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17/12/2013 | FRANCE | N°12/01872

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 3ème chambre correctionnelle, 17 décembre 2013, 12/01872


ARRET DU 17/ 12/ 2013

DOSSIER 12/ 01872
prononcé publiquement le Mardi dix sept décembre deux mille treize, par la troisième Chambre des appels correctionnels, par Madame DE TALANCE, en application des dispositions de l'article 485 dernier alinéa du code de procédure pénale.
et assisté du greffier : Monsieur SAMBITO qui ont signé le présent arrêt en présence du ministère public près la Cour d'Appel

sur appel d'un jugement du tribunal de grande instance de MONTPELLIER du 26 OCTOBRE 2012
COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats et du délibéré : Présid

ent : Madame DE TALANCE Conseillers : Monsieur BARON Madame KONSTANTINOVITCH

présent...

ARRET DU 17/ 12/ 2013

DOSSIER 12/ 01872
prononcé publiquement le Mardi dix sept décembre deux mille treize, par la troisième Chambre des appels correctionnels, par Madame DE TALANCE, en application des dispositions de l'article 485 dernier alinéa du code de procédure pénale.
et assisté du greffier : Monsieur SAMBITO qui ont signé le présent arrêt en présence du ministère public près la Cour d'Appel

sur appel d'un jugement du tribunal de grande instance de MONTPELLIER du 26 OCTOBRE 2012
COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats et du délibéré : Président : Madame DE TALANCE Conseillers : Monsieur BARON Madame KONSTANTINOVITCH

présents lors des débats : Ministère public : Monsieur LAURENT Greffier : Monsieur SAMBITO et Mme BOUTY, greffier stagiaire

PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR : PREVENU X... Jean-Michel, Daniel Né le 07 mars 1992 à MONTPELLIER (34), fils de X... Raymond et de Z... Anne-Marie, de nationalité française, demeurant...-34970 LATTES Libre Prévenu, appelant Comparant Assisté de Maître CARON Cyril substituant Maître NGUYEN PHUNG Jean Robert, avocat au barreau de MONTPELLIER

LE MINISTERE PUBLIC, appelant
RAPPEL DE LA PROCEDURE :
Par jugement contradictoire du 26 octobre 2012, le Tribunal Correctionnel de Montpellier, saisi dans le cadre d'une procédure de comparution immédiate, a : Sur l'action publique : déclaré X... Jean-Michel, Daniel coupable : * d'avoir à MONTPELLIER, le 24/ 10/ 2012, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription,- fait usage d'une fusée ou d'un artifice en l'espèce un fumigène dans une enceinte sportive lors d'une manifestation sportive, et ce en état de récidive légale pour avoir été condamné le 21/ 06/ 2010 par le TC de Montpellier pour des faits similaires ou de même nature,

infraction prévue par l'article L. 332-8 AL. 1 du Code du sport et réprimée par les articles L. 332-8 AL. 1, AL. 3, L. 332-11 AL. 1, L. 332-14 du Code du sport-détenu une fusée ou un artifice en l'espèce un fumigène dans une enceinte sprotive lors d'une manifestation sportive, et ce en état de récidive légale pour avoir été condamné le 21/ 06/ 2010 par le TC de Montpellier pour des faits similaires ou de même nature, infraction prévue par l'article L. 332-8 AL. 1 du Code du sport et réprimée par les articles L. 332-8 AL. 1, AL. 3, L. 332-11 AL. 1, L. 332-14 du Code du sport

et en répression l'a condamné à accomplir 70 heures de Travail d'Intérêt Général dans un délai de 18 mois, avec exécution provisoire, et fixé la peine maximale en cas de non exécution à 1 mois de prison, à titre de peine complémentaire, a interdit à X... de pénétrer dans l'enceinte d'une manifestation sportive pour une durée de 18 mois, avec exécution provisoire.

APPELS : Le Ministère public a interjeté appel principal le 31 octobre 2012.

Par déclaration au greffe en date du 8 novembre 2012 Jean-Michel X... a interjeté appel incident de ce jugement.

DEROULEMENT DES DEBATS : A l'appel de la cause à l'audience publique du 05 NOVEMBRE 2013, Madame la Présidente a constaté l'identité du prévenu.

Monsieur BARON, Conseiller, a fait le rapport prescrit par l'article 513 du code de procédure pénale. Le prévenu après avoir exposé sommairement les raisons de son appel, a été interrogé et a présenté ses moyens de défense. Le Ministère Public a été entendu en ses réquisitions.

Maître CARON, avocat, a été entendu en sa plaidoirie. Le prévenu a eu la parole en dernier. A l'issue des débats, la Cour a mis l'affaire en délibéré et Madame la Présidente a averti les parties que l'arrêt serait prononcé le 17 DECEMBRE 2013.

Les faits Le 24 octobre 2012 à 20 h 42, à l'occasion de la rencontre de « Champion's League » opposant l'équipe de football de Montpellier à celle de l'Olympiakos d'Athènes au stade de la MOSSON en présence de plus de 20000 spectateurs, un supporter du Montpellier Hérault Sport Club allumait un fumigène dans les tribunes « Etang de Thau » avant le début de la rencontre. Jean-Michel X... était mis en cause par deux stadiers qui disaient l'avoir identifié formellement ; à la mi-temps, alors qu'il se rendait à la buvette, il était interpellé par les stadiers et remis à la police qui le plaçait en garde à vue. Il assurait être étranger aux faits qui lui étaient reprochés, et déclarait être confiant dans la vidéo pour le disculper. Mais la vidéo n'apportait aucun élément d'identification sur l'auteur des faits.

Par contre, la perquisition réalisée au domicile de M. X... permettait la découverte de huit fumigènes à deux endroits différents, dans le cabanon du jardin ainsi que dans sa chambre. Il expliquait cette détention par sa participation à une manifestation nationale de soutien à un supporter blessé par un tir de flashball, le 13 octobre précédent. Les déclarations des stadiers mettant en cause M. X... sont comme suit : Monsieur A... Bernard : « Alors que j'étais sur la pelouse face à la tribune Etang de Thau, je constate à 20h42, qu'un individu est penché au sol entre les travées, de mémoire la deuxième ou troisième rangée, et qu'il allume un fumigène. Je le vois ramper, une fois le fumigène allumé en se dirigeant vers les supporters de la butte Paillade. Je l'identifie dans l'éclairage du fumigène lors de sa mise à feu, il portait des lunettes noire, il s'agit du nommé X... Jean Michel, Je le reconnais car je suis sur tous les déplacements et je les suis chaque semaine. Je précise qu'il était torse nu. Je n'ai rien d'autre à rajouter, si ce n'est que je suis sur la pelouse avec mon collègue qui pourra aussi le reconnaître, puisque cet individu est coutumier des faits. Je n'ai rien d'autre à rajouter ». Monsieur C... Christian : « Alors que j'étais sur la pelouse face à la tribune Etang de Thau, en compagnie de mon collègue A... Bernard je constate à 20h42, qu'un individu est penché au sol entre les travées, il me semble la troisième rangée, et qu'il allume un fumigène. Je le vois ramper, une fois le fumigène allumé en se dirigeant vers les supporters de la butte Paillade. Je l'identifie dans l'éclairage du fumigène lors de sa mise à feu, il portait des lunettes noire, il s'agit du nommé X... Jean Michel. Je le reconnais car je suis sur tous les déplacements et je les suis chaque semaine. Je précise qu'il était torse nu, et qu'ensuite il a mis un pull de la butte Paillade. Je n'ai rien d'autre à rajouter. » Pour sa part, Monsieur Jean-Michel X... déclarait en garde à vue : « Hier soir le 24/ 10/ 12, je suis rentré dans l'enceinte du stade de la Mosson à Montpellier à 20h40. J'ai un abonnement pour la Tribune " Etang de Thau ", j'ai descendu l'escalier où il y a une lignée de stadiers, j'étais encore en train de descendre cet escalier quand le fumigène a été allumé en bas de la tribune.

J'ai rejoint la tribune et je me suis mis à ma place habituelle au centre, pour ce faire j'ai tourné à droite et j'ai dû enjamber le fumigène qui était déjà allumé au sol. Je me suis mis à chanter et la première mi temps s'est déroulée normalement. A la mi-temps je suis allé à la buvette chercher un sandwich, je suis donc monté en haut des escaliers vers le haut de la tribune et c'est à ce moment là que les stadiers m'ont demandé de les suivre jusqu'aux force de l'ordre. Immédiatement la mesure de garde à vue me concernant m'a été notifiée.
Je souhaiterais que les vidéos soient visionnées, car je suis tout à fait formel lorsque je vous déclare que je me trouvais en haut de l'escalier lorsque le fumigène a été allumé en bas de la tribune. » Sur interrogation, il ajoutait qu'il portait un sweat à capuche noir avec une inscription " butte paillade », mais qu'il n'avait à aucun moment enlevé ce sweat. La perquisition à son domicile n'a pas retrouvé de lunettes noires.

Le premier juge a retenu le témoignage des stadiers et la découverte des fumigènes au domicile comme étant de nature à asseoir la déclaration de culpabilité. Personnalité Jean-Michel X..., né le 7 mars 1992, est âgé de 21 ans. Il est de nationalité française et suivait à l'époque des faits, après avoir obtenu son bac commercial, une formation en alternance en étant employé par une grande surface de MONTPELLIER. Il est actuellement sous contrat à durée déterminée avec cette même grande surface. Son casier judiciaire fait mention de 3 condamnations :- le 21 juin 2010, par le Tribunal Correctionnel de Montpellier, à un mois de prison avec sursis et 6 mois d'interdiction de stade pour détention et usage d'artifice lors d'une manifestation sportive (faits du 8 mai 2010, premier terme de la récidive)- le 3 mars 2011, par le Tribunal Correctionnel de Montpellier, à 300 ¿ d'amende avec sursis pour pénétration dans une enceinte sportive malgré interdiction (faits du 8 août 2010),- le 14 mars 2011, par le Tribunal Correctionnel de Paris, à 150 ¿ d'amende pour outrage à dépositaire de l'autorité publique (faits du 13 mars 2011).

DEMANDES DES PARTIES

Jean-Michel X..., prévenu, a comparu assisté de son avocat. Il a maintenu ses déclarations précédentes sur le fait qu'il était innocent des faits qui lui étaient reprochés. Son conseil a souligné l'absence à la procédure d'éléments de culpabilité probants et a sollicité en conséquence la relaxe.

SUR CE Sur la recevabilité des appels Les appels du Ministère Public et du prévenu, interjetés dans les formes et les délais de la loi, sont recevables. Sur l'action publique L'administration de la preuve en droit pénal, qui est la démonstration de la véracité d'un fait, est libre. Le développement récent des techniques de preuve à caractère scientifique et technique, telles que les enregistrements vidéo ou les analyses génétiques, apporte généralement, sans d'ailleurs être infaillible, une plus grande sécurité dans l'administration de cette preuve ; mais la décision demeure fondée, comme le rappelle l'article 427 du code de procédure pénale, sur l'intime conviction du juge. En l'espèce, donc, l'absence à la procédure d'un enregistrement vidéo démontrant la détention et/ ou l'usage par Monsieur Jean-Michel X... d'un dispositif fumigène ne constitue pas en soi un facteur suffisant pour délier celui-ci des liens de la prévention. Toutefois, le juge doit fonder sa décision sur les éléments qui lui sont apportés et discutés contradictoirement. Cela implique l'examen des moyens de preuve et ensuite leur appréciation : il importe que le juge puisse forger sa conviction au visa des pièces du dossier et après débat contradictoire à l'audience. A cette fin, le juge doit tout d'abord être convaincu que, pour lui permettre de fonder sa décision, la procédure a ainsi réuni les éléments à charge et à décharge raisonnablement disponibles : cette obligation d'équité ne se cantonne pas à l'instruction préparatoire (article 81 du code de procédure pénale) mais est posée dès le premier paragraphe de l'article préliminaire de ce même code pour l'ensemble des poursuites.

Par ailleurs, et comme il est rappelé par le troisième paragraphe dudit article, une personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n'est pas établie. La démonstration de culpabilité, dont la charge repose sur l'accusation, ne saurait être apportée par les seuls antécédents judiciaires du prévenu. Or, au cas particulier, les seuls éléments à charge figurant à la procédure, hormis une précédente condamnation pour des faits similaires, sont d'une part les déclarations de Messieurs A... et C..., stadiers, dans les termes rappelés ci-dessus, et d'autre part la découverte au domicile de Monsieur Jean-Michel X... de dispositifs fumigènes. Si l'intervention de deux témoins vise à éviter l'évocation de l'ancien adage testis unus, testis nullus, encore faudrait-il pour convaincre qu'il apparaisse s'agir de deux visions indépendantes des faits, et non, comme ici, de déclarations clonées l'une sur l'autre à quelques mots près. En outre, le signalement indiqué (lunettes de soleil, torse nu puis sweat-shirt la Paillade) peut correspondre à plusieurs dizaines d'individus présents ; par contre, aucun des éléments matériels indiqués par l'un et l'autre témoin ne peut être rattaché aux autres actes de la procédure, ainsi qu'il sera vu ci après.

La seule force de ces témoignages réside donc dans leur convergence, dont il vient d'être indiqué qu'elle est à l'évidence artificielle. Concernant d'autre part la détention de fumigènes au domicile de Monsieur Jean-Michel X..., il est superflu de rappeler qu'elle ne constitue pas en soi une infraction mais tout au plus un indice. Or, cet indice n'est ici corroboré par rien, alors que Monsieur Jean-Michel X... a fourni immédiatement à cette détention une explication qui n'est pas a priori invraisemblable. Il est aussi à regretter que les enquêteurs se soient bornés, par un procès-verbal de quelques lignes, à constater que « le visionnage des images vidéo du stade à 20h42 ne permettait pas d'apercevoir la personne ayant allumé et jeté le fumigène ». Le versement, dans un format exploitable, de ces images à la procédure eût permis par exemple de confirmer ou d'infirmer la déclaration du prévenu selon laquelle il descendait à ce moment-là l'escalier, de constater si la couleur du fumigène incriminé correspondait ou non à ceux détenus par lui à son domicile, de s'assurer que la position des stadiers les mettait en mesure d'identifier précisément le lanceur de fumigène.

De même, il ne semble pas avoir été vérifié après le match si un étui de fumigène, pouvant être comparé aux modèles saisis chez le prévenu, était ou non retrouvé dans la zone concernée des tribunes. En résumé, et sans méconnaître que la dimension d'une enquête doive, d'une part, être proportionnée à l'ampleur des faits et, d'autre part, tenir compte des difficile contraintes du maintien de l'ordre, il reste qu'elle doit nécessairement fournir des éléments suffisants pour apprécier la véracité des accusations portées et ne saurait se borner à un simulacre. Cette exigence s'impose d'autant plus au juge quand il s'agit comme ici d'une situation de récidive, passible d'une sanction pénale aggravée, et que l'affaire vient en appel, initialement, à l'initiative du Ministère Public, demandeur et poursuivant.

En l'état, la Cour ne peut donc être convaincue, sans doute possible, de la réalité des faits reprochés au prévenu ; dans ces conditions il y a lieu d'infirmer le jugement querellé et de renvoyer Jean-Michel X... des fins de la poursuite au bénéfice du doute.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'égard de Jean-Michel X..., en matière correctionnelle, après en avoir délibéré conformément à la loi, EN LA FORME Reçoit les appels du ministère public et du prévenu, AU FOND Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Renvoie Jean-Michel X... des fins de la poursuite sans peine ni dépens. Le tout conformément aux articles visés au jugement et au présent arrêt et aux articles 512 et suivants du code de procédure pénale. Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique les jours, mois et an susdits ; le présent arrêt a été signé par la Présidente et le greffier présents lors de son prononcé.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 3ème chambre correctionnelle
Numéro d'arrêt : 12/01872
Date de la décision : 17/12/2013

Analyses

Il résulte du 3ème paragraphe de l'article préliminaire du Code de procédure pénale qu'une personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n'est pas établie. Pour fonder sa décision, le juge doit d'abord être convaincu que la procédure a réuni les éléments à charge et à décharge raisonnablement disponibles. Ainsi, si une enquête doit être proportionnée à l'ampleur des faits et tenir compte des difficiles contraintes du maintien de l'ordre, elle doit aussi, nécessairement, fournir des éléments suffisants pour apprécier la véracité des accusations portées, et ne saurait se borner à un simulacre. Cette exigence s'impose d'autant plus au juge quand il s'agit d'une situation de récidive, passible d'une sanction pénale aggravée.


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Montpellier, 26 octobre 2012


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2013-12-17;12.01872 ?
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