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08/12/2010 | FRANCE | N°06/20557

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 08 décembre 2010, 06/20557


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 1



ARRÊT DU 08 DÉCEMBRE 2010



(n° , 09 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 06/20557



Décisions déférées à la Cour :



* Jugement du 31 octobre 2000 et du 21 janvier 2003 - Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° :99/12744

* Arrêt du 16 janvier 2004 - Cour d'appel de Paris - RG n° : 01/05061

* ArrÃ

ªt du 12 juillet 2006 - Cour de cassation - pourvoi n° : K 04-13.204

* Arrêt avant -dire- droit du 31 octobre 2007 - Cour d'appel de Paris - RG n° : 06/20557



APPELANTE



La socié...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 1

ARRÊT DU 08 DÉCEMBRE 2010

(n° , 09 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 06/20557

Décisions déférées à la Cour :

* Jugement du 31 octobre 2000 et du 21 janvier 2003 - Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° :99/12744

* Arrêt du 16 janvier 2004 - Cour d'appel de Paris - RG n° : 01/05061

* Arrêt du 12 juillet 2006 - Cour de cassation - pourvoi n° : K 04-13.204

* Arrêt avant -dire- droit du 31 octobre 2007 - Cour d'appel de Paris - RG n° : 06/20557

APPELANTE

La société LABORATOIRES [Y] INTERNATIONAL, S.A.

agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 7]

représentée par la SCP GRAPPOTTE BENETREAU JUMEL, avoués à la Cour

assistée de Me Monique GUEZ, avocat au barreau de Paris, toque : R200

INTIMÉS

Madame [I] [X] veuve [O]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 8]

Madame [C] [O] épouse [R]

demeurant [Adresse 11]

[Localité 10]

Madame [Z] [O] épouse [A]

demeurant [Adresse 4]

[Localité 6]

Madame [F] [O]

demeurant [Adresse 5]

[Localité 9]

Monsieur [J] [O]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 8]

représentés par la SCP ROBLIN - CHAIX DE LAVARENE, avoués à la Cour

assistés de Me Jacques BITOUN, avocat au barreau de Paris, toque : P189

plaidant pour le CABINET BITOUN AVOCAT

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Octobre 2010, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Didier PIMOULLE, Président, et Madame Brigitte CHOKRON, conseillère, chargés d'instruire l'affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Didier PIMOULLE, Président

Madame Brigitte CHOKRON, Conseillère

Madame Anne-Marie GABER, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Chaadia GUICHARD

ARRÊT :- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Didier PIMOULLE, président et par Mademoiselle Aurélie GESLIN, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

***

Vu le jugement rendu le 31 octobre 2000 par lequel le tribunal de grande instance de Paris, statuant sur les demandes formées par les consorts [O] à l'encontre de la société LABORATOIRES [Y] INTERNATIONAl, les a déclarées irrecevables comme prescrites par application de l'article 189 bis du Code de commerce en ce qui concerne le produit OESTROGEL mais fondées en leur principe en ce qui concerne la PERCUTALGINE et le PROGESTOGEL et a, en conséquence, ordonné une expertise et condamné la société défenderesse à verser une provision de 1 000 000 de francs à valoir sur le montant des redevances dues pour la commercialisation de ces deux produits à compter du 28 juin 1994 ;

Vu le jugement du 21 janvier 2003 aux termes duquel le tribunal a fixé le montant de ces redevances, pour la période du 28 juin 1994 au 31 juillet 2001, à la somme de 350 514,28 euros au paiement de laquelle il a condamné la société LABORATOIRES [Y] INTERNATIONAL avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation en justice valant mise en demeure ;

Vu l'arrêt du 16 janvier 2004 de la cour d'appel de Paris qui, ayant retenu que le professeur [O] avait aidé à l'étude de l'absorption percutanée des principes actifs couverts par les visas AMM de 1966 et 1971 mais que depuis lors, la société LABORATOIRES [Y] INTERNATIONAL avait, sans la collaboration de ce dernier, apporté à la formulation du PROGESTOGEL et de la PERCUTALGINE des modifications substantielles, justificatrices des nouvelles AMM respectivement obtenues le 14 mai 1990 et le 4 décembre 1997, a, par infirmation des jugements susvisés, constaté la résiliation des contrats signés respectivement le 25 juillet 1956 et le 11 mai 1966 par disparition de leur cause avec effet au 14 mai 1990 pour le PROGESTOGEL et au 4 décembre 1997 pour la PERCUTALGINE et condamné en conséquence les consorts [O] à rembourser, dans les limites de la prescription quinquennale, les redevances indûment perçues ainsi qu'à restituer les sommes reçues au titre de l'exécution provisoire attachée aux jugements dont appel ;

Vu l'arrêt en date du 12 juillet 2006 par lequel la Cour de cassation, après avoir relevé au visa des articles 1131 et 1184 du Code civil que la cour d'appel s'était déterminée par des motifs qui, impropres à caractériser la disparition de la cause de l'obligation, ne pouvaient que conduire à une éventuelle cessation de ses effets, a cassé et annulé dans toutes ses dispositions l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 16 janvier 2004, remis en conséquence les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la présente cour autrement composée ;

Vu la déclaration de saisine après cassation déposée le 14 novembre 2006 par la société LABORATOIRES [Y] INTERNATIONAL ;

Vu l'arrêt avant -dire- droit du 31 octobre 2007 par lequel la cour de céans, tous droits et moyens des parties réservés, a commis un collège d'experts avec mission de lui fournir tous éléments scientifiques et techniques susceptibles de lui permettre d'apprécier la nature de l'intervention du professeur [O] dans la conception, l'élaboration et la mise au point des spécialités PROGESTOGEL et PERCUTALGINE, de lui indiquer si la formulation de ces spécialités a fait l'objet de modifications substantielles imposant la délivrance de nouvelles AMM et, dans cette hypothèse, si ces modifications sont de nature à rendre obsolète l'apport initial du professeur [O] ;

Vu le rapport d'expertise déposé au greffe de la cour le 30 juin 2009 ;

Vu les dernières conclusions de la société LABORATOIRES [Y] INTERNATIONAL (SA), signifiées le 5 octobre 2010 ;

Vu les ultimes écritures des consorts [O], signifiées le 12 octobre 2010 ;

Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 19 octobre 2010 ;

SUR CE, LA COUR ,

Considérant qu'il est expressément renvoyé pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, aux décisions de justice et aux écritures des parties précédemment visées ; qu'il suffit de rappeler que :

- [U] [O], professeur de biochimie à la Faculté de médecine de [Localité 9], décédé en 1978, a réalisé des travaux sur l'administration par la voie percutanée des médicaments en général et des hormones stéroïdes en particulier,

- par contrat conclu en date du 15 juillet 1956, la société LABORATOIRE [P], devenue la société LABORATOIRES [Y]-ISCOVESCO puis la société LABORATOIRES [Y] INTERNATIONAL, ci-après la société [Y], s'est engagée à verser au professeur [O], en contrepartie de son aide pour l'étude et la mise au point des PERCUTACRINES, spécialités pharmaceutiques à base d'hormones stéroïdes se présentant sous forme de solution à usage percutané, une redevance égale à 5% du prix de vente grossiste hors taxes des produits concernés,

- par avenant du 11 mai 1966, les parties ont d'une part, réitéré les engagements contractés le 15 juillet 1956 relativement aux PERCUTACRINES, stipulé d'autre part, au profit du professeur [O] et de ses ayants-droits, une redevance égale à 4% du chiffre d'affaires hors taxes qui sera réalisé sur une spécialité nouvelle, la PERCUTALGINE, précisé enfin, pour le cas où la société LABORATOIRES [Y]-ISCOVESCO concéderait à des tiers étrangers l'exploitation d'un ou plusieurs produits faisant l'objet de l'accord, que des conventions spéciales seraient établies entre les parties en vue de répartir de manière équitable le produit net de ces exploitations,

- le professeur [O], puis ses ayants droits, ont perçu en exécution des conventions précitées des redevances pour la PERCUTALGINE et pour le PROGESTOGEL, objets des visas d'exploitation (ancienne dénomination de l'AMM) respectivement délivrés le 3 février 1966 et le 9 septembre 1971,

- la société [Y] ayant cessé à compter du 1er octobre 1998 de verser les redevances liées à la commercialisation de ces deux produits, [I] [X] veuve [O], [C] [O] épouse [R], [Z] [O] épouse [A], [F] [O] et [J] [O], ayants-droits de [U] [O], ci-après les consorts [O], ont par assignation du 28 juin 1999 introduit la présente instance en paiement des redevances pour l'exploitation en France et à l'étranger de l'OESTROGEL, de la PERCUTALGINE et du PROGESTOGEL ;

Sur la demande relative à l'OESTROGEL,

Considérant que les consorts [O] font grief à la société [Y] de n'avoir payé aucune redevance sur les recettes dégagées par les ventes de l'OESTROGEL, en dépit des réclamations du professeur [O] en 1975 et de sa veuve en 1995 ;

Que la société [Y] fait valoir, pour contester devoir payer une quelconque redevance au titre de l'OESTROGEl, que la demande est mal fondée au regard des contrats de 1956 et 1966 et qu'elle est en toute hypothèse couverte par la prescription de 10 ans prévue à l'article 189 bis du Code de commerce pour les créances d'un non-commerçant à l'égard d'un commerçant ;

Considérant que la cour observe, à l'instar du tribunal, que l'OESTROGEL, spécialité pharmaceutique à base d'oestradiol, dont le visa d'exploitation a été obtenu en 1974, ne figure pas au nombre des spécialités pharmaceutiques citées au contrat du 15 juillet 1956 comme relevant des PERCUTACRINES, qu'il n'est pas davantage visé par l'avenant du 11 mai 1966 qui concerne, outre les PERCUTACRINES pour lesquelles sont confirmés les engagements contractuels du 15 juillet 1956, la PERCUTALGINE, une nouvelle spécialité issue de la collaboration entre le professeur [O] et les LABORATOIRES [Y]-ISCOVESCO ;

Or considérant qu'il est spécifié à l'acte du 15 juillet 1956 que le présent accord s'étendra automatiquement à tous les autres produits pour lesquels M. [O] aura apporté son concours dans les mêmes conditions .

L'extension du présent accord pourra se faire par simple lettre entre le LABORATOIRE [P] et M. [O]. ;

Et que force est de constater que les consorts [O] ne sont en mesure de justifier ni d'une participation du professeur [O] à la mise au point de l'OESTROGEL, ni d'un accord contractuel entre les parties relativement à cette spécialité ;

Que s'il ressort en effet des lettres adressées les 11 et 18 mars 1970 à [H] [E] des Laboratoires [Y]-ISCOVESCO, que le professeur [O] expérimentait des percutacrines à base d'oestradiol et de la lettre du 8 mai 1970 destinée à [B] [Y], qu'il poursuivait des recherches sur l'action comparée de l'oestradiol, de l'éthinyl-oestradiol et d'un ether-oxyde de ces deux oestrogènes, ces mêmes correspondances établissent que les parties ne sont pas parvenues à se mettre d'accord sur les modalités de leur collaboration, la société [Y]-ISCOVESCO n'ayant pas obtenu du professeur [O] qu'il consente à lui réserver l'exclusivité de toute nouvelle spécialité et le professeur [O] n'ayant pas obtenu de la société [Y]-ISCOVESCO qu'elle lui garantisse l'exclusivité pour toute modification à apporter aux spécialités déjà existantes, à savoir notamment les PERCUTACRINES ;

Qu'il est dit ainsi dans la lettre du 11 mars 1970 : Il est bien évident que les PERCUTACRINES, à l'exception de la PERCUTALGINE, qui ont été mises au point il y a presque un quart de siècle, doivent être modifiées tant dans leur formule que dans leur conditionnement . (...) Si je n'ai pas la compétence requise pour remanier la composition des PERCUTACRINES, je ne vois pas pourquoi M. [Y] me demande l'exclusivité pour les produits à action percutanée . Une telle exigence doit avoir pour contrepartie l'exclusivité de la modification des formules actuelles et, dans le lettre du 8 mai 1970 : le texte que vous me proposez pour réserver à votre société l'exclusivité de l'exploitation de toute nouvelle spécialité endocrinienne par voie percutanée me paraît devoir être modifié ;

Que c'est dans ces circonstances que le professeur [O] a élaboré un projet d' 'additif au contrat établi le 11 mai 1966" , joint à sa lettre du 8 mai 1970 et rédigé dans les termes suivants :

1° - Sur la demande de la société [Y]-ISCOVESCO, le professeur [O] accepte de réserver à cette société l'exclusivité de l'exploitation de spécialités ayant une action par voie percutanée à base d'oestrogènes, d'androgènes, de gestagènes et de corticoïdes qu'il pourrait mettre au point .

2°- Par réciprocité, la société [Y]-ISCOVESCO s'engage à ne pas exploiter de nouvelles spécialités susceptibles de remplacer les PERCUTACRINES (...) , qui seraient mises au point par un tiers. Compte tenu de la compétence du professeur [O] dans l'hormonothérapie par voie percutanée, la société [Y]-ISCOVESCO s'engage à lui accorder l'exclusivité pour transformer ou modifier les PERCUTACRINES en cours d'exploitation, les deux parties reconnaissent en effet que la formule de ces PERCUTACRINES doit être modifiée ;

Qu'il n'est pas établi qu'un tel projet ait connu aucune suite ;

Considérant qu'il résulte par ailleurs des lettres respectivement en date du 6 octobre 1975 et du 16 octobre 1975 par lesquelles le professeur [O] fait observer à [B] [Y] qu'il avait suggéré depuis plusieurs années un produit nouveau où l'éthinyl oestradiol serait remplacé par l'oestradiol et qu 'il se bat depuis 10 ans pour une Percutacrine à base d'oestradiol dont (j'ai ) établi la formule, que le professeur [O] a effectivement proposé sa collaboration pour la réalisation d'une spécialité nouvelle à base d'oestradiol mais que la société [Y] -[P] ne l'a pas pour autant acceptée ;

Considérant qu'il doit être enfin relevé que le professeur [O], décédé en 1978, n'a jamais revendiqué de redevances pour l'OESTROGEL, exploité depuis 1974, et que la première réclamation émise à ce titre date d'une lettre recommandée de sa veuve du 31 octobre 1995 ;

Que cette constatation, outre qu'elle tend à confirmer que le professeur [O] n'a pas participé à la mise au point de l'OESTROGEL, vient affaiblir de plus fort la prétention des consorts [O] en présence de stipulations contractuelles selon lesquelles en cas de décès de M. [O], le présent accord reste valable entre la société et les héritiers ou représentants de M.[O] pour tous les produits à raison desquels la redevance a été versée au moment du décès ;

Qu'il s'ensuit de l'ensemble de ces éléments que la demande des consorts [O] est dénuée de fondement en ce qu'elle porte sur l'OESTROGEL ;

Sur la demande relative aux licences concédées à l'étranger,

Considérant que les consorts [O] font grief à la société [Y] de ne leur avoir communiqué aucun compte ni versé aucune redevance au titre des contrats de licence concédés à des tiers pour une exploitation des produits à l'étranger ;

Considérant qu'il est énoncé à l'article 5 du contrat du 11 mai 1966 : Si les LABORATOIRES [Y]-ISCOVESCO concédaient à des tiers étrangers l'exploitation d'un ou plusieurs produits faisant l'objet du présent accord, des conventions spéciales seraient établies entre les parties en vue de répartir de manière équitable le produit net de ces exploitations ;

Or considérant qu'il n'est pas démenti que le professeur [O] n'est signataire d'aucune convention spéciale telle que visée aux stipulations précitées, qu'il n'est pas davantage justifié qu'il ait soulevé une quelconque réclamation au titre de licences d'exploitation concédées à l'étranger ;

Qu'il en résulte que la demande formée de ce chef par les consorts [O] n'est pas fondée ;

Sur les demandes relatives à la PERCUTALGINE et au PROGESTOGEL,

Considérant que la cour de céans a ordonné, avant- dire-droit sur les demandes concernant la PERCUTALGINE et le PROGESTOGEL, une mesure d'expertise dont l'objet a été précédemment rappelé ;

- sur la demande en annulation du rapport d'expertise,

Considérant que les consorts [O], au terme d'une succession de dire et constater qui ne sauraient constituer des prétentions au sens de l'article 4 du Code de procédure civile, concluent à l'annulation du rapport d'expertise en invoquant pour l'essentiel la partialité des experts et l'atteinte au principe de la contradiction ;

Considérant qu'il doit être à cet égard précisé que la mission d'expertise, certes initialement confiée à un collège de trois experts, a été réalisée en définitive par deux experts, les docteurs [W] et [G], sur autorisation du magistrat chargé du contrôle de la mesure qui prenait acte du départ à la retraite du docteur [T] et de l'empêchement du docteur [M] désigné en remplacement du précité ; qu'une telle décision destinée, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, à ne pas retarder inconsidérément le cours des opérations, ne saurait être de nature à causer un préjudice aux consorts [O] ;

Qu'il est par ailleurs relevé que les experts ont mené leurs opérations dans le parfait respect du principe du contradictoire en procédant à deux réunions d'expertise respectivement organisées le 31 janvier 2008 et le 17 juin 2008 en présence des conseils des parties dûment convoqués, en établissant à la suite de ces réunions des comptes-rendu qui n'ont soulevé aucune contestation, en veillant à l'échange de l'ensemble des pièces, en répondant à chacun des dires, en adressant un pré-rapport le 26 mai 2009 et en laissant aux parties un délai suffisant, jusqu'au 27 juin 2009, pour formuler des observations avant le dépôt du rapport définitif prévu pour le 30 juin 2009 ;

Qu'il est enfin constaté, à l'examen du rapport, que les experts ont, dans des conditions exclusives de partialité, proposé dans les strictes limites de la mission impartie des conclusions claires et circonstanciées reposant sur une observation honnête et rigoureuse des éléments soumis à leur appréciation ;

Que, par voie de conséquence, la demande en annulation du rapport d'expertise n'est pas justifiée ;

- sur le fond,

Considérant que pour contester devoir payer indéfiniment aux ayants-droit du professeur [O] des redevances au titre de l'exploitation de la PERCUTALGINE et du PROGESTOGEL, la société [Y] soutient que les engagements du 15 juillet 1956 et du 11 mai 1966 sont caducs dès lors que l'aide du professeur [O], en contrepartie de laquelle ils ont été contractés, est devenue obsolète et a cessé de produire ses effets ;

Qu'elle fait valoir à cet égard que des modifications substantielles ont été apportées à la formulation initiale des spécialités en cause, rendues nécessaires pour remédier notamment à des phénomènes de cristallisation et d'instabilité mis en évidence postérieurement au décès du professeur [O] et pour répondre aux exigences réglementaires de qualité et d'efficacité des médicaments ; que ces modifications galéniques, sans lesquelles les produits auraient été retirés du marché, ont justifié la réalisation de nouvelles études sur le passage percutané et l'obtention de nouvelles AMM venant les valider ;

Qu'elle conclut en conséquence à la caducité des contrats signés avec le professeur [O] à compter de la date de délivrance des nouvelles AMM pour les spécialités concernées soit le 14 mai 1990 pour le PROGESTOGEL et le 4 décembre 1997 pour la PERCUTALGINE ;

Considérant que les consorts [O] prétendent à l'inverse que les accords contractuels de 1956 et 1966 sont toujours en vigueur ; que la contrepartie des redevances contractuelles est l'aide apportée ab initio par leur ayant cause dans la conception et la formulation des produits en cause ; que cette aide produit nécessairement ses effets dès lors qu'elle a été décisive pour la réalisation de ces produits ; que la stipulation selon laquelle les redevances seront dues pendant la durée d'exploitation ne concerne que la modalité de calcul de cette rémunération qui est due nonobstant les modifications intervenues dans la formulation galénique, au demeurant accessoires, puisque les mêmes principes actifs ont été conservés ;

Or considérant que la solution du litige impose de déterminer au préalable la portée des accords contractuels de 1956 et de 1966 ;

Qu'il doit être à cet égard relevé que le contrat du 15 juillet 1956 indique dans son préambule que la société LABORATOIRE [P] a été informée par [B] [P], fondateur du LABORATOIRE [P], de l'aide apportée par le professeur [O] dans la mise aux point des formules applicables auxdites marques (les PERCUTACRINES) en raison de laquelle ce dernier avait droit à une redevance sur la vente desdits produits ;

Qu'il ajoute, ceci exposé, que les parties ont arrêté ce qui suit : En raison de l'aide apportée par M.[O] tant à M.[P] personnellement pour l'étude et la mise au point des marques ci-dessous mentionnées, qu'à la société LABORATOIRE [P], licenciée desdites marques pour lesdites fabrications, la société LABORATOIRE [P] versera à M.[O] une redevance égale à 5% du prix de vente desdits produits vendus sous les différentes marques énumérées ci-dessous (...);

Que le contrat du 11 mai 1966 indique qu'il est à nouveau précisé qu'en contrepartie de sa participation à la mise au point des spécialités pharmaceutiques (PERCUTACRINES) actuellement exploitées par les LABORATOIRES [Y]-ISCOVESCO, ces derniers réserveront au docteur [O] une redevance de 5% (...) , que le montant de cette redevance sera de 4% pour la PERCUTALGINE et conclut in fine que Le présent contrat restera valable tant que durera l'exploitation des spécialités faisant l'objet de la présente convention. Il engage les parties et leurs ayant-droits ;

Considérant qu'il s'infère de ces énonciations claires et précises que le professeur [O] est rémunéré en contrepartie de l'aide apportée à la mise au point des formules des spécialités pharmaceutiques concernées ;

Que force est de relever que les parties ont utilisé pour définir l'apport du professeur [O] les termes d'aide et de participation ce qui signifie que les réalisations obtenues ne lui reviennent pas à titre exclusif et qu'elles n'ont pas crû devoir qualifier l'aide ou la participation apportée de décisive ou de fondamentale à l'instar de ce qu'affirment aujourd'hui les consorts [O] ;

Qu'il est constaté enfin que les parties ont lié la durée de validité du contrat à la durée de l'exploitation des spécialités qui en sont l'objet ;

Considérant qu'il résulte des conclusions expertales, qui ne sont sur ce point aucunement démenties par les expertises amiables réalisées pour le compte des consorts [O], que les formules initiales induisaient pour la PERCUTALGINE un phénomène d'instabilité physico-chimiques et pour le PROGESTOGEL un phénomène de cristallisation du principe actif, responsables d'une perte d'efficacité thérapeutique de ces médicaments en conséquence de la dégradation des principes actifs générées par ces réactions ; que les excipients composants les produits en cause ont dû être soit supprimés, soit remplacés, soit dosés différemment de sorte que la formulation galénique des produits en cause telle qu'elle a été validée par la délivrance de nouvelles AMM, ne correspond plus à la formule princeps ; que les modifications apportées aux excipients sont substantielles dès lors que ces excipients participent à la mise en solution du principe actif et tiennent par voie de conséquence un rôle essentiel dans l'absorption percutanée du principe actif et par là-même dans l'efficacité thérapeutique du médicament ;

Qu'il s'ensuit que les consorts [O] ne sont pas fondés à soutenir que les modifications apportées aux produits concernés sont accessoires dès lors que sont conservés les mêmes principes actifs, l'activité thérapeutique de ces principes actifs étant précisément liée à la qualité des excipients qui les véhiculent ;

Que force est de relever au demeurant qu'il n'a jamais été prétendu que le professeur [O] serait l'inventeur des principes actifs concernés, la progestérone pour le PROGESTOGEL et la dexamethasone pour la PERCUTALGINE ;

Que la contribution qui lui appartient a consisté ainsi qu'il est dit aux contrats dans la mise au point des formules applicables aux produits en cause ;

Or considérant qu'il s'infère des éléments qui précèdent que les formules des spécialités en cause ont connu après le décès du professeur [O] des modifications substantielles imposées par les exigences de qualité et d'efficacité requises d'un médicament ;

Et que par suite des ces modifications, les produits exploités en vertu des AMM respectivement délivrées en 1990 et 1997 ne correspondent plus aux spécialités à la mise au point desquelles a participé le professeur [O] et visées par les accords contractuels ;

Que par voie de conséquence, et en application des stipulations précédemment évoquées selon lesquelles le contrat restera valable tant que durera l'exploitation des spécialités qui en sont l'objet, les accords contractuels de 1956 et de 1966 cessent de produire leurs effets à compter du 14 mai 1990 pour le PROGESTOGEL et à compter du 4 décembre 1997 pour la PERCUTALGINE ;

Considérant que les comptes entre les parties seront réglés dans les termes du dispositif ci-après ;

PAR CES MOTIFS,

Infirme les jugements déférés,

Déboute les consorts [O] de toutes leurs demandes,

Les condamne in solidum à rembourser à la société LABORATOIRES [Y] INTERNATIONAL les redevances indûment perçues à compter du 14 mai 1990 pour le PROGESTOGEL et à compter du 4 décembre 1997 pour la PERCUTALGINE, avec intérêts légaux à compter du 28 juin 1999 date de l'assignation en justice valant mise en demeure,

Les condamne in solidum à restituer à la société LABORATOIRES [Y] INTERNATIONAL les sommes perçues au titre de l'exécution provisoire attachée aux jugements dont appel, avec intérêts légaux à compter du présent arrêt,

Les condamne in solidum aux dépens de première instance et d'appel qui seront pour ces derniers recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile et à verser à la société LABORATOIRES [Y] INTERNATIONAL une indemnité de 20 000 euros au titre des frais irrépétibles .

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 06/20557
Date de la décision : 08/12/2010

Références :

Cour d'appel de Paris I1, arrêt n°06/20557 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-12-08;06.20557 ?
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