pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du Code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, il n'y a pas lieu de statuer sur celles-ci.

La Cour constate que la déclaration d'appel de la société Ritmo Evento n'a pas déféré à la Cour le chef de l'ordonnance de référé lui ordonnant de remettre à la société Sevlor une attestation d'assurance sous astreinte ni celui relatif à l'irrecevabilité de ses demandes reconventionnelles.

La SCI Svelor a fondé ses demandes sur les articles 834 et 835 du Code de procédure civile.

Selon l'article 484 du Code de procédure civile, « l'ordonnance de référé est une décision provisoire rendue à la demande d'une partie, l'autre présente ou appelée, dans les cas où la loi confère à un juge qui n'est pas saisi du principal le pouvoir d'ordonner immédiatement les mesures nécessaires ».

Le juge des référés ne peut pas trancher des questions de fond. Il est le juge de l'évidence et de l'urgence. Statuant au provisoire, il ne peut prononcer des mesures définitives.

Selon l'article 834 du Code de procédure civile, « dans tous les cas d'urgence », le président du tribunal judiciaire « peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend ».

Selon l'article 835 alinéa 1 du Code de procédure civile : « Le président peut ('), même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ».

Ainsi, juge des référés peut prendre toutes mesures qu'il estime nécessaire pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite.

L'article 835 alinéa 2 du Code de procédure civile dispose que :

« Le président peut (') dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire. »

La SCI Sevlor fait valoir que le bateau en application de l'article L 4221 du Code des transports doit avoir à son bord un titre de navigation correspondant à sa catégorie et à celle de la voie d'eau ou du plan d'eau emprunté. Il s'agit d'une question de sécurité.

A ce jour, le bateau litigieux n'a pas de titre de navigation à jour, ce qui est un fait constant et non contesté, le titre de navigation étant expiré depuis le 14 mars 2022. Sans ce titre, elle soutient qu'aucune activité ne peut avoir à bord.

Le 7 avril 2022, elle a introduit une demande de titre provisoire. La procédure devait prendre un mois pour que la DDT puisse se prononcer et délivrer le titre provisoire (pièce 18).

Au moment de l'audience de référé devant le premier juge, le 20 mai 2022, elle estimait qu'il y avait urgence et une absence de contestation sérieuse car le titre de navigation provisoire ne pourrait pas aller au-delà du 1er juillet 2022 et que la société Ritmo Evento faisait blocage alors qu'il y avait deux dates pour des chantiers navals le 13 mai ou le 13 juin 2022.

Or, la commission de visite, déclenchée par la DDT, a eu lieu sur le bateau Sevlor le 4 mai 2022. Celle-ci a établi un rapport indiquant au propriétaire qu'il devait fournir, pour finaliser son dossier de titre provisoire l'attestation de navigabilité, le nom et la copie du titre de navigation du bateau assurant le convoyage et le plan de brêlage et ce dans les plus brefs délais. La société Ritmo Evento a produit un mail du 19 mai 2022 émanant de la DDT (pièce 91 de l'appelante) qui lui a indiqué n'avoir pas eu de nouvelles dans ce dossier et qu'aucun titre provisoire ne serait délivré en l'absence des pièces listées par la commission et notamment les informations concernant le bateau du convoyage du Sevlor. Ainsi, la société Sevlor qui a dûment reçu le rapport de la commission de visite n'a pas satisfait à ses obligations sans expliquer à la DDT les raisons de sa carence (pièce 84 de l'appelante).

Ainsi, à cette date, le 19 mai 2022, la réservation du chantier naval à la société SFT pour le 13 mai 2022 ne pouvait qu'être caduque.

De ce fait, lors de l'audience du juge des référés du 20 mai 2022, la société Sevlor n'a pas établi que le rendez-vous dans les chantiers navals étaient fermes et maintenus justifiant l'urgence pour la locataire de préparer le bateau.

Le fait d'exiger sous astreinte la préparation du bateau par la locataire alors que le bailleur n'avait pas finalisé la procédure de titre provisoire et qu'aucun titre provisoire de navigabilité n'était obtenu, aucune date pour le déplacement du bateau n'étant certaine, revient à inverser la chronologie des obligations de chaque partie.

Au surplus, alors que la DDT lui avait indiqué avoir besoin d'un mois (pièce 18) pour instruire la demande de titre provisoire à compter de l'enregistrement de sa demande le 7 avril 2022, la SCI Sevlor a, par courrier, écrit au conseil de la société Ritmo Evento le 12 avril 2022 de débarrasser le bateau de tous ses objets, de lui remettre les clefs d'accès au réseau et au bateau, de déposer le hard top à ses frais, de libérer le pont terrasse puis dans un courrier du 14 avril suivant, il a été demandé de s'exécuter avant le 30 avril 2022 pour un départ du bateau le 12 mai 2022 (pièce 81 de l'appelante). Le 22 avril 2022, le conseil de la société Ritmo Evento (pièce 82 de l'appelante et 21 de l'intimée) a fait part de son étonnement face à l'empressement soudain de procéder à la mise en cale sèche du bateau et au revirement de position du bailleur et de ce fait de sa crainte de voir sa cliente se faire évincer alors qu'il est rappelé que le locataire en cas d'éviction n'est pas tenu de libérer les lieux tant que l'indemnité d'éviction ne lui est pas réglée par le bailleur avec droit au maintien dans les lieux aux conditions du bail expiré en application de l'article L 145-28 du Code de commerce. Il a été rappelé que le délai est trop court pour trouver les artisans permettant de préparer le bateau. Pour obtenir des assurances, il a été demandé un engagement du bailleur de restituer le bateau à l'issue des opérations et de lui transmettre le bon de réservation du chantier naval avec la date de départ et de retour, les modalités de déplacement du bateau et le contrat régularisé avec l'expert devant effectuer les opérations de contrôle des épaisseurs de coque. Or, la société Sevlor n'a répondu à ce courrier que le 11 mai 2022 soit la veille du prétendu départ du bateau pour le chantier naval de la société STF (pièce 22 de l'intimée et 83 de l'appelante) pour opposer une fin de non-recevoir en prenant acte de l'attitude de blocage de la locataire.

Il ressort de ces échanges de courriers entre avocats, que':

d'une part, force est de constater que le délai que la société Sevlor a cherché à imposer à la société Ritmo Evento est en soi effectivement court pour s'organiser et faire intervenir des artisans. Monsieur [B], dirigeant de la SCI Sevlor, n'était pourtant pas sans ignorer l'importance des préparatifs de toutes sortes avant le déplacement du bateau puisqu'il a écrit lui même un mail à la DDT le 18 mars 2022 indiquant qu'il y avait divers rendez-vous à prendre pour les chantiers navals, pour faire des travaux de mise en conformité, faire passer des experts et procéder à des réservations (pièce 16), ce qui suppose nécessairement un plan de coordination de tous les agendas de tous les intervenants, y compris celui du locataire.

d'autre part, alors que les parties sont de manière incontestable, en conflit aigu ouvert, manifesté par leurs très nombreuses procédures judiciaires croisées et condamnations réciproques selon les litiges, la SCI Sevlor n'a pas cherché à donner, dans les plus brefs délais, des assurances quant au fait que le déplacement du bateau était dûment programmé avec une coordination de tous les corps de métier et des dates fermes pour le départ et pour le retour avec restitution du bateau à l'issue alors même qu'elle ne pouvait ignorer que le congé mettant fin au contrat de location qu'elle a fait délivrer le 28 janvier 2022 était à effet au 31 juillet 2022 (pièce 64) et qu'un important litige s'est fait jour sur le montant de l'indemnité d'éviction. Ces données ne pouvaient que faire douter de ses réelles intentions en mettant la société Ritmo Evento dans une situation quasi impossible à surmonter.

En appel, la société Ritmo Evento prouve par sa pièce 96 que le rendez-vous à la société Sacha en juin 2022 pour la mise en cale sèche n'avait effectivement rien de ferme puisque le devis du 11 avril 2022 n'a pas été retourné signé par la société Sevlor, ce qui n'a pas été dit au premier juge.

A hauteur d'appel, la société Sevlor estime qu'il y a d'autant plus urgence à ce qu'un nouveau titre de navigabilité soit obtenu sans délai, de l'intérêt de tous car suite à la visite de la commission de sécurité-accessibilité de novembre 2022, un avis défavorable a été donné à la poursuite de l'exploitation en l'absence de titre de navigation. Or, la société Ritmo Evento continue de programmer des événements sur le bateau encore en février 2023.

Cependant, depuis le mois de juin 2022, à la signification de l'ordonnance dont appel, il est démontré que la société Sevlor n'a pas cherché à obtenir d'autres rendez-vous sur un chantier naval durant l'été 2022, alors que la société Ritmo Evento avait pris un engagement devant le premier juge, pas plus qu'elle n'a repris attache avec la DDT pour finaliser le dossier, la DDT ayant confirmé par mail du 5 septembre 2022 qu'elle n'a plus eu de nouvelles de sa part pour l'instruction de son dossier.

Le comportement postérieur à l'ordonnance déférée de la SCI Sevlor démontre qu'elle ne considère pas la situation comme une urgence alors même que sa propre responsabilité peut être engagée comme celle de l'exploitant à maintenir un bateau sans titre de navigation valable. Il ressort qu'en réalité, parallèlement à la présente procédure, elle a poursuivi son intention depuis janvier 2022 de parvenir à l'expulsion de sa locataire, ainsi qu'elle l'a d'ailleurs sollicité dans ses conclusions pour une énième audience de référé du 5 septembre 2022, soutenant que la société Ritmo Evento était devenue sans droit ni titre (pièce 103 de l'appelante).

La condition d'urgence est d'autant moins prouvée que si le service des voies navigables françaises a émis un avis défavorable début 2023 du fait du non-renouvellement du titre de navigation, aucune décision administrative n'a été prise pour faire cesser immédiatement l'activité commerciale de la société Ritmo Evento à ce jour (pièce 41 de l'intimée). D'ailleurs, il ressort du mail de Madame [Z] du service fluvial lyonnais à l'attention du gérant de la SCI Sevlor, Monsieur [B], qu'il lui est rappelé que les obligations pèsent sur le propriétaire d'engager les démarches de régularisation qui supposent des délais incompressibles entre les délais de mise en chantier, de sortie du bateau, des diverses validations de l'expert fluvial et de la DDT.

Ainsi, la demande de la SCI Sevlor aux fins de condamnation de la société Ritmo à libérer le bateau, à lui remettre les clés d'accès au réseau et au bateau, à déposer à ses frais le toit terrasse et à libérer le pont terrasse sous astreinte est irrecevable sur le fondement de l'article 834 du Code de procédure civile à défaut de démontrer une situation d'urgence réelle.

S'agissant de l'article 835 al 2 du Code de procédure civile, il appartient à la SCI Sevlor de démontrer que l'obligation de faire de la société Ritmo Evento de libérer le bateau donné à bail ne souffre d'aucune contestation sérieuse pour que la procédure de mise en cale sèche soit entamée ou que selon l'alinéa 1 de l'article précité, elle fait face à un dommage imminent qu'il convient de prévenir ou à un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser par des mesures conservatoires ou de remise en état.

Dans ses dernières conclusions, la société Sevlor, qui prétend agir en référé au visa de l'article 835 du Code de procédure civile, n'a fait aucune référence aux notions cruciales de dommage imminent, de trouble manifestement illicite, ni même à l'absence de contestation sérieuse.

En réalité, la commission d'une infraction ou l'existence d'une situation illégale ne saurait constituer un dommage imminent, surtout à hauteur d'appel, où la situation est réalisée et a perduré depuis des mois.

Les contestations de la société Ritmo Evento sont en réalité sérieuses quant à l'existence de son obligation de débarrasser le bateau comme pré-requis dans la procédure de délivrance d'un titre de navigabilité provisoire alors qu'il n'y avait pas de date ferme au 20 mai 2022, date de l'audience de référé, pour la mise en cale sèche du bateau, préalable nécessaire en toute logique, alors que le titre provisoire de navigation ne pourrait, s'il était délivré, aller au-delà du 1er juillet 2022.

En effet, dans le contrat de location produit (pièce 1 de l'intimée), il n'est aucune règle contractuelle imposant à la société Ritmo Evento de préparer son bateau à titre d'obligation préalable avant que le bailleur puisse enclencher la procédure de renouvellement du permis de navigabilité ou d'obtention d'un titre provisoire. Il n'y a aucune obligation claire dans la chronologie des droits et devoirs des deux parties dans le cadre de cette procédure administrative.

Par ailleurs, pour la mise en cale sèche, il est exigé divers travaux et expertises fluviales coûteux avec des frais de grutage pour la manutention des passerelles.

Dans ses conclusions, la SCI Sevlor allègue, sans en justifier, que les étapes chronologiques à respecter seraient : que le bateau soit entièrement libéré par la locataire, qu'ensuite, la locataire remette les clefs à son propriétaire, et qu'enfin celui-ci puis entreprendre les mesures nécessaires.

Sans ces éléments, la SCI Sevlor prétend qu'elle ne pourrait pas procéder à la demande de titre de navigabilité.

Or, cette interprétation de la chronologie des opérations ne repose sur aucune démonstration ni document officiel de la DDT en particulier. Il n'est mentionné aucun fondement textuel au soutien de cette allégation.

Au contraire, il importait que la société Sevlor fournisse à la DDT les documents figurant dans le rapport de visite de la commission en date du 4 mai 2022, les mesures et travaux préconisés n'étant pas indispensables pour l'instruction du dossier de titre provisoire.

En outre, encore eut il fallu, que l'organisation du déplacement soit entièrement connue de la société Ritmo Evento avec des dates précises de départ et de retour, outre les dates d'intervention des intervenants pour le voyage et notamment la réservation du bateau convoyeur pour prouver que la locataire commettait un trouble manifestement illicite. Elle n'a d'ailleurs jamais exprimé dans ses courriers des 12, 14 avril et 11 mai 2022 au conseil de la société Ritmo Evento pourquoi elle ne pouvait matériellement pas lui donner les informations qu'elle recherchait pour le déplacement du bateau.

Le société Sevlor n'a d'ailleurs fait aucun commentaire sur le fait que le rendez-vous qu'elle disait avoir pris pour le 13 juin 2022 auprès de la société Sacha pour la mise en cale sèche n'était en réalité pas une réservation à défaut d'avoir signé le devis.

Enfin, il ressort de la chronologie des faits depuis janvier 2022 que la SCI Sevlor :

savait depuis 2017que l'ensemble de la procédure de renouvellement du titre nécessitait des préparatifs et que l'immobilisation globale avec les préparatifs était de 15 jours. En effet, son gérant Monsieur [B] l'avait rappelé dans un courriel du 19 juillet 2017 ;

s'est vue confirmer par courriel de la direction départementale des territoires du Rhône en date du 18 novembre 2020 que le titre de navigation devait se terminer le 14 septembre 2021, le bailleur ayant obtenu in extremis une prolongation du titre de navigation jusqu'au 14 mars 2022 ;

savait que c'était au propriétaire d'effectuer des démarches de manière anticipée compte tenu de la nécessité de coordonner divers corps de métiers, la demande de renouvellement du titre, en application de l'article 27 de l'arrêté du 21 décembre 2007 relatif aux titres de navigation des bâtiments et établissements flottants naviguant ou stationnant sur les eaux intérieures prévoyant qu'elle soit adressée au moins trois mois avant sa date d'expiration par le propriétaire. Or, force est de constater qu'à l'origine, la société Sevlor n'a pas respecté ce délai pour initier, de manière anticipée, la demande de renouvellement aux autorités compétentes, alors qu'elle aurait dû enclencher la procédure et attendre que la DDT lui indique, le cas échéant, les pièces manquantes à fournir pour compléter son dossier ;

ne pouvait ignorer que la date du 13 mai 2022 était manifestement trop courte pour permettre à la société Ritmo Evento de préparer utilement le bateau alors qu'elle venait de faire enregistrer sa demande de renouvellement le 7 avril 2022 à la suite de l'ordonnance de référé du 4 avril 2022 la condamnant à le faire sous astreinte, démarche qu'elle aurait pu faire, a minima, dès le 16 mars après avis de l'expert judiciaire [N] ;

savait que la date du 13 juin 2022 pour le chantier naval à la société Sacha n'était pas une réservation ferme faute d'avoir signé le devis, élément qui a été indiqué par le directeur de la société Sacha, en juillet 2022 (pièce 96).

Dans ces conditions, quand bien même les réticences de la société Ritmo Evento pouvaient constituer un trouble pour la société Sevlor, ce trouble ne saurait être qualifié de manifestement illicite, la SCI Sevlor ayant largement contribué à la situation de blocage en plaçant sa locataire en situation de ne pas pouvoir matériellement répondre favorablement à sa demande.

La locataire prouve au surplus qu'elle n'avait pas d'obligation à titre de pré-requis de remettre ses clefs alors que dans la procédure de mise en cale sèche il est confirmé par un expert maritime Monsieur [F] que rien n'empêche Monsieur [O], le gérant de la SARL Ritmo Evento, de rester à bord durant les travaux, le chantier naval pouvant classiquement pour des questions de responsabilité et de sécurité exiger qu'un équipage demeure sur le bateau. L'assureur de la SARL Ritmo Evento a également confirmé à son assurée qu'il fallait les prévenir du départ du bateau en chantier afin de couvrir les biens durant toute la durée des travaux.

En conséquence, à défaut de remplir les conditions exigeantes du référé, tant de l'article 834 que de l'article 835 du Code de procédure civile, la Cour infirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle a condamné la SARL Ritmo Evento sous astreinte à débarrasser le bateau Sevlor donné en location de tous les objets présents dans la salle machine, à remettre les clés d'accès au bateau et au réseau à la SCI Sevlor, à déposer à ses frais le toit terrasse et à libérer le pont terrasse. Statuant à nouveau sur ce point, la Cour dit n'y avoir lieu à référé sur cette demande de condamnation sous astreinte en invitant les parties à se pouvoir au fond, le cas échéant.

Sur les demandes accessoires

La société Ritmo Evento n'a pas remis en cause l'irrecevabilité de ses demandes reconventionnelles, ni sa condamnation sous astreinte à fournir une attestation d'assurance. De ce fait, la Cour confirme sa juste condamnation au titre des frais irrépétibles et des dépens de première instance.

A hauteur d'appel, la société Sevlor succombant, doit supporter les entiers dépens d'appel.

En équité, eu égard aux circonstances de l'affaire et à l'attitude de la société Sevlor après signification de l'ordonnance dont appel, la Cour condamne la société Sevlor à payer à la société Ritmo Evento la somme de 3'000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La Cour déboute corrélativement la SCI Sevlor de ses demandes au titre des frais irrépétibles et dépens à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant dans les limites de la déclaration d'appel de la société SARL Ritmo Evento,

Infirme l'ordonnance sur la condamnation de la SARL Ritmo Evento sous astreinte à débarrasser le bateau Sevlor donné en location de tous les objets présents dans la salle machine, à remettre les clés d'accès au bateau et au réseau à la SCI Sevlor, à déposer à ses frais le toit terrasse et à libérer le pont terrasse.

Statuant à nouveau :

Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la SCI Sevlor aux fins de condamnation de la société SARL Ritmo Evento à libérer le bateau Sevlor donné en location et ce sous astreinte, soit débarrasser le bateau de tous les objets présents dans la salle machine, remettre les clés d'accès au bateau et au réseau à la SCI Sevlor, déposer à ses frais le toit terrasse et libérer le pont terrasse,

Invite les parties à se pourvoir au fond le cas échéant,

Confirme la condamnation au titre des dépens de première instance à la charge de la société SARL Ritmo Evento et au titre de sa condamnation au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en première instance.

Y ajoutant,

Condamne la société Sevlor aux entiers dépens d'appel,

Condamne la société Sevlor à payer à la société Ritmo Evento la somme de 3'000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur d'appel,

Déboute la SCI Sevlor de ses demandes au titre des frais irrépétibles et des dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 22/04204
Date de la décision : 29/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-29;22.04204 ?
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