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03/05/2011 | FRANCE | N°09/05549

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 03 mai 2011, 09/05549


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 03 Mai 2011

(n° 7 , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/05549



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Novembre 2008 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° 06/09273









APPELANTE

Madame [T] [U]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Dominique THOLY, avocat au

barreau de PARIS, toque : P0279







INTIMÉE

EURL [W] [J]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Michel LIET, avocat au barreau de PARIS, toque : A0601











COMPOSITION DE LA COUR :...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 03 Mai 2011

(n° 7 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/05549

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Novembre 2008 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° 06/09273

APPELANTE

Madame [T] [U]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Dominique THOLY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0279

INTIMÉE

EURL [W] [J]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Michel LIET, avocat au barreau de PARIS, toque : A0601

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 Mars 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Brigitte BOITAUD, Présidente

Monsieur Philippe LABREGERE, Conseiller

Mme Marie-Aleth TRAPET, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Monsieur Polycarpe GARCIA, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente

- signé par Madame Brigitte BOITAUD, président et par Monsieur Polycarpe GARCIA, greffier présent lors du prononcé.

Madame [T] [U], engagée par la société [W] [J] à compter du 3 février 2003 en qualité de pharmacienne, a pris acte de la rupture de son contrat de travail en adressant à Mme [J], gérante de la parapharmacie une lettre du 3 juillet 2006 au motif énoncé suivant:

' Je vous ai adressé mon arrêt maladie le 29 juin 2006, me prescrivant un arrêt jusqu'au 28 juillet 2006 inclus.

Ainsi que vous le savez cette prescription médicale est consécutive à votre comportement à mon encontre depuis plusieurs mois. A cet égard mon médecin m' avait déjà prescrit un arrêt de travail, pour la même raison, à partir de la fin du mois d'avril 2006.

Bien que vous connaissiez parfaitement la nature de vos agissements, je me vois contrainte de les rappeler succinctement ici.

Alors que j'ai été engagée en qualité de Pharmacienne, en raison de mes 24 années d'expérience, vous m'avez cantonnée dans des tâches subalternes, malgré mes demandes répétées de voir mon contrat de travail respecté.

A partir de septembre 2005, certaines tensions sont en outre apparues au regard des conditions de travail.

Entre-temps, et sans que j'ai pu imaginer à l'époque faire un rapprochement avec votre attitude, votre préparatrice [H] m'a accusée d'avoir volé 100 € dans la caisse.

Après recherches il est apparu qu'il s'agissait d'une erreur de comptabilisation de votre article ; néanmoins j'attends toujours les excuses de votre préparatrice ou de vous-même.

Au mois de février 2006 je vous ai interrogé sur l'application de la Convention Collective et notamment l'attribution d'une prime d'ancienneté en ma faveur.

Après m'avoir indiqué que votre comptable ferait le nécessaire, pour le mois de mars 2006, vous m'avez déclaré, à l'occasion d'un entretien où je m'étonnais de l'absence de modification de mon bulletin de paye que la Convention Collective que vous appliquez ne comportait pas de prime d'ancienneté pour les Cadres et que de toute façon mon salaire était beaucoup trop élevé pour votre structure.

Vous avez ajouté que les Laboratoires de produits dermatologiques étaient aujourd'hui beaucoup moins exigeants quant à la présence d'un Pharmacien et vous avez donc remis en cause l'existence même de mon poste; vous m'avez précisé à cette époque que cela entraînerait nécessairement un licenciement pour motif économique.

Malheureusement votre comportement néfaste s'est accentué à mon encontre, notamment lorsque je n'ai pas pu assurer un travail supplémentaire un samedi du mois d'avril 2006 en raison de l'hospitalisation d'une personne proche.

C'est l'ensemble de cette situation professionnelle qui a amené mon médecin à m'arrêter à \a fin du mois d'avril 2006.

Mon retour était prévu à mon premier jour de travail après le 10 juin 2006.

Lorsque je me suis présentée le 13 juin 2006, mes collègues ont été étonnés de ma présence, ce qui démontre incontestablement que vous aviez diffusé la nouvelle selon laquelle je ne reviendrai pas...

Effectivement j'ai pu constater que vous avez embauché une jeune femme prénommée [Y], qui avait ses affaires dans mon casier; mes propres affaires étaient emballées dans des sacs en plastique et dispersées dans la réserve, accessible à tous.

Les 14 et 15 juin 2006 vous m'avez placée en récupération et je suis donc revenue à mon poste le 20 juin 2006.

Le 22 juin 2006 alors que nous établissions le planning de la semaine suivante, avec ma collègue [X], en présence de [G], je vous ai donc interrogée sur ma présence du vendredi 30 juin car j'avais un rendez-vous médical à 16 h 30.

Vous vous êtes alors emportée de façon inconsidérée en criant que décidément je ne faisais aucun effort pour l'entreprise. , .

Bien que je vous ai indiqué que je pouvais essayer de décaler mon rendez-vous médical, ce que j'ai vainement tenté en présence d'[X], puis de venir le samedi après-midi quelques heures, cela n'a pas calmé votre ressentiment à mon encontre. Vous avez alors vivement quitté les lieux.

Conformément à votre demande de revenir à l'application de mon contrat, je me suis présentée le mercredi 28 juin 2006 à mon poste de travail.

L'ambiance était extrêmement lourde et tendue au point que j'ai été victime de plusieurs malaises et vomissements, me contraignant à retourner chez moi et à consulter mon médecin.

Ce dernier m'a trouvée dans un état suffisamment inquiétant pour me prescrire un arrêt de travail jusqu'au 28 juillet 2006, accompagné d'une médication anxiolytique.

Compte tenu de la nature de mon affection, mon médecin m'a autorisée à une liberté de sorties.

En raison de la nécessité de me trouver dans des circonstances apaisantes et chaleureuses, je me suis rendue en début de soirée, sur sollicitation de mon Professeur [F], à mon Club de bridge ' [Adresse 5]'.

Vers 21 heures vous avez surgi dans la salle où je me trouvais et vous vous êtes interrogée sur ma présence.

Vous avez ensuite fait irruption, vers 21 h 40, toujours dans la salle où je me trouvais, et vous avez provoqué un véritable scandale devant toutes les personnes présentes, me pointant du doigt, hurlant que j'étais votre employée, que vous étiez scandalisée par ma présence, etc.. ''

Mon Professeur vous a demandé poliment de sortir car vous dérangiez la partie surveillée.

Vous avez ensuite exigé que je vous remette sur le champ mon arrêt de travail, et mon Professeur s'étant interposée, vous avez exigé d'avoir un entretien avec moi.

Votre comportement et le ton de vos propos étaient tels, que je suis resté sidérée et que le Dirigeant du Club est intervenu.

Les personnes présentes ont cependant pu obtenir votre évacuation pour que le calme puisse revenir.

L'ensemble de ces faits, dûment orchestrés par vous pour obtenir ma démission, est désormais juridiquement qualifié de harcèlement moral.

Votre volonté permanente, depuis plusieurs mois, de m'atteindre psychiquement, votre recherche de déstabilisation dans mon emploi et votre invraisemblable intrusion dans ma vie privée, de façon publique et répétée le 28 juin 2006, font que je me vois contrainte de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail de votre fait.'

Par jugement du 27 novembre 2008 le conseil de prud'hommes de Paris a débouté Mme [U] de sa demande d'indemnisation au titre de la rupture du contrat de travail ainsi qu'au titre des compléments de salaire et prime d'ancienneté.

Mme [U] a relevé appel de cette décision.

Pour les prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions visées et reprises oralement le 15 mars 2011.

* *

*

Considérant qu'il est constant que courant février 2006 Mme [U] a demandé à Mme [J] l'octroi d'une prime d'ancienneté; que Mme [J] soutient avoir fait droit à cette demande en augmentant le salaire de Mme [U] à compter du 1er mars avec rappel pour le mois de février 2006, sans mentionner le libellé de cette prime de 32,12 € sur le bulletin de salaire; que cependant en application de l'article 15 de la convention collective de la Parfumerie Esthétique, cette prime doit apparaître distinctement sur le bulletin de salaire; qu'à défaut d'une telle mention, il n'est pas établi qu'une telle prime ait été réglée à la salariée; qu'au regard des calculs, non utilement contestés, cette prime mensuelle s'élève à 41,66 €; qu'il est dû à Mme [U] une somme de 333,33 €;

Considérant que Mme [U] a été en arrêt de travail du 27 avril au 10 juin 2006; qu'il ressort des attestations produites par Mme [U] que pendant son absence, son casier a été, sur instruction de la gérante, Mme [J], débarrassé de ses affaires qui ont été emballées dans des sacs en plastique dans la réserve; que son casier a été attribué à une esthéticienne nouvellement embauchée le 22 mai 2006; qu'il n'est pas établi qu'un nouveau casier a été mis à la disposition de Mme [U] avant le 28 juin 2006; que la salariée embauchée en contrat à durée indéterminée le 22 mai 2006, atteste avoir été engagée pour remplacer Mme [U] et précise que Mme [J] lui a indiqué que Mme [U], en dépression nerveuse, ne reviendrait pas travailler;

Considérant que la société [W] [J] ne fournit aucune explication sur l'embauche d'une salariée en contrat à durée indéterminée pendant l'absence de Mme [U];

Considérant que c'est dans ces circonstances que Mme [U] adressait le 26 juin 2006 à Mme [J] une lettre recommandée avec accusé de réception, dénonçant la dégradation de ses conditions de travail et son remplacement par une nouvelle salariée;

Considérant que le 28 juin 2006, Mme [U] se rendait chez son médecin qui lui prescrivait des anxiolytiques ainsi qu' un arrêt de travail jusqu'au 28 juillet 2006 avec possibilités de sortie;

Considérant qu'il ressort des attestations produites par Mme [U] que ce même jour dans la soirée, alors que celle-ci s'était rendue à son club de bridge pour compléter une table, à la demande du professeur de bridge qui en atteste, Mme [J] a fait irruption dans la pièce où se trouvait Mme [U], remettant en cause l'état de santé de Mme [U] et exigeant de voir l'arrêt de travail, déclenchant par une réaction excessive et véhémente un scandale devant les adhérents présents; que ces adhérents, extérieurs à la relation contractuelle des parties en litige, témoignent très précisément de la scène; qu'ils font tous état du comportement agressif et perturbateur de Mme [J]; qu'agressée publiquement, Mme [U] choquée, était blanche et 'tremblait' dans un 'état de sidération' nécessitant le secours des personnes présentes; que Mme [J] a fait une 'intrusion brutale dans la salle de bridge' comme 'une furie', 'hystérique' , le doigt dressé en avant et criant; que ces attestations, très circonstanciées, émanant de témoins directs et extérieurs à l'entreprise, ne sont pas utilement démentis par les deux attestations produites par la société [W] [J] sur cet incident; qu'en effet Mme [M] n'a pas été le témoin direct de la scène; que la teneur de l'attestation de M.[V] confirme l'existence de l'intervention de Mme [J] réclamant un entretien avec Mme [U] et l'interrogeant 'à la vue d'un arrêt de travail'; que cette attestation lapidaire ne suffit pas à contredire les multiples attestations très circonstanciées produites par Mme [U]; que ce comportement en public, totalement déplacé et vexatoire, de la part de la gérante, justifiait la prise d'acte de rupture aux torts de l'employeur; que cette rupture ouvre droit à réparation;

Considérant qu'en application de l'article L1235-5 du code du travail qu'à la date du licenciement Mme [U] percevait une rémunération mensuelle brute moyenne de 2103 € , était âgée de 54 ans et bénéficiait d'une ancienneté de 3 ans au sein de l'entreprise; qu'il n'est pas contesté qu'elle n'a pu retrouver d'emploi et a dû solliciter le bénéfice d'allocations de chômage; qu'il convient d'évaluer à la somme de 15 000 € le montant des dommages et intérêts alloués au titre de la rupture imputable à la société [W] [J];

Considérant que Mme [U] soutient qu'en application de l'article 7 de l'accord interprofessionnel du 15 décembre 1977, elle avait droit à un maintien partiel de son salaire sous déduction des indemnités journalières; qu'il lui reste dû à ce titre une somme de 1050,22 €;

Mais considérant que c'est à juste titre que la société [W] [J] fait observer, sans être utilement démentie, que Mme [U] ne produit pas les relevés du complément d'indemnités journalières perçues de la caisse de prévoyance dont elle est adhérente et que ses calculs tiennent compte d' un délai de carence de 8 jours et d'un taux de garantie de salaire de 100% pour les trente premiers jours alors que l'accord interprofessionnel prévoit un délai de carence de 11 jours et un taux de garantie de 90%; qu'il n'est pas fait droit à la demande à ce titre;

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement ,

CONDAMNE la société [W] [J] à payer à Mme [U]:

- 333,33 € à titre de prime d'ancienneté,

- 33,33 € à titre de congés payés afférents ,

- 6530,34 € au titre de l'indemnité de préavis ,

- 653,03 € à titre de congés payés afférents ,

- 1995,37 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société [W] [J] de la convocation devant le conseil de prud'hommes et capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil,

- 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture imputable à l'employeur , avec intérêts au taux légal à compter de la notification de la présente décision,

- 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ,

DIT que la société [W] [J] doit remettre à Mme [U] un bulletin de salaire, une attestation assedic et un certificat de travail conformes à la présente décision,

DEBOUTE les parties du surplus des demandes,

MET les dépens à la charge de la société [W] [J].

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 09/05549
Date de la décision : 03/05/2011

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°09/05549 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-05-03;09.05549 ?
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