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29/11/2007 | FRANCE | N°06/07236

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0139, 29 novembre 2007, 06/07236


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

22ème Chambre C

ARRET DU 29 novembre 2007

(no , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/07236

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 octobre 2005 par le conseil de prud'hommes de Paris (2o Ch) - section encadrement - RG no 04/04288

APPELANTE

Mademoiselle Antonella D'X...

...

75007 PARIS

comparant en personne, assistée de Me Cédric FISCHER, avocat au barreau de PARIS, toque : P 147

INTIM

EE

SARL SAINT HONORE MAILLES

229, rue Saint Honoré

75001 PARIS

représentée par Me Hannah-Marie MARCIANO, avocat au barreau de PARIS, toq...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

22ème Chambre C

ARRET DU 29 novembre 2007

(no , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/07236

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 octobre 2005 par le conseil de prud'hommes de Paris (2o Ch) - section encadrement - RG no 04/04288

APPELANTE

Mademoiselle Antonella D'X...

...

75007 PARIS

comparant en personne, assistée de Me Cédric FISCHER, avocat au barreau de PARIS, toque : P 147

INTIMEE

SARL SAINT HONORE MAILLES

229, rue Saint Honoré

75001 PARIS

représentée par Me Hannah-Marie MARCIANO, avocat au barreau de PARIS, toque : D.273, substitué par Me Sylvia Z..., avocat au barreau de PARIS,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 octobre 2007, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Evelyne GIL, conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, président

Madame Françoise CHANDELON, conseiller

Madame Françoise GIL, conseiller

Greffier : Mme Francine ROBIN, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, président

- signé par Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, président et par Mme Francine ROBIN, greffier présent lors du prononcé.

Vu l'appel régulièrement formé par Antonnella D'X... contre un jugement du Conseil de Prud'hommes de PARIS en date du 11 octobre 2005 ayant statué sur le litige qui l'oppose à son ancien employeur, la S.A.R.L SAINT HONORE MAILLES ;

Vu le jugement déféré ayant débouté Antonnella D'X... de l'ensemble de ses demandes, la S.AR.L SAINT HONORE MAILLES de sa demande reconventionnelle et condamné la demanderesse aux dépens ;

Vu les conclusions visées par le greffier et développées oralement à l'audience

aux termes desquelles :

Antonnella D'X..., appelante,

poursuit l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions,

la constatation de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur

et sa condamnation à lui payer les sommes brutes suivantes :

- 6 990 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 699 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

- 699 € à titre d'indemnité de licenciement,

- 2 330 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure,

- 27 960 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

- 3 194,12 € au titre des heures supplémentaires non rétribuées,

- 319,41 € au titre des congés payés y afférents,

- 400 € à titre de rappel de prime de décembre 2002,

- 40 € au titre des congés payés y afférents,

- 3 000 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

La S.A.R.L SAINT HONORE MAILLES, intimée,

conclut au sursis à statuer dans l'attente de la décision à rendre par le tribunal correctionnel sur son dépôt de plainte pour faux à l'encontre de l'attestation établie par Francis A...,

subsidiairement, à la confirmation du jugement,

très subsidiairement, à la réduction substantielle du quantum des dommages et intérêts susceptibles d'être alloués à la salariée

et à la condamnation de celle-ci au paiement de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en sus des entiers dépens de première instance et d'appel.

FAITS ET PRÉTENTION DES PARTIES :

La société SAINT HONORE MAILLES a pour activité la fabrication et la vente de pull-overs, son usine de confection étant située en Italie.

Elle emploie moins de onze salariés et applique la convention collective du commerce de détail, de l'habillement et du textile.

Par contrat de travail à durée indéterminée signé le 1er février 2001, elle a engagé Antonella D'X... à compter de cette date, en qualité de secrétaire assistante commerciale.

Son salaire mensuel brut était fixé à 14 000 francs (2 134,15€ ) pour un horaire de 9 heures 30 à 18 heures 30 avec une pause d'une heure le midi.

Elle était notamment chargée, en liaison avec l'usine d'Italie, des prises de commandes, de leur suivi, de la facturation et des relances aux clients.

A compter du 1er novembre 2002, elle a accédé au statut de cadre et sa rémunération brute est passée à 2 288€ pour 169 heures de travail. Le 1er janvier 2003, elle a été promue assistante de direction avec un salaire de 2 297€.

Par lettre recommandée du 14 novembre 2003, l'employeur lui a adressé un avertissement motivé par une "constante inefficacité" dans son travail malgré de très nombreux rappels à l'ordre et par le mauvais suivi, le 12 novembre 2003, d'une expédition extrêmement urgente compromettant de manière définitive l'envoi aux dates prévues du catalogue annuel.

Dans sa réponse du 27 novembre 2003, Antonella D'X... a contesté les reproches ainsi exprimés.

A compter du 1er mars 2004, elle a subi un arrêt de travail pour cause de maladie qui, après reprise, a été prolongé jusqu'au 23 mai 2004.

Par lettre du 1er mars 2004, elle a informé la société qu'elle n'était pas démissionnaire et qu'elle saisissait le Conseil de Prud'hommes afin qu'il constate la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur.

Par lettre du 18 mai 2004, elle écrivait au gérant de la société SAINT HONORE MAILLES dans les termes suivants :

"Depuis un an environ, j'ai dû supporter votre comportement : vous avez alterné reproches infondés, mépris, agressions verbales comme écrites, sautes d'humeur incontrôlées, propos insultants et irrespectueux à mon endroit, indignes, d'après moi, d'une relation de travail.

Malgré cela, j'ai consciencieusement et docilement effectué aux mieux mon travail, accepté les surcharges, les heures supplémentaires systématiques, sans pourtant que vous me rétribuiez en conséquence.

Même ma prise de vacances (simplement celles auxquelles j'ai droit) posait systématiquement des difficultés.

Vous n'avez même pas hésité, à me malmener violemment, de façon gratuitement humiliante et déplacée devant mes collègues de travail, pour des motifs totalement injustifiés.

J'ai fait mon possible pour résister jusqu'à mi-janvier, époque à laquelle je me suis effondrée aussi bien moralement que physiquement (évanouissements d'épuisement et de stress), et ai dû être alors arrêtée pendant 15 jours.

A mon retour, et malgré toute ma bonne volonté, votre attitude n'a fait qu'empirer : vous ne me parliez même plus directement et vous vous adressiez à moi que par l'intermédiaire de collègues interposés.

Tant et si bien que mon médecin m'a arrêté de nouveau, et je me retrouve aujourd'hui dans un état d'anxiété irraisonné à la seule perspective de replonger dans un contexte aussi malsain.

Je n'ai rien vécu de tel dans aucune de mes expériences professionnelles précédentes, et ne me sens tout simplement pas en mesure d'affronter encore ce climat de travail détestable.

Afin de préserver ma santé, et estimant vous ne me mettez pas en mesure d'exercer sereinement mes fonctions, je vous indique qu'au seul motif de votre attitude, je suis contrainte de ne pas reprendre mon travail à Saint Honoré Mailles.

Je souligne cependant que j'estime notre contrat rompu à vos torts exclusifs, ce que j'ai demandé au conseil de prud'hommes de constater."

Antonella D'X... fait valoir :

- que l'attitude du gérant de la société SAINT HONORE MAILLES rendait le climat de travail insoutenable,

- que Richard B... multipliait en effet les reproches infondés et humiliants,

- qu'il ne lui permettait pas de prendre ses congés pourtant préalablement accordés,

- qu'il lui promettait des primes qu'il n'acquittait pas,

- qu'elle accumulait les heures supplémentaires non rétribuées et, dans ce contexte de tension extrême, était surmenée,

- qu'à la suite d'une violente altercation survenue le 13 novembre 2004, elle avait fini par s'effondrer et avait été contrainte de s'arrêter de travailler pour cause de maladie le 1er mars 2004,

- qu'à son retour, monsieur B... cessa de lui adresser la parole,

- que son état de santé exigea un nouvel arrêt de travail qui fut prolongé jusqu'au 23 mai 2004,

- que c'était dans ces conditions qu'elle avait pris acte de la rupture de son contrat de travail, estimant que son employeur ne la mettait plus en mesure d'exercer sereinement ses fonctions,

- que cette rupture devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

La S.A.R.L SAINT HONORE MAILLES soutient :

- qu'il est nécessaire de surseoir à statuer dès lors que les prétentions d'Antonella D'X... s'appuient sur l'attestation de Francis A..., comptable de la société, qui a fait l'objet d'une plainte pour faux auprès du Procureur de la République, le 18 octobre 2007,

- que madame C... ayant réclamé à l'appelante la restitution de son attestation, celle-ci devait être écartée des débats,

- que le harcèlement allégué n'était en rien constitué,

- que la rupture devait s'analyser en une démission.

SUR CE :

- Sur la rupture du contrat de travail

Antonella D'X... sollicite la constatation de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur. A l'appui de sa demande, elle produit plusieurs attestations relatant notamment le comportement colérique et emporté du gérant de la société.

L'attestation de Francis A..., comptable au sein de la société, ne paraissant pas nécessaire à la solution du litige, il n'y a pas lieu d'ordonner le sursis à statuer sollicité par l'intimée.

L'attestation de Laurence D... épouse E..., soeur du gérant et associée, responsable de la boutique dans laquelle travaillait Antonella D'X..., a été établie le 5 mai 2004 et produite en première instance. Invoquant une manipulation, madame E..., par lettre du 15 octobre 2007, a réclamé à l'appelante la restitution de son attestation, estimant qu'elle avait été rédigée hâtivement sur la demande insistante de l'ancienne salariée et qu'elle ne reflétait pas la réalité des faits qu'elle avait constatés.

Il apparaît cependant que cette attestation comporte plus de trois pages manuscrites détaillant des circonstances précises, qu'elle a été établie plus d'une année après les faits relatés, que son auteur qui a disposé du temps de réflexion nécessaire pour en définir le contenu a déclaré être informée du fait qu'elle pouvait être produite en justice et qu'une fausse attestation l'exposerait à des sanctions pénales, qu'elle a été versée à la procédure en 2004, que ce n'est que quatre jours avant l'audience d'appel que la demande de restitution a été présentée, que dans de telles conditions, il n'y a pas lieu d'écarter cette pièce des débats ainsi que le sollicite la S.A.R.L SAINT HONORE MAILLES.

Les agissements répétés de harcèlement moral que madame D'X... reproche au gérant de la société qui auraient eu pour effet une dégradation des conditions de travail ayant porté atteinte à sa santé ne sont pas justifiés par les documents versés au dossier.

En revanche, l'accès de colère de Richard D... intervenu le 13 novembre 2003 dont la salariée se plaint dans sa lettre du 14 novembre 2003 est attesté par Barbara de F..., sa compagne, qui relate qu'il s'est emporté en constatant qu'un colis urgent avait été retourné, par Laurence E... qui déclare que "les hurlements de Mr D... ont été entendus dans la boutique par tout le personnel" et par Kathia G... épouse H... qui précise qu'elle a alors entendu "les hurlements de monsieur D... à l'encontre de mademoiselle D'X...", madame de F... tentant de le calmer et " l'incitant à cesser ses hurlements".

A la suite de cet incident, il est établi par les déclarations de Laurence E... et de Kathia H... que Richard D... n'adressait plus la parole à Antonella D'X..., madame E... ajoutant que, par ailleurs, "il avait fait part au personnel (de) son souhait de vouloir mettre fin à sa collaboration" avec elle.

Quelles qu'aient pu être les insuffisances professionnelles ou les erreurs commises par la salariée, la violence verbale du gérant à l'occasion de cet incident, les termes discourtois de son courriel du 24 septembre 2003 commençant en ces termes :"ANTONELLA JE I... PAS ENVIE DE DEVENIR FOU AVEC DES GENS QUI SE FICHENT DE TOUT. JE NE SUIS PAS UNE MACHINE A PAYER DES SALAIRES ET A DONNER DES VACANCES ET DES AVANTAGES !!!", son comportement à son égard consistant à ne plus lui adresser la parole et sa décision annoncée au personnel de mettre fin à sa collaboration avec elle, constituent des manquements graves rendant impossible la poursuite des relations contractuelles.

En conséquence, c'est à juste titre qu'Antonella D'X... a pris acte de la rupture de son contrat de travail en raison des fautes reprochées à son employeur. Les faits invoqués étant justifiés, comme il a été constaté ci-avant, la rupture doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- Sur les demandes d'indemnité

Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés correspondants, l'indemnité conventionnelle de licenciement, l'indemnité pour non-respect de la procédure et l'indemnité pour rupture abusive

La qualification d'attachée de direction de madame D'X... et sa situation de cadre justifient l'allocation d'une indemnité compensatrice de préavis représentant trois mois de salaire (6 990 € ) et d'une indemnité compensatrice de congés payés correspondante (699 € ).

En vertu de l'article 17 de la convention collective nationale du commerce de détail de l'habillement et des articles textiles, une indemnité conventionnelle de licenciement égale à 1/10 du salaire mensuel de référence lui est due (699 € ).

En considération de l'ancienneté de la salariée et des circonstances de la rupture du contrat de travail, les préjudices résultant du non-respect de la procédure de licenciement et de l'absence de cause réelle et sérieuse seront indemnisés par l'allocation de respectivement 2 330 € et 6 990 €.

- Sur la demande en paiement des heures supplémentaires et du rappel de prime du mois de décembre 2002

Antonella D'X... ne produit aucune lettre de réclamation adressée à son employeur contenant le décompte des heures supplémentaires qu'elle prétend avoir effectuées. Il résulte de ses bulletins de salaire que des heures supplémentaires lui ont été payées en décembre 2002 et en novembre 2003. Elle ne justifie pas le quantum des heures supplémentaires dont elle demande le paiement.

De même, le règlement de la prime de fin d'année 2002 n'a fait l'objet d'aucune réclamation écrite à l'employeur, son montant n'est pas déterminable au vu des documents contractuels.

Il ne sera pas fait droit à ces chefs de demande.

- Sur les demandes d'indemnité au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile

Au vu des circonstances de la cause et compte tenu de la situation respective de parties, il serait inéquitable de laisser à la charge d'Antonella D'X... les frais non taxables qu'elle a exposés au cours de la présente procédure, il convient de lui allouer à ce titre une indemnité de 1 000 euros.

La demande reconventionnelle formée sur ce fondement sera rejetée.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Infirme le jugement déféré ;

Dit justifiée la prise d'acte par Antonella D'X... de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur ;

Dit que cette rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la S.A.R.L SAINT HONORE MAILLES à payer à Antonella D'X... les sommes de :

- 6 990 € (six mille neuf cent quatre vingt dix euros) à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 699 € (six cent quatre vingt dix neuf euros) à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

- 699 € (six cent quatre vingt dix neuf euros) à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 2 330 € (deux mille trois cent trente euros) à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure,

- 6 990 € (six mille neuf cent quatre vingt dix euros) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 000 € (mille euros) en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Rejette le surplus des demandes ;

Déboute la S.A.R.L SAINT HONORE MAILLES de sa demande reconventionnelle ;

La condamne aux entiers dépens.

LE GREFFIER : LE PRÉSIDENT :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0139
Numéro d'arrêt : 06/07236
Date de la décision : 29/11/2007

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Paris, 11 octobre 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2007-11-29;06.07236 ?
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