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29/11/2007 | FRANCE | N°06/20738

France | France, Cour d'appel de Paris, 29 novembre 2007, 06/20738


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



24ème Chambre - Section D



ARRET DU 29 NOVEMBRE 2007



(no , 5 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : 06/20738



Décision déférée à la Cour : Ordonnance rendue le 30 Mai 2006 par le juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de PARIS, section cabinet , RG no 05/40584









APPELANT



Monsieur

Elias X...


demeurant Villa Sabbagh

YARZE BAABDA - LIBAN



représenté par la SCP BERNABE - CHARDIN - CHEVILLER, avoués à la Cour



assisté de Me Hélène Y..., avocat au barreau de PARIS, toque ...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

24ème Chambre - Section D

ARRET DU 29 NOVEMBRE 2007

(no , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 06/20738

Décision déférée à la Cour : Ordonnance rendue le 30 Mai 2006 par le juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de PARIS, section cabinet , RG no 05/40584

APPELANT

Monsieur Elias X...

demeurant Villa Sabbagh

YARZE BAABDA - LIBAN

représenté par la SCP BERNABE - CHARDIN - CHEVILLER, avoués à la Cour

assisté de Me Hélène Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : C 676

INTIMEE

Madame Randa Z... épouse X...

demeurant ...

75007 PARIS

représentée par la SCP BASKAL - CHALUT-NATAL, avoués à la Cour

assistée de Me Françoise A..., avocat au barreau de PARIS,

toque : A 339

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 Octobre 2007, en audience non publique, devant la Cour composée de :

Madame Brigitte GUYOT, Présidente

Madame Véronique NADAL, Conseiller

Madame Sophie BADIE, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Cristina B...

ARRET :

- contradictoire

- prononcé hors la présence du public par Madame Brigitte GUYOT, Présidente

- signé par Madame Brigitte GUYOT, présidente et par Madame Valérie BERTINO, greffier présent lors du prononcé.

Elias X... et Randa Z... se sont mariés le 17 décembre 1982 à Chypre sans contrat préalable. De cette union sont issus :

- Nour, née le 19 mai 1983 à Beyrouth

- Pierre, né le 28 juillet 1984 à Neuilly sur Seine

- Ulysse, né le 25 janvier 1993 à Neuilly sur Seine.

Par ordonnance de non conciliation du 30 mai 2006, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Paris, saisi d'une requête en divorce de l'épouse enregistrée au greffe le 13 Septembre 2005, a notamment :

- rejeté l'exception de litispendance soulevée par l'époux et retenu sa compétence pour connaître du litige

* s'agissant des époux

- enjoint aux époux de rencontrer un médiateur

- attribué la jouissance gratuite du logement et du mobilier du ménage, situé ... à l'épouse au titre du devoir de secours, à charge pour l'époux de s'acquitter du paiement des charges de copropriété, de la taxe foncière, de l'assurance de l'appartement, outre les charges de jouissance ( électricité, eau, téléphone)

- donné acte à l'époux de ce qu'il réglera l'arriéré de charges de copropriété afférentes à ce bien (environ 150.000 €)

- fixé à 10 000 € la pension alimentaire versée à l'épouse par l'époux

- donné acte à l'époux de ce qu'il abandonne à l'épouse la pleine propriété du véhicule Mercedes immatriculé 201 N2M75

- fixé à 8 000 € la provision pour frais d'instance due par l'époux à son épouse

- désigné maître Axel C..., notaire avec mission de dresser un état estimatif des revenus et des biens mobiliers ou immobiliers appartenant aux époux, sans qu'il y ait lieu dans un premier temps de dire si ces biens sont détenus en propre ou indivisément entre eux

- fixé la provision à valoir sur les frais d'expertise à 3 000 € à verser par l'époux

- autorisé l'époux à désigner un commissaire priseur assisté d'un huissier afin de procéder à un inventaire des meubles garnissant le domicile conjugal et fait interdiction à l'épouse de déplacer les dits meubles

* s'agissant des enfants

- rappelé que l'autorité parentale est exercée en commun

- fixé la résidence d'Ulysse chez sa mère

- dit que le père rencontrera l'enfant librement lors de ses passages à Paris, à charge pour lui de prévenir la mère deux semaines à l'avance de sa venue et exercera un droit de visite et d'hébergement la première moitié des vacances scolaires d'avril, d'été, et de Noël, les années paires, la seconde moitié, les années impaires

- dit que les frais d'avion liés à l'exercice de ce droit sont à la charge du père

- ordonné un examen médico-psychologique d'Ulysse

- fixé la contribution du père à l'entretien et à l'éducation des enfants à 4.000 € pour Pierre, 2000 € pour Nour et 2000 € pour Ulysse (outre les frais de scolarité pour Nour ainsi que les frais de scolarité et tous frais annexe pour Ulysse)

- dit n'y avoir lieu à rétroactivité ni à indexation des pensions.

Appelant de cette décision par acte d'appel du 29 novembre 2006, Elias X..., par dernières conclusions du 18 octobre 2007, demande à la cour de :

- déclarer son appel recevable et bien fondé

- infirmer la décision

- dire son exception de litispendance recevable et fondée

Subsidiairement :

- surseoir à statuer jusqu'à la décision de la cour de première instance de Beyrouth

- débouter son épouse de sa demande présentée au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et la condamner aux dépens de première instance et d'appel.

Randa Z..., par dernières conclusions du 15 octobre 2007, demande à la cour de:

- vu la nationalité française des deux époux et de leurs trois enfants,

- vu la résidence des époux fixée en France depuis 1983,

- vu la possession par les époux d'un patrimoine immobilier en France,

- dire que le litige se rattache à la France

- dire que la saisine de la juridiction française a été faite sans fraude

- dire qu'elle n'a jamais renoncé au privilège de juridiction résultant des articles 14 et 15 du code civil

- dire irrecevable l'exception de litispendance soulevée par son époux

- le débouter de son appel

- confirmer l'ordonnance de non conciliation

- condamner Elias X... à lui verser la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et aux dépens de l'appel.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 octobre 2007.

SUR CE LA COUR :

- Sur la recevabilité de l'appel :

Considérant que rien au dossier ne permet de relever d'office des moyens d'irrecevabilité non soulevés par les parties ;

- Sur la litispendance :

Considérant qu'aux termes de l'article 100 du nouveau code de procédure civile, si le même litige est pendant devant deux juridictions de même degré également compétentes pour en connaître, la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir au profit de l'autre si l'une des parties le demande ;

Considérant que l'exception de litispendance peut être reçue devant le juge français, en vertu du droit commun français, en raison d'une instance engagée devant un tribunal étranger également compétent ;

Considérant qu'Elias X... a déposé une requête en divorce devant le tribunal de première instance de Beyrouth le 25 août 2005, notifiée à son épouse le 8 Septembre 2005; que Randa Z... est représentée dans cette procédure, au cours de laquelle elle a soulevé l'incompétence du tribunal ; que par décision du 22 août 2007, le tribunal de première instance de Beyrouth s'est déclaré territorialement incompétent ; qu'Elias X... a interjeté appel de cette décision le 13 Septembre 2007 devant la cour d'appel de Beyrouth ; qu'ainsi l'instance, engagée en premier lieu devant les juridictions libanaises, est toujours pendante ;

Considérant que, pour s'opposer à l'exception de litispendance internationale, Randa Z... invoque essentiellement le privilège de juridiction des articles 14 et 15 du code civil, auquel elle n'a jamais renoncé, et soutient que la compétence française est exclusive de toute compétence concurrente de la juridiction étrangère ;

Mais considérant que, toutes les fois que la règle française de solution des conflits de juridiction n'attribue pas compétence exclusive aux tribunaux français, le tribunal étranger doit être reconnu compétent si le litige se rattache de manière caractérisée au pays dont le juge a été saisi, si le choix de la juridiction n'a pas été frauduleux et si la décision à intervenir du tribunal étranger est susceptible d'être reconnue en France ; qu'ainsi les articles 14 et 15 du code civil ne consacrent qu'une compétence facultative de la juridiction française si par ailleurs les conditions de la compétence de la juridiction étrangère sont réunies ;

Considérant qu'il convient en conséquence de rechercher si le litige se rattache de manière caractérisée au Liban, si le choix de la juridiction libanaise n'a pas été frauduleux, et si la décision à intervenir du tribunal étranger est susceptible d'être reconnue en France ;

Considérant, sur le premier point, que les époux, tous deux de nationalité libanaise, se sont mariés civilement à Chypre, en raison de leurs religions différentes, l'époux étant de confession catholique et l'épouse de confession musulmane et le mariage religieux n'existant pas au Liban ; que l'inscription sur les registres d'état civil français n'a été faite que deux ans après le mariage ; que leur premier enfant est né au Liban ; qu'ils exercent tous deux leur activité professionnelle au Liban, l'époux, qui réside à Beyrouth, exclusivement, et l'épouse, cinéaste, qui y a réalisé ses films, essentiellement ; qu'ils ont des intérêts patrimoniaux et familiaux au Liban où l'épouse réside régulièrement et y reçoit des soins médicaux ; que ces éléments montrent que le litige se rattache de manière caractérisée au Liban, ce qui n'exclut pas qu'il se rattache aussi de manière caractérisée à la France, en raison de la nationalité française des époux (l'époux par sa naissance d'une mère française, l'épouse par son mariage) de leur résidence en France depuis 1983, de la naissance de leurs deux fils en France , et de l'établissement des enfants avec leur mère en France ; que toutefois la question n'est pas de savoir si la juridiction française est compétente, ce qui n'est pas contesté, mais de vérifier si les conditions de la litispendance avec une juridiction étrangère, également compétente et saisie en premier lieu, sont réunies ;

Considérant, sur le deuxième point, que le choix de la juridiction libanaise n'est pas frauduleux; que la requête en divorce a été régulièrement notifiée à l'épouse qui a pu exposer ses moyens en défense, et particulièrement soulever l'incompétence de la juridiction libanaise; que le fait que l'époux aurait, inexactement, indiqué dans sa requête en divorce que les trois enfants sont nés à Beyrouth, ce qu'il explique par une erreur de traduction, et qu'il aurait passé sous silence la nationalité française des époux, n'est pas de nature à faire considérer la saisine du juge libanais comme frauduleuse ; que pas davantage ne peut être considéré comme frauduleuse cette saisine en raison de l'avantage financier supposé en retirer le requérant dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial, dont la nature juridique même fait l'objet d'une contestation ;

Considérant enfin, sur le troisième point, que le juge de l'exequatur, en dehors de toute convention internationale, doit s'assurer de la conformité de la décision étrangère à l'ordre public international de fond et de forme, mais n'a pas à vérifier que la loi appliquée par le juge étranger est celle désignée par la règle de conflit de loi française ; qu'aux termes d'une consultation de Pierre D..., professeur à l'université Saint Joseph à Beyrouth, non contestée, le droit chypriote, applicable au divorce des époux E..., est un droit laïcisé, inspiré de l'ancienne législation britannique, qui " fonde l'action en divorce sur l'examen du comportement des époux, cherche à fixer la responsabilité de chacun d'eux dans la dissolution du lien conjugal, enjoint au mesure d'adopter les mesures qui peuvent le mieux préserver l'intérêt des enfants, et établit le régime des obligations pécuniaires des époux, d'après leur état de fortune et leurs conduites respectives durant la période qui a précédé le divorce"; qu'il n'existe donc pas d'incompatibilité de ce droit avec l'ordre public international ;

Considérant qu'il s'ensuit que les conditions de la litispendance sont réunies ; que toutefois, dans le souci d'une bonne administration de la justice, il convient de surseoir à statuer jusqu'à ce que soit définitivement tranché la question de la compétence soumise à la cour d'appel de Beyrouth, étant observé que l'on ne peut déduire du jugement du tribunal de première instance que seule était en question la compétence territoriale alors que Randa Z... avait soulevé la question de "la primauté de la réclamation faite au niveau international";

Considérant qu'il convient de réserver les dépens ;

PAR CES MOTIFS :

Infirme l'ordonnance déférée

Dit recevable et fondée l'exception de litispendance soulevée par Elias X...,

Sursoit à statuer jusqu'à la décision de la cour d'appel de Beyrouth (Liban) statuant sur l'appel du jugement du tribunal de première instance de Beyrouth en date du 22 août 2007, premier saisi par la requête en divorce déposée par Elias X...,

Réserve les dépens,

Renvoie à l'audience de mise en état du 24 janvier 2008 pour connaître cette décision.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 06/20738
Date de la décision : 29/11/2007
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2007-11-29;06.20738 ?
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