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19/01/2011 | FRANCE | N°08/18806

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 2, 19 janvier 2011, 08/18806


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 2



ARRÊT DU 19 JANVIER 2011





( n° , 6 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : 08/18806



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Septembre 2008 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 06/14213





APPELANTS



Etablissement Public SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANCAIS agissant poursuites e

t diligences de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par la SCP ALAIN RIBAUT ET VINCENT RIBAUT, avoués à la Cour,

assisté de Maître Philippe CHAULET, avocat ...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 2

ARRÊT DU 19 JANVIER 2011

( n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 08/18806

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Septembre 2008 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 06/14213

APPELANTS

Etablissement Public SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANCAIS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par la SCP ALAIN RIBAUT ET VINCENT RIBAUT, avoués à la Cour,

assisté de Maître Philippe CHAULET, avocat au barreau de Paris.

Etablissement Public RESEAU FERRE DE FRANCE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

[Adresse 5]

[Localité 3]

représenté par la SCP ALAIN RIBAUT ET VINCENT RIBAUT, avoués à la Cour,

assisté de Maître Philippe CHAULET, avocat au barreau de Paris.

INTIMEE

SA CHENEVILLE

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentée par la SCP MENARD SCELLE MILLET, avoués à la Cour,

assistée de Maître Olivier RAPINI, avocat au barreau de Paris.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 février 2010, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Paule RAVANEL, conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean DUSSARD, président

Madame Marie-Paule RAVANEL, conseiller

Madame Anne BOULANGER, conseiller

Greffier, lors des débats : Monsieur N'GUYEN

ARRET :

- Contradictoire.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jean DUSSARD, président et par Monsieur Dominique FENOGLI , greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La SA Cheneville exploite un magasin Intermarché [Adresse 1] .

L'ensemble commercial dispose d'un parking situé en contrebas de la voie ferrée.

Se plaignant de la chute de terre du remblai non stabilisé sur son parking, le rendant ainsi pour partie inutilisable, la SA Cheneville a obtenu une expertise du juge administratif.

Monsieur [V] a été désigné comme expert par ordonnance de référé du 21 août 1995.

Il a déposé son rapport le 19 avril 1996.

La SA Cheneville a saisi le tribunal administratif de Paris aux fins de voir la SNCF condamnée à lui payer 4 MF à défaut par celle-ci de réaliser les travaux préconisés par l'expert, ainsi que 14 575 000 francs au titre du trouble commercial.

Par jugement du 19 février 2003, le tribunal administratif a rejeté ces demandes.

Sur la requête de la SA Cheneville , la cour administrative d'appel de Paris, par arrêt du 26 juin 2006 a :

- annulé le jugement du tribunal administratif en ce qu'il avait rejeté les conclusions indemnitaires de l'appelante portant sur la somme de 4 millions d'euros,

- condamné la Société Nationale des Chemins de Fer français à payer à la Société Cheneville :

* une indemnité de 10 000 euros,

* 1 500 euros en application de l'article L 761-1 du code de justice administrative,

- rejeté le surplus de la requête de la Société Cheneville.

La Société a alors saisi le Tribunal de Grande Instance de Bobigny aux fins de voir constater l'emprise et de voir condamner in solidum la SNCF et le Réseau Ferré de France (RFF) à mettre fin à cette emprise en réalisant à leurs frais un mur de soutènement en prolongement de l'existant, situé en limite de propriété, sous astreinte.

Par jugement du 15 septembre 2008, le Tribunal de Grande Instance de Bobigny a :

- constaté l'emprise illicite sur le terrain de la Société Cheneville,

- dut que la SNCF et le Réseau Ferré de France sont responsables in solidum de cette emprise,

- condamné in solidum la sncf et le RFF à mettre fin à cette emprise en réalisant un mur de soutènement en prolongement de celui qui existe déjà, situé en limite de propriété de Réseau Ferré de France, à leur frais,

- dit qu'à défaut d'exécution spontanée des travaux, la SNCF et le RFF seront redevables in solidum envers la société Cheneville d'une astreinte de 500 euros par jour de retard, commençant à courir à compter du 1er jour du 5ème mois suivant la signification du jugement,

- ordonné l'exécution provisoire.

La Cour est saisie de l'appel contre cette décision.

Vu la déclaration d'appel du 3 octobre 2008,

Vu les conclusions :

- de la SA Cheneville du 6 novembre 2009,

- de la Société Nationale des Chemins de Fer Français et de Réseau Ferré de France du 13 janvier 2010.

SUR CE, LA COUR,

Les appelantes concluent, in limine litis, à l'incompétence des tribunaux de l'ordre judiciaire au profit des juridictions de l'ordre administratif.

Elle soutiennent que nulle prise de possession de la propriété Cheneville ne peut leur être reprochée, mais seulement un dommage causé par l'existence et le fonctionnement d'un ouvrage public, de la seule compétence administrative.

Il ressort du rapport d'expertise de Monsieur [V] que le terrain exploité par la Société Cheneville est contigu à la plate-forme des voies de la ligne de [Localité 7] à [Localité 8].

L'ensemble des constructions a été réalisé en aménageant un espace de servitude de 2 mètres de largeur par rapport à la limite de la plate-forme de la SNCF, également limite de propriété.

Le permis de construire a été délivré le 14 septembre 1984 avec avis favorable de la SNCF.

Celle-ci a proposé, selon un protocole du 4 mars 1985, à la SCI Véric, aux droits de qui se trouve Chéeneville, d'exécuter un mur de soutènement dans la zone litigieuse, ce que la SCI Véric a refusé.

L'expert a constaté que sur environ 13 mètres en partant du mur de soutènement existant, se trouve un talus en sable et graviers dont la base s'étale sur environ 4 à 5 mètres dans la propriété exploitée par la société Cheneville et qu'au-delà, existe un talus, plus ou moins stabilisé au grave ciments, très raviné par les eaux de ruissellement, dépassant la limite du couloir de servitude.

Il déclare :

' En fait, il n'y a pas de désordres à proprement parler, ni de risque d'effondrement présentant un danger pour les riverains. Mais incontestablement, un empiètement de l'ordre de 4 m à 5 m, constituant la base du talus SNCF qui, au fur et à mesure des engraissements apportés par le service de l'équipement de la SNCF, se stabilise selon un angle de talus naturel.'

Il retient la gêne d'exploitation, l'existence de réactions d'inquiétude chez les usagers et rappelle que dans sa proposition du protocole du 4 mars 1985, la SNCF avait admis implicitement la nécessité d'un mur de soutènement en limite de propriété, ouvrage réalisable, qui permettrait la suppression des talus, donc du litige, dont il préconise l'exécution.

L'emprise irrégulière est caractérisée, tant à la lecture du rapport d'expertise qu'au vu des propositions faites par l'exploitant de la voie ferrés sur la construction d'un mur de soutènement à l'endroit litigieux.

Les appelants soutiennent que le préalable indispensable de reconnaissance de l'emprise par le juge administratif n'est pas rempli, le juge judiciaire n'ayant pas compétence pour constater l'emprise.

L'arrêt rendu par la cour administrative d'appel déclare qu'il n'appartient qu'aux tribunaux judiciaires de connaître de la demande d'indemnité à raison du préjudice causé par une emprise irrégulière et que à supposer que la construction d'un mur de soutènement puisse être regardée comme un élément constitutif de dommage, le préjudice allégué est dépourvu de caractère certain, dès lors que la société Cheneville n'établit pas par la production de devis que le projet serait techniquement réalisable, ce qui ne saurait résulter du rapport de l'expert qui n'a fait que proposer des solutions sans les approfondir ni que le montant de l'opération s'élèverait à la somme demandée.

La Cour administrative d'appel a condamné la SNCF à payer une indemnité de 10 000 euros à la société Cheneville au titre de la privation de jouissance de cinq places de parking tout en déclarant que la société n'établissait pas la réalité du préjudice commercial allégué du fait de la perte de chiffre d'affaires consécutive à la privation des cinq places de parking.

Il ressort de la motivation e la Cour administrative d'appel :

' qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert nommé par ordonnance de référé du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris, que le talus bordant la plate-forme des voies SNCF jouxtant le terrain appartenant à la Société Cheneville, qui exploite un magasin d'alimentation sous l'enseigne Intermarché, s'étale, par suite des engraissements successifs apportés par le service de l'équipement de la SNCF, sur une longueur de 13 mètres et une largeur d'environ quatre à cinq mètres dans la propriété de cette dernière'.

Cette motivation établit sans équivoque la nature d'emprise irrégulière des empiétements de terrain causés par la SNCF.

Dès lors, la juridiction judiciaire est-elle compétente pour statuer sur les demandes de la Société Cheneville.

La réalisation d'un mur de soutènement demandée, à titre principal, constitue la demande de réalisation d'un ouvrage public. Le juge judiciaire n'était pas compétent pour ordonner l'exécution forcée de ces travaux. Le jugement est infirmé de ce chef.

L'autorité judiciaire, si elle n'a pas compétence pour donner une injonction à la SNCF pour faire cesser l'emprise irrégulière a, toutefois, celle d'indemniser par équivalent le préjudice de la Société Cheneville.

En l'espèce, la SNCF et le Réseau Ferré de France soutiennent que la Société Cheneville a été indemnisée du préjudice de jouissance résultant de l'empiétement du talus de la SNCF sur sa propriété par la juridiction administrative et ne peut donc solliciter pour ce même empiétement une indemnisation devant la juridiction de l'ordre judiciaire.

L'indemnité de 10 000 euros accordée par la Cour administrative d'appel de Paris l'a été au titre de la demande pour préjudice commercial subi.

Il appartient à la présente juridiction de statuer sur l'indemnité due pour la dépossession d'une partie du bien qui occasionne un préjudice important à la Société Cheneville, à la fois du fait des places de stationnement neutralisées et de la diminution de valeur de l'ensemble , en cas de revente.

Compte tenu de ces éléments, la Cour fixera à 500 000 euros le montant des dommages et intérêts que la SNCF et le Réseau Ferré de France seront condamnés in solidum à payer à la Société Cheneville.

Il apparaît inéquitable de laisser à cette dernière la charge de la totalité de ses frais irrépétibles et la SNCF et le RFF seront condamnés in solidum à lui payer la somme de 7 000 euros au titre de ses frais irrépétibles.

Les demandes des appelantes seront rejetées.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

INFIRME le jugement en qu'il a ordonné l'exécution forcée de travaux de réalisation d'un mur de soutènement,

Statuant à nouveau de ce chef :

RENVOIE la société Cheneville à mieux se pourvoir,

CONDAMNE in solidum la Société Nationale des Chemins de Fer Français et le Réseau Ferré de France à payer 500 000 euros à la SA Cheneville à titre de dommages et intérêts ainsi que 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE les demandes autres, plus amples ou contraires,

CONDAMNE la SNCF et le RFF aux dépens de première instance et d'appel,

DIT qu'ils seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,

Dominique FENOGLI Jean DUSSARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 08/18806
Date de la décision : 19/01/2011

Références :

Cour d'appel de Paris G2, arrêt n°08/18806 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-01-19;08.18806 ?
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