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18/12/2008 | FRANCE | N°06/010582

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0135, 18 décembre 2008, 06/010582


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
21ème Chambre C

ARRET DU 18 Décembre 2008
(no, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 06 / 10582- MPDL

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Juin 2006 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG no 04 / 09734

APPELANTE

1o- SARL SERVICES ASSISTANCE REALISATIONS TECHNIQUES (SART)
9 Avenue Verdier
92120 MONTROUGE
représentée par Me Alain LACHKAR, avocat au barreau de PARIS, toque : C 247

IN

TIMEE

2o- Madame Pascale X...
...
...
94140 ALFORTVILLE
comparant en personne, assistée de Me Fabienne GUITARD, avocat ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
21ème Chambre C

ARRET DU 18 Décembre 2008
(no, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 06 / 10582- MPDL

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Juin 2006 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG no 04 / 09734

APPELANTE

1o- SARL SERVICES ASSISTANCE REALISATIONS TECHNIQUES (SART)
9 Avenue Verdier
92120 MONTROUGE
représentée par Me Alain LACHKAR, avocat au barreau de PARIS, toque : C 247

INTIMEE

2o- Madame Pascale X...
...
...
94140 ALFORTVILLE
comparant en personne, assistée de Me Fabienne GUITARD, avocat au barreau de PARIS, toque : E949,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Novembre 2008, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Pierre DE LIEGE, Présidente, chargée d'instruire l'affaire, en présence de Mme Irène IMERGLIK, conseiller.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Marie-Pierre DE LIEGE, président
Mme Irène LEBE, conseiller
Mme Hélène IMERGLIK, conseiller

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE
-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.
- signé par Mme Marie-Pierre DE LIEGE, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LES FAITS ET LA PROCÉDURE :
Mme Pascale X... a été engagée le 1er septembre 1996 en qualité de secrétaire administrative, suivant contrat à durée indéterminée, par la Sarl SART (Services Assistance Réalisations Techniques). Elle a ensuite été progressivement chargée des fonctions de responsable du personnel et est passée cadre à compter du 1er janvier 1999 sans que les mentions de son bulletin de salaire ne s'en trouvent modifiées.
En septembre 2002, au départ du titulaire du poste, elle a été affectée, en sus de ses précédentes fonctions et sans avenant à son contrat de travail, ni surplus de salaire de base, dans des fonctions de chef de salle au Parc omnisports de Bercy (POPB).
Elle a été informellement déchargée de ses fonctions à compter du 4 mars 2004.
Par lettre du 19 mai 2004, la salariée a sollicité de son employeur sa réintégration dans les fonctions de chef de salle ; la Sarl SART par réponse du 2 juillet 2004, s'étonnait de cette revendication de la salariée faisant valoir qu'elle n'aurait jamais rempli les fonctions de chef de salle.
Le 15 juillet 2004 Mme Pascale X... saisissait le conseil de prud'hommes sollicitant de celui-ci :
- un rappel de salaires de septembre 2002 à mars 2004,
- la constatation de la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur et les diverses indemnités dues en conséquence ainsi en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- la remise de documents sociaux conformes sous astreinte.
Par jugement de départage en date du 13 juin 2006, le conseil de prud'hommes de Paris, section encadrement chambre 5, fixant la moyenne mensuelle des trois derniers mois à la somme de 3054, 16 euros, prononçait la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme Pascale X... aux torts exclusifs de l'employeur, jugeait que la salariée avait droit à une période de délai congé de trois mois et à une indemnité légale de licenciement et condamnait ce dernier à lui payer les sommes suivantes :
-20. 000 euros à titre de rappel de salaire,
-36. 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 122-14-4 du code du travail, ordonnant la remise des documents sociaux conformes,
- l'indemnité légale de licenciement et l'indemnité compensatrice de préavis, avec congés pays afférents, sur les bases fixées au jugement.
-1. 500 euros pour frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La Sarl SART a régulièrement fait appel de cette décision.
Elle dénie à sa salariée la qualité de responsable du personnel et conteste que celle-ci ait en outre tenu l'intégralité des fonctions de chef de salle, plaidant que cette affectation temporaire, n'était pas constitutive d'un droit acquis, dont elle déduit qu'il n'y a pas eu de rétrogradation ou déclassement, ni de discrimination à son encontre de la part de la Sarl SART. L'employeur prétend qu'en l'absence d'avenant au contrat de travail, constatant la nomination de l'intéressée à cet emploi de chef de salle, la salariée ne justifiait pas de l'existence d'un manquement suffisamment grave commis par son employeur pour entraîner la résiliation de son contrat de travail.
Il précise qu'à la suite du jugement rendu par le conseil de prud'hommes, dont il a fait appel, la relation de travail s'est poursuivie normalement avec Mme Pascale X... qui n'a pas cherché à prendre acte de la rupture.
La Sarl SART indique que POPB étant l'un de ses deux clients l'a informé, fin avril 2008, qu'il avait l'intention de résilier l'intégralité des contrats les liant au 31 août 2008. L'employeur dit avoir alors diligenté une procédure de licenciement collectif portant sur quatre salariés, dont Mme Pascale X..., sur un effectif total réduit à sept. La salariée aurait refusé d'adhérer à la convention de reclassement proposée par lettre recommandée du 27 juin 2008 et n'a ensuite pas contesté ce licenciement économique, mais a signé un solde de tout compte le 3 septembre 2008, sans avoir exprimé de réserves, laissant penser qu'elle renonçait à toute réclamation en rapport avec la cessation de son contrat de travail.
L'employeur demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions et de déclarer Mme Pascale X... mal fondée en son action en résiliation.
En conséquence, il demande à la cour de dire que le licenciement économique repose sur une cause réelle et sérieuse et de débouter la salariée de l'ensemble de ses demandes, sollicitant le remboursement de la somme versée au titre de l'exécution provisoire s'élevant à 20. 923, 66 euros.
Il réclame également 4. 000 euros pour frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme Pascale X... a formé appel incident.
À titre principal elle demande à la cour de constater que la rétrogradation imposée le 4 mars 2004 était abusive, de constater qu'elle a refusé cette modification de son contrat de travail et que ce contrat s'est trouvé résilié aux torts de la Sarl SART par le jugement du 13 juin 2006.
Toutefois la salariée indique que ce jugement n'étant pas assorti de l'exécution provisoire et l'employeur ayant fait appel, elle est restée en poste dans l'entreprise jusqu'à ce qu'elle soit licenciée pour motif économique par courrier recommandé avec avis de réception du 27 juin 2008, l'employeur fixant son préavis à une durée de deux mois.
La salariée demande donc à la cour de dire que le licenciement économique intervenu postérieurement est nul et non avenu ou à titre subsidiaire, sans cause réelle et sérieuse et en tout état de cause de :
- condamner la Sarl SART à lui payer les sommes suivantes :
* 8. 132, 41 euros à titre de rappel d'indemnité de licenciement,
* 3. 493, 76 euros brut à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis et 349, 37 euros à titre de rappel de congés payés sur préavis, en donnant acte à la Sarl SART qu'elle a payé à Mme Pascale X... la somme de 4. 245, 83 euros à titre d'indemnité de congés payés,
ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du 13 juin 2006,

- condamner la Sarl SART à lui payer 36. 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du 13 juin 2006,
- la condamner à lui payer 20. 000 euros à titre de rappel de salaire de septembre 2002 à mars 2004,
avec intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2004 ;
- ordonner à l'employeur la remise des bulletins de paie de septembre 2002 à mars 2004, d'un certificat de travail, d'un solde de tout compte et d'une attestation ASSEDIC rectifiés ;
- condamner la Sarl SART à payer 3. 000 euros pour frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.
L'entreprise comptait 32 salariés en juin 2006, et 7 ans au mois d'août 2008.
Le salaire brut moyen mensuel de Mme Pascale X... tel qu'il ressort de l'attestation Assedic sur les 12 derniers mois s'élève à 3. 211, 14 euros.
Il n'y a pas de convention collective applicable.

LES MOTIFS DE LA COUR :
Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.
Les documents de la cause et les explications fournies par les parties permettent de tenir pour constants les faits suivants :
Cette société offre principalement ses services à des collectivités publiques ou des sociétés souvent délégataires de services publics chargées de l'exploitation de concessions pour des manifestations sportives et culturelles. Dans ce cadre, elle est souvent conduite à mettre à disposition de ses clients, pour le temps d'une manifestation sportive ou culturelle, des hôtesses, des placeuses, des contrôleurs, des inspecteurs, qui sont alors employés dans le cadre de contrats à durée déterminée d'usage à temps partiel, ces contrats étant, aux dires mêmes de l'employeur, préparés et rédigés par Mme Pascale X.... Ce personnel détaché est alors placé sous l'autorité d'un salarié employé de la Sarl SART ou du client, appelé « chef de salle ».
Le chef de salle a toujours été un salarié de la Sarl SART jusqu'à ce que le POPB décide de recruter lui-même un chef de salle.
Toutefois, en 2003, au moment où il a fallu remplacer ce chef de salle, le POPB aurait décidé de ne pas chercher à recruter en interne un nouveau chef de salle, compte tenu, selon la Sarl SART, de l'incertitude qui planait sur le renouvellement, en août 2004, de la concession à la société d'économie mixte chargée de l'exploitation de cet équipement municipal par la Ville de Paris.

De son côté la Sarl SART, pour les mêmes raisons d'incertitude, ne pouvait engager un chef de salle. L'employeur expose qu'il a donc dû pendant 18 mois de septembre 2002 à mars 2004 « ventiler de façon temporaire » les attributions des chefs de salle entre Mme Pascale X..., qui avait une parfaite connaissance de l'organisation et du fonctionnement de cet équipement municipal et quatre dirigeants de la société concessionnaire, gérant le POPB. Cette solution s'étant, selon la Sarl SART, après quelque temps heurtée à la lassitude des cadres du POPB, et le renouvellement de la concession apparaissant moins incertain, la Sarl SART aurait alors décidé de recruter un nouveau chef de salle, dont le contrat devait être ultérieurement transféré au POPB, après renouvellement effectif de la concession.
Deux mois après le recrutement de son remplaçant, Mme Pascale X... faisait connaître ses revendications à son employeur demandant sa réintégration dans les fonctions qu'elle occupait précédemment.
Par lettre recommandée du 2 juillet, l'employeur opposait une fin de non-recevoir à Mme Pascale X... estimant que sa participation à l'organisation de la prestation sur place relevait de ses attributions initiales de secrétaire administrative-gestion de salle et que d'autre part elle ne pouvait prétendre à la qualification de chef de salle en l'absence de tout document contractuel la prévoyant.
En dépit du fait que le conseil de prud'hommes ait constaté la résiliation du contrat de travail de Mme Pascale X... au 13 juin 2006, le contrat de travail s'est poursuivi, puis l'employeur qui a, au cours de l'été 2008, procédé à licenciement collectif pour cause économique, incluant Mme P. X..., lui a proposé dans ce cadre d'adhérer à la convention de reclassement puis lui a remis un solde de tout compte.

Sur la rupture du contrat de travail de Mme Pascale X... :
La cour considère que c'est après une analyse exacte des faits et en fonction de motifs clairs, justes et pertinents qu'elle reprend à son compte, que le conseil de prud'hommes, retenant une modification du contrat de travail, refusée par la salariée et dont la légitimité n'était pas démontrée, a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme Pascale X... aux torts exclusifs de la Sarl SART.
Il suffit, compte tenu des moyens développés devant la cour d'appel, d'y ajouter les éléments développés ci-dessous.
L'employeur, qui ne conteste pas avoir chargé Mme Pascale X... de se rendre chaque soir au site du POPB, en l'absence de « chef de salle », conteste en revanche qu'elle ait assuré ces fonctions dans leur intégralité, arguant tout d'abord, non sans un certain aplomb, que « la diversité et la multiplication des attributions relevant de ces deux emplois (secrétaire administratif et chef de salle) ne lui permettait pas à l'évidence un tel cumul ».
Pourtant, M. V. directeur commercial des salles du POPB lui a remis lors de sa prise de fonction un descriptif des responsabilités du chef de salle, sans que de quelconques limites soient notifiées à Mme Pascale X... au regard de ces responsabilités.

L'employeur relate par ailleurs qu'en cas de problème avec un membre du public, la société SART a appris que Mme Pascale X... « s'appuyait sur les inspecteurs à qui elle déléguait en fait ses responsabilités, qui intervenaient directement auprès du public, se réservant de demander éventuellement l'intervention du cadre responsable du POPB ».
Or, rien n'établit qu'il incombe systématiquement au chef de salle, en présence d'inspecteurs, de contrôleurs et d'agents de sécurité, d'intervenir personnellement en cas de problème avec un membre du public.
Au-delà, le débat sur le point de savoir si la salariée a occupé l'intégralité des fonctions incombant au chef de salle ou si elle a été secondée, pour certains aspects, par d'autres personnes, et notamment les cadres du POPB, apparaît dépourvu de toute pertinence dans la mesure où il n'est donc pas utilement contesté par l'employeur que la salariée a effectivement et régulièrement assuré à tout le moins une partie importante des fonctions correspondant aux responsabilités de chef de salle sur le site du POPB et pendant plus de 18 mois, qu'il lui en reconnaisse le statut ou pas.
Ces fonctions étant établies, l'employeur ne saurait, en application de la règle " nemo auditur ", invoquer l'absence de tout élément écrit tels que, selon ses propres termes, " la conclusion d'un avenant à son contrat de travail, des bulletins de paie émis depuis septembre 2002 mentionnant sa qualification, un quelconque courrier faisant état d'une promesse à ce sujet, ou une attestation ", alors qu'il lui appartenait précisément, et en sa qualité d'employeur, d'acter les nouvelles responsabilités confiées, fût-ce à titre temporaire, à Mme Pascale X....
Ces fonctions de chef de salle, comme l'a justement relevé le conseil de prud'hommes, sont suffisamment établies par l'ensemble des attestations produites par Mme Pascale X..., et cette qualification lui a été contestée par l'employeur, non pas comme il le prétend « toujours » mais seulement à partir du moment où elle a posé des revendications à leur sujet, plus précisément dans les courriers de la Sarl SART des 2 juillet et 20 septembre 2004.
La salariée, qui avait protesté contre le retrait de ses fonctions et revendiquait leur maintien par courrier du 19 mai 2004 n'était, après refus de l'employeur, pas tenue de faire constater judiciairement sa qualification de chef de salle avant de saisir le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation de son contrat de travail aux torts de l'employeur.
Les manquements de l'employeur à l'égard de Mme Pascale X... sont d'autant plus évidents, que, alors qu'il admet qu'elle avait pendant plus de 18 mois tenu, au moins pour partie les fonctions de chef de salle, il n'a jamais cru nécessaire, ni pendant cette période de 18 mois, ni après les réclamations de la salariée au mois de mai 2004, de reconnaître le surplus de travail et de responsabilités ainsi occasionné, pour en tirer les conséquences, ni en termes de réintégration dans ses fonctions, ni en termes de mise à niveau des salaires. Pourtant, s'il lui contestait la qualification de chef de salle, il ne conteste pas le fait que Mme Pascale X..., qui selon ses dires « avait une parfaite connaissance de l'organisation et du fonctionnement de cet équipement municipal », ait assuré dans une large partie ces fonctions après le départ de leur titulaire en septembre 2002 et ce jusqu'en mai 2004.
Par ailleurs et s'agissant de ses fonctions d'origine, la distinction que la Sarl SART tente d'introduire entre les « attributions » et la « qualification » de Mme Pascale X..., restée celle de secrétaire administrative même quand elle est devenue cadre en janvier 1999, apparaît tout à fait spécieuse.

En effet, la simple mention d'une qualification de « secrétaire administrative » sur un bulletin de salaire rédigé par l'employeur, ne saurait combattre utilement la reconnaissance des fonctions réelles de la salariée, établies par sa promotion en janvier 1999 au statut de cadre, mais aussi par de nombreuses pièces et attestations produites aux débats, fonctions d'ailleurs, pour l'essentiel, admises par l'employeur, tant en ce qui concerne, d'abord, la responsabilité de la gestion du personnel de la Sarl SART et des vacataires qu'elle employait, rédigeant leurs contrats et assurant leur suivi, qu'en ce qui concerne, ensuite, les fonctions de chef de salle au POPB. En conséquence, et à tout le moins depuis janvier 1999, peu important le fait que ses bulletins de salaire portaient toujours la mention « secrétaire administrative », Mme Pascale X... exerçait de fait des fonctions de responsable du personnel outrepassant clairement et sans que l'employeur ne puisse l'ignorer les simples compétences d'une secrétaire administrative.
Le fait que la Sarl SART ne soit pas certaine qu'elle devrait assurer durablement, par le biais d'un de ses salariés, les fonctions de chef de salle, ne la dispensait pas de proposer à Mme Pascale X... un avenant à son contrat de travail destiné à préciser les conditions, le cas échéant temporaires, dans lesquelles elle était appelée à remplacer, fût-ce provisoirement, le chef de salle manquant et de tirer de ce surplus de travail les conséquences en termes de salaire. Ceci n'a à aucun moment été envisagé par la Sarl SART qui s'est contentée de demander ce « service » supplémentaire à sa salariée sans contrepartie ni garantie pour l'avenir, et ce alors que de toute évidence la Sarl SART a été rétribuée par le POPB pour cette prestation, pendant la période durant laquelle le POPB n'avait pas réembauché directement de chef de salle.
L'affectation à titre provisoire de Mme Pascale X... à ces tâches, ne saurait toutefois s'analyser, comme tente de le faire employeur, comme une " mise à disposition " sans impact sur le contrat de travail de la salariée, mais correspond à un élargissement de la prestation fournie par la Sarl SART à POPB, dans le cadre général du contrat de prestation de services qui liait les deux structures, élargissement confié pour exécution à Mme Pascale X.... Cette analyse est confortée par le fait qu'il n'y a pas eu de convention triangulaire entre la Sarl SART, Mme Pascale X... et POPB, Mme Pascale X... restant salarié de la Sarl SART.
En confiant à Mme Pascale X... la tâche supplémentaire afférente aux fonctions de chef de salle au POPB, fonction qui imposait l'exécution chaque jour d'heures supplémentaires, une présence régulière le soir sur le site du POPB pour y exercer les fonctions d'organisation et d'encadrement des équipes placées sous l'autorité du chef de salle, l'employeur a imposé à sa salariée une modification substantielle de son contrat de travail.
En ne prenant pas la précaution de rédiger un avenant pour acter cette modification du contrat de travail et ses conditions de mise en oeuvre, l'employeur n'a pas informé la salariée du caractère temporaire de ses fonctions supplémentaires, et ce caractère temporaire devient alors inopposable à la salariée.
Mme Pascale X... était donc en droit de refuser le retrait des fonctions qu'elle exerçait chaque soir au POPB, se trouvant ramenée à exécuter des tâches purement administratives, ce retrait constituant une modification d'un élément essentiel de son contrat de travail et pouvant s'analyser à juste titre, sinon comme une rétrogradation, n'ayant pas de dimension disciplinaire, du moins comme une réduction injustifiée des prérogatives de " chef de salle " qu'elle a eues, de septembre 2002 en mai 2004, sans que leur caractère temporaire ne lui ait été spécifié par écrit, ce qui constitue un déclassement.

Soutenir comme il le fait « que cette mise à disposition entrait dans l'exercice de ses attributions initiales de secrétaire administrative, ses horaires de travail ayant été annualisés pour lui permettre, dès son embauche, de pouvoir travailler dans le domaine du sport et du spectacle, les samedis et dimanches et jours fériés... », alors même qu'aucun élément versé au dossier n'établit que les heures assurées en nocturne sur le site du POPB auraient été soit " récupérées " par la salariée, soit payées en heures supplémentaires, équivaut à soutenir qu'avec un salaire et une fonction de secrétaire administrative " tout " aurait pu être demandé à la salariée.
Pour l'ensemble de ces raisons, et sans qu'il soit besoin d'examiner la question de l'existence d'une éventuelle communauté d'intérêts, notamment par le biais de M. Y..., entre la Sarl SART, le groupe Horode et POPB, la mauvaise fois de l'employeur, la Sarl SART, est clairement établie et la modification de son contrat de travail subie par la salariée est abusive, sans qu'il soit nécessaire de rechercher, si cette modification a pour cause une discrimination à caractère sexiste à l'encontre de la salariée, discrimination qui est, par ailleurs, insuffisamment établie.
La cour confirmera la décision du conseil de prud'hommes en ce qu'il a constaté la résiliation du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, au 13 juin 2006, date du jugement du conseil de prud'hommes. Toutefois, le jugement ayant été frappé d'‘ appel, et la salariée ayant continué à travailler pour la SART jusqu'à son licenciement pour motif économique intervenu le 27 juin 2008, c'est à cette date que la rupture consécutive à la résiliation imputable à l'employeur a pris effet.
Il n'y a donc pas lieu d'examiner le bien-fondé ni la régularité du licenciement économique auquel a procédé l'employeur le 27 juin 2008.
La résiliation du contrat de travail à la charge de l'employeur produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et ouvre droit en application en l'espèce de l'article L. 1235-3, nouveau, du code du travail à une indemnité au profit du salarié.
Compte tenu des circonstances de l'espèce, de l'ancienneté dans son emploi de la salariée et du préjudice qu'elle a nécessairement subi à la suite de celui-ci, la cour confirmera la somme de 36. 000 euros allouée par le conseil de prud'hommes à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse.

Sur la demande de rappel de salaire correspondant aux fonctions complémentaires de chef de salle :
Pendant les 10 du mois d'intervention au POPB la salariée n'a touché en sus de son salaire que trois « primes exceptionnelles » d'un montant limité, qui ne sauraient être assimilées à un complément de salaire, du fait de la double fonction exercée à cette époque.
La cour, prenant acte du surplus de travail effectué pendant 18 mois par Mme Pascale X..., qui assumait tout à la fois, en journée, ce qui n'est nullement contesté, ses fonctions administratives au sein de la Sarl SART, pour assurer en soirée, les tâches relatives aux fonctions de chef de salle au POPB, fixe à 1. 000 euros nets par mois le surplus de salaire dû à Mme Pascale X..., à compter de septembre 2002.
La décision du conseil de prud'hommes sera donc confirmée sur ce point, et il sera accordé un rappel de salaire de 20. 000 euros, dans les limites de la demande de la salariée.

Sur l'indemnité de préavis, les congés payés afférents et l'indemnité légale de licenciement :
La résiliation du contrat de travail imputable à l'employeur ouvre donc droit pour la salariée, étant rappelé que celle-ci avait le statut cadre, à une indemnité compensatrice de préavis équivalant à trois mois de salaire, congés payés en sus. En effet, la salariée rapporte par la production du contrat de travail de son successeur au poste de chef de salle, que pour ces fonctions, l'usage est d'un préavis de trois mois.
S'agissant de l'indemnité de licenciement celle ci est due sur le fondement de l'ancien article L. 122-9, devenu L. 1234-9 du code du travail, le nouveau régime introduit par le décret du 18 juillet 2008 n'étant pas applicable.
Ces indemnités ne devront être calculées sur la base d'un salaire reconstitué.
Pour le calcul de ces indemnités, au salaire brut de référence de Mme Pascale X... sur les 12 derniers mois, fixé par la cour à la somme brute mensuelle de 3. 211, 14 euros, il conviendra, donc, d'ajouter la somme mensuelle nette de 1. 000 euros, à reconstituer en brut.

Sur la remise de documents conformes :
La Sarl SART devra remettre à Mme Pascale X... les différents documents, bulletins de salaire, certificat de travail et attestation Assedic conformes à la présente décision et mentionnant la fonction de " responsable du personnel / chef de salle ", ceci sans qu'il y ait lieu à astreinte.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre de l'article 700 du Code de procédure civile :
La Cour considère que, compte tenu des circonstances de l'espèce, il apparaît inéquitable de faire supporter par Mme Pascale X... la totalité des frais de procédure qu'il a été contraint d'exposer. Il sera donc alloué une somme de 1. 500 euros, à ce titre pour la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS,
En conséquence, la Cour,
Confirme la décision du Conseil de prud'hommes en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, en ce qui concerne l'indemnité allouée à ce titre, le rappel de salaires, les dommages et intérêts accordés pour frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en ce qui concerne la remise de documents sociaux conformes,
Confirme également, dans leurs principes, les dispositions adoptées par le conseil de prud'hommes relatives à l'indemnité de préavis et congés payés afférents, l'indemnité légale de licenciement accordés, mais en réforme les montants,

L'infirme pour le surplus et, statuant à nouveau :
Condamne la Sarl SART à payer à Mme Pascale X... :
- une indemnité compensatrice de préavis de trois mois avec congés payés afférents et une indemnité légale de licenciement, sur la base d'un salaire reconstitué tel qu'indiqué dans les motifs de la présente décision et en application des dispositions légales en vigueur le 27 juin 2008, dont à déduire les montants versés par l'employeur, à ces deux titres, après le licenciement économique de juillet 2008,
ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2008,
Donne acte de ce que la Sarl SART a versé à Mme Pascale X... la somme de 4. 245, 83 euros à titre de congés payés,
Ordonne la remise à la salariée, des différents documents, bulletins de salaire, certificat de travail et attestation Assedic conformes à la présente décision et mentionnant la fonction de " responsable du personnel / chef de salle ",
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne la Sarl SART à régler à Mme Pascale X... la somme de 1. 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure d'appel,
La condamne aux entiers dépens de l'instance.
LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0135
Numéro d'arrêt : 06/010582
Date de la décision : 18/12/2008

Références :

ARRET du 22 septembre 2010, Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 22 septembre 2010, 09-40.929, Inédit

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Paris, 13 juin 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2008-12-18;06.010582 ?
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