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13/09/2011 | FRANCE | N°10/09632

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 13 septembre 2011, 10/09632


COUR D'APPEL DE PARISPôle 2 - Chambre 1
ARRET DU 13 SEPTEMBRE 2011
(no 277, 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/09632
Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Avril 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 09/06683

APPELANTS
Monsieur Alain X......62400 BETHUNEreprésenté par la SCP FISSELIER CHILOUX BOULAY, avoués à la Courassisté de Me Michel HARDEMAN, avocat au barreau de BETHUNE
Madame Reine Marie A... épouse X......62400 BETHUNEreprésentée par la SCP FISSELIER CHILOUX BOULAY, avoués à la Courassistée de Me Miche

l HARDEMAN, avocat au barreau de BETHUNE

INTIMEE
VOIES NAVIGABLES DE FRANCE175 rue Ludovic...

COUR D'APPEL DE PARISPôle 2 - Chambre 1
ARRET DU 13 SEPTEMBRE 2011
(no 277, 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/09632
Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Avril 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 09/06683

APPELANTS
Monsieur Alain X......62400 BETHUNEreprésenté par la SCP FISSELIER CHILOUX BOULAY, avoués à la Courassisté de Me Michel HARDEMAN, avocat au barreau de BETHUNE
Madame Reine Marie A... épouse X......62400 BETHUNEreprésentée par la SCP FISSELIER CHILOUX BOULAY, avoués à la Courassistée de Me Michel HARDEMAN, avocat au barreau de BETHUNE

INTIMEE
VOIES NAVIGABLES DE FRANCE175 rue Ludovic Boutleux62408 BETHUNEreprésentée par la SCP Nicolas GAULTIER et Catherine KISTNER GAULTIER, avoués à la Courassistée de Maître Héloïse HICTER, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 juin 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre chargé du rapport, en présence de Madame Dominique GUEGUEN, conseiller,.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambreMadame Brigitte HORBETTE, ConseillerMadame Dominique GUEGUEN, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Noëlle KLEIN

ARRET :
- contradictoire- rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, président de chambre- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier à qui la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

**********
La Cour,
Considérant que, dans le numéro d'avril-mai 1980 de la revue professionnelle des transporteurs fluviaux « Label voie d'eau », l'Office national de la navigation a publié une étude qu'il avait fait réaliser dans la perspective du renouvellement et de la modernisation de la flotte fluviale française sous le titre « Un matériel fluvial pour demain à construire aujourd'hui » ; que cet article, développant l'idée selon laquelle le matériel français n'était plus concurrentiel face au matériel étranger, plus moderne et plus diversifié, préconisait la construction de nouveaux matériels dont il précisait les caractéristiques techniques, proposait aux professionnels intéressés de demander l'étude complète soit à la rédaction de la revue, soit à la direction régionale des voies navigables du Nord-Pas-de-Calais ;Que, le 12 juin 1980, l'Office national de la navigation émettait un avis informant les bateliers intéressés par « les études en cours concernant la construction éventuelle de matériel fluvial neuf » de la mise à leur disposition des fiches-questionnaires dans les bureaux d'affrètement, organisait, le 6 novembre 1980, une réunion d'information sur la construction de nouveau matériel fluvial et sur la création d'une société coopérative de construction, au cours de laquelle le projet a été examiné par les différents professionnels intéressés ; que cette réunion était suivie d'une autre réunion, dont le compte rendu fait apparaître que le coût d'un automoteur était passé de 2.000.000 à 2.600.000 francs, et de la publication de plusieurs documents ;Que, le 6 décembre 1982, était conclue entre l'Etablissement public régional du Nord-Pas-de-Calais et l'Office national de la navigation une convention qui stipulait, en vue du renouvellement du matériel fluvial, l'apport, fait par l'Etablissement public régional à l'Office national de la navigation d'une avance remboursable de 32 % du coût, hors taxe, des automoteurs et de 20 % du coût des barges ; qu'un marché a, alors, été conclu avec les chantiers navals pour la construction de bateaux, le coût des automoteurs étant arrêté à 4.178.805 francs, outre 117.720 francs pour les « options communes » ;Que, par acte signé le 14 mai 1985, complété par un avenant du 2 août de la même année, l'Office national de la navigation a consenti à M. Alain X..., exploitant le bateau Alreima, un prêt sans intérêts d'un montant de 1.832.589,17 francs remboursable à raison de trente versements semestriels constants de 61.086,30 francs avec un différé d'amortissement de cinq ans, en vue de l'achat d'un bateau automoteur de 850 mètres cubes ;Qu'exposant avoir contracté sur la foi d'études techniques personnalisées et réalisées par l'Office national de la navigation et acquis un bateau automoteur dont l'exploitation s'est révélée déficitaire alors que l'étude faisait apparaître des perspectives favorables, M. Alain X... et Mme Reine-Marie A..., son épouse, exploitant la bateau Alreima, ont fait assigner les Voies navigables de France, venant aux droits de l'Office national de la navigation, aux fins d'indemnisation devant le Tribunal de grande instance de Paris qui, par jugement du 7 avril 2010, les a déboutés de leurs demandes et condamnés aux dépens ;
Considérant qu'appelants de ce jugement, M. et Mme X..., qui en poursuivent l'infirmation, demandent que les Voies navigables de France soient condamnées à leur payer la somme de 854.000 euros en réparation de leur préjudice financier, tel qu'il a été calculé par un expert-comptable, outre les intérêts de retard, la somme de 117.000 euros au titre du rattrapage de leur retraite, eu égard au faible nombre de trimestres validés, et la somme de 30.000 euros en réparation de leur préjudice moral ;Qu'à l'appui de leurs prétentions, les appelants font valoir que l'étude réalisée par l'Office national de la navigation, devenu Voies navigables de France, sur l'acquisition d'un automoteur de 850 mètres cubes a été déterminante de leur consentement et que cette étude, destinée aux futurs acquéreurs, comporte de nombreuses erreurs, notamment dans le calcul des chiffres d'affaires prévisionnels ; que, selon eux, l'établissement public a commis des fautes en choisissant un bateau de 550 tonnes alors que les concurrents naviguaient sur des bateaux de 1500 tonnes, en ignorant la politique du ministère des transports qui favorisait le rail et la route et en s'abstenant d'actualiser son étude pour tenir compte du prix final des bateaux ; qu'ils ajoutent que les Voies navigables de France, en leur qualité de dispensateur de crédit, ont manqué à leur devoir de mise en garde consistant en un manquement à leur obligation extracontractuelle de conseil et de renseignement ;
Considérant que les Voies navigables de France concluent à la confirmation du jugement aux motifs qu'étant un établissement public chargé d'une mission de service public et que, comme tel, il lui est interdit de donner des conseils individualisés et qu'en outre, l'étude effectuée n'a eu aucun rôle déterminant dans l'engagement d'acquisition du bateau, pris cinq ans après ladite étude ;Que l'intimé fait encore valoir qu'il n'avait aucune mission de conseil, que, quoiqu'il en fût, l'étude était beaucoup trop imprécise pour engager sa responsabilité extracontractuelle et qu'il ne disposait pas des informations dont la rétention lui est reprochée par M. et Mme X... ;Que les Voies navigables de France ajoutent qu'il n'existe aucun lien de causalité entre les fautes qui lui sont reprochées et le préjudice allégué qui, au surplus, n'est justifié, ni en son principe, ni en son montant ;
SUR CE :
Considérant que les Voies navigables de France ont la qualité d'établissement public industriel et commercial de sorte que, même si les litiges les opposant à leurs usagers relèvent de la compétence judiciaire, il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'une personne morale de droit public chargée d'une mission de service public ; qu'en conséquence, les principes régissant le service public, et notamment le principe d'égalité, leur interdisent toute mission de conseil individualisé au profit des particuliers ; qu'en particulier et en vertu du décret du 26 décembre 1960, il appartient à l'Office national de la navigation, devenu Voies navigables de France, de « centraliser et de porter à la connaissance du public les renseignements de toute nature concernant l'utilisation des voies navigables » ;Qu'en l'occurrence, les deniers destinés à l'acquisition d'un automoteur ont été prêtés, non pas par l'Office national de la navigation, même s'il a participé, en tant qu'intermédiaire, au montage financier, mais par l'Etablissement public régional du Nord-Pas-de-Calais ;Qu'en conséquence, il ne saurait être reproché à l'Office national de la navigation, qui n'est ni banquier, ni rémunéré pour ses prestations, d'avoir manqué à une obligation de conseil à laquelle il n'était pas assujetti ;Considérant que, même si, dans une lettre adressée le 15 octobre 1996 à M. C..., batelier, les Voies navigables de France relèvent que le dispositif financier « reposait sur l'étude économique et financière réalisée par l'Office national de la navigation dans le but d'ajuster précisément les capacités de remboursement des bateliers en remboursements effectifs », il ne saurait être déduit de cette circonstance que l'Office ait incité M. et Mme X... à acquérir un bateau automoteur ou qu'il leur ait conseillé de le faire alors surtout que l'étude effectuée et les divers documents établis par l'Office, qui ne présentent aucun aspect commercial, ne sont pas destinés à convaincre de futurs acquéreurs ; qu'en outre, l'étude, pas plus que les autres documents émanant de l'Office national de la navigation ne sont annexés, aux conventions d'achat et de prêt conclues par M. et Mme X... ; Considérant qu'il n'est pas indifférent de noter que l'étude effectuée par l'Office national de la navigation appelait les bateliers à la prudence puisqu'il soulignait : « En ces périodes de conjoncture incertaine, il est extrêmement difficile d'imaginer ce que sera l'évolution de chaque poste de dépenses ainsi que de recettes… Compte tenu des ces différents facteurs agissant en sens contraire et dans l'incertitude de l'évolution des recettes qui, pour moitié, découlent de frets de transports d'importation fixés à l'étranger, on estimera - dans une première approche - que l'évolution des recettes permettra de couvrir la couverture stricte des dépenses… » ; qu'en outre et surtout, cette étude, dépourvue de promesses, était trop imprécise et générale pour fonder une quelconque responsabilité ;Que l'Office national de la navigation ne pouvait évidemment pas, à cette époque, connaître l'évolution de l'activité des bateliers ou de la rentabilité du type de bateau automoteur acquis par M. et Mme X... ; que, de plus, il n'est aucunement démontré que l'Office leur ait caché des informations dont il aurait disposé ;Qu'à cet égard, il sera noté que l'Office national de la navigation a rédigé de nombreux documents et comptes-rendus de réunions sur le renouvellement de la flotte fluviale française entre 1980 et 1982 et que la convention conclue entre l'Office et M. et Mme X... est datée du 14 mai 1985 et complétée par un avenant du 2 août de la même année ; Qu'il suit de là que, même si l'Office national de la navigation s'est fortement impliqué dans les études qui ont précédé la conclusion du contrat de prêt, il n'était aucunement débiteur d'une obligation d'information et de conseil personnalisés envers M. et Mme X... ;Considérant qu'enfin, M. et Mme X... ne démontrent aucunement que la situation économique dans laquelle ils se sont trouvés en raison de la mauvaise rentabilité de l'exploitation de leur bateau était due à une insuffisance de leurs capacités financières ; qu'en réalité et comme le soutiennent les Voies navigables de France sans être utilement contredites, cette mauvaise rentabilité était due à la conjoncture économique générale et, tout particulièrement, à la concurrence étrangère ;Considérant qu'il convient, en conséquence, de confirmer le jugement frappé d'appel ;
Et considérant que chacune des parties sollicite une indemnité en invoquant les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; que, succombant en leurs prétentions et supportant les dépens, M. et Mme X... seront déboutés de leur réclamation ; que l'équité ne commande pas d'allouer aux Voies navigables de France l'indemnité qu'elle demande ;
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 7 avril 2010 par le Tribunal de grande instance de Paris au profit des Voies navigables de France ;
Déboute M. Alain X... et Mme Reine A..., son épouse, et les Voies navigables de France, chacun de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens d'appel qui seront recouvrés par la S.C.P. Gaultier et Kistner, avoué des Voies navigables de France, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 10/09632
Date de la décision : 13/09/2011
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2011-09-13;10.09632 ?
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