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20/09/2022 | FRANCE | N°19/02747

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5ème chambre sociale ph, 20 septembre 2022, 19/02747


ARRÊT N°



N° RG 19/02747 - N° Portalis DBVH-V-B7D-HNJK



EM/DO



CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AUBENAS

05 juin 2019



RG :F 18/00035





[P]



C/



MUTUALITE FRANCAISE ARDECHE DROME

































COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH



ARRÊT DU 20 SEPTEMBRE 2022







APPELANTE :



Madame [I] [P]

née le 29 Juillet 1969 à [Localité 1]

[Adresse 2]'

[Adresse 2]



Représentée par Me Thomas AUTRIC, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Gaëlle AUGER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VALENCE





INTIMÉE :



MUTUALITE FRANCAISE A...

ARRÊT N°

N° RG 19/02747 - N° Portalis DBVH-V-B7D-HNJK

EM/DO

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AUBENAS

05 juin 2019

RG :F 18/00035

[P]

C/

MUTUALITE FRANCAISE ARDECHE DROME

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 20 SEPTEMBRE 2022

APPELANTE :

Madame [I] [P]

née le 29 Juillet 1969 à [Localité 1]

[Adresse 2]'

[Adresse 2]

Représentée par Me Thomas AUTRIC, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Gaëlle AUGER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VALENCE

INTIMÉE :

MUTUALITE FRANCAISE ARDECHE DROME

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Jean LECAT de la SCP D'AVOCATS BERAUD LECAT BOUCHET, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'ARDECHE

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 17 Mai 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l'audience publique du 31 Mai 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 06 Septembre 2022 et prorogé ce jour ;

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 20 Septembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Mme [I] [P] a été engagée à compter du 09 avril 2004 jusqu'au 31 décembre 2006 en contrats à durée déterminée puis en contrat à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2007 en qualité d'agent polyvalent de nuit par la Mutualité Française Ardèche Drôme.

Par courrier du 24 mars 2017, la Mutualité Française Ardèche Drôme a notifié à Mme [I] [P] une sanction disciplinaire pour des faits qui se seraient produits pendant la nuit contestés par la salariée.

Mme [I] [P] a été licenciée le 04 août 2017, pour faute grave, la Mutualité Française Ardèche Drôme lui reprochant d'avoir fait un 'scandale' dans l'établissement le 07 juillet 2017.

Mme [I] [P] a saisi le conseil de prud'hommes le 29 mars 2018 pour contester son licenciement et voir reconnaître le harcèlement moral dont elle estime avoir été victime de la part de son employeur, demander la requalification de ses contrats initiaux de travail en contrat à durée indéterminée et annuler la sanction du 07 juillet 2017 qu'elle estime injustifiée.

Le conseil de prud'hommes d'Aubenas, par jugement contradictoire du 05 juin 2019, a :

- dit que le licenciement de Mme [I] [P] est abusif,

- condamné la Mutualité Française Ardèche Drôme, en la personne de son représentant légal en exercice, à payer à Mme [I] [P] les sommes suivantes :

- 8 617 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

- 5 745 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 3 830 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 383 euros au titre des congés payés afférents,

- 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme [I] [P] et la Mutualité Française Ardèche Drôme du surplus de leurs demandes,

- dit que le jugement est de droit exécutoire pour les rémunérations et indemnités mentionnées au 2 de l'article Rl454-14 dans la limite maximum de neuf mois de salaires calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaires, cette moyenne s'é1evant à 1 915 euros,

- mis les éventuels dépens de l'instance à la charge de la Mutualité Française Ardèche Drôme.

Par acte du 06 juillet 2019, Mme [I] [P] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance en date du 24 février 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 17 mai 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 31 mai 2022 à laquelle elle a été retenue.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 09 mai 2022, Mme [I] [P] conclut à l'infirmation partielle du jugement et demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondée en son appel,

- débouter la Mutualité Française Ardèche Drôme de ses éventuels arguments, fins et prétentions en cause d'appel,

- réformer partiellement le jugement prud'homal déféré sur les points abordés ci-après :

- constater que le licenciement notifié le 04 août 2017 est abusif,

- condamner la Mutualité Française Ardèche Drôme à lui payer la somme de 45 965 euros à titre des dommages et intérêts pour rupture abusive,

- dire que la sanction disciplinaire du 10 avril 2017 est injustifiée et manifestement vexatoire,

- prononcer l'annulation de cette sanction,

- condamner la Mutualité Française Ardèche Drôme à lui verser la somme de 3 000 euros au titre du préjudice subi de ce chef,

- condamner la Mutualité Française Ardèche Drôme à lui verser les sommes de:

- 1 012,50 euros à titre de prime décentralisée pour l'année 2017,

- 112,25 euros au titre des congés payés y afférents,

- 130,20 euros au titre des congés payés indûment prélevés les 24 et 25 avril 2017,

- 13,20 euros au titre des congés payés y afférents,

- constater qu'elle a été victime de faits de harcèlement moral dans le cadre de son emploi,

- condamner la Mutualité Française Ardèche Drôme à lui verser la somme de 45 000 euros de ce chef,

- ordonner à la Mutualité Française Ardèche Drôme de lui remettre l'ensemble des documents sociaux de rupture rectifiés, à savoir :

- l'attestation Pôle Emploi

- le certificat de travail

- le solde de tout compte

- le dernier bulletin de salaire

Rectifiés selon l'arrêt à intervenir et ce sous astreinte journalière de 100 euros à compter du prononcé de la décision à intervenir,

- condamner la Mutualité Française Ardèche Drôme à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des frais de procédure irrépétibles de première instance, 3 000 euros au titre des frais de procédure irrépétibles d'appel ainsi qu'aux entiers dépens d'instance comprenant les frais d'huissier exposés.

Elle soutient que :

- la procédure de licenciement est abusive,

- la demande d'annulation de la sanction du 10 avril 2017 est une rétrogradation, élément déclencheur de la procédure du licenciement abusive,

- que l'employeur aurait dû lui verser le rappel de salaire qu'il a décompté de son salaire à titre de congés payés lors de son arrêt maladie ainsi que la prime annuelle décentralisée de 2017,

- elle a subi un harcèlement moral en raison d'une dégradation de ses conditions de travail au fil des années qui a eu des conséquences tant sur sa santé que sur son emploi.

La Mutualité Française Ardèche Drôme conclut à l'infirmation partielle du jugement entrepris et demande à la cour de :

- rejeter la demande de requalification des contrat à durée déterminée au motif qu'elle est prescrite, et en toute hypothèse, infondée tant en droit qu'en fait,

- rejeter la demande de dommages et intérêts pour rupture abusive ou tout le moins limiter celle-ci à la somme allouée en première instance,

- débouter Mme [I] [P] de sa demande d'annulation de sanction disciplinaire et de dommages et intérêts subséquents en l'absence de sanction et d'un quelconque préjudice,

- débouter Mme [I] [P] de sa demande de rappel de rémunération au titre de la prime décentralisée pour l'année 2007, et notamment au regard de congés payés,

- débouter Mme [I] [P] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral en l'absence de tout fait de nature à caractériser des actes répétés constituant une situation de harcèlement moral,

- condamner Mme [I] [P] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance.

Elle fait valoir que :

- le dernier contrat à durée déterminée litigieux est un contrat à durée déterminée type contrat emploi consolidé en date du 10 novembre 2004 de sorte que la demande de requalification de Mme [I] [P] est prescrite,

- Mme [I] [P] n'avait aucun motif légitime de se rendre sur son lieu de travail en pleine journée le 07 juillet 2017 alors qu'elle travaillait de nuit, que sa présence s'explique par sa volonté de solliciter, sous la pression de menaces, des attestations de la part de ses collègues et des résidents en sa faveur, qu'elle pouvait parfaitement instruire sa contestation sans venir sur son lieu de travail, que c'est elle qui harcelait, semait la terreur dans l'établissement, qu'en toute hypothèse, elle s'est rendue sur son lieu de travail alors que son contrat de travail était suspendu pour maladie donc au mépris des dispositions du règlement intérieur et sans aucun motif légitime, qu'elle était tenue à une obligation de sécurité ce qui justifie qu'elle devait faire cesser cette intrusion, qu'une telle attitude dans ce contexte justifie à elle seule la rupture immédiate du contrat de travail sans respect d'une période de préavis, que Mme [I] [P] avait déjà fait l'objet de deux précédentes sanctions disciplinaires qu'elle n'a jamais contestées, qu'en toute hypothèse, même si le licenciement est intervenu postérieurement au 24 septembre 2017 et à l'application du barème Macron, l'examen de ce dernier met en évidence le caractère manifestement excessif du quantum sollicité,

- aucune sanction n'a pu être mise en oeuvre du fait de l'arrêt maladie de Mme [I] [P], qu'il ne s'agissait pas d'une rétrogradation mais plutôt d'une mutation en poste de jour pour évaluer ses qualités professionnelles consécutivement à la perte de confiance qu'elle avait générée,

- le recours à des contrats aidés ne sauraient caractériser des actes de harcèlement, tout comme la surcharge de travail dont se prévaut Mme [I] [P], qu'aucun des témoignages versés aux débats par la salariée ne fait état d'un quelconque harcèlement de la part de ses supérieurs hiérarchiques, qu'étant seule la nuit avec son binôme, Mme [N], il n'y avait personne pour la harceler, qu'enfin, la caisse primaire d'assurance maladie a refusé de reconnaître le caractère professionnel de la maladie qu'elle a déclarée,

- concernant les congés payés du 24 et 25 avril 2017, dans la mesure où Mme [I] [P] était absente, elle a débité des congés payés plutôt que de pénaliser la salariée pour une absence injustifiée non rémunérée, que Mme [I] [P] ne peut pas prétendre à la prime décentralisée de 2017 car elle totalisait plus de 90 jours d'arrêt maladie sur l'année.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

MOTIFS

Sur la requalification des contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée :

Force est de constater que Mme [I] [P] n'a pas formé appel des dispositions du jugement entrepris relatives au rejet de sa demande de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et de dommages et intérêts, de sorte que la prescription soulevée par la Mutualité Française Ardèche Drôme est sans objet, d'autant plus que subsidiairement, elle sollicite la confirmation du jugement sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif :

L'article L1235-3 du code du travail, dans sa version applicable au présent litige, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L1234-9.

Les dommages-intérêts sont évalués conformément aux règles du droit commun en fonction du préjudice subi ; ce dernier doit être apprécié au jour de la décision, ce qui autorise le juge à tenir compte en particulier des difficultés rencontrées par le salarié pour retrouver un emploi.

Mme [I] [P] soutient qu'elle cumulait plus de 13 années d'ancienneté au sein de la résidence Lancelot, que malgré le manque de moyens et le turnover incessant du personnel, elle a toujours accompli son travail avec sérieux, a eu à coeur l'état des résidents et la transmission de son savoir et son expérience aux nouvelles collègues, que le licenciement est intervenu dans des conditions abusives et vexatoires alors qu'elle était en arrêt maladie et hospitalisée en psychiatrie pour grave dépression après la sanction disciplinaire du 10 avril 2017, que le caractère professionnel de sa maladie est acquis définitivement suivant un jugement du tribunal judiciaire de Privas du 26 novembre 2020, qu'elle bénéficie d'une rente d'invalidité catégorie 2 et a fait une demande de travailleur handicapé, que le conseil de prud'hommes n'a pas suffisamment pris en compte l'impact de cette rupture brutale sur sa santé.

La Mutualité Française Ardèche Drôme considère que Mme [I] [P] a déjà fait l'objet de deux sanctions disciplinaires dans le passé non contestées et que les sommes sollicitées par la salariée sont excessives.

Force est de constater que Mme [I] [P] ne sollicite pas la réparation d'un préjudice distinct de celui résultant du licenciement sans cause réelle et sérieuse et causée par une faute de l'employeur, mais la fixation d'une indemnisation résultant du licenciement sans cause et réelle plus élevée que celle accordée par les premiers juges, soit 45 965 euros au lieu de 8 617 euros.

Mme [I] [P] justifie bénéficier d'une pension d'invalidité catégorie 2 à compter du 1er février 2019 d'un montant annuel brut de 10 633,95 euros, avoir sollicité une aide financière auprès du Fonds unique logement le 18 décembre 2017 à laquelle il a été fait droit à hauteur de 400 euros pour régler sa dette de loyer, être bénéficiaire de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés selon une attestation délivrée le 12 mars 2021 valable jusqu'au 12 mars 2026 et percevoir une rente AT/MP d'un montant mensuel de 1 526,40 euros pour février et mars 2022 et 1 553,98 euros pour avril 2022.

Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que Mme [I] [P] rencontre manifestement des difficultés importantes pour retrouver une activité professionnelle consécutivement à son licenciement.

Il convient en conséquence de porter le montant de son indemnisation au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse à 7 mois de salaires sur la base d'un salaire mensuel brut de 1 915 euros dont le montant n'est pas sérieusement discuté par l'employeur, soit à la somme 13 405 euros.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce sens.

Sur la demande d'annulation de la sanction disciplinaire :

L'article L1333-1 du code du travail, en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont

fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Selon l'article L1333-2 du même code, le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

Constitue une sanction disciplinaire toute mesure autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par lui comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

Le conseil de prud'hommes, juge du contrat de travail, saisi de la contestation sur le bien-fondé d'une sanction disciplinaire, peut l'annuler si elle apparaît irrégulière dans la forme, injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

L'employeur doit fournir au conseil de prud'hommes les éléments qu'il a retenus pour prendre la sanction ; le salarié fournit également les éléments qui viennent à l'appui de ses allégations ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l'espèce, la Mutualité Française Ardèche Drôme a adressé à Mme [I] [P] une lettre datée du 10 avril 2017 dans laquelle elle rappelle qu'un entretien a eu lieu le 05 avril 2017 au sein de la résidence Lancelot en présence de Mme [R], infirmière coordinatrice, suite à 'plusieurs incidents survenus auprès des résidents dans la nuit du 18 au 19 février 2017", qu'au cours de cet entretien, il a été évoqué le fait reproché, 'à savoir le refus de répondre à la demande de Mme [C] de l'accompagner aux toilettes.' et les conséquences de ce refus 'cette dame s'est retrouvée le matin vers 7 heures par l'aide soignante ans son lit souillé.', que la salariée a 'reconnu que le refus de prise en charge constitue une faute professionnelle et un acte de maltraitance' et qu'à l'occasion d'une enquête réalisée pour déterminer la responsabilité des manquements constatés cette nuit, elle a relevé 'de nombreuses pratiques non conformes aux protocoles, à la fiche de tâche' et aux 'exigences relatives à la santé et la sécurité : couchers non réalisés en binôme, temps de réponse aux appels des résidents (parfois supérieur à 45 minutes bien supérieur à la pratique des autres équipes de nuit) et conclut à une perte de confiance 'avérée' et l'informe de la décision de la muter sur un poste de jour pour mettre en oeuvre un contrôle de ses aptitudes professionnelles, évaluer ses compétences et éliminer les risques de dommages corporels dus à ses pratiques inappropriées'.

Au vu des éléments communiqués par les parties, Mme [I] [P] est en arrêt de travail à compter du 26 avril 2017 ( avis d'arrêt de travail initial), de sorte que lors de l'entretien du 05 avril 2017, Mme [I] [P] n'était pas en arrêt de travail.

Mme [I] [P] soutient que son affectation au service de jour constitue une rétrogradation entraînant une perte de salaire, la salariée justifiant percevoir pour le travail de nuit une majoration de son salaire de 131,25 euros en mars 2017.

Peu importe que l'employeur n'ait pas décidé de reporter l'exécution de la sanction disciplinaire en raison de l'arrêt maladie de Mme [I] [P], il y a lieu de faire droit à la demande d'annulation de la sanction qui n'est pas justifiée par la Mutualité Française Ardèche Drôme laquelle, de surcroît, s'apparente à une rétrogradation, qui ne pouvait pas être imposée sans l'autorisation préalable de la salariée.

Au des éléments versés aux débats, il y a lieu de faire droit à la demande de Mme [I] [P] d'indemnisation de l'annulation de la sanction à hauteur de la somme de 500 euros.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce point.

Sur la demande de rappel de salaires :

* concernant les congés payés des 24 et 25 avril 2017 :

Mme [I] [P] soutient que la Mutualité Française Ardèche Drôme a décompté sur son salaire la somme de 130,20 euros au titre des congés payés, que cette somme doit lui être remboursée et majorée des congés payés y afférents, soit 13,02 euros.

Contrairement à ce que prétend Mme [I] [P], son arrêt maladie a débuté le 26 avril 2017 et il ne peut dès lors pas être reproché à l'employeur d'avoir 'débité des congés payés plutôt que de pénaliser la salariée pour une absence injustifiée non rémunérée', comme le soutient la Mutualité Française Ardèche Drôme.

Il s'en déduit que la demande de Mme [I] [P] n'est pas fondée et sera rejetée.

* concernant le rappel de prime :

Mme [I] [P] soutient que l'employeur a omis de lui verser la prime annuelle dite décentralisée, y compris au prorata, tandis que l'employeur soutient que cette prime n'était pas due dans la mesure où la salariée avait cumulé plus de 90 jours d'arrêt maladie, et ce conformément à la convention collective en vigueur.

Il ressort du bulletin de salaire de décembre 2016, que Mme [I] [P] a perçu une prime à ce titre qui s'est élevée à la somme de 1 215,46 euros bruts.

L'article A3.1.2 (annexe III) de la convention applicable n°51 ne mentionne pas les absences pour maladie comme des absences ne donnant pas lieu à réduction du montant de la prime.

Par contre, contrairement à ce que soutient la Mutualité Française Ardèche Drôme, il n'apparaît pas dans les textes de la convention collective dont s'agit qu'elle a produits aux débats qu'un arrêt maladie de plus de 90 jours avait pour conséquence de supprimer le versement de cette prime.

Il convient dès lors de faire droit à la demande de Mme [I] [P] à hauteur de la somme de 385 euros due du 1er janvier au 25 avril 2017. (1 215 euros /12 X 3,8 mois) à laquelle s'ajoute celle de 38,5 euros au titre des congés payés y afférents.

Sur la demande d'indemnisation au titre du harcèlement moral :

Aux termes de l'article L. 1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En vertu de l'article L. 1154-1 du Code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du Code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, Mme [I] [P] soutient avoir fait l'objet d'un harcèlement de la part de son employeur, dénonçant la mesure de rétrogadation injustifiée, les propos mensongers sur le scandale dont elle serait à l'origine le 07 juillet 2017, que ces faits sont à l'origine de la dégradation importante de son état de santé et que le tribunal judiciaire de Privas a reconnu le caractère professionnel de sa maladie.

A l'appui de ses prétentions, Mme [I] [P] produit aux débats :

- plusieurs attestations de Mme [D] [H], Mme [M] [B], M. [Y] [Z], connaissances ou collègues de travail, de Mme [K] [P], sa fille, Mme [F] [E], assistante d'éducation, Mme [U] [N], aide soignante, qui mettent en évidence son investissement professionnel, qui établissent que le 07 juillet 2017 lors de sa visite dans l'établissement, l'ambiance générale était conviviale, que le personnel et les résidents avaient manifesté de la joie, que Mme [I] [P] a été profondément attristée par les 'injustices' subies dans son travail alors qu'elle s'est toujours montrée attentive aux besoins des résidents pour lesquels elle éprouvait de l'empathie et de la compassion et qu'elle est en 'pleine dépression et souffre moralement depuis le début de cette affaire',

- un rapport d'expertise daté du 21 février 2018 rédigé par le docteur [A] [L], psychiatre, qui met en évidence des 'troubles psychiques ...préoccupants, à caractère anxio-dépressifs majeurs, postraumatiques, d'injustice réactionnelle aux conditions de travail...et surtout la relation conflictuelle consécutive qui s'est installée entre cette-dernière et sa hiérarchie..', qui retient 'le contexte professionnel...comme facteur expliquant suffisamment de manière prépondérante la genèse de ses troubles...avec des conditions de travail qui semblent avoir été basées sur la permanence de la surcharge de travail devenant un mode professionnel quasi habituel et commun à tous les soignants...', qui a également relevé 'des événements datant de 20/12/2013 ainsi que la séparation conjugale comme facteurs personnels et extra professionnels qui ont justifié un soutien psychiatrique et psychologique...',

- des relevés de paiement d'une rente AT/MP de février à avril 2022,

- un avis du Comité de reconnaissance des maladies professionnelles de Montpellier Languedoc Roussillon du 03/06/2020 et le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Privas le 26/11/2020.

Force est de constater que les faits dénoncés par Mme [I] [P] comme étant constitutifs d'un harcèlement moral ne sont pas suffisamment caractérisés, la sanction disciplinaire faisant l'objet d'une annulation, les faits du 07 juillet 2017 déjà analysés dans le cadre de la procédure de licenciement dont le caractère abusif a été constaté judiciairement et pour laquelle la salariée a perçu une indemnisation.

De surcroît, dès lors que la maladie que Mme [I] [P] a déclarée a été reconnue judiciairement comme une maladie professionnelle, elle sera amenée à percevoir une indemnisation à ce titre.

Enfin, la dégradation des conditions de travail de Mme [I] [P] ne peuvent constituer des faits de harcèlement moral, la surcharge de travail dont se plaint Mme [I] [P] concernant également l'ensemble du personnel de l'établissement.

Il s'en déduit que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu que 'Mme [I] [P] n'apporte pas d'éléments permettant d'accréditer le fait qu'elle aurait été harcelée par son employeur, que même s'il est indéniable que Mme [I] [P] ait mal vécu son licenciement cela ne constitue pas des faits de harcèlement'.

Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud'homale et en dernier ressort;

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Aubenas le 05 juin 2019 en ce qu'il a :

- dit que le licenciement de Mme [I] [P] est abusif,

- condamné la Mutualité Française Ardèche Drôme, en la personne de son représentant légal en exercice à payer à Mme [I] [P] les sommes suivantes :

- 5 745 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 3 830 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 383 euros au titre des congés payés afférents,

- 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que le jugement est de droit exécutoire pour les rémunérations et indemnités mentionnées au 2 de l'article Rl454-14 dans la limite maximum de neuf mois de salaires calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaires, cette moyenne s'é1evant à 1 915 euros,

- mis les éventuels dépens de l'instance à la charge de la Mutualité Française Ardèche Drôme,

L'infirme pour le surplus,

Condamne la Mutualité Française Ardèche Drôme à payer à Mme [I] [P] la somme de 13 405 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

Annule la sanction disciplinaire du 10 avril 2017,

Condamne la Mutualité Française Ardèche Drôme à payer à Mme [I] [P] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de l'annulation de la sanction disciplinaire du 10 avril 2017,

Condamne la Mutualité Française Ardèche Drôme à payer à Mme [I] [P] la somme de 385 euros au titre de rappel de la prime décentralisée outre 38,5 euros au titre des congés payés y afférents,

Ordonne à la Mutualité Française Ardèche Drôme de lui remettre l'ensemble des documents sociaux de rupture rectifiés, à savoir :

- l'attestation Pôle Emploi

- le certificat de travail

- le solde de tout compte

- le dernier bulletin de salaire

rectifiés selon le présent arrêt et ce sous astreinte journalière de 100 euros à compter de sa notification,

Condamne la Mutualité Française Ardèche Drôme à payer à Mme [I] [P] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne la Mutualité Française Ardèche Drôme aux dépens de la procédure d'appel.

Arrêt signé par Monsieur ROUQUETTE-DUGARET, Président et par Mme OLLMANN, Greffier.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5ème chambre sociale ph
Numéro d'arrêt : 19/02747
Date de la décision : 20/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-20;19.02747 ?
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