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17/09/2014 | FRANCE | N°12/02273

France | France, Cour d'appel de metz, Chambre sociale, 17 septembre 2014, 12/02273


Arrêt no 14/ 00453

17 Septembre 2014--------------- RG No 12/ 02273------------------ Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de METZ 20 Juillet 2012 11/ 042 C------------------ RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU

dix sept Septembre deux mille quatorze
APPELANTE :
SAS BOULAYDIS exploitant sous l'enseigne " SUPER U ", prise en la personne de son représentant légal Rue du Général Newinger 57220 BOULAY

Représentée par Me FREZARD, avocat au barreau de MULHOUSE substitué par Me BO

TTE, avocat au barreau de MULHOUSE

INTIMÉES :
Madame Carole X...... 57320 CHEMERY LES DEUX
...

Arrêt no 14/ 00453

17 Septembre 2014--------------- RG No 12/ 02273------------------ Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de METZ 20 Juillet 2012 11/ 042 C------------------ RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU

dix sept Septembre deux mille quatorze
APPELANTE :
SAS BOULAYDIS exploitant sous l'enseigne " SUPER U ", prise en la personne de son représentant légal Rue du Général Newinger 57220 BOULAY

Représentée par Me FREZARD, avocat au barreau de MULHOUSE substitué par Me BOTTE, avocat au barreau de MULHOUSE

INTIMÉES :
Madame Carole X...... 57320 CHEMERY LES DEUX

Comparante assistée de Me COLIN-POITIERS, avocat au barreau de METZ
PÔLE EMPLOI DE MOSELLE Rue du Pont à Seille 57000 METZ

Non comparant non représenté

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Juin 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-José BOU, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Etienne BECH, Président de Chambre Madame Marie-José BOU, Conseiller Monsieur Alain BURKIC, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Morgane PETELICKI, Greffier
ARRÊT :
réputée contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Monsieur Etienne BECH, Président de Chambre, et par Mademoiselle Morgane PETELICKI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE

Carole X...a été engagée par contrat de travail du 2 octobre 2006 en qualité de responsable boucherie, niveau 5, catégorie agent de maîtrise par la société Boulaydis exploitant un supermarché à Boulay.

Convoquée par lettre remise en main propre le 10 septembre 2010 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, entretien fixé au 18 septembre 2010, elle a été licenciée pour faute grave par lettre recommandée du 24 septembre 2010.
Suivant demande enregistrée le17 janvier 2011, Carole X...a fait attraire son ex employeur devant le conseil de prud'hommes de Metz.
Dans le dernier état de ses prétentions, Carole X...a demandé à la juridiction prud'homale de :
- dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;- condamner la société Boulaydis à lui payer les sommes suivantes :-6. 331, 20 ¿ brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférents ;-1. 688, 39 ¿ brut à titre d'indemnité de licenciement ;-168, 83 ¿ brut à titre des congés payés y afférents ;-12. 662, 94 ¿ net à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;-12. 662, 94 ¿ net à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;-1. 000, 00 ¿ net au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;- ordonner l'exécution provisoire du jugement ;- condamner la défenderesse aux entiers dépens.

La société Boulaydis s'est opposée à ces prétentions et a sollicité la condamnation de Carole X...au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Le conseil de prud'hommes de Metz a, par jugement du 20 juillet 2012, statué dans les termes suivants :
" DIT et JUGE le licenciement de Madame X...Carole dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
En conséquence,
CONDAMNE la SAS BOULAYDIS, prise en la personne de son représentant légal, à payer à Madame X...Carole les sommes suivantes :-4. 220, 80 ¿ brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférents ;-1. 688, 39 ¿ brut à titre d'indemnité légale de licenciement ;-168, 83 ¿ brut à titre des congés payés y afférents ; Lesdites somme portant les intérêts de droit au taux légale à compter du 20 janvier

2011 date de réception de la demande par la partie défenderesse ;-12. 662, 94 ¿ net à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; Ladite somme portant les intérêts de droit au taux légale à compter du 20 juillet 2012 date du prononcé de la présente décision ;-500, 00 ¿ net au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE Madame X...Carole pour le surplus de sa demande ;
DEBOUTE la SAS BOULAYDIS de sa demande au titre l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
ORDONNE l'exécution provisoire du présent jugement en application de l'article 515 du Code de Procédure Civile ;
ORDONNE à la SAS BOULAYDIS, prise en la personne de son représentant légal, de rembourser aux ASSEDIC les indemnités de chômage qui ont été versées à Madame X...Carole, par cet organisme dans la limite de six mois d'indemnités et ce, sur le fondement de l'article L. 1235-4 du Code du Travail ;
DIT que conformément à la loi n º 92-1466 du 31 décembre 1992, il y a lieu de transmettre ledit jugement à PÔLE EMPLOI, TSA 32001, 75987 PARIS CEDEX 20 ;
CONDAMNE la SAS BOULAYDIS, prise en la personne de son représentant légal, aux entiers dépens. "
Suivant déclaration de son avocat expédiée le 25 juillet 2012 par lettre recommandée au greffe de la cour d'appel de Metz, la société Boulaydis a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions de son avocat, reprises oralement à l'audience de plaidoirie par ce dernier, la société Boulaydis demande à la Cour de :
" DIRE ET JUGER que le licenciement de Madame X...repose sur une faute grave,
EN CONSEQUENCE,
INFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de METZ du 20 juillet 2012,
EN TOUT ÉTAT DE CAUSE,
DEBOUTER Madame X...de l'intégralité de ses fins et prétentions,
CONDAMNER Madame X...à verser à la Société BOULAYDIS la somme de 3 000 ¿ au titre de l'article 700 du CPC,
LA CONDAMNER aux entiers frais et dépens ".
Par conclusions de son avocat, reprises oralement à l'audience de plaidoirie par ce dernier, Carole X...demande à la Cour de :
" Dire que la demande de Madame X...est régulière, recevable et bien fondée,
En conséquence, y faisant droit,

Débouter la SAS BOULAYDIS de l'ensemble de ses demandes,

Confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de METZ en date du 20 juillet 2012 en ce qu'il a dit que le licenciement de Madame X...devait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamner la SAS BOULAYDIS à payer à Madame X...les sommes suivantes :-1 838, 48 ¿ bruts au titre de l'indemnité de licenciement,-4 596, 22 ¿ bruts au titre de l'indemnité de préavis,-459, 62 ¿ bruts au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis,-1 149, 06 ¿ bruts au titre de rappel de salaires pour les salaires indument retenus au titre de la mise à pied conservatoire-114, 90 ¿ bruts au titre de l'indemnité de congés payés sur rappel de salaires

Condamner la SAS BOULAYDIS à payer à Madame X...la somme suivante :-27 577, 32 ¿ au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

le tout avec intérêt de droit à compter du jour de l'arrêt à intervenir,
Condamner la SAS BOULAYDIS à payer à Madame X...la somme de 2 000 ¿ en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ce en sus des 500 ¿ obtenus en première instance,
Condamner la SAS BOULAYDIS aux dépens ".
Convoqué par lettre recommandée dont l'avis de réception a été signé le 19 septembre 2013, Pôle Emploi n'est pas représenté.

MOTIFS DE L'ARRET

Vu le jugement entrepris ;

Vu les conclusions des parties, déposées le 26 mai 2014 pour l'appelante et le 7 mai 2014 pour l'intimée, présentées en cause d'appel et reprises oralement à l'audience de plaidoirie, auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens invoqués et des prétentions émises ;

Sur le licenciement

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

L'employeur supporte la preuve de la matérialité de la faute grave et de son imputation certaine au salarié.

Les griefs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les limites du litige.

En l'espèce, la lettre de licenciement est ainsi rédigée :
" En date du 18 septembre 2010, nous vous avons entretenue d'une éventuelle mesure de licenciement pour faute grave vous concernant.
Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, une mise à pied à titre conservatoire vous a été notifiée dès le 10 septembre 2010.
Cette mise à pied immédiate faisait suite à des agissements parfaitement inacceptables que nous avons eu à déplorer de votre part dans le cadre de vos fonctions de Responsable Boucherie/ Volaille et que nous ne pouvons tolérer.
En effet, il vous a été reproché les faits fautifs suivants :
D'avoir tenu, à plusieurs reprises, des propos dénigrants et injurieux à l'égard de vos collègues de travail.
Ainsi, plusieurs collaboratrices du magasin travaillant à vos côtés nous ont informés avoir été témoins d'insultes, de critiques humiliantes ainsi que de remarques particulièrement odieuses que vous auriez proférées et visant directement certaines de vos collègues de travail.
Une salariée de l'entreprise est à son tour venue se plaindre à la Direction d'avoir été traitée de « pétasse » et de « salope » mais également d'avoir été destinatrice, de votre part, d'accusations parfaitement diffamatoires quant à ses rapports avec le Directeur et portant directement atteinte à son honneur ainsi qu'à sa dignité.
Nous ne pouvons tolérer une telle violence verbale au sein de notre entreprise. Vos agissements sont gravissimes et ne permettent nullement d'envisager la poursuite de notre collaboration sans mettre en péril le bon fonctionnement de notre magasin.

Vos manquements sont, dès lors, constitutifs d'une faute grave incontestable justifiant la rupture immédiate de votre contrat de travail.
Ils sont d'autant plus inacceptables compte tenu de l'importance de vos fonctions occupées dans l'entreprise et des responsabilités y afférentes.
Lors de l'entretien préalable, vous n'avez pas été capable de nous fournir d'explications de nature à modifier notre appréciation sur les faits qui vous sont reprochés.
Vous avez même expressément reconnu traiter vos collaboratrices de « pétasse » en nous précisant toutefois que, selon vous, c'était de « l'humour ».
Une telle justification n'est pas acceptable.
En conséquence, nous vous notifions, par la présente votre licenciement pour faute grave avec effet immédiat ".
Ce courrier contient l'énoncé de griefs matériellement vérifiables pouvant être précisés et discutés devant le juge du fond, peu important que les faits ne soient pas datés dans la lettre. C'est en conséquence à tort que Carole X...invoque l'imprécision de la lettre de licenciement.

Pour justifier du licenciement pour faute grave de cette dernière, la société Boulaydis verse aux débats les attestations de plusieurs de ses salariés.

Stéphanie A...indique que de mars à juin 2010, elle était chaque matin insultée ou critiquée par Carole X...qui lui disait " pétasse, salope " ou qui prétendait qu'elle avait des relations sexuelles avec le directeur parce qu'elle avait de bonnes relations avec lui ou avait obtenu des congés.
Jérémy B..., apprenti boucher au supermarché depuis le 31 août 2009, atteste qu'un mois environ après son arrivée, Carole X..., désignée comme étant son maître d'apprentissage, est devenue hystérique dans ses propos en le rabaissant devant les autres employés et les clients. Il affirme qu'elle ne cessait de lui répéter qu'il était un incompétent et un imbécile et qu'elle le comparait à sa mère dont elle disait, sans la connaître, qu'elle ne savait rien faire et qu'elle passait son temps à râler.
Cédric C..., boucher, indique que Carole X...lui faisait souvent des remarques déplacées et dégradantes ainsi qu'à ses collègues telles que " si vous avez signé, c'est pour en chier " ou " vous faites du travail d'arabe " ou encore " vous êtes mauvais en tout et bons à rien ".
Damien D..., délégué du personnel, affirme que Carole X...tenait des propos déplacés qui étaient entendus dans les tous les secteurs du magasin, tels que " pétasse, salope ", qu'elle rabaissait certains membres de son équipe, notamment Cédric en le comparant à son frère handicapé, et qu'elle hurlait à l'encontre de Jérémy. Le témoin précise que cette attitude et ce langage se sont amplifiés à partir de novembre 2009 pour devenir insupportables à partir du printemps 2010 mais que, courant septembre 2010, cela s'est estompé du fait de l'arrivée plus matinale de M. E..., le directeur.
Michaël F...confirme que Carole X...rabaissait à longueur de journée l'apprenti boucher en lui disant en particulier qu'il suivrait le même parcours que sa mère, n'arrivant à rien dans sa vie, qu'elle tenait des propos quasi similaires à l'égard de Cédric et que l'employée fruits et légumes, Stéphanie, était critiquée par Carole X...sur ses tenues, celle-ci les trouvant trop provocantes et allant jusqu'à dire que " cette salope fait ça pour passer sous le bureau de M. E..., c'est sûrement grâce à ça qu'elle est bien vue ".
Solange G...fait également état du langage vulgaire adopté par Carole X...à l'égard de son apprenti, lui disant " Ne bouche pas les trous lorsqu'on est en rupture de produit avec n'importe quoi. Tu fais ça avec ta copine si tu veux mais pas ici ", et des critiques portées par elle lorsque ses collègues portaient des jupes, en particulier Stéphanie qu'elle traitait à haute voix de " pute " de sorte que Valérie H..., déléguée du personnel, l'a entendu.
Emmanuel I...indique qu'il entendait régulièrement les matins Carole X...crier avec Valérie H...en disant " pétasse, connasse, salope ", ce qui la faisait rire.
Christiane J...atteste que le 7 août 2010 vers 7h30/ 8h, Sarah, du rayon charcuterie, a répondu à un appel téléphonique et qu'à la suite de la question posée par Carole X..., elle a indiqué que l'appel provenait de Calia, la chef de caisse, ce à quoi, Carole X...a réagi en disant " Mais de quoi elle se mêle celle-la, qu'elle s'occupe de son cul " puis, se tournant vers le témoin qui avait assisté à la scène, l'a interpellée par les mots suivants " J'ai pas raison ? ".
Enfin, Martine K...indique que le 30 août 2010, à 14h30, Carole X...s'est plainte auprès d'elle à l'entrée du vestiaire en lui disant " il y a en marre à cause de cette salope, je suis de permanence à 15h, c'est elle qui a décidé cette belle connerie ". Elle relate aussi que le 1er septembre 2010 vers 10h30, Carole X...a dit en sa présence, dans la salle des commandes, " elle ne va pas nous emmerder longtemps celle-la on a pas que ça à foutre " à la suite d'un appel que Carole X...venait de recevoir de l'accueil.
Les attestations de Christiane J...et Martine K...sont particulièrement précises et circonstanciées. Elles établissent les faits qu'elles relatent, à savoir les propos injurieux tenus par Carole X...à l'égard de collègues de travail, ce environ un mois avant la convocation à l'entretien préalable pour les faits du 7 août 2010 et seulement quelques jours avant cette convocation pour ceux des 30 août et 1er septembre 2010. Il s'ensuit que ces faits fautifs se sont produits dans les deux mois ayant précédé l'engagement de la procédure disciplinaire, qu'ils ne sont donc pas prescrits et qu'ils autorisent dès lors l'employeur à se prévaloir de faits identiques antérieurs à ce délai tels ceux dénoncés par Stéphanie A...dans son attestation, et de faits identiques qui ne sont pas précisément datés tels ceux ayant visé Jérémy B...et Cédric C.... En effet, il résulte de l'article L 1332-4 du code du travail qu'un fait fautif commis ou dont l'employeur a eu connaissance plus de deux mois avant l'engagement de la procédure disciplinaire peut être pris en considération lorsque le même comportement fautif s'est poursuivi ou répété dans ce délai.
Ainsi, contrairement à ce que soutient Carole X..., les pièces versées aux débats permettent de vérifier l'absence de prescription des faits qui lui sont imputés.
Il a d'ores et déjà été retenu que les faits relatés par Christiane J...et Martine K...sont établis.
Ceux dont se plaint Stéphanie A...sont confirmés notamment par les attestations de Michaël F...et de Solange G.... Ces mêmes attestations corroborent les propos injurieux et dégradants dont Jérémy B...dit avoir été victime de la part de Carole X.... L'attestation de Damien D...confirme pour sa part les propos de même nature qui visaient Cédric C....
Au soutien de sa contestation des faits reprochés, Carole X...se prévaut d'attestations de personnes qui ont été ses collègues de travail dans une autre entreprise mais de tels éléments sont sans emport dès lors qu'ils ne témoignent pas de l'attitude de Carole X...au sein de la société Boulaydis.
L'intimée verse également aux débats quatre attestations d'anciens collègues de travail du supermarché Super U de Boulay.
Toutefois, il apparaît que l'une d'entre elles émane d'un salarié, Dave M..., qui a quitté l'entreprise en novembre 2008, soit près de deux ans avant le licenciement de Carole X..., alors que, selon Damien D..., l'attitude injurieuse de Carole X...s'est amplifiée à partir de novembre 2009. En outre, l'employeur justifie que ce salarié a lui-même été licencié pour motif personnel, ce qui est de nature à faire douter de la sincérité de ses propos. Cette attestation n'est donc pas probante.
Odile N..., déléguée du personnel, atteste seulement ne pas avoir été informée de plaintes du personnel concernant des injures ou insultes de la part de Carole X..., ce qui ne veut pas dire que cette dernière ne tenait pas de propos à caractère injurieux.
Quant aux attestations de Magali O...et Valérie H..., elles sont rédigées dans des termes quasiment identiques de telle sorte que l'authenticité de leurs dires peut être mise en doute, ce d'autant plus qu'une multiplicité de témoins confirme les faits reprochés par l'employeur à Carole X...et que l'un d'entre eux, Solange G..., affirme précisément que Valérie H...a entendu les insultes proférées par Carole X...contre Stéphanie A.... En outre si Magali O...et Valérie H...attestent n'avoir jamais été témoin d'altercations entre Carole X...et des collègues de travail ou d'insultes de la part de celle-ci, elles reconnaissent cependant l'échange d'insultes, sur le ton de la plaisanterie, avant l'ouverture du magasin, ce qui est contradictoire et qui confirme à tout le moins que Carole X...était coutumière de propos insultants par leur contenu.
Au demeurant, selon le compte rendu de l'entretien préalable du 18 septembre 2010 rédigé par Mme Q..., délégué du personnel, si Carole X...a contesté avoir commis des agissements fautifs en considérant qu'elle n'avait rien à se reprocher, elle a admis qu'" on s'insulte " avant l'ouverture du magasin et qu'elle a notamment dit " Mme la pétasse " mais a fait valoir qu'il s'agissait de plaisanteries et que " pétasse " n'était pas vulgaire, cette reconnaissance confirmant l'observation précédente.
Il résulte des nombreuses attestations produites par l'employeur qui se corroborent entre elles et des attestations de Magali O...et de Valérie H...ainsi que du compte-rendu susvisé en ce qu'ils justifient que Carole X...était coutumière de l'emploi de termes objectivement grossiers ou injurieux à l'encontre de collègues de travail que les faits visés dans la lettre de licenciement sont établis et qu'ils se sont produits de manière répétée, pendant plusieurs mois.
Rien ne prouve que l'employeur avait connaissance depuis un certain temps déjà des agissements de Carole X...lorsqu'il a engagé la procédure de licenciement, la société Boulaydis affirmant n'en avoir été avisée qu'à l'été 2010 par une plainte de Stéphanie A...à la suite de laquelle une enquête interne a été diligentée. Ainsi, il ne saurait être invoqué une quelconque tolérance de la part de l'employeur.
Par leur contenu, leur caractère répété à l'encontre notamment des trois mêmes salariés qui étaient jeunes, voire mineur pour l'apprenti, le ton sur lequel ils étaient proférés tel qu'en attestent plusieurs témoins et leurs conséquences négatives pour ceux qui en étaient directement victimes, en particulier pour Stéphanie A...et Jérémy R...qui font état de la souffrance morale causée par l'attitude de Carole X..., les faits commis par cette dernière ne relèvent pas de la plaisanterie et la circonstance que plusieurs salariés témoins de ces agissements sans avoir été visés par les propos de Carole X..., comme Damien D...et Martine K..., disent que l'ambiance générale s'en est ressentie défavorablement ou qu'ils ont été choqués par ces propos suffit à contredire l'affirmation de l'intimée suivant laquelle au regard du contexte particulier, les grossièretés ou insultes qu'elle a pu proférer ont perdu tout caractère injurieux.
Enfin, Carole X...prétend qu'elle a en fait été licenciée par suite de son refus de travailler le samedi matin sans contrepartie financière mais force est de constater qu'aucun élément ne corrobore cette allégation.
Ainsi que cela a déjà été énoncé, les faits reprochés à Carole X...n'apparaissent pas isolés mais au contraire ont été répétés sur plusieurs mois. Leur caractère fautif est aggravé par le fait que Carole X...relevait de la catégorie des agents de maîtrise, qu'elle était responsable d'un rayon et qu'elle était même chargée d'une mission de formation, ayant été désignée comme maître d'apprentissage. Enfin, les faits en cause étaient de nature à nuire à la santé des salariés qui en étaient la principale cible, Stéphanie A...et Jérémy R...disant d'ailleurs en avoir été affectés.
Ils constituaient dès lors une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rendait impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise.
Le licenciement pour faute grave de Carole X...est donc fondé, le jugement devant être infirmé en ce sens.

Sur les conséquences du licenciement pour faute grave

Le licenciement pour faute grave étant privatif du préavis et de l'indemnité de licenciement, il convient de débouter la salariée de ses demandes d'indemnité
compensatrice de préavis, de congés payés afférents et d'indemnité de licenciement.
Carole X...doit être également déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera infirmé en ces sens et également en ce qu'il a alloué à la salariée des congés payés sur l'indemnité de licenciement, une telle indemnité n'ouvrant pas droit, en tout état de cause, à des congés payés.
En revanche, le jugement sera confirmé en qu'il a débouté Carole X...de sa demande d'indemnité pour licenciement abusif que l'intimée ne renouvelle d'ailleurs pas à hauteur d'appel.
Le licenciement reposant sur une faute grave, la mise à pied est justifiée et Carole X...ne peut dès lors prétendre à un rappel de salaire à ce titre ainsi qu'aux congés payés afférents.
En outre, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 1235-4 du code du travail. Le jugement doit en conséquence être infirmé en ce qu'il a ordonné le remboursement par l'employeur d'indemnités de chômage.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Carole X..., qui succombe, doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel et déboutée de toute demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Compte tenu de la situation économique respective des parties, il n'y a pas lieu à condamnation de Carole X...au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté Carole X...de sa demande d'indemnité pour licenciement abusif et en ce qu'il a débouté la société Boulaydis de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau dans cette limite et ajoutant :
Dit que le licenciement de Carole X...est fondé sur une faute grave ;
Déboute Carole X...de toutes ses demandes ;
Déboute la société Boulaydis de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel ;
Condamne Carole X...aux dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier, Le Président de Chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de metz
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/02273
Date de la décision : 17/09/2014
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.metz;arret;2014-09-17;12.02273 ?
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