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13/09/2011 | FRANCE | N°04/20113

France | France, Cour d'appel de Paris, 13 septembre 2011, 04/20113


COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2- Chambre 1

ARRET DU 13 SEPTEMBRE 2011

(no 274, 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/ 21838

Décision déférée à la Cour :
jugement du 20 octobre 1999- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 199816760
arrêt 13 décembre 2005 sursis à statuer 1ère Chambre section Z Cour d'Appel de PARIS-RG 04/ 20113



INTERVENANTE FORCÉE ET COMME TELLE APPELANTE

Mme Colette X... née Y... veuve de M. Antoine X...

demeurant...

75008 PARIS
représentée par la S

CP HARDOUIN, avoué à la Cour
assistée de Me Jean-Philippe HUGOT de l'ASS HUGOTAVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C 2501


...

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2- Chambre 1

ARRET DU 13 SEPTEMBRE 2011

(no 274, 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/ 21838

Décision déférée à la Cour :
jugement du 20 octobre 1999- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 199816760
arrêt 13 décembre 2005 sursis à statuer 1ère Chambre section Z Cour d'Appel de PARIS-RG 04/ 20113

INTERVENANTE FORCÉE ET COMME TELLE APPELANTE

Mme Colette X... née Y... veuve de M. Antoine X...

demeurant...

75008 PARIS
représentée par la SCP HARDOUIN, avoué à la Cour
assistée de Me Jean-Philippe HUGOT de l'ASS HUGOTAVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C 2501

INTIMES

Monsieur Brooks A...

...

...

78100 SAINT-GERMAIN-EN-LAYE

Madame Annette B... épouse A...

...

...

78100 SAINT-GERMAIN-EN-LAYE

représentés par la SCP CALARN-DELAUNAY, avoués à la Cour
assistés de Me Bruce c. MEE de la DLA PIPER UK LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : R 235

INTERVENANTS FORCÉS

M. Hervé D...

...

75116 PARIS

M. Nicolas Marie Antoine Pierre E...

...

75006 PARIS

Mme Hélène Marie Sylvie E...

...

75116 PARIS

représentés par la SCP BASKAL-CHALUT-NATAL, avoués à la Cour
assistés de Maître Jean-Philippe HUGOT de l'ASS HUGOT AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C 2501

INTERVENANT VOLONTAIRE

M. Guy Nathan Michel F... ès qualités d'héritier de son père Daniel F...

...

10021 NEW YORK (USA)

M. Alec Nathan Marcel F... ès qualités d'héritier de son père Alec F...

...

...

KENIA

Melle Diane Liliane Martine F... ès qualités d'héritière de feu Alec F...

...

DUBAÏ (Emirats Arabes Unis)

tous trois représentés par la SCP NARRAT-PEYTAVI, avoués à la Cour
assistés de Maître Jean-Luc CHARTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P 289
qui a fait déposer son dossier

INTERVENANTE

Madame Lioubov Euguenievna I... veuve F... ès qualités d'héritière de feu Alec F...

...

et actuellement... paris 75007

non comparante

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 juin 2011, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :

Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre
Madame Brigitte HORBETTE, Conseiller
Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN

ARRET :

- défaut
-rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

******************

M. Antoine X..., descendant du peintre VUILLARD, ayant entrepris la confection d'un catalogue raisonné des oeuvres de son ancêtre, a fait appel en 1990 à l'aide de la National Gallery of Art de Washington (USA) qui préparait une exposition sur le peintre et a mis à sa disposition Mme Annette B..., épouse de M. Brooks A..., pour ce faire.

Cette collaboration, consistant à répertorier, compiler, classer, indexer, illustrer, commenter, saisir informatiquement l'ensemble du fonds détenu par M. X... et à rechercher de nouveaux documents, a duré plusieurs années, M. Brooks A... se joignant ultérieurement à son épouse pour accomplir ce travail.

A la suite du changement d'éditeur choisi, le F... INSTITUTE succédant à M. Adam J..., des difficultés sont apparues entre M. X... et les époux A...- B... relatives à la mention de leur nom sur la page de titre de l'ouvrage et un premier accord a été conclu le 8 juillet 1994 selon lequel les époux A...- B... s'engageaient à terminer leur travail et le remettre, renonçaient à leur droit patrimonial ayant été rémunérés et autorisaient l'utilisation la plus large du catalogue tandis que M. X... acceptait la mention de leur nom et de leur qualité de co-auteurs. Après que les époux A...- B... aient refusé de donner les disquettes de leur travail en ayant appris que le catalogue serait finalement publié sous le seul nom de M. X..., un second accord a été conclu en1996.

Ce nouvel accord, qui précise valoir transaction, conclu à la suite d'une assignation des époux A...- B... par M. X..., entériné par une ordonnance de référé du 21 mars 1996, comporte un article 6 qui stipule :
" En cas de refus des textes, le présent accord deviendra caduc en tous ses points et sera, en conséquence, résolu. Dans l'hypothèse d'un refus et de la résolution du présent contrat, il est convenu que Mme B... et M. A... auront seuls le droit d'utiliser leurs textes figurant sur les disquettes et pourront les publier, soit partiellement, soit totalement, sous forme notamment d'études sur le peintre VUILLARD, sans que ces ouvrages puissent ressembler à un catalogue raisonné de l'oeuvre du peintre. M. X... s'oblige à autoriser Mme B... et M. A... à illustrer leurs ouvrages de photographies ou de documents provenant de son fond, sans qu'ils aient à en supporter les droits. Les textes de Mme B... et de M. A... ne pourront être utilisés par M. X... ou ses ayants-droit. ".

Les textes des époux A...- B... n'ont pas été acceptés et ils ont alors demandé à M. X..., en exécution de cet accord, la communication de 180 documents dont ils ont fourni la liste, ce qui leur a été refusé.

Les parties sont depuis en litige sur l'exécution dudit accord et l'interprétation de l'article 6 sus-cité.

Par jugement du 20 octobre 1999, le tribunal de grande instance de Paris
a constaté que l'accord entre les parties était résolu,
a, en application de son article 6, enjoint à M. X... de remettre aux époux A...- B... les documents référencés dans leur demande sous astreinte de 500 francs par jour de retard à compter de la signification,
condamné M. X... à payer 10 000 francs de dommages et intérêts aux époux A...- B... ainsi que 15 000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
rejeté la demande complémentaire des époux A...- B... d'indemnisation pour des propos vexatoires qui auraient été tenus,
rejeté la demande reconventionnelle de M. X... fondée sur leur faute contractuelle tenant à leur travail qu'il estime inutilisable,
et ordonné l'exécution provisoire.

M. X... a fait appel du jugement du 20 octobre 1999 et fait intervenir sa soeur, Mme D....

Faute d'exécution de cette décision, le juge de l'exécution, saisi à l'initiative des époux A...- B..., a fait droit à leur demande par jugement du 22 février 2000 mais M. X... a obtenu du premier président de la cour d'appel la suspension de l'exécution provisoire du jugement par ordonnance du 12 juillet 2000.

De nombreuses autres procédures les ont opposés et les opposent toujours, parmi lesquelles, principalement, une procédure en contrefaçon introduite par les époux A...- B... liée à la publication, en 2003, du catalogue raisonné de l'oeuvre de VUILLARD et une plainte avec constitution de partie civile déposée en 2004 par Mme X... et MM. X..., M... et N... (rédacteurs du catalogue) contre les époux A...- B... pour faux et usage, abus de confiance et tentatives d'escroquerie au jugement. Cette dernière a abouti à une décision de relaxe le 22 octobre 2009, les parties civiles faisant appel des dispositions civiles du jugement qui les a déboutées.

C'est dans ce contexte, et alors que des pourparlers entre les parties et M. F... se sont développés parallèlement, entraînant le retrait de l'affaire du rôle de la cour, qu'elle a rendu, le 13 décembre 2005, un arrêt ordonnant le sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale alors en cours.

CECI ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR,

Vu l'arrêt du 13 décembre 2005 susvisé auquel il est renvoyé pour un plus ample exposé des faits et de la procédure,

Vu les dernières conclusions déposées le 7 juin 2011selon lesquelles Mme X..., veuve d'Antoine X..., demande :
à titre principal, le rejet de la demande de révocation du sursis à statuer, les raisons pour lesquelles il a été ordonné existant toujours du fait de l'appel du jugement du tribunal correctionnel,
à titre subsidiaire, de prononcer la résolution du protocole sur le fondement de son article 6 et, aux constats que les époux A...- B... n'en n'ont pas respecté les conséquences en ne remboursant pas les sommes qu'ils ont perçues pour leur travail et la cession de leurs droits et qu'ils n'ont donc ni intérêt ni droit d'agir, l'infirmation du jugement en les déclarant irrecevables en leurs demandes, à défaut, de les condamner au remboursement desdites sommes,
en tout état de cause, de prononcer la nullité du protocole de 1996 et de son article 6, l'obligation contractée n'étant ni déterminée ni déterminable, le protocole ayant été conclu sous la contrainte, les obligations imposées à M. X... n'ayant aucune contrepartie, en conséquence d'infirmer le jugement,
à titre infiniment subsidiaire
d'infirmer le jugement qui a fait une interprétation erronée des obligations de l'article 6 du protocole car les demandes des époux A...- B... ont évolué sur le caractère d'originaux ou de copies des documents demandés, car aucun délai de remise n'était prévu, car la nature de l'extrait fourni de leur travail ne permettait pas de déterminer la nature finale de leur ouvrage, car ils n'ont pas besoin de tous ces documents, car ils ont déjà publié un article, car 70 des oeuvres réclamées sont disponibles depuis la publication du catalogue en 2003 et qu'ils peuvent les demander à la société de gestion des droits des oeuvres picturales,
l'infirmer car l'article 6 est en contradiction avec l'article L 121-1 du code de la propriété intellectuelle et avec l'ordre public,
de rejeter les demandes indemnitaires des époux A...- B... qui sont irrecevables en application de l'article 564 du code de procédure civile (salaires), ne démontrent aucune faute en application de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 (injures xénophobes),
à titre reconventionnel de condamner les époux A...- B... à lui payer 500 000 € pour les préjudices qu'ils lui ont causé, relatifs à la délivrance par eux de disquettes verrouillées empêchant leur utilisation alors qu'ils ont perçu une rémunération pour leur travail " inexploitable " et de " médiocre qualité ",
en tout état de cause, condamner les époux A...- B... à lui payer 30 000 € au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile et la même somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions déposées le 20 mai 2011 par lesquelles Mme et MM. F..., se disant héritiers de MM. Daniel et Alec F..., leurs grand père et père, intervenants volontaires, sollicitent la condamnation des époux A...- B... à leur payer 20 000 € chacun au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile au motif de leurs imputations aux décédés de faits " non prouvés, tendancieux, diffamatoires " et de considérations " fallacieuses, incohérentes et... étrangères à... l'instance ",

Vu les dernières conclusions déposées le 30 mai 2011 aux termes desquelles M. D... et Mme et M. E..., héritiers de Mme D..., soeur de M. X..., intervenants forcés, demandent la réformation du jugement, qu'il leur soit donné acte de ce qu'ils s'associent aux demandes de Mme X... et que soit prononcée la nullité du protocole de 1996 et de son article 6 ainsi que la condamnation des époux A...- B... à leur payer 15 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions déposées le 31 mai 2011 par lesquelles Mme Annette B... et M. Brooks A... (les époux A...- B...) demandent :
la révocation du sursis à statuer,
la confirmation du jugement en ce qu'il a ordonné la communication des documents référencés, sous astreinte de 1 500 € par jour de retard huit jours après les huit jours du prononcé, et en ce qu'il a reconnu leur droit à réparation en raison de la résistance abusive mais son infirmation sur le quantum du préjudice fixé à 10 000 francs,
statuant à nouveau, la condamnation de Mme X... à payer à Mme Annette B... : US $ 750 000 ou leur contre-valeur en euros et 1 € à M. Brooks A... de dommages et intérêts " en réparation du préjudice subi ", ainsi que 25 000 € à chacun à raison de ses propos injurieux et xénophobes contenus dans ses écritures et son débouté de ses demandes reconventionnelles,
subsidiairement, si M. X... n'est pas titulaire des droits qu'il a consentis par l'article 6 du protocole, la condamnation de Mme X... aux mêmes sommes de US $ 750 000 ou leur contre-valeur en euros et 1 € pour la faute commise par elle et M. X... ainsi que 50 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
de déclarer irrecevables les interventions volontaires de M. D... et Mme et M. E... faute de qualité et d'intérêt à agir, leur intervention concernant des demandes non évoquées en première instance, subsidiairement de les débouter et de les condamner à leur verser 50 000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire et 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
de déclarer irrecevables les interventions volontaires de Mme et MM. F... et de les condamner à leur verser 5 000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive et 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

SUR CE,

Sur le sursis à statuer :

Considérant que la cour, par son arrêt du 13 décembre 2005, avait sursis à statuer en considération de la plainte avec constitution de partie civile déposée alors ;

Que Mme X... soutient que les causes ayant existé pour prononcer le sursis perdurent et que l'appel du jugement correctionnel, notamment, justifie le maintien de cette attente ;

Qu'à l'inverse les époux A...- B..., qui énoncent que leurs adversaires cherchent toutes les façons de retarder l'issue de l'instance présente qui aurait une influence sur celle en contrefaçon pendante et que Mme et M. X... ont soutenu la position rigoureusement inverse dans cette autre procédure, font valoir à bon escient que, du fait de la décision de relaxe intervenue sur la plainte, le sursis à statuer ne se justifie plus, d'autant que la loi du 5 mars 2007, modifiant l'alinéa 3 de l'article 4 du code de procédure pénale, a prévu que la suspension des instances civiles ne s'imposaient plus lorsque l'action publique était engagée même si elle pouvait avoir une incidence sur la décision civile ;

Que dans ces conditions, et l'appel du jugement correctionnel ne portant que sur ses dispositions civiles, le dispositif pénal étant définitif, le sursis sera révoqué et il sera statué au fond ;

Au fond :

Considérant qu'il convient de rappeler que le litige dont est saisie la cour porte exclusivement sur le protocole d'accord convenu entre les parties et entériné par l'ordonnance de référé sus-évoquée du 21 mars 1996 et, en particulier, sur l'interprétation de son article 6 et son exécution relative aux conséquences contractuelles du refus des textes produits par les époux A...- B..., dès lors qu'il n'est pas contesté que ces textes ont été refusés par Antoine X... ;

Que sont donc nécessairement en dehors du débat les foisonnants développements des écritures des uns et des autres consacrés, notamment, au protocole précédent, à la qualité du travail fourni, aux interventions d'autres auteurs du catalogue, aux exigences des éditeurs, aux propos tenus de part ou d'autre en diverses occasions, voire dans des écritures, à l'incidence d'autres procédures ayant des objets différents, ou de relations entretenues par certaines des parties avec des tiers ;

Considérant tout d'abord que Mme X... soutient que, le protocole ayant énoncé qu'il était " résolu " du fait du refus des textes et ne survivant qu'en son article 6, toutes les autres conséquences juridiques d'une résolution, au sens de l'article 1183 du code civil, ont lieu de s'appliquer, ce qui, par l'effet de la remise des parties en leur état antérieur, rend les époux A...- B... " irrecevables " en leurs demandes et obligés de restituer l'ensemble des sommes perçues pour leur travail, la non exécution de cette obligation liée à la résolution les privant de " capacité, d'intérêt et de droit à agir " ;

Que toutefois les époux A...- B... lui objectent à raison que les conséquences de la résolution ont été convenues entre les parties et stipulées dans l'article 6 qui ne prévoit nullement un remboursement des rémunérations perçues, dont il est observé qu'il serait alors en parfaite contradiction avec la lettre comme avec l'esprit dudit article qui, de portée limitée à la non utilisation des textes des époux A...- B... et ses conséquences, n'a, d'évidence, pas entendu régler d'autres aspects des rapports entre les parties qui n'étaient, au demeurant, pas litigieux ;

Considérant que Mme X... soutient encore, à l'appui de la même demande de remboursement des mêmes sommes, la nullité de l'article 6 contesté, aux motifs de " l'indétermination de son objet... en application de l'article 1129 du code civil ", " en application des articles 1111 et suivants " du même code du fait de la " contrainte psychologique " exercée et de " l'absence de contrepartie " ;

Qu'à ce titre elle prétend que la communication de " photographies ou de documents " visés à l'article 6, destinés à illustrer un ouvrage à venir des époux A...- B..., laisserait planer l'incertitude tant quant à ce qui peut être exigé par eux que quant à la qualité de copie ou d'original et en veut pour preuve le fait que le premier président de la cour d'appel, en suspendant l'exécution provisoire du jugement querellé, les a " déboutés " pour ce motif et qu'ils ont évolué dans leur demande ; qu'elle fait valoir que Antoine X... aurait signé cet accord alors que, âgé de 74 ans, il était soumis à une forte pression psychologique de ceux avec lesquels il avait longuement collaboré et souhaitait achever le travail ; qu'elle affirme qu'il a, seul, fait des concessions en s'interdisant d'utiliser le travail qu'il a rémunéré et en s'obligeant à laisser illustrer un ouvrage au moyen de pièces provenant de son fonds ;

Considérant cependant qu'il est constant que l'article 6 ne mentionne pas qu'il ait pu s'agir d'oeuvres originales ; qu'Antoine X... ne s'y est d'ailleurs pas trompé lorsqu'il a reçu peu de temps après, par lettre du 16 septembre 1996, la demande de communication des époux A...- B... assortie d'une liste qui ne visait que des photographies déjà répertoriées par eux, numérotées, reproduites, destinées à la publication du catalogue raisonné envisagé et a fait répondre, le 23 septembre puis le 8 octobre 1996, sous la signature de Daniel F..., qu'il les communiquerait, libres de droits, après que les collaborateurs de cet éditeur les aient utilisées ; qu'il en résulte qu'aucun doute n'a jamais existé entre les parties sur le contenu de cette stipulation de sorte qu'elle était déterminable ; qu'au delà de ses affirmations, Mme X... ne s'explique pas sur la manière dont la " contrainte psychologique " aurait pu être exercée par les époux A...- B... sur Antoine X... alors qu'il est acquis que le protocole transactionnel du 21 mars 1996, rédigé par les conseils des parties, a été suggéré par le président du tribunal de grande instance de Paris, saisi en référé, et conclu sous son égide et que, sur la très grande majorité de ses articles, il ne fait que reprendre celui conclu par les mêmes parties en 1994 dont Mme X... ne conteste pas la validité ; que, outre le fait que la preuve n'est pas rapportée que les rémunérations, longuement évoquées, étaient versées par Antoine X... alors qu'elles apparaissent l'avoir été par la National Gallery of Art de Washington, organisme ayant mis Mme B... à sa disposition, rendant ainsi vaine l'argumentation relative à leur remboursement comme contrepartie aux concessions d'Antoine X..., la transaction, si elle devait être limitée à l'article 6 de l'accord, consacre, au contraire, des obligations réciproques, les époux A...- B... s'obligeant à ne rien publier qui " puissent ressembler à un catalogue raisonné de l'oeuvre du peintre " ; que, de plus, ce n'est qu'au prix d'un raisonnement artificiel qu'est soulevée la nullité du seul article 6 par cet argument alors que l'accord transactionnel formait un tout dans lequel les époux A...- B... renonçaient à la qualité de co-auteur du catalogue, essentielle pour eux comme il ressort de plusieurs des correspondances produites, et alors que l'article 6 n'a vocation à ne régler qu'un seul aspect des désaccords entre les parties, relatif aux conséquences du refus des textes ;

Considérant que Mme X... fait également valoir qu'il est impossible, au vu de " l'abstract " versé par ses adversaires, de savoir et de s'assurer que la publication qu'ils envisagent ne sera pas un catalogue raisonné ; qu'elle ajoute que la remise des documents sollicités n'est pas justifiée en l'absence de projet d'édition en faveur de ses adversaires et inutile à leur publication ;

Que le tribunal a répondu à ce soupçon dans des termes qui ne peuvent qu'être approuvés, la forme utilisée dans le document produit n'étant en rien semblable à celle finalement retenue par la fondation Wildenstein, comme il a justement répondu à la nécessité, pour un ouvrage ou un article concernant un peintre, de pouvoir l'illustrer ; que si d'ailleurs il se révélait, lors de publications ultérieures des époux A...- B..., qu'ils ont manqué au respect des termes du protocole transactionnel, Mme X... aurait toute latitude pour agir et le faire respecter ; qu'enfin Mme X... n'a pas à subordonner l'exécution de la transaction à une condition, l'existence de contrat d'un éditeur, qui n'y était pas mentionnée ;

Considérant que l'appelante indique, pour s'opposer encore au respect du protocole transactionnel, de manière paradoxale, que les deux tiers des documents sollicités auraient déjà fait l'objet de publication, notamment depuis 2003 dans le catalogue raisonné, ce qui permettrait aux époux A...- B... de les réclamer auprès de l'Association des Auteurs dans les Arts Graphiques et Plastiques (l'ADAGP) ;

Considérant à cet égard qu'il importe peu que les reproductions dont la communication a été demandée aient fait l'objet de publications et soient disponibles auprès de quelque organisme que ce soit dès lors que ce n'est pas sur lui, mais sur Antoine X... que reposait l'obligation de les communiquer, en application du protocole transactionnel, étant ajouté que cette communication est, aux termes du protocole, libre de droits à l'égard des époux A...- B..., contrairement à ce qui pourrait être le cas de la part de tiers à l'accord du 21 mars 1996 et que l'exécution de l'obligation, contractée à cette date, n'avait pas lieu d'être différée jusqu'en 2003, sans motif légitime, ni, encore moins, transférée à un tiers ;

Considérant que Mme X..., rejointe en partie sur ce point par les héritiers de Mme D..., avance que l'accord serait contraire au droit d'auteur, à l'exercice du droit moral et à l'ordre public dans la mesure où certains des documents sollicités n'ont jamais été divulgués, appartiendraient à d'autres auteurs que Vuillard ou auraient nécessité l'accord de l'ensemble des ayants-droit du peintre ou de ceux des autres artistes, Antoine X... n'ayant pas eu le pouvoir de les engager, qu'aucune assurance de l'intégrité des oeuvres transmises n'est fournie par les époux A...- B... ;

Considérant toutefois que les époux A...- B... font utilement observer que cette dernière argumentation est contredite d'une part par les héritiers de Mme D... qui affirment que Antoine X... est propriétaire des oeuvres réclamées et d'autre part par les deux contrats qu'il a signés, seul, avec ses deux éditeurs successifs en vue de la publication du catalogue raisonné, Adam J... et le F... Institute, en 1993 et 1996, dans lesquels il affirme respectivement " détenir tous les droits de reproduction des photographies qui seront reproduites dans l'ouvrage " et " avoir la libre disposition de tous les textes et illustrations entrant dans la composition de l'oeuvre " ;

Qu'il est de plus sans intérêt, pour établir la qualité des titulaires du droit moral, de s'abriter derrière l'ADAGP qui ne gère que des droits patrimoniaux et n'est détentrice que de listes d'ayants-droit s'étant fait connaître à elle, dont il est constant que celle produite ne contient le nom d'aucune des personnes se disant héritiers de Mme D... ; qu'il est en outre contradictoire pour l'appelante et ces derniers de soutenir tout à la fois que la communication est contraire au droit moral en ce que les documents n'ont jamais été divulgués et d'affirmer plus avant, pour les besoins d'un autre raisonnement, que la plupart, ayant déjà été divulgués, peuvent librement être demandés auprès de l'ADAGP ; qu'à cet égard Mme X..., en entretenant une équivoque quant à celles des oeuvres de la liste sollicitées qui ont été divulguées ou non puisqu'elle n'apporte aucune précision, ne rapporte pas la preuve de l'atteinte au droit moral qu'elle invoque ;

Qu'enfin et surtout les époux A...- B... observent avec raison que ni M. D... ni Mme ou M. E... ne rapportent la preuve de leurs qualités d'ayants-droit, ayant été défaillants à en justifier malgré la sommation à eux faite, de sorte qu'ils ne justifient pas être titulaires du droit moral ; qu'ils n'ont donc pas qualité à agir dans le présent litige ; que pour ce motif, l'ensemble du surplus de leur argumentation devient inopérant ;

Que s'agissant d'autres personnes, dont Mme X... suggère qu'elles pourraient également s'opposer à toute divulgation, Antoine X... n'étant pas titulaire de droits sur leurs oeuvres, il est constant que, outre qu'elle ne précise pas de qui ou de quelles oeuvres il pourrait s'agir, se limitant à des termes flous, elle n'a aucune qualité, comme le soulignent avec pertinence les époux A...- B..., pour agir en leur nom ;

Considérant de surcroît que les allégations de Mme X..., comme des héritiers de Mme D..., selon lesquelles aucune assurance de conservation de l'intégrité des oeuvres ne serait donnée par les époux A...- B... dans l'hypothèse de leur communication ne sont assorties, au delà de simples supputations, d'aucune démonstration de leur éventualité et sont d'autant plus irréalistes qu'il s'agit de copies et que, selon leurs écritures, la très grande majorité sinon la totalité aurait déjà été divulguée, sans que cela pose la moindre inquiétude, pas plus que ce n'a été le cas pour leur transmission aux collaborateurs du Wildenstein Institute en vue de la rédaction du catalogue raisonné ; qu'il n'est pas non plus établi que l'ouvrage projeté porte atteinte à la mémoire de Vuillard de quelque façon, ainsi que l'avaient également constaté les premiers juges ;

Considérant qu'en définitive, pour ces motifs, joints à ceux du tribunal, sa décision ne peut qu'être confirmée en totalité ;

Considérant qu'à l'appui de leur intervention Mme et MM. F..., qui précisent ne pas vouloir intervenir sur le fond mais seulement pour défendre la mémoire de leur père à laquelle les écritures des époux A...- B... porteraient atteinte, citant plusieurs passages desquels ils déduisent que leur auteur a été abusivement décrit comme en situation monopolistique sur le marché de l'art grâce à ses publications de catalogues raisonnés, font valoir que " ces invectives inadmissibles ", ces " imputations fallacieuses... et diffamatoires " et la déformation, par elles, de la réalité des faits justifient leur demande de dommages et intérêts et la condamnation des intimés sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile ;

Que les époux A...- B... rétorquent que leur intervention volontaire doit être déclarée irrecevable en soutenant, à juste titre, que, étrangère à l'objet du litige, ci-avant rappelé et limité à l'exécution d'un protocole transactionnel relatif à la transmission de documents, elle ne se rattache pas à lui par un lien suffisant, sa solution n'ayant aucune influence sur leurs droits ;

Considérant que, formant appel incident, les époux A...- B... réclament l'augmentation de la somme octroyée en réparation de leur préjudice tenant à la résistance de Antoine X... à exécuter le protocole transactionnel et la réparation des préjudices qu'ils auraient subis de ce fait, madame en ne faisant pas la carrière américaine qu'elle espérait et en perdant ainsi des salaires qu'elle escomptait, monsieur en étant privé de la possibilité de concrétiser son travail de recherche ;

Que Mme X..., qui qualifie de " débile " l'argument adverse, s'y oppose en soutenant, pour l'essentiel, que la carrière espérée par Mme B... était illusoire au regard de ses compétences ;

Considérant que, au delà de la polémique, les époux A...- B... ne démontrent pas la perte de chance subie par madame dans le déroulement de sa carrière, les attestations de diverses personnes louant ses qualités ou le témoignage d'une autre dans une procédure étrangère relativement à une exposition n'étant pas de nature à pallier l'absence totale de pièces concernant même une tentative de sa part pour réintégrer, aux Etats Unis, son poste dont elle avait été détachée ou un autre ; que le préjudice subi du fait de l'atermoiement à délivrer les documents sollicités sera suffisamment réparé par l'octroi de l'astreinte demandée ;

Considérant que, compte tenu de ce qui précède, aucun dommages et intérêts ne sera alloué à aucune des parties, que ce soit à raison de propos tenus ou écrits ou en considération du travail accompli ;

Que toute partie pouvant se méprendre sur l'étendue de ses droits, et même lourdement s'agissant de particuliers, la présente procédure ne revêt aucun caractère de malignité particulière qui pourrait caractériser de la part de quiconque un abus du droit d'ester en justice ;

Considérant que les circonstances légitiment l'octroi, aux époux A...- B... seuls, d'indemnités procédurales par Mme X..., M. D... et Mme et M. E... et Mme et MM. F... dans la mesure précisée au dispositif ;

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions, à l'exception du montant de l'astreinte,

Réformant quant à ce seul montant, dit que les documents dont la remise a été ordonnée devront l'être sous astreinte de 1 500 € (mille cinq cents euros) par jour de retard, commençant à courir un mois après la signification du présent arrêt,

Déclare irrecevable l'intervention volontaire de Mme et MM. F...,

Déboute Mme X..., M. D... et Mme et M. E... de l'ensemble de leurs demandes,

Déboute les époux A...- B... de leurs demandes complémentaires,

Condamne Mme X... à payer aux époux A...- B... la somme de 50 000 € (cinquante mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. D... et Mme et M. E... in solidum à payer aux époux A...- B... la somme de 5 000 € (cinq mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme et MM. F... in solidum à payer aux époux A...- B... la somme de 3 000 € (trois mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme X..., M. D... et Mme et M. E... et Mme et MM. F... in solidum aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 04/20113
Date de la décision : 13/09/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-09-13;04.20113 ?
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