La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/11/2007 | FRANCE | N°07/00038

France | France, Cour d'appel de Paris, 20 novembre 2007, 07/00038


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



1ère Chambre - Section H



ARRÊT DU 20 NOVEMBRE 2007



(no 36, 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 2007/00038



Décision déférée à la Cour : rendue le 26 octobre 2006 par l'AUTORITÉ DES MARCHES FINANCIERS





DEMANDEUR AU RECOURS :



- M. Pierre-Henri X...


né le 21 avril 1954 à GUERET (Creuse)

de natio

nalité : française

profession : Ingénieur

demeurant : ...




représenté par Maître François TEYTAUD, avoué près la Cour d'Appel de PARIS

assisté de Maître Didier MALKA, avocat au barreau de PARIS

...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

1ère Chambre - Section H

ARRÊT DU 20 NOVEMBRE 2007

(no 36, 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 2007/00038

Décision déférée à la Cour : rendue le 26 octobre 2006 par l'AUTORITÉ DES MARCHES FINANCIERS

DEMANDEUR AU RECOURS :

- M. Pierre-Henri X...

né le 21 avril 1954 à GUERET (Creuse)

de nationalité : française

profession : Ingénieur

demeurant : ...

représenté par Maître François TEYTAUD, avoué près la Cour d'Appel de PARIS

assisté de Maître Didier MALKA, avocat au barreau de PARIS

toque 04

Jeantet Associés

87, avenue Kléber 75116 PARIS

EN PRÉSENCE DE:

- M. LE PRESIDENT DE L'AUTORITE DES MARCHES FINANCIERS

17, place de la bourse

75002 PARIS

représenté par Mme Brigitte GARRIGUES et Mme Mathilde Z..., munies d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 octobre 2007, en audience publique, devant la Cour composée de :

- Mme Christine PENICHON, président

- M. Christian REMENIERAS, conseiller

- Mme Agnès MOUILLARD, conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : M. Benoît TRUET-CALLU

MINISTÈRE PUBLIC :

L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par M. Hugues WOIRHAYE, qui a fait connaître son avis.

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par Mme Christine PENICHON, président,

- signé par Mme Christine PENICHON, président et par M. Benoît TRUET-CALLU, greffier présent lors du prononcé.

* * * * * *

La société X..., société anonyme dirigée par M. Pierre-Henri X..., président du conseil d'administration, fournissait aux collectivités locales et aux industriels des prestations de services concernant l'analyse et la maîtrise de leurs investissements en matière d'environnement.

Le bilan de cette entreprise comportait un poste clients très important (66 % du total du bilan en 2001, 67 % en 2002). Les créances étaient pour la plupart des créances sur produits non encore facturés, la société utilisant la méthode de la comptabilisation à l'avancement du chiffre d'affaires pour ses contrats à long terme.

Selon l'avis no 99-10 du Conseil National de la Comptabilité, l'utilisation de la méthode de comptabilisation à l'avancement de contrats dont l'exécution porte sur plusieurs exercices implique, pour la société concernée, la possibilité d'identifier clairement, à tout moment, le montant du prix de vente et les coûts imputables à chacun de ces contrats. En outre, la société doit disposer d'un outil de gestion fiable, d'une comptabilité analytique et d'un contrôle interne qui doivent lui permettre de valider les pourcentages d'avancement, de réviser les estimations des charges, des produits et du résultat à terminaison.

Admise au Nouveau Marché le 12 mai 2000, la société X... a suspendu la cotation de ses titres le 30 avril 2004 dans l'attente de la publication de ses comptes, à la suite d'un audit effectué courant décembre 2003 qui avait conclu à une évaluation du poste "produits non encore facturés". Cet audit a abouti à une évaluation du poste "produits non encore facturés" comprise entre 4 et 8 millions d'euros, au lieu des 47 millions d'euros publiés au 31 décembre 2002.

C'est dans ces conditions que, le 21 juin 2004, le secrétaire général de l'AMF a ouvert une enquête sur l'information financière délivrée par la société X... dans divers communiqués de presse à compter du 15 janvier 2001.

Il est constant que, dans leur rapport général sur les comptes sociaux de cette société du 10 juin 2002, ses commissaires aux comptes avaient émis la réserve suivante : "Votre société a opté, dès l'exercice 2000, pour la comptabilisation de son chiffre d'affaires à l'avancement et a entrepris fin 2001 de mettre en place un outil informatique (ERP) pour le suivi. Cette mise en place n'est pas encore achevée.

Pour cet exercice, compte tenu du contexte de croissance externe et interne très rapide, le processus actuel a trouvé ses limites en terme de contrôle interne, notamment sur des aspects de fiabilité des pourcentages d'avancement et d'enregistrement exhaustif des affaires.

Sous cette réserve, nous certifions que les comptes annuels (...) sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la société à la fin de l'exercice".

Le rapport des commissaires aux comptes sur les comptes consolidés relatifs à l'exercice clos le 31 décembre 2002, établi le 6 juin 2003, contient une nouvelle réserve rédigée en ces termes : "Dans notre rapport général sur l'exercice 2001, émis le 10 juin 2002, nous avons formulé une réserve liée au fait que votre groupe a opté, dès l'exercice 2000, pour la comptabilisation de son chiffre d'affaires à l'avancement et a entrepris fin 2001 de mettre en place un outil informatique (ERP) pour le suivi, dont la mise en place n'est pas encore achevée. Dans un contexte de croissance externe et interne très rapide, le processus utilisé a trouvé ses limites en terme de contrôle interne, notamment sur les aspects de fiabilité des pourcentages d'avancement et d'enregistrement exhaustif des affaires.

Au 31 décembre 2002, le groupe, progressant dans ses objectifs pour améliorer le suivi des affaires, ne dispose cependant pas encore des outils nécessaires nous permettant de lever la réserve existante".

Il est constant également qu'à l'occasion de la réunion du conseil d'administration de la société X..., qui s'est tenue le 13 octobre 2003, les commissaires aux comptes ont formulé l'avertissement suivant : " M. ... prend alors la parole pour indiquer qu'à ce jour, il est impossible aux commissaires aux comptes de certifier les comptes consolidés au 30 juin 2003 notamment pour trois raisons:

- ... Il convient d'obtenir ... l'assurance que l'intégralité des affaires est facturable.

- La détermination du résultat à l'avancement n'est pas encore fiable.

- La société doit s'engager à mettre en oeuvre tous les moyens pour que, au 31 décembre 2003, l'on connaisse avec précision les coûts et les budgets par affaire.

Par ailleurs, la société a des besoins de trésorerie très importants. Les commissaires aux comptes ont pris bonne note que des discussions sont toujours en cours avec le pool bancaire et doivent en connaître les conclusions. Ils doivent également obtenir des prévisions de trésorerie à court terme (1 an) et l'engagement d'obtenir les mises à jour de celles-ci tous les mois avant d'émettre leur opinion sur les comptes semestriels".

Ce contexte rappelé, le premier communiqué incriminé, daté du 15 avril 2002, indiquait :

"En 2001, X... a dépassé son objectif de croissance d'activité (pour rappel: 50,7 millions d'euros) en enregistrant une production pro forma de 51,8 millions d'euros, en forte croissance par rapport à 2000 (+ 61 % ) et légèrement supérieure au chiffre annoncé en février dernier (51,4 millions d'euros). La croissance de l'activité ressort à + 23 %".

Ce document mentionnait, par ailleurs, une augmentation du résultat d'exploitation de 90 % entre 2000 et 2001 et une augmentation du résultat net avant amortissement des écarts d'acquisition de plus de 118 %, en présentant ces chiffres comme issus de comptes pro forma non audités.

Le communiqué suivant du 23 octobre 2002 concernant les comptes du premier semestre 2002 faisait état d'une augmentation de 70 % des produits d'exploitation et d'une progression du résultat d'exploitation de 120 % par rapport au premier semestre 2001, avec, dans un tableau, des chiffres présentés comme des données consolidées pro forma auditées.

Un communiqué du 14 février 2003 annonçait ensuite une production pro forma annuelle de 68,8 millions d'euros alors qu'un autre communiqué du 11 avril 2003 présentait les résultats de l'exercice 2002, avec la mention d'une progression annuelle de 31 % par rapport à 2001.

Le communiqué du 27 octobre 2003 relatif aux comptes du premier semestre 2003 relatait qu'au "premier semestre de son exercice 2003, X... a réalisé une production consolidée pro forma de 36,03 millions d'euros ", soit "une hausse par rapport au premier semestre 2002 de 9,2 % en données pro forma (33,0 millions d'euros) et de 20,8 % en données prorata (29,7 millions d'euros)".

Enfin, le dernier communiqué incriminé, daté du 29 décembre 2003, était ainsi libellé :

" 1- Dans l'objectif de préparer la certification des comptes 2003 et lever les réserves formulées par les commissaires aux comptes depuis 2001 : inscription d'une provision de 13,8 millions d' euros, modifiant les comptes au 30 juin 2003 :

A la suite de son introduction en bourse en mai 2000, X... a modifié sa comptabilisation des travaux en cours à l'achèvement et a appliqué la méthode préférentielle à l'avancement en choisissant comme référence, l'avancement technique. L'impact avait été l'intégration dans le chiffre d'affaires et le poste client pour l'exercice 2000 d'un montant de 11,32 millions d'euros, transféré des travaux en cours (comptes pro forma) et incluant la marge d'exploitation. A la suite de ce changement de méthode comptable et en l'absence de procédures d'évaluation précises et de moyens de mesure suffisamment auditables, les comptes des exercices 2001 et 2002 ont été certifiés par les commissaires aux comptes avec des réserves portant sur la fiabilité des produits non encore facturés et leur exhaustivité. X... considère qu'aujourd'hui, malgré la mise en place récente d'un ERP et une bonne amélioration de la qualité du système de reporting, il n'est pas en mesure de déterminer par affaire en cours la formation du résultat. La complexité et la diversité d'affaires interdépendantes, leur petite taille et leur grand nombre rendent la traçabilité de la formation de ce résultat beaucoup trop incertaine. Dans ce contexte, X... a décidé de valoriser l'avancement des affaires à partir des temps restant à passer ou de l'appréciation du taux d'avancement déclaré par les chargés d'affaires au 30 juin 2003.

Cette approche nouvelle qui facilitera également le prochain passage aux normes IFRS, conduit à comptabiliser une provision correspondant aux écarts constatés de 13,8 millions d'euros sur le poste client arrêté au 30 juin 2003.

Les commissaires aux comptes ont pu délivrer une attestation sur les comptes semestriels au 30 juin 2003, mentionnant une absence d'opinion sans formuler de remarques particulières".

A l'issue de l'enquête, le président de l'AMF a informé M. X... de la décision prise le 12 décembre 2005 par la commission spécialisée de cette autorité de procéder à une notification de griefs sur le fondement du rapport établi par sa direction des enquêtes et de la surveillance des marchés.

Il lui est fait grief, en premier lieu, d'avoir procédé, à l'occasion de la diffusion de ces communiqués de presse, à une communication financière inexacte, imprécise et trompeuse au titre de ses exercices 2001, 2002 et 2003, susceptible de constituer un manquement aux dispositions des articles 2 et 3 du règlement COB no 98-07, applicables à l'époque des faits.

Selon la notification de griefs, les communiqués des 15 avril 2002, 23 octobre 2002, 14 février 2003, 11 avril 2003 et 27 octobre 2003 font état de chiffres calculés dans des conditions jugées peu fiables par les commissaires aux comptes et comptabilisés selon la méthode " à l'avancement" adoptée à partir de 2000 qui ne donne pas une image fidèle de la réalité et, dans certains cas, des données consolidées pro forma sont mentionnées, sans préciser que les évolutions d'une année sur l'autre ne sont pas évaluées à périmètre constant.

Concernant le communiqué du 15 avril 2002, la notification de griefs, après avoir rappelé que, lorsque des opérations de croissance externe sont intervenues au cours d'un exercice, le règlement no 99-02 du Comité de Réglementation Comptable (CRC) impose la présentation des comptes pro forma permettant de comparer les comptes de l'année n et ceux de l'année n-1 à périmètre constant, en consolidant de manière rétroactive l'exercice précédent selon le nouveau périmètre de consolidation, relève que les données publiées ne sont pas des données pro forma telles que définies par ce règlement.

S'agissant du communiqué du 11 avril 2003, il est reproché à M. X... de ne pas avoir précisé que les chiffres annoncés n'étaient pas audités et, s'agissant du communiqué du 27 octobre 2003, de ne pas avoir fait état de l'avertissement délivré par les commissaires aux comptes, qui venaient d'exposer au conseil d'administration de la société X..., lequel s'était réuni le 14 octobre 2003, qu'ils étaient dans l'impossibilité d'approuver les comptes.

Le dernier communiqué du 29 décembre 2003 est présenté par la notification de griefs comme ayant un caractère trompeur, notamment en ce qui concerne une attestation délivrée par les commissaires aux comptes sur les comptes semestriels au 30 juin 2003, alors qu'ils avaient émis une réserve dans leur rapport du 19 décembre 2003, publié au BALO le 31 décembre 2003, deux jours après le communiqué.

La notification de griefs reproche, en second lieu, à M. X... de ne pas s'être conformé aux exigences de l'article 4 du règlement COB no 98-07 en ce que, après avoir annoncé l'acquisition de la société SOMIVAL dans un communiqué du 9 octobre 2003, il n'avait, malgré un refus des banques de financer toute nouvelle acquisition, dès octobre 2003, pas modifié ensuite la communication financière de l'entreprise avant le 29 décembre 2003, "gardant ainsi l'image d'un groupe en pleine croissance sans problème de trésorerie".

Par décision du 26 octobre 2006, la commission des sanctions de l'AMF a décidé de prononcer à l'encontre de M. X... une sanction pécuniaire de 60 000 euros et de publier sa décision au Bulletin des Annonces Légales Obligatoires ainsi que sur le site Internet et dans la revue de l'AMF.

LA COUR,

Vu le recours en annulation et/ou subsidiairement en réformation formé par M. X..., le 8 janvier 2007, à l'encontre de cette décision ;

Vu l'exposé des moyens invoqués, déposé le 22 janvier 2007, par lequel le requérant demande à la cour :

- à titre principal, de juger que les manquements qui lui sont imputés au titre des communiqués incriminés ne sont pas constitués dans leurs éléments matériel et intentionnel et de juger qu'il n'est pas établi que ces communiqués ont eu pour effet de fausser le bon fonctionnement du marché, et, en conséquence, d'infirmer en toutes ses dispositions la décision déférée ;

- à titre subsidiaire, de modérer la sanction qui lui a été infligée ;

Vu les observations déposées le 24 avril 2007 par l'AMF tendant au rejet du recours ;

Vu le mémoire en réplique du requérant, déposé le 20 juin 2007, aux termes duquel il demande à la cour, compte tenu de la publication de l'arrêté du 4 janvier 2007 homologuant le règlement général de l'AMF :

- à titre principal, d'infirmer en toutes ses dispositions la décision attaquée en ce qu'elle l'a sanctionné personnellement au titre de l'information communiquée au marché par la société qu'il dirigeait ;

- à titre subsidiaire, de juger que les manquements qui lui sont imputés au titre des communiqués incriminés ne sont pas constitués dans leurs éléments matériel et intentionnel et de juger qu'il n'est pas établi que ces communiqués ont eu pour effet de fausser le bon fonctionnement du marché, et, en conséquence, d'infirmer en toutes ses dispositions la décision déférée ;

- à titre infiniment subsidiaire, de modérer la sanction prononcée pour la fixer à un euro ;

Vu les observations écrites du ministère public, mises à la disposition des parties à l'audience ;

Ouï à l'audience publique du 9 octobre 2006, en leurs observations orales, le conseil de M. X..., qui a été mis en mesure de répliquer, ainsi que les représentants de l'AMF et du ministère public ;

SUR CE,

Sur la responsabilité de M. X...

Considérant que M. X... soutient qu'il est fondé à invoquer le bénéfice des dispositions de l'article 221-1 du règlement général de l'AMF, homologué par l'arrêté ministériel du 4 janvier 2007, plus douces que celles de l'article 222-1 du précédent règlement jusqu'alors en vigueur, homologué par l'arrêté ministériel du 12 novembre 2004, en ce qu'elles ne prévoient plus que "Les dispositions du présent titre sont également applicables aux dirigeants de l'émetteur, de l'entité ou de la personne morale concernée"; que le requérant ajoute que l'arrêté du 26 février 2007, qui a modifié l'article 221-1 du règlement général de l'AMF, est une disposition plus sévère en ce qu'elle restaure la responsabilité de plein droit des dirigeants des sociétés cotées en raison des manquements de l'émetteur à ses obligations d'information et étend même cette responsabilité de plein droit à l'obligation d'information périodique et que, dans ces conditions, cet arrêté ne peut s'appliquer aux faits de la cause, antérieurs au 26 février 2007 ; que M. X... prétend, en définitive, qu'un dirigeant n'engage désormais sa responsabilité individuelle que s'il a personnellement communiqué au public des informations inexactes ou trompeuses, et ce par application de l'article 632 -1 du règlement général de l'AMF, alors qu'au cas d'espèce, les communiqués critiqués émanaient de la société X... et ne résultaient pas d'une initiative personnelle de sa part ;

Mais considérant qu'il résulte de la combinaison des articles L. 621-14 et L. 621-15 du Code monétaire et financier et de l'article 1 du règlement COB no 98-07, alors applicable, qu'une sanction pécuniaire peut être prononcée à l'encontre de toute personne, physique ou morale, ayant manqué aux obligations d'information du public définies par ce règlement;

Que, dès lors, il importe peu, au cas d'espèce, que le règlement général de l'AMF homologué par l'arrêté ministériel du 4 janvier 2007 ait omis de mentionner que les obligations mises à la charge de l'émetteur s'imposent également aux dirigeants de l'émetteur, de l'entité ou de la personne morale concernée ;

Sur les manquements aux dispositions des articles 2 et 3 du règlement COB no 98-07

Considérant que M. X... affirme qu'il convient de se référer désormais aux dispositions plus favorables de l'article 632-1 du règlement général de l'AMF, lesquelles imposeraient, selon lui, une appréciation du caractère inexact, imprécis ou trompeur d'une information au regard de "l'état de connaissance" qu'avait son auteur au moment de la communication de cette information ;

Considérant, en ce qui concerne les textes applicables devant la cour, que le règlement COB no 98-07 relatif à l'obligation d'information du public énonce :

- en son article 1er : "Les dispositions du présent règlement s'appliquent à l'ensemble des instruments financiers mentionnés à l'article 1er de la loi no 96-597 du 2 juillet 1996 ....

Les dispositions du présent règlement sont également applicables aux dirigeants de l'émetteur ou de la personne morale concernés." ;

- en son article 2 : "L'information donnée au public doit être exacte, précise et sincère.";

- en son article 3 : "Constitue, pour toute personne, une atteinte à la bonne information du public, la communication d'une information inexacte, imprécise ou trompeuse.

Constitue également une atteinte à la bonne information du public sa diffusion faite sciemment." ;

Que le règlement général de l'AMF, homologué par arrêté du 12 novembre 2004, contient les dispositions suivantes :

"Chapitre II-information permanente

Section 1-Obligation d'information du public

Article 222-1 : ( ...) Les dispositions de la présente section sont également applicables aux dirigeants de l'émetteur, de l'entité ou de la personne morale concernés.

Article 222-2 : L'information donnée au public doit être exacte, précise et sincère.

...

Chapitre II- Manquement aux obligations d'information

Section unique-Diffusion d'une fausse information

Article 632-1 : Toute personne doit s'abstenir de communiquer, ou de diffuser sciemment, des informations, quel que soit le support utilisé, qui donnent ou sont susceptibles de donner des indications inexactes, imprécises ou trompeuses sur des instruments financiers émis par voie d'appel public à l'épargne au sens de l'article L.411-1 du Code monétaire et financier, y compris en répandant des rumeurs ou en diffusant des informations inexactes ou trompeuses, alors que cette personne savait, ou aurait dû savoir que les informations étaient inexactes ou trompeuses" ;

Que le rapprochement de ces textes révèle que, si les dispositions antérieures ne sont pas reproduites mot pour mot, les dispositions nouvelles n'en modifient pas substantiellement la teneur, sauf à y ajouter la connaissance établie ou présumée, par l'auteur de l'infraction poursuivie, du caractère fallacieux de l'information communiquée ;

Considérant que le requérant soutient ensuite :

- qu'il ne lui est pas reproché, en l'espèce, d'avoir communiqué une information qu'il savait inexacte à la date des communiqués ;

- concernant la communication critiquée de la société X... sur son chiffre d'affaires, d'une part, que la réserve exprimée pour la première fois par les commissaires aux comptes le 10 juin 2002 lors de la certification des comptes 2001 a été mentionnée dans le document de référence 2001 et que cette réserve a été reprise dans une note d'opération du 26 juin 2002 et figure dans les comptes correspondants de l'exercice 2001 publiés au BALO et, d'autre part, qu'à la date des communiqués du 14 février et du 11 avril 2003 où la société X... communiquait sur les données comptables provisoires de l'exercice 2002, non encore auditées par les commissaires aux comptes, rien ne permettait de considérer que ceux-ci maintiendraient pour les comptes de l'exercice 2002 les réserves précédemment formulées sur les comptes de l'exercice 2001 ;

- concernant les comptes pro forma, que les mêmes commissaires aux comptes ont certifié les comptes annuels et les comptes consolidés de 2001 et 2002 établis conformément au règlement CRC no 99-02 et que la méthode d'établissement des comptes pro-forma a été exposée dans les comptes publiés au BALO ainsi que dans le document de référence ;

- que, s'il est vrai qu'il n'a pas été précisé, dans le communiqué du 11 avril 2003, que les résultats annoncés à cette date procédaient de comptes non audités par les commissaires aux comptes, il n'en demeure pas moins que cette absence de mention n'est pas fautive dès lors que la société X... a bien fait état dans sa publication des comptes provisoires au BALO qu'il s'agissait de "documents comptables non encore certifiés par les commissaires aux comptes" et que les chiffres présentés au marché le 11 avril 2003, même corrigés ensuite à la baisse, étaient de toute façon, conformes à ceux dont les dirigeants disposaient à cette date ;

- s'agissant du communiqué du 27 octobre 2003, que la décision déférée a dénaturé les propos des commissaires aux comptes qui n'ont pas fait état de l'impossibilité d'approuver les comptes au 30 juin 2003 mais ont simplement indiqué qu'en l'état de leur audit, inachevé, ils n'étaient pas en mesure de certifier les comptes consolidés au 30 juin 2003, en invitant la société à fournir des renseignements et justifications complémentaires avant d'émettre leur opinion sur les comptes semestriels, ce qui a alors conduit M. X... à demander la réalisation d'un audit, et que, dans l'attente des résultats de cet audit, il n'y avait pas lieu de communiquer à nouveau et de façon prématurée sur le fait que les commissaires aux comptes allaient peut-être être amenés à formuler de nouvelles réserves ;

- que, dans le communiqué du 19 décembre 2003, l'absence d'indication des réserves des commissaires aux comptes émises le 19 décembre 2003 est le résultat d'une erreur qui n'a, de toute façon, pas affecté le fonctionnement du marché auquel un message "encore plus fort et plus clair" a été délivré par l'annonce des difficultés rencontrées dans la comptabilisation de son chiffre d'affaires ;

Mais considérant que c'est par des motifs pertinents, que la cour adopte expressément, que la commission des sanctions a retenu, à la seule exception de l'absence de mention du silence gardé dans le communiqué du 29 décembre 2003 sur les conclusions du rapport d'audit, que les manquements dénoncés à l'encontre de M. X... étaient caractérisés, nuisant ainsi gravement à l'égalité d'information des investisseurs et au fonctionnement du marché, étant précisé, de surcroît, que, contrairement à ce qu'il soutient, il ne lui est pas fait grief d'avoir communiqué des données comptables inexactes ;

Considérant, en premier lieu, que la commission des sanctions a justement retenu qu'étaient non seulement inexactes, car non assorties des réserves nécessaires, mais encore trompeuses, les indications figurant dans cinq des communiqués annonçant, selon le cas :

- une "production pro forma en forte croissance par rapport à 2000" (communiqué du15 avril 2002 à propos de l'exercice 2001),

- une "hausse des produits d'exploitation de 70 % et du résultat d'exploitation de plus de 120 %", chiffres présentés comme des données consolidées pro forma (communiqué du 23 octobre 2002 concernant les comptes du premier semestre 2002),

- une production pro forma annuelle de 68,8 millions d'euros (communiqué du 14 février 2003 relatif à l'exercice 2002),

- une production annuelle en progression de 31 % par rapport à 2001 (communiqué du 11 avril 2003 relatif à l'exercice 2002),

- une "production consolidée pro forma de 36,03 millions d'euros", soit "une hausse par rapport au premier trimestre 2002 de 9,2 % en données pro forma" (communiqué du 27 octobre 2003 concernant les comptes du premier semestre 2003) ;

Considérant, en effet, que M. X..., alerté à de multiples reprises par les commissaires aux comptes sur les incertitudes affectant les données relatives à l'activité de la société X... qui, comme le relève la décision déférée, non critiquée sur ce point par le requérant, ne disposait pas d'outils de gestion fiables, n'assurait pas la tenue d'une comptabilité analytique et ne pouvait exercer les contrôles nécessaires, aurait dû, dans les communiqués de presse incriminés, informer le public auquel il faisait part de chiffres de croissance particulièrement optimistes, d'une part, des réserves formulées dans le rapport du 10 juin 2002 en ce qui concerne les comptes de l'exercice 2001, et, d'autre part, des réserves formulées dans le rapport du 6 juin 2003 au titre de l'exercice 2002 ;

Que, contrairement à ce que soutient M. X..., il importe peu que ces réserves aient figuré, par ailleurs, dans la documentation de référence de la société et que les rapports des commissaires aux comptes où ces réserves sont mentionnées aient été publiés au BALO, l'accomplissement de ces formalités ne l'autorisant nullement à donner, dans des communiqués de presse distincts, une présentation tronquée de la situation de l'entreprise;

Que, s'agissant des mentions relatives aux comptes pro forma, alors que le règlement CRC no99-02 impose une présentation permettant d'établir, à périmètre constant, une comparaison entre l'année dont s'agit et l'année précédente, il est également avéré que la société X..., qui avait choisi une formule dérogatoire, laquelle n'a été mentionnée que dans les documents de référence, a fait état dans les communiqués susvisés de "données consolidées pro forma" sans préciser que les évolutions d'une année sur l'autre n'étaient pas évaluées à périmètre constant ; qu'en l'espèce, alors que, depuis son introduction en bourse, la société X... a acquis quatre entreprises en 2001 et quatre autres entreprises en 2002, les données relatives à un exercice prenaient en considération l'ensemble de l'activité réalisée dès le 1er janvier de l'année concernée, même si les acquisitions d'entreprises étaient intervenues ultérieurement, tandis que les informations relatives à l'exercice précédent n'étaient pas corrigées à la hausse pour être utilement comparées ; que, comme le relève justement la commission des sanctions, en l'absence de précisions à ce sujet, le public était incité à croire que les évolutions portées à sa connaissance, à les supposer exactes, étaient calculées à périmètre constant, en étant ainsi abusé sur les performances du groupe ;

Considérant, en deuxième lieu, que la décision attaquée a exactement relevé que le quatrième communiqué, daté du 11 avril 2003, ne précisait pas que les comptes de l'exercice 2002 n'avaient pas été audités, alors qu'en juillet 2003, les chiffres définitifs ont été corrigés à la baisse de 23 %, ce qui ne pouvait avoir pour effet que d'abuser davantage encore le marché sur la fiabilité des données portées à sa connaissance ;

Considérant, en troisième lieu, que contrairement à ce que soutient le requérant, le procès-verbal du conseil d'administration de la société X..., qui s'est tenu le 13 octobre 2003, atteste que les commissaires aux comptes ont informé le conseil de leur refus de certifier les comptes consolidés au 30 juin 2003 pour trois raisons techniques précises, en délivrant un triple avertissement ;

Que, dans ces conditions, la commission des sanctions a justement observé que, malgré ce triple avertissement dont il n'a du reste nullement fait état dans le communiqué de presse du 27 octobre 2003, publié quelques jours plus tard, M. X... n'a pas hésité, abusant à nouveau le marché, à fournir à propos de l'activité de la société au premier semestre 2003 des chiffres particulièrement optimistes, qui étaient manifestement et délibérément trompeurs, peu important, par ailleurs, qu'il ait commandé à ce moment là un audit interne ;

Considérant, en dernier lieu, qu'en affirmant que "les commissaires aux comptes ont ainsi pu délivrer une attestation sur les comptes semestriels au 30 juin 2003 et ont conclu à une absence d'opinion, sans formuler de remarques particulières", le communiqué du 29 décembre 2003 est également trompeur et délivre une information manifestement inexacte, dés lors que de nouvelles réserves avaient été formulées par les commissaires aux comptes dans le rapport du 19 décembre 2003, lesquelles ont, une fois de plus, été passées sous silence ;

Considérant, enfin, que M. X..., président du conseil d'administration et chargé de la communication financière du groupe, ne s'est jamais prévalu d'un défaut de connaissance du caractère fallacieux de l'information communiquée ;

Sur les manquements aux dispositions de l'article 4 du règlement COB no 98-07

Considérant, en ce qui concerne les textes applicables devant la cour, que le règlement COB no 98-07 relatif à l'information du public dispose :

- en son article 1er : " Les dispositions du présent règlement s'appliquent à l'ensemble des instruments financiers mentionnés à l'article 1er de la loi no 96-597 du 2 juillet 1996 ....

Les dispositions du présent règlement sont également applicables aux dirigeants de l'émetteur ou de la personne morale concernés." ;

- en son article 4: "Tout émetteur doit, le plus tôt possible, porter à la connaissance du public tout fait important susceptible, s'il était connu, d'avoir une incidence significative:

. sur le cours d'un instrument financier ou sur la situation et les droits des porteurs de cet instrument financier,

. ou sur le cours du contrat à terme ou de l'instrument financier admis aux négociations sur un marché réglementé mentionnés à l'article 1er ... ." ;

Considérant que la commission des sanctions a relevé que les articles 222-3 et suivants du règlement général de l'AMF ont eu pour effet de maintenir le manquement mentionné à l'article 4 du règlement COB no 98-07 et que les dispositions nouvelles, même si elles sont différentes dans la forme, restent équivalentes au fond, à l'exception de la notion d'influence sur les cours, que l'information serait susceptible d'avoir si elle était rendue publique ; que celle-ci est désormais qualifiée de "sensible" alors que l'article 4 mentionnait une "incidence significative" ; que cette dernière référence, plus exigeante et, dès lors, moins sévère, sera appliquée aux faits de l'espèce, qui seront examinés au regard des seules dispositions du règlement COB alors en vigueur ;

Considérant que le requérant prétend que le reproche qui lui est fait par la décision attaquée en ce qui concerne, à la suite de l'acquisition de la société SOMIVAL annoncée dans le communiqué du 9 octobre 2003, un défaut de communication au motif que les banques avaient ensuite, dans le courant du mois d'octobre 2003, notifié à l'entreprise X... un refus de financer toute acquisition nouvelle, n'est pas fondé, en raison d'une erreur matérielle sur les dates évoquées commise lors de son audition par les inspecteurs de l'AMF ;

Mais considérant que M..X... a déclaré le 6 octobre 2005 aux enquêteurs :"Vers septembre ou octobre 2003, il ne s'agissait pas d'un refus mais d'une condition à la poursuite des négociations. Les banques voulaient bien négocier le refinancement de la dette à condition que nous cessions toutes acquisitions. J'ai renoncé à l'acquisition de SOMIVAL par X.... C'est ma holding personnelle, la société SFPHG qui s'est endettée pour l'acquérir" (cote R137) ;

Que de telles déclarations ne sont pas entachées d'une erreur, dès lors qu'il résulte de la télécopie envoyée le 11 décembre 2003 par BNP PARIBAS à la société X... que c'est seulement la question du refinancement global de la dette de cette société qui a fait l'objet de négociations avec le "pool bancaire" jusqu'à la fin du mois de décembre 2003, et que, s'agissant de la question de l'acquisition de la société SOMIVAL, le "pool bancaire" a posé comme condition préalable au refinancement de la dette de la société que celle-ci cesse toute acquisition, dont celle de la société SOMIVAL, et ce dès les mois de septembre et octobre 2003 ;

Qu'il résulte de ce qui précède que la commission des sanctions, par des motifs pertinents que la cour adopte, a exactement relevé que le grief était caractérisé, dès lors que l'échec de ce projet, dû aux difficultés financières de la société X..., constituait un fait nouveau sur lequel son dirigeant s'est gardé de communiquer ;

Sur la sanction

Considérant que M. X... prétend que l'atteinte au fonctionnement du marché n'est pas établie, la baisse progressive du cours de l'action à partir du mois de mai 2002 révélant que le marché avait parfaitement perçu le sens et la portée des réserves formulées par les commissaires aux comptes ;

Mais considérant, tout d'abord, quelle qu'ait été l'évolution du cours de bourse, que l'information ainsi délivrée était de nature à tromper le marché par son caractère inexact en faussant la connaissance qu'il pouvait avoir de l'état de la société et a ainsi porté atteinte à l'égalité d'information et de traitement des investisseurs ou à leurs intérêts ;

Considérant, ensuite, qu'aux termes de l'article L. 621-15 du Code monétaire et financier, le montant de la sanction doit être fixé, notamment, en fonction de la gravité des manquements commis ;

Qu'au cas d'espèce, la décision attaquée a exactement retenu qu'une telle gravité était caractérisée, dès lors qu'à de multiples reprises et de manière délibérée, M..X... avait diffusé des informations optimistes sur une société qui, à la suite d'augmentations de capital successives, était détenue à hauteur des deux tiers par des investisseurs extérieurs ;

Que la commission des sanctions a ainsi fait une juste application du principe de proportionnalité en infligeant au requérant une sanction pécuniaire de 60 000 euros ;

Considérant qu'il s'ensuit que le recours n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS,

Rejette le recours,

Condamne M. X... aux dépens.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 07/00038
Date de la décision : 20/11/2007
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Autorité des marchés financiers


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2007-11-20;07.00038 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award