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30/01/2007 | FRANCE | N°04/02038

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 30 janvier 2007, 04/02038


ARRÊT No 72

R. G : 04 / 02038

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AVIGNON
16 mars 2004


Z...


C /


X...


Y...


Y...


COUR D'APPEL DE NIMES

CHAMBRE CIVILE
1ère Chambre A

ARRÊT DU 30 JANVIER 2007

APPELANTE :

Madame Geneviève Z... veuve X...

née le 30 Octobre 1919 à VIMOUTIERS (61)

...


...


représentée par la SCP FONTAINE- MACALUSO JULLIEN, avoués à la Cour
assistée de la SCP FORTUNET & ASSOCIES, avocats au barreau d'AVIGNON
r>(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2004 / 003818 du 23 / 06 / 2004 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de NIMES)

INTIMES :

Madame Mireille X... épouse Y......

ARRÊT No 72

R. G : 04 / 02038

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AVIGNON
16 mars 2004

Z...

C /

X...

Y...

Y...

COUR D'APPEL DE NIMES

CHAMBRE CIVILE
1ère Chambre A

ARRÊT DU 30 JANVIER 2007

APPELANTE :

Madame Geneviève Z... veuve X...

née le 30 Octobre 1919 à VIMOUTIERS (61)

...

...

représentée par la SCP FONTAINE- MACALUSO JULLIEN, avoués à la Cour
assistée de la SCP FORTUNET & ASSOCIES, avocats au barreau d'AVIGNON

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2004 / 003818 du 23 / 06 / 2004 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de NIMES)

INTIMES :

Madame Mireille X... épouse Y...

née le 12 Mai 1946 à COURTHEZON (84)

...

...

représentée par la SCP M. TARDIEU, avoués à la Cour
assistée de la SCP DRUJON D'ASTROS, avocats au barreau d'AIX EN PROVENCE

Monsieur Christophe Y...

né le 05 Juillet 1979 à ORANGE (84)

...

...

représenté par la SCP M. TARDIEU, avoués à la Cour
assisté de la SCP DRUJON D'ASTROS, avocats au barreau d'AIX EN PROVENCE

Mademoiselle Fabienne Y...

née le 11 Octobre 1970 à SORGUE
Chez Mme A...

...

...

représentée par la SCP M. TARDIEU, avoués à la Cour
assistée de la SCP DRUJON D'ASTROS, avocats au barreau d'AIX EN PROVENCE

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 29 Septembre 2006

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Muriel POLLEZ, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 786 du Nouveau Code de Procédure Civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Pierre BOUYSSIC, Président
Mme Christine JEAN, Conseiller
Mme Muriel POLLEZ, Conseillère

GREFFIER :

Mme Véronique VILLALBA, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

à l'audience publique du 29 Novembre 2006, où l'affaire a été mise en délibéré au 30 Janvier 2007.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Pierre BOUYSSIC, Président, publiquement, le 30 Janvier 2007, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au greffe de la Cour.

****

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :

Didier X... est décédé à Courthezon le 29 décembre 1998 laissant à sa survivance son épouse Geneviève Z..., commune en biens et sa fille unique Mireille X... épouse Y... née d'une première union dissoute par divorce, mère de Christophe et Fabienne Y....

Suivant jugement du 16 mars 2004, le Tribunal de Grande Instance d'Avignon, a :

- dit que Didier X... avait pu disposer librement en faveur des consorts Y... des biens demeurés propres constitués par ses avoirs bancaires inventoriés par l'expert judiciaire, y compris les comptes d'assurance- vie,

- jugé que la donation en date du 4 août 1998 en faveur de Mireille Y... était par préciput et hors part,

- débouté Geneviève Z... veuve X... de toutes ses demandes de rapport et de sa demande de provision,

- ordonné les opérations de compte liquidation partage de la communauté ayant existé entre les époux X...
Z... et de la succession de Didier X... et commis pour y procéder, à défaut de meilleur accord, le Président de la chambre des notaires ou son délégataire,

- rejeté la demande présentée au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et condamné Geneviève Z... aux dépens.

Geneviève Z... veuve X... en a interjeté appel suivant déclaration enregistrée au greffe le 6 mai 2004, sans que les parties élèvent de discussion quant à la recevabilité de l'appel ou qu'il résulte des pièces du dossier de moyen d'irrecevabilité devant être relevé d'office par la Cour.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe le 8 août 2006, et en lecture du rapport d'expertise B..., Geneviève Z... veuve X... demande à la Cour de :

- reformer la décision dont appel en toutes ses dispositions autres que celles ayant ordonné les opérations de comptes liquidation partage de la communauté ayant existé entre les époux et de la succession de Didier X... et commis notaire pour y procéder,

statuant à nouveau,

- déclarer nuls et de nul effet les transferts financiers opérés depuis les comptes de Didier X... en faveur de sa descendance, tels qu'inventoriés par le rapport d'expertise,

- dire rapportables par les mêmes à l'actif de la communauté le montant des cotisations d'assurance vie souscrites par le défunt en faveur de sa fille,

- condamner les intimés à représenter et rembourser à la communauté conjugale, savoir :

¤ Christophe et Fabienne Y..., chacun, la somme de 22. 867, 35 Euros
¤ Mireille X... épouse Y... celle de 151. 381, 87 Euros
lesdites sommes avec intérêts de droit à compter du 29 décembre 1998, date de la dissolution de la communauté,

- condamner les intimés à opérer à la succession :

¤ les mêmes rapports, représentations et remboursements
¤ et rapport des produits des opérations d'assurance vie,
pour constituer avec les biens existants la masse de calcul du droit successoral d'usufruit de la veuve,

- dire que le legs consenti par Didier X... à Mireille X... épouse Y... ne constitue qu'un legs à titre particulier s'appliquant à la moitié seulement des actifs financiers abrités au jour du décès sur les comptes ouverts par le de cujus au CRÉDIT LYONNAIS,

- condamner solidairement les intimés à lui payer :

¤ la somme de 15. 000 Euros à titre de dommages et intérêts
¤ et celle de 60. 000 Euros à titre d'indemnité provisionnelle à valoir sur les droits de communauté et de succession,

- confirmer le jugement en ce qui concerne l'ouverture des comptes et opérations de partage et liquidation,

- condamner solidairement les consorts Y... à lui payer la somme de 4. 000 Euros en remboursement des frais non taxables exposés et aux entiers dépens dont distraction.

Elle fait plaider que :

- le rapport d'expertise déposé a établi que d'importantes sommes avaient été transférées dans les derniers mois de la vie du défunt en faveur de sa fille et de ses petits enfants, voire après son décès, en violation de ses droits puisque prélevés sur les avoirs dépendant de la communauté, que donation a été également effectuée d'un immeuble propre en faveur de Mireille X... épouse Y... le 4 août 1998, et que des contrats d'assurance vie souscrits au bénéfice de Mireille X... épouse Y... ont été souscrits par Didier X...,

- les dispositions de l'article 1402 du Code Civil emportent présomption de communauté à l'égard de tous les biens meubles ou immeubles jusqu'à preuve contraire de leur qualité de propre rapportée par écrit,

- aux termes des articles 1422 et 1423 la validité d'une disposition à titre gratuit des biens de communauté est subordonnée au consentement de chaque époux et, à défaut, cette disposition est nulle, les bénéficiaires devant alors rapport à la communauté,

- les économies abritées sous les comptes du mari ne sont pas propres puisque Mireille X... épouse Y... avait admis dans la déclaration de succession qu'il s'agissait de biens communs, car le rapport d'expertise n'a aucunement démontré qu'ils provenaient de la dissolution d'une précédente communauté non liquidée dont l'actif reste ignoré, alors que l'article 1402 n'autorise qu'une preuve par écrit,

- il n'est aucunement démontré que les capitaux importants détenus avant son décès par Didier X... sont des économies provenant des fonds propres perçus du fait de ses pensions militaires,

- au contraire il est admis que, si les titres de pension sont, conformément aux dispositions de l'article 1404 du Code Civil, des propres, les arrérages qu'ils produisent entrent pendant son cours dans les actifs de la communauté conjugale, compensant la perte des revenus procédant de la situation de retraite et s'analysant en des revenus différés du travail et de l'industrie, biens communs,

- au demeurant sont communs au visa de l'article 1401 du Code Civil, les économies faites sur les fruits et revenus des propres,

- sur le terrain de la liquidation de la succession, elle est fondée à réclamer, en application des dispositions de l'article 767 du Code Civil le bénéfice de son droit d'usufruit du quart de la succession,

- ce droit s'exerce sur les biens subsistants hors libéralités,

- la masse de calcul de son droit implique le rapport à la masse successorale des différentes libéralités consenties, dont les transferts de fonds identifiés par le rapport d'expertise et les capitaux produits par les assurances- vie, à l'exception de l'immeuble propre, donation effectuée avec dispense de rapport,

- la procuration consentie à Mireille X... épouse Y..., comme la transformation en compte joint, n'emporte pas libéralité en l'absence de dépossession irrévocable,

- en toute hypothèse, la libéralité entre vifs ne dispense pas le bénéficiaire de son obligation de rapport, la libéralité devant composer la masse de calcul,

- Mireille X... épouse Y... prétend faussement être légatrice universelle des biens de son père car la lettre dont elle se prévaut ne vaut, au mieux, que comme legs particulier et pour les seuls avoirs détenus par la banque dont le directeur a été destinataire de la correspondance,

- aux termes de l'article 1423 du Code Civil, les dons et legs portant sur des économies de communauté ont leur étendue limitée à la moitié,

- l'appréhension illégale des avoirs de communauté et de succession par les intimés a engendré pour l'épouse un préjudice méritant réparation par l'allocation de dommages et intérêts ainsi que l'octroi d'une indemnité provisionnelle dans l'attente du règlement de comptes de liquidation et partage de la communauté et de la succession.

*

Dans leurs dernières conclusions déposées au greffe le 26 mai 2006, les consorts Y... demandent à la Cour de :

- constater que la communauté ayant existé entre Didier X... et Geneviève Z... veuve X..., par ailleurs interrompue par une procédure de divorce qui n'a pas été menée à terme, n'a pas été enrichie par les apports de l'épouse ni par les revenus de son conjoint,

- constater que celui- ci, était au jour de son remariage, à la retraite et percevait comme seule subsistance une pension de retraite militaire et une pension d'invalidité militaire,

- juger que cette source de revenu, retraite plus pension, constitue des biens incessibles et donc non susceptibles de tomber dans la communauté,

- constater qu'au jour de son remariage, Didier X... était à la tête d'une fortune provenant de sa première communauté non liquidée, fortune ne faisant pas partie des acquêts de communauté dans le cadre de son remariage,

- dire que les sommes qui ont été inventoriées par l'expert ne constituent pas des biens de communauté,

- juger que les conditions prévues par l'article 1422 du Code Civil ne sont pas remplies,

- dire que Didier X... pouvait disposer de ses biens en donnant à ses petits enfants la somme de 300. 000 francs et en donnant le surplus à sa fille unique,

- constater que par " lettre testamentaire " confirmée par une procuration générale donnée à sa fille, Didier X... a entendu lui céder l'intégralité des valeurs mobilières qu'il détenait au jour de son décès,

- dire qu'en conséquence Geneviève Z... veuve X... n'a aucune vocation à recevoir, ne serait- ce que pour partie, les sommes ainsi attribuées,

- juger que ses demandes ne sont pas fondées,

- confirmer le jugement entrepris et

- condamner Geneviève Z... veuve X... à leur payer la somme de 3. 000 Euros en remboursement des frais non taxables exposés ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction.

Ils répondent que :

- la communauté ne dispose d'aucun actif partageable pour lequel l'interdiction de l'article 1422 du Code Civil s'appliquerait,

- ils ne contestent pas qu'avant le décès de Didier X..., Mireille X... épouse Y... a reçu de son père la somme globale de 994. 320 francs et ses deux enfants, chacun, celle de 150. 000 francs,

- néanmoins, ces attributions ne peuvent être remises en cause, s'agissant de biens meubles et immeubles propres au de cujus,

- en effet ils sont issus de la première communauté dissoute par divorce le 10 avril 1967 et jamais liquidée, laquelle a laissé subsister d'importantes économies que la situation de militaire retraité de Didier X... ne lui auraient pas permis d'acquérir au cours de son second mariage alors qu'aucun revenu n'est entré dans la communauté de par l'industrie personnelle de Geneviève Z... veuve X... qui n'a jamais travaillé, ni ne disposait de gains propres,

- les pensions militaires incessibles du défunt ne sont pas entrées en communauté au visa de l'article 1404 du Code Civil et les biens présents lors du mariage y ont échappé en vertu de l'article 1405,

- la pension d'invalidité est propre et les revenus qui en résultent n'en sont pas des fruits civils au sens des articles 584 et 1403 du Code Civil,

- il en est de même pour la pension de retraite, dont les revenus, en tout état de cause, restent des propres,

- la preuve du caractère de propres des économies réalisées résulte des avoirs détenus au jour du mariage,

- le défunt a donc pu disposer librement de ses biens qui ne dépendaient pas de la communauté et notamment pour souscrire des contrats d'assurance- vie en faveur de sa fille et plus particulièrement en application de l'article L. 132- 12 du Code des Assurances,

- Geneviève Z... veuve X... admet désormais le caractère propre de l'immeuble donné à sa fille,

- Didier X... a clairement manifesté sa volonté de céder à sa fille son patrimoine en considérant les procurations données sur ses comptes, et son courrier adressé à son banquier, ce qu'il a fait par ses dons manuels et par son legs à titre universel et

- le notaire calculera le droit d'usufruit ouvert à Geneviève Z... veuve X... qui ne pourra être composé que des intérêts des placements de l'actif net capitalisé.

DISCUSSION :

Sur la composition de la communauté :

En l'absence de procédure de divorce menée à son terme, seul le décès de Didier X... a fait cesser la communauté légale des époux mariés sans contrat préalable le 25 octobre 1969 en suite d'une première union dissoute par divorce du défunt le 10 avril 1967 et dont l'actif de communauté n'aurait pas été liquidé.

¤ Geneviève Z... veuve X... ne formule plus, comme en première instance, de réclamation relativement au bien immeuble situé à COURTHEZON dans lequel habitait le couple et dont l'époux avait opéré donation suivant acte du 4 août 1998 en faveur de sa fille pour une valeur déclarée de 315. 000 francs car il est établi et non contesté que celui- ci est un bien propre acquis en remploi d'un propre appartenant à Didier X... avant son remariage avec l'appelante, comme le démontrent les actes produits par les intimés.

Ainsi, ce bien n'a pas à figurer dans la composition de la communauté en application des articles 1402 et 1405 du Code Civil.

¤ Il est constant que la communauté n'a jamais bénéficié que des seuls revenus du mari décédé, déjà en cessation d'activité lors de sa nouvelle union avec Geneviève Z... veuve X... et, en sa qualité d'ancien militaire de carrière, bénéficiaire d'une pension de retraite de 9. 000 F environ et d'une pension de guerre de 1. 400 F perçues jusqu'à son décès et depuis 1965.

En vertu des articles 1401 et 1402 du Code Civil, sont biens communs les acquêts provenant de l'industrie personnelle des époux ainsi que les économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres et sont réputés comme tels si l'on ne prouve qu'ils sont propres à l'un des époux par application d'une disposition de la loi ou par écrit. La communauté n'a droit qu'aux fruits des propres perçus et non consommés. Enfin, nonobstant le principe sus exposé, forment, selon l'article 1404 du Code Civil, des propres par nature, quand bien même, ils auraient été acquis pendant le mariage, les pensions incessibles et, plus généralement, tous les biens qui ont un caractère personnel et tous les droits attachés exclusivement à la personne.

Dès lors que l'appelante n'a jamais offert de démontrer que la communauté serait composée d'autres valeurs mobilières alléguées comme propres par Mireille X... épouse Y... que celles résultant de la perception de ses pensions d'ancien militaire par le mari, la prescription d'établir par écrit la nature propre des meubles invoqués édictée par l'article 1402 alinéa 2 n'a pas lieu à s'appliquer, la nature des biens ne s'appréciant qu'au regard de l'article 1404 précité.

Or, comme l'a exactement motivé le tribunal, qu'elles soient allouées à titre de retraite ou, a fortiori, à titre de pension de guerre, revêtant alors un caractère indemnitaire personnel accru pour être exclusivement attachées à la personne qui en bénéficie, les pensions militaires sont incessibles. De ce fait, l'article 1404 les exclut expressément de la composition de la masse commune pour être des propres par nature. Ce serait, par conséquent, aller contre la volonté du législateur clairement exprimée, nonobstant le caractère de substitut de salaires s'attachant aux premières, que de considérer que si le titre de pension demeure propre, les arrérages versés, dès lors qu'ils ne sont pas consommés par les époux, tombent en communauté comme les fruits des propres en vertu de l'article 1403 alinéa 2, sauf, en admettant une telle analyse, à vider la nature propre du principe de la pension versée de toute signification.

Ainsi les arrérages de la pension sont eux- mêmes des propres, pour n'être qu'un mode de règlement de celle- ci et donc sans influence sur leur nature. Cumulés, ils demeurent propres sans pouvoir être assimilés aux fruits de l'article précité ni à ceux de l'article 584 du Code Civil qui vise les produits d'une rente et non la rente elle- même, laquelle se trouve consommée au fur et mesure des versements successifs.

Il s'ensuit qu'en l'absence de revenus de l'industrie personnelle de Geneviève Z... veuve X... ou de tous autres apports pouvant être qualifiés d'acquêts de communauté venus composer les actifs de la masse commune du fait de l'épouse comme de l'époux, les avoirs et actifs abrités sur les comptes de dépôt ou d'épargne au jour du décès de Didier X... n'étaient constitués d'aucun biens communs puisqu'exclusivement alimentés, dès la célébration du mariage, des versements des pensions, propres par nature. En outre, les valeurs qui s'y trouvaient déjà du fait de l'époux dont la réalité ni le quantum ne sont démontrés par aucune des parties sont, en tout état de cause, des propres puisque présentes avant le mariage et sans indication aucune établie ou, simplement, alléguée, d'une volonté à cette date de les faire entrer en communauté.

Enfin, la déclaration de succession dans laquelle Mireille X... épouse Y... a qualifié d'actifs de communauté les avoirs détenus par son père ne saurait valoir renonciation par elle à réclamer dans le cadre de la liquidation de la communauté et de la succession que la nature exacte des biens composant la première soit établie.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit que l'intégralité des avoirs constatés lors du décès de l'époux représentait des biens propres, que la communauté ne disposait d'aucun actif dont celui- ci n'aurait pu disposer seul en vertu de l'article 1422 du Code Civil ou qui devraient être rapportés pour avoir été donnés ou soustraits sous quelque forme que ce soit de la masse commune en faveur des consorts X...
Y....

Sur la liquidation de la succession :

En application de l'article 767 du Code Civil dans sa rédaction applicable à la succession, le conjoint survivant non divorcé, en présence d'enfants, a sur la succession du prédécédé un droit d'usufruit qui est d'un quart, le calcul des droits est opéré sur une masse faite de tous les biens existant au décès du de cujus, auxquels sont réunis fictivement ceux dont il aurait disposé, soit par acte entre vifs, soit par acte testamentaire, au profit de successibles, sans dispense de rapport, mais l'époux survivant ne peut exercer son droit que sur les biens dont le prédécédé n'aura disposé ni par acte entre vifs, ni par acte testamentaire, et sans préjudice aux droits de réserve ni aux droits de retour.

L'usufruitier légal qu'est le conjoint survivant n'est cependant pas réservataire et il en résulte que, si le de cujus a disposé de la totalité de sa succession au profit d'un tiers institué légataire universel, le testateur a nécessairement privé son conjoint de son droit d'usufruit légal.

Le notaire a mentionné au rang de testament olographe une lettre en date du 15 avril 1998 annexée en son intégralité dans le procès verbal de description dressé par Maître C..., notaire à Courthezon. Il y est indiqué par Didier X... : " ma fille Mireille X... passera à votre banque pour me retirer un chèque... elle possède une procuration chez vous depuis quelque temps... je vous l'adresse également pour la conseiller sur mon avoir à votre banque.... je tiens qu'à ma disparition, elle devienne l'héritière de mon dû. Mon conjoint n'a rien à voir dans cela. Etant deux remariés, elle a deux enfants de son premier lit. Elle a déposé son argent à la caisse d'épargne à leur nom au moins pour le moment de 200. 000 francs. Je ne lui ai rien réclamé, ni fait de réflexions. Donc nous sommes à part l'un de l'autre de nos comptes. En conséquence je désirerai que ma fille à mon décès hérite de tous mes comptes ".

Il résulte des termes de ce courrier que la volonté expresse et non équivoque du défunt a été de léguer à sa fille l'intégralité des avoirs en dépôt ou épargne sur ses comptes sans distinction quant à leur nature. Toutefois, cette expression d'ordre générale et définitive figure exclusivement dans la lettre adressée par Didier X... à son conseiller bancaire de l'établissement du CRÉDIT LYONNAIS d'Orange.

Ce legs à titre particulier ne concerne donc que l'ensemble des comptes de dépôt et d'épargne que détenait le de cujus dans les livres de cette banque à l'exclusion de toute autre établissement financier, sans pouvoir considérer, à défaut de termes plus précis relativement à l'ensemble des comptes visés ou d'autre écrit destinés aux responsables des autres agences dans lequel Didier X... détenait des comptes, qu'il visait tous ses actifs bancaires.

Dans son testament, le défunt a clairement indiqué qu'il entendait que sa fille hérite de tous ses avoirs (dans cette banque) en rappelant l'indépendance des patrimoines des époux à laquelle il était attaché. Il n'a donc exprimé aucune volonté contraire au principe édicté par l'article 843 du Code Civil dans sa rédaction applicable qui répute par préciput et hors part les legs faits à un héritier.

Ainsi les valeurs détenus sur le compte de dépôt avec procuration puis joint (no33037 K), le compte livret joint (No081769 N), le CODEVI (No 969377 X) et le contrat LIONVIE PEP 2 (No A 7662622C) au CRÉDIT LYONNAIS ne sont pas soumises au rapport et n'ont pas à figurer dans la composition de la masse de calcul de l'usufruit, que les dons manuels ou assurances- vie consentis et souscrites antérieurement le soient, ou pas.

Le rapport d'expertise a permis d'établir qu'au cours de l'année 1997 et plus encore en 1998, les avoirs en banque de tous les établissements dans lesquels Didier X... avoir ouverts des comptes et livrets (CRÉDIT LYONNAIS, CAISSE D'EPARGNE et LA POSTE) avaient fait l'objet d'importants prélèvements en faveur de Mireille X... épouse Y... à hauteur de 933. 000 francs outre les deux contrats d'assurance vie emportant versement de la somme globale de 71. 005 francs et en faveur de ses deux petits enfants pour 300. 000 francs.

Aux termes des articles L. 132- 12 et L. 132- 13 du Code des Assurances le capital ou la rente stipulés payables lors du décès de l'assuré à un bénéficiaire déterminé ou à ses héritiers ne font pas partie de la succession de l'assuré, le bénéficiaire est réputé y avoir eu seul droit à partir du jour du contrat d'assurance- vie, ils ne sont pas soumis aux règles du rapport à succession et ces règles ne s'appliquent pas non plus aux somme versées à titre de primes, à moins qu'elles n'aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés.

Sans vraiment instaurer une argumentation circonstanciée sur la nature des contrats souscrits par Didier X... avec comme bénéficiaire désigné sa fille, Geneviève Z... veuve X... soutient qu'en fait, contrats de capitalisation, ils n'entreraient pas dans le champ d'application de ces textes.

Il n'est cependant pas discuté qu'il s'agit de contrats type tels que visés par ces textes. Par conséquent, ils comportent bien l'aléa exigé au sens des articles 1964 du Code Civil, L. 310- 1 1o et R. 321- 1, 20 du Code des Assurances puisque leurs effets dépendent de la durée de la vie humaine et du décès de Didier X..., le bénéficiaire n'étant pas la même partie selon le cas. Il n'est également pas prétendu que les primes versées étaient manifestement exagérées par rapport aux facultés du défunt, lesquelles, s'appréciant en considération de l'âge, des situations familiale et patrimoniale du souscripteur, ne présentent pas, au cas d'espèce, ces caractéristiques puisque les contrats ont été souscrits en 1991 et 1994, plusieurs années avant le décès et, compte tenu des revenus et de l'épargne détenue par le défunt, ne constituaient pas une charge d'économie et d'immobilisation excessive de ses ressources.

Ainsi les capitaux et primes reçus et versés en exécution de ces contrats ne sont pas soumis à rapport et n'ont pas a être réintégrés dans la masse de calcul de l'usufruit du conjoint survivant.

Mireille X... épouse Y... avait procuration sur l'intégralité des comptes et livrets de son père comme le démontrent les opérations de virements et prélèvements qu'elle a effectuées, personnellement, sur tous. Avant le décès de celui- ci ses comptes de dépôt au CRÉDIT LYONNAIS et à la CAISSE D'EPARGNE étaient joints avec sa fille.

De son vivant trois prélèvements sont intervenus les 13, 23 mai 1997 et 15 avril 1998, les deux premiers de 150. 000 francs chacun en faveur des petits enfants et le dernier en faveur de Mireille X... épouse Y... pour 128. 761 francs. Ils s'analysent en des dons manuels qui sont présumés rapportables, sauf dispense expresse, laquelle cependant n'impose pas au donateur de recourir à une formule sacramentelle ou à la déclaration expresse prévue par l'article 843 du Code Civil, dès lors qu'elle résulte à suffisance de la volonté nettement établie de celui- ci.

Le simple fait de donner procuration sur ses comptes à un tiers n'établit pas, en lui- même, l'intention libérale emportant tradition effective des fonds retirés en l'absence de dépossession définitive de ses avoirs avec dispense de rapport manifestée expressément par le mandant. Il peut néanmoins résulter, comme au cas d'espèce, de l'ensemble des éléments propres à l'établir, soit la circonstance que Didier X... avait donné procuration sur l'ensemble de ses comptes jusqu'à transformer en comptes joints ses comptes de dépôt et, plus encore, de son courrier précité, qui pour ne viser qu'une partie de ses avoirs, démontre à suffisance, que les donations effectuées étaient irrévocables en anticipation du règlement de sa succession.

Sont ainsi à déduire de la globalité des sommes composant l'actif de sa succession, outre la totalité des avoirs détenus à la banque CRÉDIT LYONNAIS et les capitaux et primes des assurances- vie, celle de 150. 000 francs donnée le 23 mai 1997, celle de 17. 500 francs le 6 novembre 1998 et celle de 128. 761 francs le 15 avril 1998.

Pour le surplus, les sommes prélevées sur les divers comptes ouverts à la CAISSE D'EPARGNE et à LA POSTE par le biais des procurations détenues ou du fait du caractère de compte joint de celui ouvert dans le premier organisme, l'ont toutes été, soit le jour du décès de Didier X..., soit quelques jours plus tard. Dans ces conditions l'intention libérale avec dispense de rapport de Didier X... qui n'avait pas effectué ou avalisé la tradition effective de ces fonds avant son décès n'est pas effectivement établie au visa de l'article 843 du Code Civil pour conduire à juger que ces sommes n'ont pas à figurer dans la masse de calcul de l'usufruit revenant à Geneviève Z... veuve X....

En application de l'article 767 du Code Civil, à l'exception des avoirs recensés ci- dessus, les sommes prélevées sont à rapporter à la succession pour être réintégrées dans la masse pour le calcul de l'usufruit qu'effectuera le notaire en charge des opérations de comptes et liquidation de la succession et qu'il n'appartient pas à la Cour d'anticiper en l'absence de difficulté actuelle constatée.

Le jugement sera donc infirmé sur ce point.

Sur les prétentions annexes :

Il résulte des motifs qui précèdent et de la solution apportée au règlement du litige qu'il n'a pas été opposé à Geneviève Z... veuve X... une méconnaissance ou résistance fautive à la consécration de ses droits et qu'il n'y a donc pas lieu de lui octroyer des dommages et intérêts en réparation du préjudice allégué.

Il est prématuré d'octroyer à Geneviève Z... veuve X... une quelconque provision tant que son droit d'usufruit n'aura pas été calculé eu égard au montant de l'évaluation qui en sera faite, notamment en fonction de son âge.

L'appelante sera déboutée de ces chefs de demande et le jugement confirmé sur ce point.

Comme antérieurement jugé l'application de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ne se justifie en faveur d'aucune partie à l'instance. Il sera fait masse des dépens de première instance et d'appel qui seront partagés par moitié entre Geneviève Z... veuve X... d'une part et les consorts Y... d'autre part avec application des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile en faveur des avoués de la cause et compensation si besoin est.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

Infirme le jugement en ce qu'il a débouté Geneviève Z... veuve X... de toutes ses demandes de rapport ;

Statuant à nouveau,

Juge que Mireille X... épouse Y... doit faire rapport à la succession de Didier X..., pour figurer dans la masse de calcul de l'usufruit de Geneviève Z... veuve X..., des sommes prélevées sur les comptes du défunt ouverts à la banque CAISSE D'EPARGNE et à la POSTE, à l'exception de tous les avoirs qui étaient détenus à la banque CRÉDIT LYONNAIS, de la somme de 22. 867, 35 Euros donnée avec dispense de rapport à Fabienne Y..., de celle de 22. 297, 35 Euros donnée à Mireille Y...
X... avec dispense de rapport et des capitaux et primes des deux contrats d'assurances- vie,

Confirme le jugement en toutes ses autres dispositions ;

Déboute les parties pour le surplus ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ;

Dit que les dépens de première instance et d'appel seront partagés par moitié entre les parties, dont distraction au profit des avoués et SCP FONTAINE MACALUSO JULLIEN et la SCP M. TARDIEU et compensation si besoin est ;
Arrêt signé par M. BOUYSSIC, Président et par Mme VILLALBA, Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Numéro d'arrêt : 04/02038
Date de la décision : 30/01/2007
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance d'Avignon


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2007-01-30;04.02038 ?
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