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03/05/2011 | FRANCE | N°10/03356

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2- chambre 1, 03 mai 2011, 10/03356


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2- Chambre 1

ARRET DU 3 MAI 2011

(no 155, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 03356

Décision déférée à la Cour :
jugements des 6 janvier et 30 juin 2010- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 09/ 02329

APPELANTE

S. E. L. A. F. A. X... AVOCATS ASSOCIES société d'exercice libéral en commandite par actions SELAFA agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
...


dont le siège social est sis...
75008 PARIS
représentée par la SCP BOMMART-FORSTER-FROMANTIN, avoués à la Cour
as...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2- Chambre 1

ARRET DU 3 MAI 2011

(no 155, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 03356

Décision déférée à la Cour :
jugements des 6 janvier et 30 juin 2010- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 09/ 02329

APPELANTE

S. E. L. A. F. A. X... AVOCATS ASSOCIES société d'exercice libéral en commandite par actions SELAFA agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
...
dont le siège social est sis...
75008 PARIS
représentée par la SCP BOMMART-FORSTER-FROMANTIN, avoués à la Cour
assistée de Me Serge PEREZ, avocat au barreau de PARIS, toque : P 198

INTIMEE

Société en commandite par actions VEOLIA EAU-COMPAGNIE GENERALE DES EAUX agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
52, rue d'Anjou
75008 PARIS
représentée par la SCP FISSELIER-CHILOUX-BOULAY, avoués à la Cour
assistée de Me Yann BOURMAUD, avocat au barreau de PARIS, toque P 503
Cabinet LEDOUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 1er mars 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Dominique GUEGUEN, conseiller chargé du rapport, en présence de Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur François GRANDPIERRE, Président
Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller
Madame Françoise MARTINI, Conseiller venu d'une autre chambre pour compléter la cour en application de l'ordonnance de roulement portant organisation des services de la cour d'appel de PARIS à compter du 3 janvier 2011, de l'article R 312-3 du Code de l'organisation judiciaire et en remplacement d'un membre de cette chambre dûment empêché

Greffier, lors des débats : Madame Noëlle KLEIN

ARRET :

- rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, président de chambre
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier à qui la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
******************
Le 2 octobre 1998, M. Z..., salarié de la Compagnie Générale des Eaux, devenue la société Veolia Eau, est décédé d'un malaise cardiaque au volant de sa voiture de fonction alors qu'il était de retour d'une mission et le 5 octobre 1998, l'employeur a émis des réserves sur le caractère professionnel de l'accident.

La Caisse primaire d'assurance maladie ou CPAM ayant refusé de reconnaître le caractère professionnel de l'accident, l'épouse de M. Z... a saisi la Commission de recours amiable qui a confirmé l'absence de prise en charge, puis elle a saisi le Tribunal des affaires de Sécurité sociale de la Haute Loire, procédure pour laquelle la société Veolia Eau, appelée dans la cause par la CPAM, a mandaté comme avocat chargé de la représenter la Selafa X....

Mme Z... ayant interjeté appel du jugement de débouté du 4 novembre 1999, la cour d'appel de Riom, par un arrêt infirmatif du 4 juillet 2000, a dit que les ayants droit de M. Z... bénéficiaient de la présomption d'imputabilité du décès de celui-ci à l'accident du travail dont il avait été victime et a condamné la CPAM de la Haute-Loire à prendre en charge Mme Z... et ses enfants mineurs, du chef du décès, au titre de la législation du travail.

La société Veolia Eau, reprochant à son avocat d'avoir omis d'invoquer un argument essentiel à sa défense, tenant à l'absence, en violation des textes légaux, d'une enquête contradictoire diligentée par la CPAM, moyen qui aurait permis de voir déclarer inopposable à l'employeur le caractère professionnel de l'accident dont son salarié, M. Z..., a été victime et d'éviter les conséquences financières liées au coût des prestations versées par la CPAM aux salariés victimes d'accidents du travail, lequel entre directement en compte dans la détermination de ses taux de cotisation accident du travail/ maladie professionnelle, a recherché devant le tribunal de grande instance de Paris la responsabilité civile professionnelle de son avocat, la Selafa X..., pour avoir ainsi manqué à son devoir de conseil et de diligence et a demandé la condamnation de la Selafa X... à lui payer la somme de 190 384, 27 €, correspondant à l'augmentation de ses cotisations accident du travail au titre des années 2002 à 2007, à titre subsidiaire à voir ordonner une expertise comptable, avec condamnation de ladite Selafa lui payer la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par un premier jugement en date du 6 janvier 2010, le tribunal, déclarant la Selafa X... entièrement responsable des conséquences dommageables à l'égard de la société Veolia du rattachement de l'accident de M. Z... à la législation du travail et la condamnant aux dépens exposés à ce jour ainsi qu'à payer à la société Veolia en application de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 3000 € a, sur la demande de dommages et intérêts formée par la société Veolia, avant dire droit, désigné en qualité de consultant M. Jean-Claude A... avec mission de donner tous éléments d'évaluation du préjudice subi par la société Veolia et plus précisément de déterminer le surcoût de cotisations payé par celle-ci.

M. A... a déposé son rapport le 25 février 2010 et a conclut que " l'impact de la prise en charge de l'accident du travail de M. Z... sur les cotisations accidents du travail a donc été de, comme calculé exactement par M. B... dans le tableau figurant en page finale de son rapport, 190 384, 27 € ".

Par un second jugement en date du 30 juin 2010, ledit tribunal, au vu des conclusions de M. A..., a condamné la Selafa X... à payer à la société Veolia la somme de 190 384, 27 € à titre de dommages et intérêts ainsi qu'à payer les dépens comprenant le coût de la mesure de consultation, disant n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

CELA ETANT EXPOSE, la COUR :

Vu les appels interjetés respectivement les 19 février 2010 et 8 septembre 2010 par la Société Selafa X... Avocats Associés à l'encontre des jugements des 6 janvier et 30 juin 2010,

Vu les conclusions déposées le 7 janvier 2011 dans chacune des instances 10/ 03356 et 10/ 18287 par l'appelante qui demande l'infirmation des deux jugements susvisés en toutes leurs dispositions, le débouté de la société Veolia de toutes ses demandes et sa condamnation à lui payer la somme de 5000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer tous les dépens,

Vu les conclusions déposées respectivement les 24 décembre 2010 et 15 février 2011 par la société Veolia Eau-Compagnie Générale des Eaux qui demande, après jonction des deux appels enregistrés dans les instances 10/ 03356 et 10/ 18287, la confirmation des jugements des 6 janvier et 30 juin 2010 en toutes leurs dispositions, la condamnation de la Selafa X... à lui verser la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer les entiers dépens.

SUR CE :

Sur la jonction des instances :

Considérant que l'intimée la demande, qu'au vu des circonstances, un seul et même litige opposant les mêmes parties ayant donné lieu à deux jugements successifs, le dispositif du second complétant celui du premier en ce qu'il a statué pour partie avant dire droit, rien ne s'oppose à ce qu'il soit statué par un seul arrêt, qu'il est en conséquence d'une bonne administration de la justice de prononcer la jonction des deux instances 10/ 03356 et 10/ 18287 introduites devant la cour, les deux instances étant désormais enregistrées sous le seul No 10/ 03 356 ;

Sur le fond :

Considérant que l'appelante expose que la faute qui lui a été reprochée par la société Veolia a été retenue de manière erronée par les premiers juges ; qu'elle rappelle que ladite société lui a essentiellement reproché de ne pas avoir satisfait à son devoir de conseil à son égard en s'abstenant d'invoquer devant la cour d'appel de Riom l'absence de mise en oeuvre d'une enquête légale préalable à la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident qui soit conforme aux dispositions de l'article L 442. 1 du code de la Sécurité sociale lequel prévoit que " La Caisse primaire d'assurance maladie doit, dans les 24 heures, faire procéder à une enquête par un agent assermenté agréé par l'autorité compétente de l'Etat... ", enquête certes réalisée mais qui n'avait pas été contradictoire ;

Considérant qu'elle fait valoir qu'elle a au contraire, après l'arrêt de la cour d'appel de Riom, dans un courrier du 11 juillet 2000 informant sa cliente de la décision intervenue, indiqué à cette dernière comment contester pour faire déclarer inopposable à son égard le caractère d'accident de travail ainsi reconnu mais que c'est la société Veolia, qui ayant ensuite changé de conseil, a refusé de donner suite à sa proposition ; qu'ainsi elle soutient lui avoir indiqué comment, en application dudit article L 442. 1, elle comptait invoquer ce manquement contre la Caisse dès lors qu'une augmentation du taux de cotisation serait notifiée à la cliente à la suite de la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident ; qu'elle lui a conseillé d'engager un contentieux en cas de désaccord de la Caisse, puisque la cour d'appel de Riom ne s'était pas prononcée sur le caractère opposable à l'employeur de la prise en charge de l'accident et de ses conséquences financières et elle lui a écrit en ce sens le 23 novembre 2000 en lui disant de saisir la commission de recours amiable de la CPAM, puis d'exercer un recours contentieux ; qu'elle conteste donc l'analyse des premiers juges qui ont estimé que l'action ainsi proposée n'avait pas de chance d'aboutir en considérant qu'il fallait invoquer cette argumentation devant la cour d'appel de Riom ; qu'elle soutient que pourtant les deux protagonistes du litige étaient Mme Z... et la CPAM, tandis que la société Veolia employeur n'était qu'un second défendeur, appelé par voie d'exception, à l'encontre duquel la CPAM ne formait aucune demande ; que rien ne permet d'affirmer, à la lecture de l'arrêt de la cour d'appel de Riom, que la décision a été déclarée opposable à l'employeur, dès lors qu'il y a indépendance complète entre d'une part les rapports existant entre le salarié et la CPAM et d'autre part entre l'employeur et la CPAM ; qu'elle considère que les rapports financiers de l'employeur avec la Caisse ne sont pas tranchés définitivement, la jurisprudence de la cour de cassation allant dans ce sens ;

Considérant qu'elle reproche encore à la décision déférée, si une faute devait être retenue à son encontre, d'avoir accordé la réparation d'un préjudice total, alors qu'il ne s'agit que d'une perte de chance ;

Considérant que l'intimée, précisant que dans le courrier du 11 juillet 2000, la Selafa appelante lui a déconseillé de former un pourvoi en cassation à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel de Riom précité, fait valoir que la reconnaissance du caractère professionnel du décès de M. Z... et son opposabilité à l'égard de l'employeur ont entraîné de lourdes conséquences pour elle dans la détermination de ses taux de cotisation accident du travail/ maladie professionnelle, dès lors qu'elle fait l'objet d'une tarification au taux réel ; qu'elle conteste la thèse développée par l'appelante qui n'est pas de nature à occulter le fait que la Selafa X... a omis de soulever un argument fondamental dès lors que les dispositions législatives relatives à l'enquête légale en matière d'accident du travail sont impératives, s'agissant de formalités substantielles, et que cette faute est en lien de causalité avec le préjudice subi dès lors que l'inopposabilité du caractère professionnel du décès ne pouvait faire l'objet d'un recours ultérieur devant les juridictions techniques ; qu'en effet les litiges opposant la CPAM et l'employeur sur l'opposabilité du caractère professionnel d'un accident relèvent du contentieux général de la Sécurité sociale ; qu'ainsi la contestation ne pouvait être utilement soulevée et réglée que par les juridictions du contentieux général de la Sécurité sociale, à savoir le tribunal des affaires de Sécurité sociale, puis le cas échéant la cour d'appel, seules juridictions à pouvoir se prononcer sur l'opposabilité du caractère professionnel de l'accident à l'égard de l'employeur ; qu'en outre cette inopposabilité ne pouvait davantage faire l'objet d'un nouveau recours dans le cadre du contentieux général ;

Considérant que par des motifs pertinents que la cour approuve, les premiers juges ont retenu que si certes il existe en matière de réparation des risques professionnels une indépendance des rapports caisse/ victime et caisse/ employeur, ce qui autorise ce dernier à agir contre la caisse par la voie du contentieux général devant le Tribunal des affaires de Sécurité sociale, ce indépendamment de l'action exercée par la victime ou son ayant droit contre la caisse, toutefois lorsque l'employeur est intervenu volontairement à l'instance ou y a été mis en cause, comme cela a été le cas en l'espèce à l'initiative de la CPAM, la décision prise par la juridiction compétente acquiert autorité de la chose jugée à son égard, dès lors qu'il est partie à la procédure ; qu'il en résulte que l'appelante, alors qu'il était de l'intérêt de sa cliente de soulever le moyen de défense tiré de l'irrégularité de l'enquête, ne peut utilement soutenir que la cour d'appel ne s'est pas prononcée sur le caractère opposable à l'employeur de la prise en charge de l'accident et que l'employeur pouvait toujours agir sur ce fondement dans le cadre d'une autre action ; qu'il est constant que c'est seulement après l'arrêt de la cour d'appel de Riom et eu égard à la motivation dudit arrêt, que la Selafa a évoqué avec sa cliente la possibilité, selon elle, d'exercer une autre action, qu'elle a ainsi manqué à son devoir de conseil puisque l'action ainsi envisagée se serait heurtée à l'autorité de la chose jugée de l'arrêt du 4 juillet 2000 ; qu'en conséquence le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu que la Selafa avait engagé sa responsabilité et qu'elle a fait perdre à la société Veolia une chance certaine de se voir déclarer inopposable la reconnaissance du caractère professionnel du décès de M. Z... ;

Considérant sur l'importance du préjudice, que le montant de 190 384, 27 € qui a été sollicité par la société Veolia, sur la base d'une expertise comptable amiable, comme correspondant à un surcoût de cotisations, a été à bon droit retenu comme justifié par les premiers juges lesquels ont pris en compte les éléments résultant du rapport circonstancié de M. A..., consultant, dont les termes n'ont pas été discutés en première instance et ne le sont pas devant la cour ; que toutefois, s'agissant de la réparation d'une perte de chance, la cour dispose des éléments pour condamner la Selafa appelante à payer à la société Veolia la somme de 180 000 € à titre de dommages et intérêts, le jugement déféré étant donc infirmé uniquement sur le quantum des sommes allouées en réparation ;

Considérant que l'équité commande de faire application en appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'intimée à hauteur de la somme de 3500 € et de débouter l'appelante de la demande qu'elle a formée sur ce même fondement, les dépens d'appel étant à la charge de l'appelante.

PAR CES MOTIFS :

Joint les instances enregistrées sous les Nos 10/ 03356 et 10/ 18287 sous le No 10/ 03356,

Confirme le jugement du 30 juin 2010 sauf en ce qui concerne le quantum des dommages et intérêts alloués à la société Veolia Eau-Compagnie Générale des Eaux,

Statuant à nouveau de ce seul chef,

Condamne la Selafa X... à payer à la société Veolia Eau-Compagnie Générale des Eaux la somme de 180 000 € à titre de dommages et intérêts,

Confirme le jugement du 30 juin 2010 pour le surplus de ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la Selafa X... à payer à la société Veolia Eau-Compagnie Générale des Eaux la somme de 3500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Selafa X... aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2- chambre 1
Numéro d'arrêt : 10/03356
Date de la décision : 03/05/2011
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2011-05-03;10.03356 ?
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