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11/05/2011 | FRANCE | N°09/07234

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 11 mai 2011, 09/07234


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 11 Mai 2011



(n° , 5 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/07234



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Mars 2009 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - Section Encadrement - RG n° 07/09270





APPELANTE

Mademoiselle [K] [G]

[Adresse 1]

[Localité 3]

comparante en personne, assistée de Me Natali ALEKSI

C, avocate au barreau de PARIS, R016





INTIMÉE

Société APIC

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Jean-François BOULET, avocat au barreau de PARIS, P02 substitué par Me Jérôme LA...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 11 Mai 2011

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/07234

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Mars 2009 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - Section Encadrement - RG n° 07/09270

APPELANTE

Mademoiselle [K] [G]

[Adresse 1]

[Localité 3]

comparante en personne, assistée de Me Natali ALEKSIC, avocate au barreau de PARIS, R016

INTIMÉE

Société APIC

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Jean-François BOULET, avocat au barreau de PARIS, P02 substitué par Me Jérôme LAMBERTI, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Mars 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne DESMURE, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Geneviève LAMBLING, Présidente

Madame Anne DESMURE, Conseillère

Monsieur Benoît HOLLEAUX, Conseiller

GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.

- signé par Madame Geneviève LAMBLING, Présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Suivant un contrat à durée indéterminée conclu le 11 mai 2007, prévoyant une prise d'effet au 21 mai 2007 et une période d'essai de trois mois, Mme [G] est entrée en qualité de 'Responsable administratif, logistique et achats' au service de la sarl Action promotion industrie conseil (APIC), qui a pour activité la fabrication et la vente d'objets publicitaires.

L'employeur a mis fin à la période d'essai par lettre recommandée datée du 14 juin 2007.

Soutenant que cette rupture était abusive et que l'employeur restait redevable d'un rappel de salaires, Mme [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 4 mars 2009, l'a déboutée de ses prétentions.

Régulièrement appelante, Mme [G] demande à la cour d'infirmer ce jugement et, statuant à nouveau, de condamner la sarl APIC à lui verser la somme de 29 000,04 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive, la somme de 219,69 euros à titre de rappel de salaire et celle de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Intimée, la sarl APIC requiert la cour de confirmer le jugement déféré et de condamner Mme [G] au paiement d'une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un complet exposé des faits et de la procédure, la cour se réfère expressément aux écritures que les parties ont déposées et développées à l'audience du 21 mars 2011.

MOTIFS

Sur le rappel de salaires

Considérant que pour prétendre au paiement du salaire jusqu'à la date du 18 juin 2007, Mme [G] soutient que la date de la première présentation de la lettre recommandée lui notifiant la rupture de la période d'essai fixe la date de la rupture de la relation contractuelle de sorte que la société APIC a à tort cessé d'honorer le versement du salaire à la date du 15 juin précédent correspondant à la date de l'envoi de la lettre de rupture, alors que la lettre de rupture lui a été présentée le 18 juin 2007 ;

Mais considérant que la décision de l'employeur de mettre fin à la période d'essai n'est soumise à aucun formalisme particulier sauf dispositions contractuelles ou conventionnelles contraires et la rupture d'un contrat de travail se situe à la date où l'employeur a manifesté sa volonté d'y mettre fin ; que la société APIC ayant en l'espèce choisi de formaliser sa décision de mettre fin à l'essai par une lettre recommandée avec avis de réception, c'est dés lors au jour de l'envoi de cette lettre que se situe la rupture de la relation contractuelle ; que la lettre recommandée datée du 14 juin ayant été postée le 15 juin, c'est à bon droit que la sarl APIC a cessé d'honorer le versement du salaire de Mme [G] à compter de cette date ;

Considérant que le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a débouté Mme [G] de ce chef de demande ;

Sur la rupture

Considérant que l'employeur peut discrétionnairement mettre fin à la relation contractuelle avant l'expiration de la période d'essai sous réserve cependant de ne pas faire dégénérer ce droit en abus ;

Considérant en l'espèce que Mme [G] soutient en substance que le contrat a été rompu pour un motif étranger aux prestations qu'elle a fournies, que l'employeur avait dés son embauche l'intention de limiter son emploi à la durée de l'essai et qu'il s'est servi d'elle pour pourvoir provisoirement un poste ;

Que de son côté, la société APIC répond qu'elle a mis fin à la période d'essai en raison de l'inaptitude professionnelle de Mme [G] à occuper le poste, qu'elle n'a pas cherché à la remplacer par une stagiaire ou une salariée moins rémunérée, qu'il était prévu que Mme [G] bénéficie du soutien d'une assistante, que c'est à cet effet que Mlle [F] a été recrutée en juin 2007, qu'après le départ de Mme [G], elle a activement tenté de la remplacer, que ses recherches ont abouti en septembre 2008, que depuis cette date, Mlle [F] travaille sous l'autorité de Mlle [P] ;

Considérant que Mme [G] qui a la charge d'établir que la rupture de la relation contractuelle procède d'un comportement fautif engageant la responsabilité contractuelle de la sarl APIC, invoque une attestation de Mlle [T], le recrutement de Mlle [F] quelques jours après le sien, l'impossibilité pour l'employeur de tester ses capacités dans le très court temps durant lequel elle a été au service de l'entreprise ;

Considérant que Mlle [T], qui a travaillé au service de la société APIC en qualité de chargée d'affaires du 2 janvier 2007 au 14 septembre 2007, date à laquelle elle a démissionné, atteste notamment en ces termes : 'A plusieurs reprises, avant la venue d'[K] [G] au sein de la société APIC, M. [R], président de la société, m'a déclaré qu'il ne la garderait pas. Il avait pourtant déjà signé son contrat de travail. Il m'a dit que le travail d'acheteur représenterait une charge financière qu'il pouvait alléger en engageant une personne n'ayant pas forcément de formation mais ayant des qualités de rigueur. Il a d'ailleurs employé une étudiante en alternance, qui a commencé son travail le 18 juin quelques jours seulement après le départ de Mlle [G]. Je me souviens que M. [R] a rencontré cette étudiante le 28 mai 2007. Il m'a dit que le métier d'acheteuse, pour lequel il avait recruté Mlle [G], n'exigeait que des qualités de rigueur et ne nécessitait pas un salaire aussi important, ni l'ensemble des compétences dont elle disposait' ; que pour dénier toute valeur probante à ce document, la sarl APIC invoque des liens d'amitié entre Mmes [G] et [T]; qu'à supposer cette assertion exacte, l'existence de tels liens ne remet pas en cause la véracité de cette attestation relatant des propos tenus par l'employeur ; qu'il est au demeurant constant qu'une étudiante, en l'occurrence Mlle [F], a commencé à travailler au sein de la société APIC le 18 juin 2007 dans le cadre d'une convention de stage de deux semaines à laquelle a immédiatement succédé un contrat d'apprentissage d'une durée de trois ans; que la sarl APIC ne discute pas avoir rencontré Mlle [F] à cet effet le 28 mai 2007 ; qu'à cette date, Mme [G] travaillait depuis moins d'une semaine pour le compte de l'entreprise; que c'est ensuite par lettre datée du 1er juin 2007 que la sarl APIC a confirmé l'engagement de Mlle [F] en contrat d'apprentissage à compter du 2 juillet 2007 ; que l'employeur soutient que Mlle [F] était engagée en qualité d'assistante administrative et qu'il était convenu qu'elle travaillerait sous l'autorité de Mme [G] ; que Mlle [F] atteste certes qu'il lui avait été précisé qu'elle travaillerait 'sous la responsabilité d'une personne du service logistique' et que 'lors de mon premier jour, le 18 juin 2007, j'ai été surprise de constater que je serais seule au service logistique achats. On m'a alors expliqué que l'on avait mis fin à la période d'essai de la personne qui devait m'encadrer, Mme [G],...'; que ce témoignage confirme cependant que Mlle [F] n'a pas été mise en relation avec Mme [G] lors de son engagement, corroborant en cela l'affirmation de Mme [G] selon laquelle elle a 'découvert' l'existence et l'engagement de Mlle [F] le 11 juin 2007, à l'occasion d'un appel téléphonique de Mlle [F] en l'absence du gérant de la société; que le contenu du contrat d'apprentissage de Mlle [F] établit que l'employeur avait décidé de confier à Mlle [F] les missions de Mme [G] ; que la lettre datée du 1er juin 2007 décrit en effet ainsi qu'il suit la mission de Mlle [F] : 'A votre arrivée, vous prendrez la pleine responsabilité de la logistique au sein de notre société,... Vos tâches principales sur cette fonction seront la sélection des fournisseurs, la gestion des relations avec nos fournisseurs, nos sous-traitants et nos transporteurs, la sélection des nouveaux produits ..et le suivi des encours et des stocks. Vous aurez également en charge la gestion administrative de la société ; contrôle des factures fournisseurs par rapport aux commandes, contrôle des factures de frais généraux; loyers, etc.., suivi des bons de livraison, facturation des clients, rapprochement factures fournisseurs par rapport aux factures clients, gestion du paiement des fournisseurs, suivi du paiement des factures par les clients, rapprochement bancaire, classement des dossiers et toute autre tâche administrative inhérente à la vie de la société' ; que ce contrat, par lequel Mlle [F] s'est ainsi vue confier 'la pleine responsabilité de la logistique' et 'la gestion administrative de la société', dément qu'il était convenu que Mlle [F] serait l'assistante de Mme [G] et corrobore l'allégation de cette dernière selon laquelle, dans un temps concomittant de sa prise de fonction, l'employeur a décidé de vider de sa substance le poste de responsable administratif, logistique et achats qu'il avait proposé sur le site de l'APEC et pour lequel il l'avait recrutée et de recourir aux services moins onéreux d'une étudiante stagiaire ; que la sarl APIC ne peut d'ailleurs être suivie lorsqu'elle soutient qu'elle a vainement, après le départ de Mme [G], et pendant plus d'un an, cherché à pourvoir le poste qu'occupait Mme [G]; que les recherches d'emploi dont elle excipe à cet effet concernent en effet un poste d'assistant commercial, de nature différente de celui qu'occupait Mme [G], et un poste d'assistant logistique, et non de responsable logistique et administratif, publié sur le site de l'APEC, qu'elle a d'ailleurs pourvu à compter du 14 janvier 2008, par l'embauche de Mme [I] [E], qui a travaillé à son service jusqu'au 25 janvier suivant; que la sarl APIC ne justifie d'aucune recherche effectuée pour pourvoir le poste de responsable administratif, logistique et achats pendant plus d'un an après le départ de Mme [G]; que c'est 15 mois après la rupture de cette relation contractuelle, à l'approche de l'audience de jugement devant le conseil de prud'hommes, que la sarl APIC a engagé Mlle [P] pour occuper l'emploi de responsable administratif, logistique et achats avec pour assistante Mlle [F] ;

Et considérant que si l'employeur est seul juge des aptitudes professionnelles de son salarié, force est néanmoins d'observer en l'espèce que la sarl APIC n'a à aucun moment au cours des 19 jours l'ayant uni à Mme [G], fait montre d'une insatisfaction à l'égard de sa salariée; que contrairement à ce qu'elle affirme en effet, aucun des courriels de M. [R], gérant de la société, n'est porteur d'une quelconque réserve ou critique envers Mme [G]; que la lettre adressée le 11 juin 2007 sur papier libre par 'Zéphyr impression', entreprise sous-traitante, à l'employeur, ne relate aucun fait susceptible d'établir que Mme [G] 'n'est pas assez organisée' , 'peu précise et confuse dans ses propos', ou encore qu'elle prend 'un ton agressif lorsqu'on lui fait part de ses inadvertances', et la cour s'étonne que Zéphir impression puisse dénoncer devoir 'régulièrement' gérer des contretemps du fait de Mme [G], eu égard à la très brève période durant laquelle cette dernière a travaillé au service de la sarl APIC ; que l'insatisfaction de l'employeur quant aux capacités professionnelles de Mme [G] n'a ainsi pas été la cause de la rupture et la très brève période durant laquelle cette dernière a travaillé au service de la sarl APIC ne pouvait au demeurant suffire pour tester sa capacité à exercer le poste de responsabilité défini au contrat de travail ;

Considérant que de l'ensemble de ce qui précède, il résulte amplement que la sarl APIC a fait montre d'une légèreté blâmable engageant sa responsabilité contractuelle envers Mme [G] en mettant fin à sa période d'essai pour un motif étranger aux prestations fournies par Mme [G] ou à ses qualités professionnelles; que le jugement déféré sera donc infirmé ;

Considérant que Mme [G] avait démissionné de son précédent emploi, qu'elle occupait selon un contrat à durée indéterminée, pour entrer au service de la sarl APIC ; qu'elle n'a pu bénéficier des allocations chômage à la suite de la rupture en raison de la durée de son activité au service de ce nouvel employeur et est restée 17 mois sans emploi ; qu'elle peut être suivie lorsqu'elle soutient que le fait d'avoir volontairement quitté un contrat à durée indéterminée pour rester moins d'un mois au service de la sarl APIC l'a pénalisée auprès des recruteurs ;

Considérant que du tout, il résulte que Mme [G] demande légitimement l'indemnisation de son préjudice; que la somme de 14 500euros lui sera allouée à ce titre ;

Considérant que l'équité commande d'indemniser Mme [G] de ses frais irrépétibles à hauteur de la somme de 2 000 euros qu'elle réclame ; que la sarl APIC qui succombe sera déboutée de sa prétention sur ce même fondement juridique ;

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement déféré si ce n'est en ce qu'il a débouté Mme [G] de sa demande de rappels de salaires,

Statuant à nouveau :

CONDAMNE la sarl Action promotion industrie conseil à payer à Mme [G] la somme de 14 500 euros à titre de dommages-intérêts et la somme de 2 000 euros en indemnisation de ses frais irrépétibles,

DÉBOUTE la sarl Action promotion industrie conseil de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la sarl Action promotion industrie conseil aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 09/07234
Date de la décision : 11/05/2011

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°09/07234 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-05-11;09.07234 ?
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