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16/03/2011 | FRANCE | N°09/06247

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 16 mars 2011, 09/06247


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 16 Mars 2011



(n° , 9 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/06247



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Juin 2009 par le Conseil de Prud'hommes de MEAUX - Section Activités Diverses - RG n° 08/00221





APPELANTE

S.A.R.L. IRM ( INSTITUT RECHERCHE MICROBIOLOGIQUE )

[Adresse 6]

[Localité 4]

représentée

par Me Yann DUBOIS, avocat au barreau de MEAUX





INTIMÉE

Madame [O] [U]

[Adresse 2]

[Localité 3]

comparante en personne, assistée de Me Blandine ARENTS, avocate au barreau de MEAUX




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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 16 Mars 2011

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/06247

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Juin 2009 par le Conseil de Prud'hommes de MEAUX - Section Activités Diverses - RG n° 08/00221

APPELANTE

S.A.R.L. IRM ( INSTITUT RECHERCHE MICROBIOLOGIQUE )

[Adresse 6]

[Localité 4]

représentée par Me Yann DUBOIS, avocat au barreau de MEAUX

INTIMÉE

Madame [O] [U]

[Adresse 2]

[Localité 3]

comparante en personne, assistée de Me Blandine ARENTS, avocate au barreau de MEAUX

PARTIE INTERVENANTE :

POLE EMPLOI

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 5]

représenté par Me Véronique DAGONET, avocate au barreau du VAL DE MARNE, PC003

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Février 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne DESMURE, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Geneviève LAMBLING, Présidente

Madame Anne DESMURE, Conseillère

Monsieur Benoît HOLLEAUX, Conseiller

GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.

- signé par Madame Geneviève LAMBLING, Présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Entrée le 6 novembre 1995 en qualité d'assistante technicienne de laboratoire au service de la société Laboratoires Prodène Klint, société du groupe Eva, Mme [U] est passée le 1er janvier 2004 au service de la sarl Institut de recherche microbiologique (IRM), autre société du groupe Eva, en qualité de technicienne de laboratoires en recherche et développement, coefficient 250 de la convention collective nationale de la chimie.

A la suite d'un congé formation en Fongecif, Mme [U] a été affectée à compter du 3 octobre 2006 à un poste de technicienne de laboratoire moyennant la même rémunération et le même coefficient de la convention collective, au motif que le poste en recherche et développement avait été supprimé.

Deux avertissements ont été notifiés à Mme [U], le 18 avril 2007, puis le 14 décembre 2007.

Ensuite, et par lettre recommandée du 20 décembre 2007, l'employeur a notifié à Mme [U] sa décision de ne pas lui accorder de prime pour l'année 2007.

Mme [U] a été en arrêt de travail pour maladie à compter du 11 janvier 2008 et de façon quasi continue pendant plusieurs mois.

A l'issue d'une seconde visite de reprise le 7 mai 2008, le médecin du travail a déclaré Mme [U] 'inapte au poste, apte à un autre sans stress, sans contrainte de temps'.

Le 20 mai 2008, l'employeur a proposé à Mme [U] un poste vacant de technicienne de laboratoire que cette dernière a refusé.

Le 30 mai 2008, la procédure de licenciement a été engagée.

Mme [U] a été licenciée par lettre recommandée du 13 juin 2008.

Mme [U], qui avait saisi le conseil de prud'hommes de Meaux le 19 février 2008, soit antérieurement à la rupture de la relation contractuelle, d'une demande de revalorisation de sa classification professionnelle, d'annulation de l'avertissement du 19 décembre 2007 et d'indemnisation pour avertissement abusif, a alors également demandé au conseil des prud'hommes de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'accueillir sa demande au titre d' un harcèlement moral.

Par jugement du 4 juin 2009, le conseil de prud'hommes a dit que le licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse et a condamné la sarl IRM à payer à Mme [U] les sommes suivantes :

4 938,62 euros à titre d'indemnité de préavis,

493,86 euros de congés payés afférents,

63,67 euros de rappel de salaire,

112,24 euros de rappel de salaire pour la journée du 21 avril 2008,

ces sommes avec intérêts légaux à compter de la convocation devant le bureau de conciliation,

24 000 euros d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

850 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

ces sommes avec intérêt légal à compter du jugement.

Le conseil de prud'hommes a par ailleurs débouté Mme [U] de sa demande d'annulation des avertissements, de sa demande de revalorisation de coefficient et de sa demande d'indemnisation pour harcèlement moral.

Il a enfin condamné la sarl IRM à rembourser aux organismes concernés l'équivalent d'un mois d'allocations chômage versées à Mme [U].

Régulièrement appelante de ce jugement, la sarl IRM demande à la cour de confirmer le jugement entrepris si ce n'est en ses dispositions sur le licenciement, de l'infirmer de ce chef et, statuant à nouveau, de dire que le licenciement de Mme [U] procède d'une cause réelle et sérieuse et de débouter en conséquence Mme [U] de ses prétentions.

La sarl IRM sollicite également l'infirmation du jugement en ce qu'il a accueilli la demande de rappel de salaire pour la journée du 21 avril 2008.

Elle réclame la condamnation de Mme [U] à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code ed procédure civile.

Intimée et appelante incidente, Mme [U] requiert la cour de :

- ordonner l'annulation des avertissements des 18 avril et 14 décembre 2007,

- dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la sarl IRM à lui payer les sommes suivantes, avec intérêts à compter de la saisine du conseil de prud'hommes et capitalisation :

2 000 euros de dommages-intérêts pour avertissements abusifs,

13 779,21 euros de revalorisation du 1er janvier 2004 au 31 janvier 2008

2 017,76 euros de revalorisation du 1er février au 14 août 2008

45 795,24 euros d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse

14 000 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral

5 088,32 euros d'indemnité de préavis

508,83 euros de congés payés afférents

63,67 euros de rappel de salaire sur heure d'absence

112,24 euros de rappel de salaire sur absence convenance personnelle du 21 avril 2008

1 763,85 euros de rappel de salaire du 19/05 au 06/06 et 14/06 au 15/06

2 469,28 euros de rappel de salaire du 16/06 au 31/07/2008

1 411,56 euros de rappel de salaire du 1/08 au 13/08

1 058,67 euros de rappel de salaire pendant la période de 9 jours

687,92 euros de congés payés afférents,

1 500 euros de prime d'objectif 2007

3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pôle Emploi, intervenant volontaire à l'instance, demande la condamnation de la sarl IRM à lui rembourser la somme de 7 886,03 euros correspondant aux allocations chômage versées à la salariée et de lui allouer la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un complet exposé des faits et de la procédure, la cour se réfère aux écritures que les parties ont déposées et auxquelles elles se sont expressément référées à l'audience du 8 février 2011.

MOTIFS

Sur l'avertissement du 18 avril 2007

Considérant que Mme [U] demande l'infirmation du jugement déféré et l'annulation de cet avertissement au motif qu'il était injustifié;

Que, pour combattre cette prétention et conclure que l'avertissement était justifié et proportionné, la sarl IRM fait en tout et pour tout valoir que Mme [U] a quitté l'entreprise le 13 juin 2008, que 'ni les nombreuses pages rédigées par elle, ni le ton particulièrement sarcastique qu'elle emploie' ne légitiment sa contestation, que son courrier du 19 avril 2007 'n'a aucun intérêt sauf à comprendre que Mme [U] était très peu encline à respecter le travail de ses collègues', 'qu'elle était sans prévenance, ni courtoisie pour ces derniers' et 'avait tendance à amplifier sans aucune réserve tous faits et gestes de sa Direction et inversement à minimiser les conséquences de ses propres actes' ;

Mais considérant d'abord qu'un avertissement est une sanction disciplinaire; qu'elle n'est donc pas une mesure banale; que la circonstance que le contrat de travail est rompu ne prive pas Mme [U] du droit de contester la légitimité de l'avertissement qui lui a été infligé ;

Considérant ensuite que la réponse circonstanciée, sur deux pages dactylographiées, que Mme [U] a apportée le 19 avril 2007 à la lettre d'avertissement que l'employeur venait de lui remettre le même jour en mains propres, ne présente pas le ton sarcastique que lui prête la sarl IRM ; que c'est en effet en des termes parfaitement courtois que Mme [U] s'est adressée à son employeur et a argumenté en défense sur les reproches qui lui étaient faits, faisant en substance valoir que son programme de travail avait été modifié entre le vendredi et le lundi matin 16 avril, qu'elle avait ainsi découvert le lundi matin 16 avril qu'elle devait effectuer un travail qu'elle n'avait jamais auparavant réalisé et dont même le référent désigné, M. [B], ignorait la nature exacte, que son absence du mardi 17 avril (pour enfant malade) n'était pas programmée, que cette absence induisait sa disponibilité téléphonique, que son collègue M. [V] n'avait pu être empêché de travailler en son absence, dés lors qu'elle lui permettait d'utiliser son login, que s'agissant du grief pris de ce qu'elle se trouvait le 18 avril à 16h58 (au lieu de 17 h) devant la porte de sortie, elle avait le même jour réduit d'un quart d'heure sa pause déjeuner de 30 minutes ; que cette correspondance ne témoigne en rien de ce que Mme [U] aurait été 'très peu encline à respecter le travail de ses collègues' ;

Et considérant que la sarl IRM, qui a la charge de fournir les éléments retenus pour prendre la sanction querellée, reste taisante et que, pas plus qu'elle ne l'avait fait à réception de la lettre de sa salariée, elle n'oppose une quelconque objection aux éléments précis de protestation de Mme [U] ;

Considérant qu'en conséquence, la demande d'annulation de cet avertissement sera accueillie et le jugement entrepris infirmé ;

Sur l'avertissement du 14 décembre 2007

Considérant que Mme [U] demande l'infirmation du jugement et l'annulation de ce second avertissement ;

Considérant que l'employeur reprend les mêmes observations que celles ci-avant reproduites, y ajoutant que les éléments qu'il produit démontrent la réalité de la négligence de Mme [U] qui connaissait pourtant ses attentes en matière de respect du plan qualité mis en place dans l'entreprise ;

Considérant cependant d'abord qu'il a été ci-avant jugé que les observations développées en défense à la demande d'annulation du premier avertissement étaient injustifiées ;

Considérant ensuite que la lettre d'avertissement dont s'agit fait grief à Mme [U] de ne pas respecter la demande, formulée lors de son entretien d'évaluation annuel du 13 novembre précédent, d'être attentive à la tenue des cahiers de laboratoire, indique que les essais des 3 et 6 décembre 2007 du cahier 'Divers' n° 332 'sont littéralement des brouillons, avec plusieurs ratures par page, des corrections non signées', et que de plus, 'pour l'essai du 6 décembre 2007, l'ensemble de vos calculs étaient erronés' ; que Mme [U] a contesté cet avertissement par lettre datée du 22 décembre 2007 aux termes de laquelle, après avoir observé qu'il existait deux cahiers de laboratoire dont seule la tenue de l'un, le cahier 'Divers', était critiquée par l'employeur, elle faisait notamment valoir qu'aucune procédure n'érige d'obligation de ne pas raturer et d'émarger, indiquait qu'elle prenait 'la précaution d'utiliser ...des stylos de couleurs différentes ..afin qu'un classement des informations soit immédiatement visible', s'étonnait de cet avertissement alors que sa notation 'sur ces rubriques' avait été bonne lors de son évaluation, ajoutant, sur le reproche concernant des erreurs de calcul sur un essai que 'personne n'est à l'abri d'une erreur' ;

Considérant que, s'il a ensuite expressément maintenu l'avertissement, l'employeur n'a pas repris le grief pris d'une erreur de calcul sur un essai, lequel, à supposer effectif, ne peut justifier une mesure disciplinaire; que s'agissant du second grief, la sarl IRM ne fournit aucun élément justifiant d'exigences particulières posées quant à la tenue du cahier 'Divers' et la pièce n° 29 intitulée 'Plan qualité n° 2 - procédure n° 24" dont il se prévaut à cet effet est exempte de toute prescription portant sur la tenue du cahier laboratoire 'divers' ; que de surcroît, l'employeur affirme sans preuve que 'les notes de 4 ne concernaient absolument pas cet aspect de votre travail' (lettre du 3 janvier 2008), alors que Mme [U] peut être suivie lorsqu'elle soutient que la note 4, correspondant à une 'performance supérieure à celle normalement attendue' qu'elle a obtenue lors de son évaluation le mois précédent l'avertissement, à la rubrique 'respect des bonnes pratiques + règles d'hygiène et de sécurité' englobait notamment la tenue des cahiers ;

Considérant qu'eu égard aux éléments précités joints et à supposer même que le grief pris de ratures sur le cahier 'Divers', dont Mme [U] a expliqué sans être démentie qu'il n'entre pas dans la procédure Cofrac, il s'ensuit que la demande d'annulation de ce second avertissement est également fondée; qu'elle sera donc accueillie et le jugement déféré infirmé ;

Sur la demande d'indemnité pour avertissements abusifs

Considérant que le préjudice moral incontestable subi par Mme [U] en raison des deux avertissements que la sarl IRM lui a infligés de manière infondée sera indemnisé par l'allocation de la somme de 1 200 euros ;

Sur la demande de revalorisation de classification

Considérant que Mme [U], qui était classée au coefficient 250 à son départ de l'entreprise, demande la revalorisation de son poste au coefficient 360 de la convention collective de la chimie; qu'elle soutient à cet effet qu'elle aurait dû, dés 1995, recevoir un salaire supérieur à celui qu'elle a perçu, qu'elle a transmis en 2002 une demande d'augmentation de coefficient qui n'a pas été accueillie, que dés son transfert au sein d'IRM, elle a travaillé 'en totale indépendance, tant au niveau gestion du personnel que des projets et que des entretiens du laboratoire', et assuré des tâches et responsabilités répondant aux exigences posées par la convention collective pour que le coefficient 360 lui soit attribué ;

Considérant cependant que Mme [U] est entrée au service de la sarl IRM le 1er janvier 2004; que c'est donc à compter de cette seule date que doit être appréciée la pertinence de sa prétention; qu'au soutien de son allégation selon laquelle les fonctions qu'elle exerçait au sein de la sarl IRM étaient celles d'un agent de maîtrise et technicien relevant du coefficient 360, Mme [U] se prévaut de sa pièce n° 37 ; que cette pièce ne peut cependant venir au soutien de son affirmation, s'agissant d'un tableau récapitulatif établi par elle des augmentations de salaire qu'elle estimait lui être dues de 1995 à janvier 2002 ; qu'également Mme [U] ne peut prétendre déduire de la circonstance qu'elle a pu être chargée de la formation de stagiaires qu'elle développait des fonctions de cadre ; que si le contrat de travail dont elle a bénéficié à compter du 1er janvier 2004 la désigne en qualité de Responsable du Pôle Formulation, il est constant que ce pôle ne comportait pas d'autre salarié, alors que le coefficient 360 de la convention collective implique que le technicien assure 'l'animation et la coordination des groupes placés sous son autorité'; qu'en définitive, de la définition de ses fonctions et de sa fiche de poste de 'Responsable Formulation' il résulte en définitive que les fonctions exercées par Mme [U] au sein de la sarl IRM relevaient du coefficient 250 selon lequel le salarié 'assure l'encadrement d'un groupe pouvant comporter des AM de qualification inférieure, la gestion courante et la formation du personnel, veille à l'application des consignes et dans le cadre des instructions reçues peut prendre des décisions ayant des répercussions sur les programmes et l'écoute' ;

Considérant que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il rejeté ce chef de demande ;

Sur la rupture

Considérant que Mme [U] demande à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que son licenciement ne procédait pas d'une cause réelle et sérieuse ; qu'elle fait à cet effet grief à son ancien employeur de s'être borné à lui proposer un poste inférieur à son niveau de qualification et moins bien rémunéré, de n'avoir pas procédé à une recherche sérieuse de reclassement au niveau du groupe et de ne pas lui avoir proposé le poste de Responsable Qualité qui était vacant au sein de la société Prodène ;

Considérant que pour défendre à cette demande, prétendre à l'infirmation du jugement et au remboursement des sommes versées dans le cadre de l'exécution provisoire attaché au jugement querellé, la sarl IRM fait pour l'essentiel valoir que la société Prodène n'a pas le même objet social qu'elle puisqu'elle ne réalise des recherches que dans le domaine des désinfectants, que Mme [U] ne disposait pas des capacités pour occuper le poste de Responsable Qualité dont elle fait état, que Mme [U] est 'est bien en peine de suggérer quel autre poste la société aurait pu lui proposer' à l'exception de celui qui lui a été proposé et qu'elle a refusé ;

Mais considérant qu'il n'incombe pas à Mme [U] de prouver qu'un poste existait dans le groupe dont dépend la sarl IRM qui ne lui aurait pas été proposé, mais à la sarl IRM de justifier qu'elle a déféré de manière effective et de bonne foi à l'obligation qui pesait sur elle de tenter de reclasser sa salariée reconnue inapte, fût-ce par mutation, transformation de poste ou modification des contrats de travail, et au besoin en assurant son adaptation à l'évolution de son emploi ;

Or considérant que la sarl IRM ne verse aucune pièce justificative de ce qu'elle a recherché auprès des autres sociétés du groupe les possibilités de reclasser Mme [U] et son affirmation d'une impossibilité de reclassement au sein de la société Prodène au motif que l'objet social de cette société ne correspond pas au sien établit l'absence de toute tentative de reclassement auprès de cette autre société du groupe, cette absence de démarche étant d'autant moins pertinente que Mme [U] a été engagée par la société Prodène au service de laquelle elle a travaillé pendant cinq années avant de rejoindre l'équipe de la sarl IRM ; que la sarl IRM ne peut sérieusement prétendre avoir rempli de bonne foi son obligation par la proposition d'un seul poste, de qualification et de rémunération inférieure, de surcroît en 2/8 ;

Considérant que par conséquent, le premier juge a avec pertinence dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Considérant que Mme [U] ayant été licenciée sans que l'employeur ne respecte son obligation de reclassement, le conseil de prud'hommes a légitimement fait droit à la demande d'indemnité compensatrice de préavis présentée par Mme [U] ; que cette indemnité, égale à deux mois de salaires, s'élève ainsi à la somme de 4 938,62 euros à laquelle s'ajoute celle de 493,86 euros au titre des congés payés afférents; que le jugement sera ici confirmé ;

Considérant que Mme [U] demande que l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, évaluée à la somme de 24 000 euros par le conseil de prud'hommes, soit portée à celle de 45 795,24 euros ; que, des pièces du débat, il ressort qu'après avoir en 2008 suivi une formation d'anglais dans le cadre d'un projet d'action personnalisée défini avec l'agence locale pour l'emploi, durant lequel elle a perçu l'allocation d'aide au retour à l'emploi, Mme [U] a effectué quelques remplacements d'enseignante avant d'obtenir, à compter du 1er juillet 2010, un poste d'enseignante en contrat à durée indéterminée dans un établissement privé, lui assurant une rémunération très inférieure à celle dont elle disposait au service de la sarl IRM ; qu'eu égard à ces éléments d'appréciation, et à l'ancienneté de Mme [U] dans l'entreprise à la date du licenciement (plus de douze ans), l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse sera chiffrée à la somme de 30 000 euros sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail ; que le jugement déféré sera donc infirmé du chef de cette évaluation ;

Sur le harcèlement moral

Considérant que les pièces du dossier établissent que Mme [U], qui travaillait au service des sociétés du groupe Eva depuis plus de onze ans sans s'être vue formuler le moindre reproche, a vu sa situation personnelle se dégrader brutalement lorsque M. [S] a pris la direction de la sarl IRM à la fin de l'année 2006 ; qu'elle a en effet, au cours de l'année qui a suivi, laquelle a précédé celle de son licenciement pour inaptitude physique, à deux reprises, été sanctionnée par un avertissement dont il a été ci-avant jugé qu'aucun n'avait de fondement ; qu'elle a aussi été destinataire d'une autre lettre recommandée avec accusé de réception lui notifiant la suppression du bénéfice de sa prime d'objectif pour l'année 2007, cette sanction financière, concomitance au second avertissement, intervenant après que Mme [U] eut, quelques semaines auparavant, été évaluée par son employeur, dont les propres pièces qu'il verse, en l'occurrence les évaluations des autres salariés de l'entreprise, établissent qu'il s'est rendu coupable d'une attitude discriminatoire envers Mme [U] à l'occasion de cette évaluation; qu'en effet, à la différence de tous les autres salariés dont la sarl IRM produit les évaluations, l'entretien de Mme [U] s'est tenu en présence non seulement de son supérieur hiérarchique mais en la présence également du dirigeant même de la sarl,M. [S], ce qui, eu égard au poste de technicien coefficient 250 occupé par Mme [U], ne pouvait qu'avoir pour objet d'impressionner et de déstabiliser la salariée ;

Et considérant qu'il est constant que Mme [U] a dés le 8 janvier 2008 consulté un médecin psychiatre, avant d'être arrêtée pour maladie quelques semaines plus tard et d'être déclaré inapte par le médecin du travail quelques mois plus tard ;

Considérant que de ce qui précède, il résulte suffisamment que Mme [U] a été victime d'agissements répétés de harcèlement moral qui ont eu pour effet d'altérer sa santé ;

Considérant que le jugement entrepris sera ainsi infirmé et Mme [U] accueillie en sa demande à hauteur de la somme de 5 000 euros ;

Sur les rappels de salaires

Considérant que le conseil de prud'hommes avec pertinence condamné la sarl IRM à payer la somme de 63,67 euros qu'elle lui avait déduite de son salaire au motif de son absence pour déférer à la convocation du conseil de prud'hommes; que Mme [U] demande également légitimement la somme de 6,36 euros au titre des congés payés afférents ;

Considérant ensuite que l'attestation du docteur [T] selon laquelle Mme [U] est prise en charge depuis le 11 janvier 2001 n'établit pas que Mme [U] s'est rendue chez ce médecin le 21 avril 2008 ; que la sarl IRM a dés lors pu légitimement opérer une retenue sur salaire pour absence non justifiée; que le jugement sera donc infirmé en ce qu'il alloué à Mme [U] la somme de 112,24 euros ;

Considérant également que le second avis de la médecine du travail constatant l'inaptitude de Mme [U] est du 7 mai 2008; qu'en application dés lors de l'article L.1226-4 du code du travail, Mme [U] ne peut prétendre à un rappel de salaire au titre de la période du 19 mai au 6 juin 2008; que le conseil de prud'hommes sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [U] de ce chef de demande ;

Et considérant que Mme [U] a été licenciée par lettre datée du 13 juin 2008; que l'employeur ayant repris le paiement du salaire entre le 7 juin 2008 et la date de présentation de la lettre recommandée notifiant son licenciement à Mme [U], les prétentions salariales portant sur la période postérieure font double emploi avec la somme qui lui a été ci-avant allouée au titre de l'indemnité compensatrice de préavis; que la décision entreprise sera donc confirmée ;

Sur la prime d'objectif 2007

Considérant qu'au soutien de cette prétention, Mme [U] soutient qu'elle a toujours touché cette prime et qu'elle n'a jamais eu d'objectif fixé si ce n'est celui tacite de réaliser son travail avec professionnalisme ;

Considérant que la sarl IRM n'oppose aucune argumentation à cette prétention; qu'en présence d'un usage non discuté, de ce qu'il a été ci-avant jugé que la décision de l'employeur de ne pas accorder de prime à cette salariée en 2007 s'inscrivait dans un processus de discrimination à son encontre, et observation étant faite que la sarl IRM ne discute pas non plus l'évaluation de cette prime à la somme de 1 500 euros, Mme [U] sera accueillie en sa prétention, nouvelle en cause d'appel ;

Sur la demande de Pôle Emploi

Considérant que cette prétention, présentée dans la limite de six mois de salaires, sera accueillie ;

Que le jugement entrepris l'ayant limité à un mois, sera donc infirmé ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Considérant que l'équité commande de confirmer la décision entreprise, de faire droit à la demande de Mme [U] au titre de ses frais irrépétibles en cause d'appel à concurrence d'une somme de 1 800 euros, et de rejeter la demande de la sarl IRM sur le même fondement juridique ;

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement de Mme [U] ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse, en ce qu'il a débouté Mme [U] de sa demande de revalorisation de classification ainsi qu'en ses demandes en paiement des sommes de 1 763,85 euros, 2 469,28 euros, 1 411,56 euros et 1 058,67 euros à titre de rappels de salaires, et en ce qu'il condamné la sarl IRM à payer à Mme [U] les sommes de :

4 938,62 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

493,86 euros de congés payés afférents,

63,67 euros de rappel de salaire,

ces sommes portant intérêt légal à compter de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation,

850 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

L'INFIRMANT pour le surplus, statuant à nouveau et y ajoutant :

ANNULE les avertissements infligés à Mme [U] les 18 avril et 14 décembre 2007 et condamne la sarl IRM à payer à Mme [U] la somme de 1 200 euros à titre de dommages-intérêts,

DIT que cette somme porte intérêt au taux légal à compter de ce jour,

CONDAMNE la sarl IRM à payer à Mme [U] la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la somme de 5 000 euros en indemnisation des faits de harcèlement moral, ces sommes avec intérêt légal à compter de ce jour, celle de 6,36 euros d'indemnité de congés payés afférents à la retenue sur salaire de 63,67 euros, avec intérêt légal à compter de la réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation, la somme de 1 500 euros correspondant à la prime d'objectif 2007 avec intérêt au taux légal à compter du 8 février 2011, la somme enfin de 1 800 euros en indemnisation de ses frais irrépétibles en cause d'appel,

DÉBOUTE Mme [U] de sa demande en paiement de la somme de 112,24 euros à titre de rappel de salaire pour absence du 21 avril 2008,

DIT qu'il sera fait application de l'article 1154 du code civil si besoin est,

CONDAMNE la sarl IRM à payer à Pôle Emploi la somme de 7 886,03 euros en remboursement des allocations chômage versées,

DÉBOUTE la sarl IRM et Pôle Emploi de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la sarl IRM aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 09/06247
Date de la décision : 16/03/2011

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°09/06247 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-03-16;09.06247 ?
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