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09/02/2007 | FRANCE | N°33

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0164, 09 février 2007, 33


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
4ème Chambre-Section B
ARRÊT DU 9 FÉVRIER 2007
(no,11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 05 / 03154
Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Novembre 2004-Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 00 / 13149
APPELANT
Maître Leila D...-C... agissant en sa qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la Société INTERNATIONAL DENTAL RESEARCH-I.D.R. SA...

représenté par la SCP BOMMART-FOR

STER-FROMANTIN, avoués à la Cour, assistée de Maître Dariusz SZLEPER, avocat au Barreau de Paris, R17.
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Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
4ème Chambre-Section B
ARRÊT DU 9 FÉVRIER 2007
(no,11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 05 / 03154
Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Novembre 2004-Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 00 / 13149
APPELANT
Maître Leila D...-C... agissant en sa qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la Société INTERNATIONAL DENTAL RESEARCH-I.D.R. SA...

représenté par la SCP BOMMART-FORSTER-FROMANTIN, avoués à la Cour, assistée de Maître Dariusz SZLEPER, avocat au Barreau de Paris, R17.

INTIMES
Monsieur Charles Y......

représenté par Maître Bruno NUT, avoué à la Cour, assisté de Maître Florence LUCCHI, avocat au Barreau de Paris, C1052.

Monsieur Pascal A......

représenté par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoués à la Cour, assisté de Maître Xavier BARGE, avocat au Barreau de Clermont-Ferrand (SCP PORTEJOIE)

S.A.R.L. LIEBERHERR ASSOCIATES en la personne de son gérant dont le siège est 18, avenue Matignon 75008 PARIS

défaillante
S.A. ATELIERS R LAUMONIER prise en la personne de son Président du conseil d'administration, dont le siège social est 11, rue de Chenival 95690 NESLES LA VALLEE

représentée par la SCP NARRAT-PEYTAVI, avoués à la Cour, assistée de Maître Stéphane SAINTON, avocat au Barreau de Paris, U007

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 22 décembre 2006, en audience publique, devant la cour composée de : Madame PEZARD, président, Madame REGNIEZ, conseiller, Monsieur MARCUS, conseiller, qui en ont délibéré.

GREFFIER, lors des débats : L. MALTERRE-PAYARD
ARRÊT :
-contradictoire.
-prononcé publiquement par Madame PEZARD, président.
-signé par Madame PEZARD, président et par L. MALTERRE-PAYARD, greffier présent lors du prononcé.
La cour est saisie des appels joints interjetés par Maître Leila D...-C..., agissant ès-qualités de mandataire liquidateur de la société anonyme INTERNATIONAL DENTAL RESEARCH (ci-après la société IDR), d'une part, et par la société anonyme ATELIERS R. LAUMONIER (ci-après la société LAUMONIER), d'autre part, à l'encontre du jugement contradictoire rendu le 9 novembre 2004 par la troisième section de la troisième chambre du tribunal de grande instance de Paris qui a :
-constaté le désistement d'instance et d'action de la société à responsabilité limitée LIEBERHERR ASSOCIATES (ci-après la société LIEBERHERR) ;
-donné acte à Maître D... de son intervention volontaire ès-qualités de mandataire liquidateur de la société IDR ;
-rejeté la demande de sursis à statuer ;
-débouté la société LAUMONIER de ses demandes de nullité des revendications 1 à 3 et 10 du brevet français no98 01 476 ;-dit qu'en important, fabriquant, transformant, offrant à la vente et en vendant des appareils de polymérisation de prothèses dentaires reproduisant les caractéristiques protégées par les revendications 1 à 3 et 10 du brevet no98 01 476 dont sont titulaires Messieurs Charles Y... et Pascal A..., les sociétés IDR et LAUMONIER ont commis des actes de contrefaçon au préjudice de ces derniers ;

-fait interdiction aux sociétés IDR et LAUMONIER d'importer, de fabriquer, de transformer, d'offrir à la vente et / ou de vendre des fours de polymérisation reproduisant les caractéristiques des revendications 1 à 3 et 10 du brevet français no98 01 476, sous astreinte de 1 500 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement ;
-dit que les sociétés IDR et LAUMONIER sont responsables in solidum du préjudice causé à Messieurs Y... et A... ;
-fixé à la somme de 166 017 euros la créance de Messieurs Y... et A... sur la société IDR en liquidation judiciaire ;
-condamné la société LAUMONIER à payer à Messieurs Y... et A... la somme de 166 017 euros à titre de dommages et intérêts ;
-débouté la société LAUMONIER de sa demande de garantie dirigée contre la société IDR ;
-dit n'y avoir lieu à mesure d'expertise ;
-autorisé la publication de la décision dans deux journaux ou revues au choix des demandeurs et aux frais avancés des défenderesses dans la limite d'un coût de 3 500 euros hors taxes par insertion ;
-fixé à la somme de 44 000 euros la créance de Messieurs Y... et A... sur la société IDR au titre de leurs frais non taxables ;
-condamné la société LAUMONIER à payer à Messieurs Y... et A... la somme de 44 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
-condamné la société LAUMONIER aux entiers dépens ;-dit que le montant de l'indemnité pour frais irrépétibles et les dépens seront également inscrits au passif de la société IDR, tenue à leur paiement in solidum avec la société LAUMONIER.

* * *

Il convient de rappeler que Messieurs Y... et A... sont copropriétaires du brevet français no98 01 476 intitulé " Appareil de photochimie, notamment pour la réalisation de prothèses dentaires ", délivré le 21 avril 2000.
Ayant appris que la société IDR et la société LAUMONIER étaient susceptibles de commettre des actes de contrefaçon, les titulaires de ce brevet ont été autorisés à faire diligenter une procédure de saisie-contrefaçon, qui a été réalisée dans les locaux de la société LAUMONIER le 25 juillet 2000.
C'est ainsi qu'est né le présent litige.
* * *

Maître D...-C..., ès-qualités de mandataire liquidateur de la société IDR, appelante et intimée incidente, prie la cour, dans ses dernières conclusions signifiées le 11 décembre 2006, de :
-déclarer recevable et bien fondé l'appel de la société IDR en liquidation contre le jugement entrepris,
-réformer en conséquence le jugement dont appel,
-prononcer la nullité pour défaut d'activité inventive des revendications 1,2,3,4 et 10 du brevet no98 01 476,
-ordonner l'inscription de l'arrêt à intervenir au registre national des brevets,
-dire que Messieurs Y... et A... n'ont apporté aucune preuve de la commission par la société IDR de prétendus actes de contrefaçon des revendications 1,2,3,4 et 10 du brevet no98 01 476 à leur préjudice,
En conséquence,
-déclarer irrecevables et en tout cas non fondés Messieurs Y... et A... en toutes leurs demandes et les en débouter,
-faisant droit à la demande reconventionnelle de la société IDR en liquidation, condamner in solidum Messieurs Y... et A... à lui payer une indemnité de 20 000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
-condamner in solidum Messieurs Y... et A... en tous les dépens.
*
Dans ses dernières conclusions signifiées le 12 décembre 2006, la société LAUMONIER, appelante et intimée incidente, demande à la cour de :
-la recevoir en son appel et l'y déclarer bien fondée,
-prononcer la nullité pour absence de nouveauté ou à tout le moins défaut d'activité inventive des revendications 1,2,3,4 et 10 du brevet français no98 01 476,
-en conséquence déclarer mal fondés Messieurs Y... et A... en l'ensemble de leurs demandes et les en débouter, En tout état de cause,

-dire que Messieurs Y... et A... n'apportent pas la preuve de la commission d'actes de contrefaçon par elle,
-juger que Messieurs Y... et A... ne rapportent pas la preuve de leur préjudice, constitutif d'un manque à gagner, ni de sa relation de causalité avec ses interventions,
-les débouter en conséquence de l'ensemble de leurs demandes de condamnation,
A titre subsidiaire, et dans l'hypothèse où la cour confirmerait le principe de condamnation,
-dire que celle-ci ne saurait être prononcée in solidum à l'encontre des sociétés IDR et LAUMONIER, et qu'un partage de responsabilité s'impose au vu de leurs responsabilités (reconnue par la société IDR) et de la condamnation prononcée par le tribunal de commerce de Pontoise à son encontre,
Dans l'hypothèse où la cour prononcerait une condamnation à son encontre,
-la réduire dans son quantum et répartition à de plus justes proportions eu égard aux responsabilités respectives et aux sanctions d'ores et déjà prononcées à son encontre,
-condamner Messieurs Y... et A... aux entiers dépens ainsi qu'au paiement in solidum d'une somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
-débouter chacune des parties en l'ensemble de leurs demandes.
*
Monsieur Pascal A..., intimé et appelant incident, invite la cour dans ses dernières conclusions signifiées le 23 novembre 2006 à :
-confirmer la décision entreprise,
-dire que l'objet de chacune des revendications 1 à 4 et 10 du brevet français no98 01 476 est nouveau et relève de l'activité inventive vis à vis des documents versés au débat, pris seuls ou en combinaison,
-débouter en conséquence les sociétés IDR et LAUMONIER de leur demande en nullité des revendications 1 à 4 et 10 du brevet français no98 01 476,
-juger que les sociétés IDR et LAUMONIER se sont rendues coupables de contrefaçon du brevet français no98 01 476 par importation, fabrication, transformation, offre en vente et vente de fours de polymérisation reproduisant les caractéristiques protégées par les revendications 1 à 3 et 10 du brevet français no98 01 476,
-interdire en conséquence auxdites sociétés d'importer, de fabriquer, de transformer, d'offrir à la vente et de vendre des fours de polymérisation reproduisant les caractéristiques protégées par les revendications du brevet français no98 01 476, et ce, sous astreinte définitive de 1 500 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement dont appel,
-dire les sociétés IDR et LAUMONIER solidairement responsables du préjudice effectivement causé à Messieurs Y... et A...,
-condamner la société LAUMONIER à payer à Messieurs Y... et A... la somme de 166 017 euros à titre de dommages et intérêts,
Subsidiairement,
-ordonner une expertise comptable,
-ordonner la fixation au passif de la société IDR de la somme provisionnelle de 166 017 euros à valoir sur les dommages et intérêts,
-ordonner, à titre de complément de réparation, la publication de la présente décision dans " Prothèses dentaires ", " Clinic " et " Quintessence International " aux frais de la société LAUMONIER,
-condamner la société LAUMONIER à lui verser la somme de 50 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Déclarant recevable et fondé l'appel incident par lui relevé,
-juger :
• que les trois appareils " MPA 2000 ", " MPA 2000 POST CURE " et " MPA 2 en 1 ", ainsi que la transformation des " MPA 2000 " originaux, sont des contrefaçons du brevet original de Messieurs A... et Y..., • que le brevet E... déposé le 6 août 1999 est une copie du brevet original de Messieurs A... et Y..., • que la société LAUMONIER a produit au moins 1 000 appareils par an de 1999 à 2005 " MPA 2000 ", " MPA 2000 ", " MPA 2000 POST CURE ", " MPA 2 en 1 ",

-condamner en conséquence la société LAUMONIER au paiement de la somme de 2 744 082 euros,
Subsidiairement,
-ordonner une expertise comptable et condamner la société LAUMONIER à payer provisoirement une somme représentant 25 % des 2 744 082 euros soit 686 000 euros à titre de provision sur les dommages et intérêts en attendant les résultats de l'expertise comptable diligentée,
-condamner la société LAUMONIER en tous les dépens. *

Monsieur Charles Y..., intimé et appelant incident, sollicite de la cour dans ses dernières conclusions signifiées le 23 novembre 2006 de :
-dire la société LAUMONIER et Maître D... ès-qualités de liquidateur de la société IDR mal fondés en leur appel, et les en débouter ;
-confirmer purement et simplement le jugement entrepris et y ajoutant,
-le déclarer recevable et bien fondé en son appel incident,
En conséquence,
-juger que le brevet déposé par Monsieur E... le 6 août 1999 est une copie du brevet original déposé par Messieurs Y... et A...,
-condamner solidairement la société LAUMONIER à payer en sus du préjudice initialement reconnu par le tribunal la somme de 2 744 082 euros,
-ordonner la fixation au passif de la société IDR de la somme de 2 744 082 euros,
-condamner la société LAUMONIER à lui verser la somme de 50 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens.
CELA ÉTANT EXPOSÉ
SUR LA PORTÉE DU BREVET
Considérant que Messieurs Y... et A... exposent que les appareils de photochimie, utilisés pour la réalisation de dents artificielles constituées d'une armature métallique revêtue de couches successives de matières polymères, qui chacune requiert une exposition lumineuse spécifique destinée à la faire durcir doivent disposer d'une intensité lumineuse élevée et réglable ainsi que d'un spectre lumineux également réglable pour s'adapter aux longueurs d'ondes auxquelles le photoinitiateur utilisé est le plus sensible ;
Que le brevet français no98 01 476, intitulé " Appareil de photochimie, notamment pour la réalisation de prothèses dentaires ", porte sur une invention destinée à résoudre certains inconvénients de l'état antérieur de la technique et qui présente un appareil comportant diverses sources lumineuses, dont l'une au moins consiste en un tube à cathode froide, connu et utilisé jusqu'à présent notamment pour illuminer les écrans à cristaux liquides, sources lumineuses enfermées dans une enceinte dans laquelle on place les objets requérant une réaction photochimique et qui comprend des moyens permettant d'exposer lesdits objets au rayonnement au fur et à mesure de leur préparation, tout en garantissant que chacun des objets reçoit bien la dose lumineuse totale prévue ;
Que les brevetés précisent que les tubes à cathode froide présentent les propriétés suivantes :-une durée de vie de 10 000 heures au minimum,-une luminance assez stable,-ils peuvent être munis d'un revêtement luminescent dont le choix dans la gamme existante est fonction des longueurs d'ondes souhaitées par rapport à la réaction photochimique envisagée,-ils peuvent être de grande longueur ;

Que l'invention présente les caractéristiques supplémentaires suivantes :-les moyens d'exposition comportent une porte d'accès et un plateau tournant, l'ouverture de la porte entraînant l'extinction des sources lumineuses et l'arrêt du plateau,-les sources lumineuses comprennent des tubes de forme sinueuse, de luminances différentes et / ou émettant des spectres lumineux différents, mis bout à bout pour une exposition optimale des objets,-la vitesse du plateau est réglable de manière à permettre l'ajustement des durées d'exposition de chaque objet,-l'appareil est équipé de moyens permettant de faire varier le flux lumineux, d'un capteur de mesure de l'intensité lumineuse et d'un dispositif de régulation électronique,-l'appareil comprend un second plateau tournant, plus petit et monté sur le premier ainsi qu'une source lumineuse supplémentaire et une logique de commande, l'ensemble étant agencé de telle sorte que le grand plateau puisse conduire le petit d'une position située face à la porte d'accès jusqu'à une position située face à la source lumineuse supplémentaire ;

SUR LA VALIDITÉ DU BREVET
Considérant que les appelantes au principal sollicitent l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a reconnu la validité du brevet no98 01 476 ; que la société LAUMONIER fait valoir que ledit brevet serait entaché d'un défaut de nouveauté eu égard au brevet européen antérieur no04 15 508 JAPAN INSTITUTE OF ADVANCED DENTISTRY (ci-après JIAD) ; que les appelantes soulignent encore le défaut d'activité inventive du brevet en cause, en se fondant sur plusieurs antériorités qui révèlent l'utilisation de lampes fluorescentes pour le procédé de polymérisation de matériaux dentaires recherché ;
Considérant que les intimés sollicitent quant à eux la confirmation du jugement déféré sur ce point ; qu'ils prétendent qu'aucune des antériorités versées aux débats ne divulguerait l'invention litigieuse de toutes pièces ; qu'au regard de l'activité inventive, ils expliquent que la spécificité de leur invention résiderait principalement dans l'utilisation de lampes à cathode froide, lampes auxquelles aucune antériorité ne préconiserait le recours dans le domaine de l'invention ;
Sur la revendication 1
Considérant que la revendication 1 présente un : " appareil de photochimie, notamment pour la réalisation de prothèses dentaires, comportant au moins une source lumineuse (4) enfermée dans une enceinte (5) où l'on place des objets au sein desquels on souhaite mettre en œ uvre des réactions photochimiques, caractérisé en ce que l'une au moins desdites sources lumineuses (4) consiste en un tube à cathode froide muni d'un revêtement luminescent, la nature de ce dernier étant choisie en fonction des applications envisagées pour ledit appareil " ;
Que, contrairement à l'argumentation de la société LAUMONIER, le brevet européen antérieur JIAD ne permet pas de détruire la nouveauté de la revendication 1 du brevet litigieux ; qu'en effet, s'il divulgue un procédé et un appareil de photopolymérisation de résine durcissable par la lumière visible, notamment par l'utilisation d'une lampe de type fluorescent, le brevet JIAD ne revendique pas précisément l'utilisation d'une lampe fluorescente à cathode froide pour la polymérisation des molécules entrant dans la composition des prothèses dentaires ; que dans ces conditions, ce brevet ne saurait constituer une antériorité de toutes pièces de ladite revendication du brevet no98 01 476 ;
Qu'en revanche, les appelantes versent notamment aux débats :-le brevet JIAD précité, en ce qu'il revendique un procédé " caractérisé par le fait que l'objet à irradier est avancé à travers une série de postes d'irradiation à la lumière visible, la lumière visible de chaque poste étant tirée d'une source lumineuse choisie indépendamment " parmi plusieurs types de lampes dont une lampe fluorescente fonctionnant à bas domaine de température,-un brevet US 4 820 744 KUBOTA qui divulgue diverses compositions pour fabriquer des prothèses dentaires par photopolymérisation grâce à une source lumineuse, notamment constituée de lampes fluorescentes,-un article de l'encyclopédie Mc GRAW-HILL de 1971 enseignant que les lampes fluorescentes fonctionnent grâce à des " cathodes d'amorçage instantané qui peuvent être chaudes ou froides ", les froides permettant " la circulation d'un courant de plus grande intensité dans la lampe " tout en réduisant les coûts globaux d'éclairage, et étant mieux adaptées " aux lampes d'éclairage de longueurs ou de formes spéciales " ;

Qu'il résulte de la combinaison de ces enseignements qu'était déjà connue dans l'état antérieur de la technique l'utilisation de lampes fluorescentes pour la fabrication par polymérisation de prothèses dentaires ; qu'en outre, l'article précité, tiré d'une encyclopédie faisant référence en la matière, met en évidence les avantages de la cathode froide (possibilité de recouvrir des formes spéciales, réduction des coûts globaux d'éclairage,...) pour les lampes de ce type ; qu'enfin, le brevet JIAD présente un appareil dont une des caractéristiques est de pouvoir soumettre l'objet à irradier à plusieurs sources lumineuses, de natures éventuellement distinctes, parmi lesquelles figure la lampe fluorescente ;
Que l'argument des intimés selon lequel l'activité inventive de la revendication 1 de leur brevet réside dans l'utilisation d'une lampe à cathode froide pour la polymérisation de matériaux dentaires ne saurait emporter la conviction dès lors qu'ils reconnaissent eux-mêmes que les lampes à cathode froide ne sont qu'une variété de lampes fluorescentes, dont l'usage était déjà connu dans le domaine considéré, et que les caractéristiques de la cathode froide permettaient une meilleure adaptation à l'appareil de photopolymérisation ;
Qu'au surplus, le fait d'utiliser plusieurs sources lumineuses pour assurer un phénomène de photopolymérisation, notamment pour des prothèses dentaires, était déjà amplement divulgué par l'antériorité JIAD ;
Que l'invention litigieuse constitue la synthèse de ces enseignements nécessairement connus de l'homme du métier et relève d'une simple opération d'adaptation et d'exécution en ce qui concerne le choix d'une lampe fluorescente à cathode froide dans le champ d'application en cause ;
Qu'en conséquence la revendication 1 du brevet no98 01 476 doit être annulée pour défaut d'activité inventive ;
Sur la revendication 2
Considérant que la revendication 2 enseigne un : " appareil de photochimie selon la revendication 1, caractérisé en ce qu'il comprend des moyens (2,3) permettant d'exposer lesdits objets au rayonnement émis par lesdites sources lumineuses (4) au fur et à mesure de la préparation desdits objets en vue dudit traitement photochimique " ;
Qu'outre le fait que cette revendication, dépendante de la revendication 1 annulée, ne précise pas la nature des moyens qu'elle entend faire protéger et ne permet pas en conséquence à l'homme du métier de la mettre en oeuvre, le brevet JIAD avait précédemment divulgué un appareil dont une des caractéristiques principales était d'exposer l'objet à irradier " à travers une série de postes d'irradiation à la lumière visible " ; que partant, la revendication 2 du brevet no98 01 476 est nulle pour défaut de nouveauté au regard de l'antériorité relevée ;
Sur la revendication 3
Considérant que la revendication 3 présente un " appareil de photochimie selon la revendication 2, caractérisé en ce que lesdits moyens (2,3) sont constitués par une porte d'accès (2) et un plateau tournant (3) sur lequel on pose lesdits objets, ledit plateau (3) s'arrêtant de tourner et lesdites sources lumineuses (4) s'éteignant automatiquement tant que ladite porte d'accès (2) est ouverte " ;
Que cette revendication, dépendante de la précédente annulée, divulgue essentiellement un appareil muni d'une porte d'accès, d'un plateau tournant et d'un mécanisme commandant automatiquement l'arrêt de l'irradiation lumineuse lors de l'ouverture de ladite porte ; que l'existence d'une porte d'accès est explicitement révélée par le brevet antérieur no83 06 931 KREITMAIR, tandis que l'antériorité JIAD précitée fait état d'un " moyen de production d'un mouvement continu permanent des objets " à irradier constitué notamment par une " table tournante " ; que la combinaison de ces deux éléments relevait de l'évidence pour l'homme du métier confronté aux problèmes d'assurer tant une exposition uniforme à tous les objets à traiter par photopolymérisation que la sécurité de l'agent procédant à la manipulation en évitant qu'il soit exposé à des rayonnements ; que la seule adjonction à ces éléments déjà amplement connus d'un mécanisme commandant l'arrêt de l'irradiation lumineuse lors de l'ouverture de la porte d'accès ne saurait caractériser un degré d'activité inventive suffisant pour accéder à la protection du livre VI du Code de la propriété intellectuelle, dès lors qu'un tel mécanisme est non seulement prévu par l'antériorité KREITMAIR qui divulgue " des disjoncteurs M1 et M2 qui s'ouvrent à l'ouverture de la porte... et coupent l'alimentation de l'ensemble " mais encore qu'il constitue un aménagement de sécurité évident pour l'homme du métier, utilisé dans de très nombreux domaines techniques ;
Que la revendication 3 du brevet no98 01 476 sera en conséquence annulée pour défaut d'activité inventive ;
Sur la revendication 4
Considérant que la revendication 4 divulgue un " appareil de photochimie selon la revendication 3, caractérisé en ce que lesdites sources lumineuses (4) comprennent des tubes de forme sinueuse, de luminances différentes et / ou émettant des spectres lumineux différents, mis bout à bout, pour une exposition optimale desdits objets, en ce qui concerne les intensités et les longueurs d'ondes lumineuses, au cours de leur mouvement circulaire dans ladite enceinte (5) assuré au moyen dudit plateau tournant (3) " ;
Que l'apport de cette revendication, située dans la dépendance de la revendication 3 précédemment annulée, consiste essentiellement d'après les brevetés en ce que les sources lumineuses comprennent des tubes de forme sinueuse ; qu'un tel enseignement est cependant clairement compris dans l'art antérieur constitué notamment du brevet KREITMAIR et de l'encyclopédie Mc GRAW-HILL ; qu'en effet, en vertu du premier de ces enseignements, est connu le fait que la source de lumière d'un appareil de photopolymérisation emprunte une forme sinueuse, tandis qu'en vertu du second, les caractéristiques de la lampe à cathode froide la rendent particulièrement apte à s'adapter à des formes spéciales ; qu'il ne saurait en conséquence être discuté que l'homme du métier, dont les connaissances raisonnables comprenaient nécessairement ces deux antériorités, et qui était confronté au problème d'incorporer des lampes à cathode froide dans un appareil de taille restreinte, était logiquement conduit, par une simple opération d'exécution, à la solution exposée dans la revendication 4 du brevet litigieux ; qu'elle sera partant annulée pour défaut d'activité inventive ;
Sur la revendication 10
Considérant que la revendication 10 se lit comme suit : " Appareil de photochimie selon la revendication 3, caractérisé en ce que ledit appareil de photochimie comprend en outre un ou plusieurs plateaux tournants supplémentaires (6), plus petits que le premier plateau tournant (3) et montés sur ce dernier, et une ou plusieurs sources lumineuses supplémentaires (7) au faisceau collimaté, destinées à des réactions photochimiques spéciales, ainsi qu'une logique de commande, l'ensemble étant agencé de telle sorte que le grand plateau tournant (3) puisse conduire chaque petit plateau tournant (6) d'une position située face à ladite porte d'accès (2) jusqu'à une position située face à la source supplémentaire (7) requise pour l'une desdites réactions photochimiques spéciales " ;
Que l'apport de cette revendication, dépendante de la revendication 3 précédemment annulée, consiste en un double traitement des prothèses dentaires par photopolymérisation au sein du même appareil à l'aide de plateaux supplémentaires et d'une lampe à halogène, l'ensemble permettant des réactions photochimiques spéciales notamment pour des travaux de finition ; que cependant, il résulte de l'antériorité JIAD que l'usage de plusieurs plateaux tournants destinés à faire circuler les objets à irradier sous diverses sources lumineuses aux effets propres et complémentaires au sein d'un même appareil faisait déjà partie de l'état de la technique (spécialement les réalisations 2 et 3 figurant dans la partie descriptive) ; que dès lors, le fait d'utiliser des éléments en soi connus pour leur faire remplir les mêmes fonctions dans des applications équivalentes, par de simples opérations d'exécution, relevait de l'évidence pour l'homme du métier ; que la revendication 10 du brevet litigieux sera en conséquence annulée pour défaut d'activité inventive ;
Qu'il s'ensuit que le jugement sera infirmé en ce qu'il a retenu la validité des revendications 1,2,3,4 et 10 du brevet no98 01 476 ;
SUR LA CONTREFAÇON
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les demandes de condamnation du chef de contrefaçon des revendications 1,2,3,4 et 10 du brevet no98 01 476, précédemment annulées, ainsi que les mesures d'interdiction sollicitées sont devenues sans fondement et seront rejetées ; que le jugement sera infirmé sur ce point ;
Qu'en outre, il n'y a pas lieu de faire droit à la mesure d'expertise sollicitée par les intimés qui est devenue sans objet ;
SUR LE BREVET E...
Considérant que les intimés sollicitent de la cour, au titre de leur appel incident, qu'elle constate que le brevet déposé le 6 août 1999 par Monsieur E... est une copie de leur " brevet original " no98 01 476 ;
Mais considérant qu'une telle demande ne saurait aboutir dès lors que Monsieur E..., personne physique, n'a pas été attrait en la cause ; que par ailleurs, Messieurs Y... et A... ne développent aucun moyen de nature à appuyer leur demande ; qu'elle sera partant rejetée ;
SUR LES AUTRES DEMANDES
Considérant que la cour n'ayant pas fait droit à l'argumentation des intimés, leur demande de publication apparaît dénuée d'objet ;
Considérant que l'équité commande de faire droit aux demandes des appelantes au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, à hauteur de la somme de 10 000 euros pour la société IDR en liquidation, représentée par Maître Leila D...-C..., et à hauteur de la somme de 8 000 euros pour la société LAUMONIER ; que Messieurs Y... et A... seront condamnés in solidum à leur payer lesdites sommes ;
Que Messieurs Y... et A... seront pour les mêmes motifs condamnés in solidum aux entiers dépens ;
PAR CES MOTIFS
Infirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris dans les limites des appels ;
Statuant à nouveau,
Déclare nulles pour défaut d'activité inventive les revendications 1,3,4 et 10 du brevet français no98 01 476 et nulle pour défaut de nouveauté la revendication 2 ;
Dit que le présent arrêt sera inscrit au Registre national des brevets ;
Rejette toutes autres demandes ;
Condamne in solidum Messieurs Y... et A... à payer à Maître Leila D...-C..., agissant ès-qualités de mandataire liquidateur de la société anonyme INTERNATIONAL DENTAL RESEARCH la somme de 10 000 euros, et à la société anonyme ATELIERS R. LAUMONIER la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Condamne in solidum Messieurs Y... et A... aux entiers dépens et admet la SCP BOMMART FORSTER FROMANTIN au bénéfice de l'article 699 du NCPC.
LE GREFFIER LE PRÉSIDEN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0164
Numéro d'arrêt : 33
Date de la décision : 09/02/2007

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Paris, 09 novembre 2004


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2007-02-09;33 ?
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