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22/04/2014 | FRANCE | N°13/00742

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 3ème chambre correctionnelle, 22 avril 2014, 13/00742


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER 3ème CHAMBRE CORRECTIONNELLE

ARRET No DU 22/ 04/ 2014
DOSSIER 13/ 00742 GN/ NC
prononcé publiquement le Mardi vingt deux avril deux mille quatorze, par la troisième Chambre des appels correctionnels, par Madame DE TALANCE, en application des dispositions de l'article 485 dernier alinéa du code de procédure pénale.
et assisté du greffier : Monsieur ESCANDELL qui ont signé le présent arrêt en présence du ministère public près la Cour d'Appel
sur appel d'un jugement du tribunal de grande instance de CARCASSONNE du 12 AVRIL 2013

COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats et du délibéré : Président : Madame DE TA...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER 3ème CHAMBRE CORRECTIONNELLE

ARRET No DU 22/ 04/ 2014
DOSSIER 13/ 00742 GN/ NC
prononcé publiquement le Mardi vingt deux avril deux mille quatorze, par la troisième Chambre des appels correctionnels, par Madame DE TALANCE, en application des dispositions de l'article 485 dernier alinéa du code de procédure pénale.
et assisté du greffier : Monsieur ESCANDELL qui ont signé le présent arrêt en présence du ministère public près la Cour d'Appel
sur appel d'un jugement du tribunal de grande instance de CARCASSONNE du 12 AVRIL 2013
COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats et du délibéré : Président : Madame DE TALANCE Conseillers : Madame CHAPON Monsieur TAMALET
présents lors des débats : Ministère public : Monsieur BEBON Greffier : Monsieur SAMBITO
PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR :
PREVENU Y...Denis Jacques Alain Né le 29 décembre 1974 à NANCY (54), fils de Y...Alain et de Z...Angèle, de nationalité française, demeurant ...-11000 CARCASSONNE Libre Prévenu, intimé Non comparant Représenté par Maître MANZI Virginie, avocat au barreau de MONTPELLIER
LE MINISTERE PUBLIC, appelant PARTIE CIVILE B...Aline Partie civile, appelante Comparante Assistée de Maître MOUSSET Jean-Baptiste, avocat au barreau de MONTPELLIER
RAPPEL DE LA PROCEDURE : Par jugement contradictoire du 12 avril 2013 le Tribunal correctionnel de CARCASSONNE saisi par convocation délivrée par un officier de police judiciaire
Sur l'action publique : a relaxé Y...Denis des fins de la poursuite : * pour avoir à CARCASSONNE (Aude), entre le 01/ 10/ 2009 et le 29/ 09/ 2011, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, volontairement exercé des violences sur B...Aline, sa concubine, ces violences ayant entraîné une incapacité totale de travail personnel de plus de 8 jours, infraction prévue par les articles 222-12 AL. 1 6o, 222-11, 132-80 du Code pénal et réprimée par les articles 222-12 AL. 1, 222-44, 222-45, 222-47 AL. 1, 222-48-1 AL. 2 du Code pénal Sur l'action civile : a débouté B...Aline de sa demande en l'état de la relaxe. APPELS : Par déclaration au greffe le 15 avril 2013 le ministère public a interjeté appel à titre principal des dispositions pénales de ce jugement.
Le 17 avril 2013, la partie civile a interjeté appel principal des dispositions civiles de ce jugement. DEROULEMENT DES DEBATS : A l'appel de la cause à l'audience publique du 18 FEVRIER 2014, Madame la Présidente a donné lecture de l'identité du prévenu et constaté son absence.

Madame CHAPON, Conseillère, a fait le rapport prescrit par l'article 513 du code de procédure pénale. Le prévenu est représenté par Maître MANZI.
La partie civile assistée de Maître MOUSSET, a été entendue. Maître MOUSSET, avocat de la partie civile, a été entendu en sa plaidoirie. Le Ministère Public a été entendu en ses réquisitions.
Maître MANZI Virginie, avocate, a été entendue en sa plaidoirie. A l'issue des débats, la Cour a mis l'affaire en délibéré et Madame la Présidente a averti les parties que l'arrêt serait prononcé le 22 AVRIL 2014. LES FAITS
Le 29-09-2011, Aline B...déposait plainte contre Denis Y...pour « harcèlement et violences volontaires psychologiques » contre Denis Y...son ex-compagnon et père de leur enfant commun. Elle exposait qu'ils avaient vécu ensemble de septembre 2009 à décembre 2010 ; qu'il l'humiliait et la dénigrait régulièrement, sur ses capacités, et son rôle de mère notamment ; qu'il s'appuyait sur ses lectures et ses « connaissances » en psychologie pour la dévaloriser ; qu'il s'en prenait aussi à sa fille d'un premier lit ; qu'il avait essayé de la séparer de ses amis et de sa famille ; qu'il voulait tout gérer de sa vie ; qu'il se servait de leur fils commun pour la tenir sous pression, menaçant de la quitter ; qu'il entretenait un climat de peur et exerçait du chantage à la privation de son fils Azur. Elle résumait le climat en disant qu'il créait un problème, la poussait à bout puis faisait appel aux services spécialisés pour les prendre à témoin du soin qu'il prenait d'elle.
Elle ajoutait qu'il avait quitté leur logement pour ne pas voir diminuer son RSA mais s'était installé en face et avait continué son manège ; qu'elle avait alors mis fin à la relation et était restée enfermée plusieurs jours chez elle par peur mais qu'il avait continué ses agissements, hurlant pour alerter les voisins et faire croire qu'elle l'empêchait de voir son fils, la menaçant et l'amenant à un tel épuisement physique qu'elle avait demandé asile au centre maternel. Elle remettait copie :- du certificat médical d'un psychologue daté du 15-06-2011 attestant d'un suivi psychologique dans le cadre de l'accompagnement des victimes de violences et de la dégradation de sa santé,
- d'un certificat d'hébergement daté du 12-09-2011 au centre maternel pour une mise sous protection depuis le 23-06-2011,- d'un certificat médical daté du 13-09-2011 qui mentionne un amaigrissement, des difficultés d'endormissement, une anxiété diurne le tout entraînant une incapacité temporaire de travail de 10 jours,- de plusieurs lettres manuscrites de Denis Y...où il clamait son amour pour elle et reconnaissait notamment « avoir tout gâché » etc...- de six mains courantes entre 12-2010 et 06-2011,- d'attestations de témoins :
? le père de Blanche (fille d'une première union de la plaignante) qui attestait avoir assisté à des scènes au cours desquelles Denis Y...était hors de lui, dénigrait Blanche qui en avait peur, essayait de faire porter à l'enfant ses propres responsabilités, en la dénigrant, parlait de manière agressive à Aline, adoptait des comportements incohérents que le témoin décrivait (il demandait sa main puis, le soir même, appelait le SAMU en tentant de faire croire qu'elle était incapable de s'occuper de leur fils Azur, avait contrainte Aline, par ses comportements répétitifs, à se réfugier chez une amie etc. Le témoin s'en disait désolé car il avait accueilli cet homme comme un ami. ? Mme Sylvie C..., une voisine attestait, le 23 juin 2011, avoir constaté que Aline B...vivait, depuis quelques jours, rideaux fermés pour se protéger et éviter Denis qui rôdait. ? Mme Sylvie D...attestait l'avoir rencontrée très inquiète au planning familial, tentant d'organiser la séparation au mieux des intérêts de leur fils commun, ? Mme Laure E...: une ancienne voisine racontait comment Denis Y...s'était enfermé avec l'enfant dans l'appartement alors que la mère devait le nourrir, ? le père de la plaignante lui écrivait le 28-06-2011 une lettre jointe à une attestation. Il s'étonnait de la situation de cet homme qui ne travaillait pas, ne subvenait pas aux besoins de l'enfant, utilisait son temps à déstabiliser sa famille. Il manifestait son espoir de voir la relation s'améliorer, dans l'intérêt de l'enfant. ? mails de Denis Y...à Aline B...lui adressant des reproches et l'accusant d'être perturbée, d'enlever leur enfant, d'être une mère possessive, fusionnelle. Lors de son audition le 07-11-2011 Denis Y...évoquait de simples disputes. Il niait toute violence verbale, tout harcèlement. Au contraire, il reprochait à sa compagne de refuser de consulter un thérapeute pour elle et pour sa fille Blanche, de l'empêcher d'intervenir dans l'éducation de Blanche et de le laisser s'occuper de leur bébé, de le dénigrer, de se comporter finalement comme les personnes décrites dans les livres traitant des « pervers narcissiques ». Il déclarait qu'elle s'était coupée de tout lien amical et familial sauf de son père ; qu'elle exerçait un chantage sur lui ; qu'elle n'assumait pas ses choix et ne se responsabilisait en rien.
La plaignante, entendue à nouveau, faisait état de son malaise à la lecture des déclaration de son ex-compagnon. Selon elle, en la traitant comme un objet et en la détruisant, il augmentait sa propre estime de lui-même. Elle insistait sur sa peur, sur celle de sa fille et sur les crises d'angoisse de leur petit garçon, confronté aux comportements de son père et de sa propre fille, confrontée à la violence de son " beau-père ".
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES La partie civile, appelante incidente, assistée de son conseil, demande à la cour d'infirmer le jugement, de dire que les faits de violences psychologique sont constitués, de recevoir sa constitution de partie civile et de lui allouer la somme de 1 ¿ en réparation de son préjudice moral, outre celle de 500 ¿ en application de l'article 475-1 du code de procédure pénale. Le ministère public se désiste de son appel principal. Le prévenu prend acte du désistement du ministère public et, sur l'appel de la partie civile, demande à la cour de dire que l'infraction n'est pas constituée et de débouter la partie civile de ses demandes.
MOTIFS DE LA DECISION Sur la recevabilité
Les appels du ministère public et de la partie civile sont réguliers pour avoir été interjetés dans les formes et délais légaux. Sur l'action publique Il convient de donner acte au ministère public de son désistement d'appel et de dire que la cour est dessaisie s'agissant de l'action publique, la juridiction ne statuant plus que dans les limites de l'appel de la partie civile.
La décision de relaxe est définitive. Sur l'action civile Cependant, en raison de l'indépendance de l'action civile et de l'action publique, l'appel de la partie civile, s'il est sans incidence sur la force jugée qui s'attache à la décision de relaxe et empêche de déclarer le prévenu coupable et de prononcer une peine, saisit valablement la juridiction d'appel des seuls intérêts civils.
Dès lors, il appartient à la cour de rechercher si les faits constituent le délit prévu par l'article 222-12-1- 6o du code pénal et, dans l'hypothèse où les éléments constitutifs seraient réunis, de statuer sur la demande de réparation civile. La cour observe que Aline B...n'invoque que des violences psychologiques, à connotation de harcèlement moral, à l'exclusion de violences physiques. Les poursuites étaient fondées sur l'article 222-12. al 1- 6o du code pénal qui renvoie à l'article 222-11 du même code, ces texte incriminant les violences volontaires sur conjoint, concubin ou partenaire lié par un PACS, ayant entraîné une incapacité temporaire de travail de plus de 8 jours. Selon l'article 222-14-3 du même code, les violences prévues par les dispositions de la présente section sont réprimées quelle que soit leur nature, y compris s'il s'agit de violences psychologiques.
L'article 222-12- al. 1- 6osusvisé qui figure dans la même section I du titre II du livre II du code pénal trouve donc application si les violences alléguées sont de nature psychologique comme c'est le cas en l'espèce. Il appartient donc à la cour de rechercher l'existence des violences dénoncées par la partie civile et dans l'affirmative si elles ont occasionné le temps d'incapacité prévue par le code. Aline B...décrit avec précision des pratiques de son concubin :- Des paroles blessantes, un dénigrement permanent quant à son physique et à l'ensemble de ses capacités intellectuelles, de mère et de compagne.- Des comportements tendant à créer le problème pour se présenter, ensuite, comme le sauveur aux yeux des tiers.
- La mise en place d'une relation d'emprise avec des pratiques tendant à isoler la victime de ses amis, de sa famille et à vouloir gérer tous les domaines de sa vie, comme si elle était incompétente.- Du chantage à l'enfant et à la rupture.- Une pression de plus en plus forte quand elle tentait de lui échapper.
Ces comportements présentent toutes les caractéristiques du harcèlement moral, étant observé que la loi a fait du harcèlement moral un délit distinct mais qui fait encourir les mêmes sanctions quand il est commis sur un concubin, avec les mêmes conséquences. La plaignante explique que, malgré tout, elle se laissait circonvenir malgré ses doutes et sa peur et acceptait ses excuses car elle l'aimait encore et voulait un père pour son fils. A ce stade de l'exposé, les seules déclarations de Aline B...seraient insuffisantes à caractériser les violences psychologiques, même si elles sont articulées de manière cohérente et crédible. Les violences psychologiques sont en effet difficiles à prouver car l'agresseur, non dépourvu d'une forme d'intelligence, s'arrange toujours pour faire bonne figure devant les tiers cependant sa stratégie peut présenter des failles. Aline B...produit aux débats, à l'appui de ses déclarations, une lettre de Denis Y...qui reconnaît avoir été auteur de violences psychologiques à des nombreuses reprises : il évoque les humiliations devant sa fille Blanche, reconnaît avoir traité sa compagne de folle. Il évoquait ses crises. Certes il arguait de son amour pour elle mais il n'en demeure pas moins que cet écrit vient conforter les dires de la plaignante. Dans un autre écrit Denis Y...reconnaît voir été « vraiment con », avoir « gâché ça », « ça me dégoûte ». Il envisage de se faire soigner. Cette pratique qui consiste à s'excuser est celle de tout persécuteur qui assure sa victime de son amour pour mieux la garder sous emprise et dans l'espoir que les choses iront mieux. Sont de nature à corroborer également les dires de Aline B..., les pièces jointes à sa plainte, tels certificat d'hébergement, certificat de suivi psychologique, certificat médical, attestations de voisins, de son père, de son ancien compagnon et père de sa fille tels que détaillés ci-dessus et dont il résulte que les tiers ont effectivement pu constater les persécutions dont Aline B...faisait l'objet. Dans ces conditions, les éléments constitutifs du délit de violences à caractère psychologique ayant occasionné une incapacité temporaire de travail supérieure à 8 jours sont réunis, les éléments médicaux versés aux débats venant attester des conséquences sur l'état psychologique de la partie civile. Le préjudice en résultant est donc avéré.
La partie civile ne réclame qu'une indemnisation symbolique qui doit lui être accordée. Il sera fait droit, en équité, à sa demande fondée sur l'article 475-1 du code de procédure pénale.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, en matière correctionnelle, après en avoir délibéré conformément à la loi,
SUR LA FORME Reçoit les appels du ministère public et de la partie civile.
SUR LE FOND Sur l'action publique : Donne acte au ministère public de son désistement d'appel principal.
Constate que la cour est dessaisie s'agissant de l'action publique. Constate que la décision de relaxe est définitive. Sur l'action civile :
Dit que les éléments constitutifs du délit de violences sur concubine ayant occasionné une incapacité temporaire de travail supérieure à 8 jours sont réunis. Déclare la constitution de partie civile d'Aline B...recevable et bien fondée. Condamne Denis Y...à payer à Aline B...la somme de 1 ¿ en réparation de son préjudice moral outre celle de 500 ¿ en application de l'article 475-1 du code de procédure pénale. Le tout conformément aux articles visés au jugement et au présent arrêt et aux articles 512 et suivants du Code de Procédure Pénale. Ainsi jugé et prononcé en audience publique les jour, mois et an susdits ; le présent arrêt a été signé par la Présidente et le Greffier présents lors de son prononcé.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 3ème chambre correctionnelle
Numéro d'arrêt : 13/00742
Date de la décision : 22/04/2014

Analyses

Les éléments constitutifs du délit de violences à caractère psychologique ayant occasionné une ITT supérieure à 8 jours sont réunis par la production par la victime d'une lettre du père de son fils reconnaissant avoir été auteur de violences psychologiques à des nombreuses reprises et l'avoir traitée de folle, évoquant ses crises ainsi que des humiliations devant sa fille, et d'un autre écrit dans lequel il reconnaît avoir été « vraiment con », avoir « gâché ça », « ça me dégoûte » et envisage de se faire soigner, lettres corroborées par les pièces jointes à sa plainte, tels certificat d'hébergement, certificat de suivi psychologique, certificat médical, attestations de voisins, de son père, de son ancien compagnon et père de sa fille dont il résulte que les tiers ont effectivement pu constater les persécutions dont elle faisait l'objet.


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Béziers, 12 avril 2013


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2014-04-22;13.00742 ?
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