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19/01/2011 | FRANCE | N°09/04008

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 19 janvier 2011, 09/04008


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 19 Janvier 2011

(n° 12 , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/04008-CR



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Mars 2009 par le conseil de prud'hommes de PARIS section Encadrement RG n° 07/09878





APPELANTE

Mademoiselle [P] [W]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Anne-laure REVEILHAC DE MAULMONT, avocat au

barreau de PARIS, toque : C0786 substitué par Me Aurélien ASCHER, avocat au barreau de PARIS,





INTIMÉE

SAS JEMS (anciennement ELMARK)

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 19 Janvier 2011

(n° 12 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/04008-CR

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Mars 2009 par le conseil de prud'hommes de PARIS section Encadrement RG n° 07/09878

APPELANTE

Mademoiselle [P] [W]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Anne-laure REVEILHAC DE MAULMONT, avocat au barreau de PARIS, toque : C0786 substitué par Me Aurélien ASCHER, avocat au barreau de PARIS,

INTIMÉE

SAS JEMS (anciennement ELMARK)

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Marilyn HAGÈGE, avocat au barreau de PARIS, toque : D0139

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Décembre 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Claudine ROYER, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Patrice MORTUREUX DE FAUDOAS, Président

Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Conseillère

Madame Claudine ROYER, Conseillère

Greffier : Evelyne MUDRY, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Patrice MORTUREUX DE FAUDOAS, Président et par Evelyne MUDRY, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

Par jugement de départage du 23 mars 2009 auquel la Cour se réfère pour l'exposé des faits, de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de PARIS a :

- débouté Mademoiselle [W] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société ELMARK de ses demandes reconventionnelles,

- laissé les dépens à la charge de Mademoiselle [W].

Mademoiselle [P] [W] a relevé appel de ce jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour le 10 avril 2009.

Vu les conclusions régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 1er décembre 2010, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens et arguments aux termes desquelles Mademoiselle [P] [W] demande à la Cour de :

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en jugeant que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamner la SAS JEMS à lui payer les sommes suivantes :

* 50000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 10000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l'atteinte à la vie privée dont elle a été victime,

* 10000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

* 9648 euros au titre de l'indemnité de préavis, outre les congés payés afférents à hauteur de 964 euros moyennant les intérêts légaux à compter de la demande, soit le 14 septembre 2007,

* 4198, 66 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, moyennant les intérêts légaux à compter de l'introduction de la demande,

* 415,38 euros au titre de la période de mise à pied conservatoire outre les congés payés afférents à hauteur de 41,54 euros moyennant les intérêts légaux à compter de l'introduction de la demande,

* 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance ;

Vu les conclusions régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 1er décembre 2010, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens et arguments aux termes desquelles la SAS JEMS venant aux droits de la SAS ELMARK demande à la Cour de :

- confirmer le jugement dont appel,

en conséquence,

- dire et juger que le mode de preuve est licite,

- dire et juger que le licenciement de Mademoiselle [W] repose sur une faute grave,

- débouter en conséquence Mademoiselle [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de la société JEMS,

- condamner Mademoiselle [W] à lui verser la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mademoiselle [W] aux entiers dépens ;

MOTIFS

Suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps plein du 27 novembre 2003, Mademoiselle [P] [W] a été embauchée à compter du 2 décembre 2003 par la société JEMS PARTNERS, en qualité de chargée de recrutement, (statut cadre, position 2, coefficient 115 de la convention collective SYNTEC). Ce contrat de travail a été transféré à compter du 1er juillet 2005 à la SA ELMARK aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la SAS JEMS.

Le 16 avril 2007, Mademoiselle [W] a fait l'objet d'un avertissement pour non respect des horaires et retards. Le 4 juillet 2007, elle a reçu un nouvel avertissement pour attitude désinvolte, insubordination et détérioration de la qualité de son travail et des résultats.

Le 10 juillet 2007, Mademoiselle [W] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 7 août 2007 avec mise à pied conservatoire jusqu'au 13 juillet 2007. Puis elle a été licenciée par lettre du 10 août 2007 pour faute grave en ces termes :

« (...) Nous avons découvert le 6 juillet 2007, que vous avez tenu des propos injurieux dénigrant vos collègues, votre hiérarchie et l'entreprise , à de multiples reprises, par exemple:

- le 3/07/2007 à propos de [N] [J], votre collègue chargée de recrutement, vous l'avez dénommée « la merdeuse »

- le 27/06/2007 à propos de l'entreprise, vous avez dit « c'est le KGB ici »

- le 16/05/2007 à propos de [H] [F], votre responsable directe, directrice d'agence, vous l'avez dénommée « la gouine »,

- le 29/03/2007 à propos d'[O] [C], directeur associé, vous l'avez dénommé « l'enculé en chef ».

Outre le caractère injurieux de ces propos, ils constituent des cas de dénigrement avérés, et sont d'une extrême gravité, dans le cadre d'une entreprise de la taille de la nôtre, et venant d'une personne exerçant des fonctions directement impliquées dans les Ressources Humaines.

Nous avions déjà remarqué et sanctionné votre détachement à l'égard des règles de fonctionnement de notre société et de nos instructions de travail: le mépris manifesté à l'encontre de l'ensemble de l'entreprise est de même nature que votre irrespect des méthodes de travail.

Nous comprenons désormais pourquoi le contexte général du service recrutement dont vous êtes un élément significatif est tellement détérioré.

L'ambiance que vous faites régner, incompatible avec les relations de travail sereines nécessaires à l'exécution de cette fonction explique que les objectifs fixés ne puissent pas être atteints, causant ainsi un grave préjudice à l'entreprise.

Au cours de l'entretien, votre réponse se bornant à nier en bloc nos propos, alors que nous en détenons les preuves formelles ne nous laisse aucun espoir d'amendement.

En conséquence, nous sommes contraints de prononcer votre licenciement pour faute grave, ces faits rendant impossible votre maintien dans la société durant le préavis.(...) »

Contestant son licenciement, Mademoiselle [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris qui a rendu la décision déférée.

Sur le bien-fondé du licenciement

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits, imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis sans risque de compromettre les intérêts légitimes de l'employeur. Il appartient à ce dernier, qui s'est placé sur le terrain disciplinaire, de prouver les faits fautifs invoqués dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, et de démontrer en quoi ils rendaient immédiatement impossible le maintien du salarié dans l'entreprise .

En l'espèce selon la lettre de licenciement , il est reproché à Mademoiselle [W] d'avoir tenu des propos dénigrants et injurieux à l'encontre de ses collègues, de sa hiérarchie et de l'entreprise.

Mademoiselle [W] prétend que la preuve des faits allégués, qui repose sur des courriels personnels échangés avec sa collègue [A] [B], a été obtenue par une véritable fouille de l'ordinateur de Mademoiselle [B], absente le 4 juillet 2007.

La Société JEMS indique avoir eu connaissance des faits fautifs, non par les mails eux-mêmes mais par la relation précise de leur contenu par Madame [F], laquelle avait elle-même été autorisée par Madame [A] [B] à consulter son ordinateur en son absence.

Il ressort des pièces versées aux débats que les propos qualifiés de « dénigrants et injurieux » résultent d'une correspondance échangée entre Mesdames [B] et [W] sur leurs ordinateurs par messagerie électronique ; que Madame [F], indique dans une attestation du 28 juillet 2008 avoir été autorisée par Madame [B] à prendre connaissance de ces mails directement sur son poste et en garder une trace; que cette allégation est cependant formellement contredite par Madame [A] [B] qui a toujours affirmé (courrier du 6 septembre 2008, attestation du 1er février 2009) n'avoir jamais divulgué la teneur de ces courriers, qui étaient d'ordre privé, ainsi que l'a relevé le juge départiteur.

L'attestation du 16 février 2009 de Monsieur [O] [C], Directeur associé, déclarant que Madame [B] avait formellement autorisé Madame [F], cadre commercial, à récupérer sur sa messagerie les mails envoyés par Madame [W] ne peut être prise en compte, Monsieur [C], auteur de la lettre de licenciement, ne pouvant se faire de preuve à lui-même. De même cette attestation ne peut pour les mêmes motifs être prise en compte pour démontrer le caractère mensonger de l'attestation de Monsieur [U] [Y], ingénieur d'affaires, du 4 septembre 2007 affirmant avoir été chargé mi-avril 2007 de « noter tout ce qui éventuellement pourrait ne pas aller dans le travail d'[P] [W] » ; qu'il y avait eu un « défilé de candidates pour un poste de chargé de recrutement » ; que le 15 mai 2007, le bureau d'[P] [W] avait été fouillé par la direction en son absence pendant qu'elle faisait passer des entretiens à l'extérieur ; que fin avril 2007 Monsieur [C] lui avait dit de se méfier de Mademoiselle [W] « manipulatrice dangereuse dans la société » et lui avait confié « s'être procuré des preuves illégalement de cette affirmation ». Et les attestations produites par l'employeur faisant état d'un prétendu harcèlement de Madame [W], sont inopérantes à prouver les propos dénigrants et injurieux, observation étant faite que la lettre de licenciement n'invoque pas de faits de harcèlement dont [P] [W] aurait été l'auteur.

Compte tenu de ces éléments, la société JEMS n'établit pas avoir obtenu par des moyens licites les mails recueillis sur la messagerie de Madame [B].

Dans ces conditions, la preuve des propos dénigrants et injurieux, obtenus par des moyens illicites, ne peut servir à établir la faute grave invoquée dans la lettre de licenciement. Le licenciement sera donc déclaré sans cause réelle et sérieuse.

Par ailleurs, il résulte du compte rendu d'entretien préalable et de l'attestation du conseiller de la salariée, Monsieur [D] (pièces 19 et 20) que l'employeur (Monsieur [C]) n'a jamais précisé explicitement pendant l'entretien préalable les « dénigrements » reprochés à Mademoiselle [W] ; qu'il n'a pas voulu produire les mails et témoignages sur lesquels il s'appuyait.

Il y a donc lieu d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu que Société ELMARK n'avait pas usé d'un moyen de preuve déloyal et que les propos de la salarié justifiaient qu'il soit mis fin au contrat sans respect du préavis.

Sur les demandes de Mademoiselle [W]

Le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, Mademoiselle [W] est en droit de prétendre aux indemnités de rupture et à dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Compte tenu des éléments justificatifs versés aux débats, il y a lieu de condamner la SAS JEMS à payer à Mademoiselle [W] les sommes suivantes :

- 9648 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis (3 mois)

- 964,80 euros à titre de congés payés afférents à ce préavis

- 4198,66 euros à titre d'indemnité de licenciement compte tenu d'une ancienneté de 3 ans et 11 mois

- 30000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, compte tenu de l'ancienneté de Mademoiselle [W], du préjudice résultant du chômage subi (versement des indemnités de chômage du 13 septembre 2007 au 31 janvier 2010), du contexte de déloyauté révélé par la procédure de licenciement, cette somme réparant l'ensemble du préjudice subi à l'exclusion de toute autre demande distincte au titre de l'atteinte à la vie privée ou de l'exécution déloyale du contrat de travail.

En l'absence de faute grave retenue, il y a lieu de verser à la salariée les salaires correspondant à la période de mise à pied, outre les congés payés afférents . La SAS JEMS sera donc condamner à payer à Mademoiselle [W] la somme de 415,38 euros retenue sur le bulletin de paie de juillet 2007, outre 41,53 euros au titre des congés payés afférents.

L'article L 1235-4 du code du travail prévoit que « dans les cas prévus aux articles 1235-3 et L 1235-11 le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de 6 mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. » Le texte précise que « ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées. »

Sur la base de ces dispositions, et compte tenu du licenciement sans cause réelle et sérieuse de Mademoiselle [W], il y a lieu d'ordonner à la SAS JEMS de rembourser les indemnités de chômage versées à la salariée du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 6 mois d'indemnités.

La SAS JEMS qui succombe supportera les dépens et indemnisera Mademoiselle [W] des frais exposés par elle en appel à hauteur de 1500 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Condamne la SAS JEMS, venant aux droits de la SAS ELMARK, à payer à Mademoiselle [P] [W] les sommes suivantes :

- 9648 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 964,80 euros à titre de congés payés afférents à ce préavis

- 4198,66 euros à titre d'indemnité de licenciement

- 30000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 415,38 euros à titre de rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied,

- 41,53 euros au titre des congés payés afférents,

Ordonne d'office à la SAS JEMS de rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées à Mademoiselle [W] du jour de son licenciement au jour du présent arrêt dans la limite de 6 mois d'indemnités ,

Condamne la SAS JEMS à payer à Mademoiselle [W] la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

Condamne la SAS JEMS aux entiers dépens.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 09/04008
Date de la décision : 19/01/2011

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°09/04008 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-01-19;09.04008 ?
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