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13/09/2011 | FRANCE | N°10/10866

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2- chambre 1, 13 septembre 2011, 10/10866


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2- Chambre 1

ARRET DU 13 SEPTEMBRE 2011

(no 278, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 10866

Décision déférée à la Cour :
jugement du 7 avril 2010- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 09/ 06580

APPELANT

Monsieur Zéphirin François X...
...
75012 PARIS
représenté par la SCP MICHEL BLIN et LAURENCE BLIN AVOUES ASSOCIES, avoués à la Cour
assisté de Maître Virginie

JAMET, avocat au barreau de PARIS, toque : D 228

INTIMES

Maître Philippe A...
...
75015 PARIS
représenté par la SCP HARDOUI...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2- Chambre 1

ARRET DU 13 SEPTEMBRE 2011

(no 278, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 10866

Décision déférée à la Cour :
jugement du 7 avril 2010- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 09/ 06580

APPELANT

Monsieur Zéphirin François X...
...
75012 PARIS
représenté par la SCP MICHEL BLIN et LAURENCE BLIN AVOUES ASSOCIES, avoués à la Cour
assisté de Maître Virginie JAMET, avocat au barreau de PARIS, toque : D 228

INTIMES

Maître Philippe A...
...
75015 PARIS
représenté par la SCP HARDOUIN, avoués à la Cour
assisté de Me Jérôme DEPONDT de la SCP BROQUET DEPONDT ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0042

SA COVEA RISKS pris en la personne de ses représentants légaux
19/ 21, allée de l'Europe
92110 CLICHY
représentée par la SCP HARDOUIN, avoués à la Cour
assistée de Me Jérôme DEPONDT de la SCP BROQUET DEPONDT ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0042

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 juin 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Dominique GUEGUEN, conseiller chargé du rapport, en présence de Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur François GRANDPIERRE, Président
Madame Brigitte HORBETTE, Conseiller
Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Noëlle KLEIN

ARRET :

- contradictoire
-rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, président de chambre
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier à qui la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

**********

M. Zéphirin François X..., de nationalité camerounaise, marié à Douala (Cameroun) le 30 juillet 2004 à Mme Jocelyne C..., de nationalité française, avec laquelle il est venu le 11 décembre 2004 s'installer en France, a obtenu, en application de l'article L 313-11-4 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) un titre de séjour d'un an en décembre 2004, renouvelé pour un an en décembre 2005 mais en raison du décès de son épouse le 28 novembre 2005 n'a pu faire renouveler son titre de séjour en 2006, sa demande étant rejetée par une décision du Préfet de Police en date du 29 mars 2007, notifiée le 31 mars 2007, avec un arrêté de reconduite à la frontière.

S'étant adressé en décembre 2006 à M. Philippe A..., avocat, ce dernier, le 4 avril 2007 a introduit, d'une part un recours gracieux devant le Préfet de Police, d'autre part un recours hiérarchique devant le ministre de l'Intérieur, lesquels, restés sans réponse, ont donc été rejetés et parallèlement a conseillé à M. X... de conclure un pacte civil de solidarité avec la concubine partageant sa vie depuis le décès de son épouse afin, en cas de rejet des recours engagés, de pouvoir solliciter le renouvellement de son titre de séjour en invoquant une communauté de vie avec une ressortissante de nationalité française, lui rappelant les 11 et 14 mai 2007 les démarches à accomplir en ce sens.

M. X..., signataire d'un Pacs le 19 septembre 2007, ce dont il n'a pas informé M. A..., a été convoqué le 11 octobre 2007 une première fois à la préfecture de Police de Paris en vue de l'exécution de son obligation de quitter le territoire français subséquente au refus de renouvellement de son titre de séjour, avec retrait de son passeport contre récépissé et il a saisi un autre avocat, lequel a formalisé un recours, le 30 octobre 2007, contre la décision administrative du 29 mars 2007 afin, selon M. X... lui-même, de gagner du temps sachant que cette saisine en annulation était faite hors délai mais sollicitant un relevé de forclusion pour se maintenir sur le territoire français.

Par ordonnance du président du tribunal administratif de Paris du 3 décembre 2007, confirmée le 17 mars 2008 par la cour d'appel administrative de Paris, le recours a été rejeté du fait de la tardiveté de la requête et entre-temps, M. X... a été une nouvelle fois convoqué : par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris en date du 13 janvier 2008, il a été placé en centre de rétention administrative à Vincennes pour reconduite dans son pays.

C'est dans ce contexte que M. X... a recherché devant le tribunal de grande instance de Paris la responsabilité professionnelle de M. A... et de son assureur, reprochant au premier d'avoir manqué à ses obligations de diligence et de conseil en ne déposant pas le " seul " recours possible en annulation, contre la décision de refus de renouvellement de titre de façon à permettre son maintien sur le territoire français et à gagner du temps.

Par jugement en date du 7 avril 2010, le tribunal a rejeté l'action de M. X... et l'a condamné, outre aux dépens, à payer à M. Philippe A... la somme de 3500 € à titre d'indemnité procédurale.

CELA ETANT EXPOSE, la COUR :

Vu l'appel interjeté le 20 mai 2010 par M. X...,

Vu les conclusions déposées le 17 août 2010 par l'appelant qui demande l'infirmation, statuant à nouveau, au visa de la loi du 31 décembre 1989, la condamnation de M. A... in solidum avec la société Covea Risks à lui payer, avec intérêt au taux légal à compter de l'assignation du 21 avril 2009, les sommes de 100 000 € au titre de la perte de chance et de 20 000 € au titre de son préjudice moral, la somme de 5000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer les entiers dépens,

Vu les conclusions déposées le 9 novembre 2010 par M. A... et la société Covea Risks qui demandent, au visa des articles L 512-1 et L 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et la condamnation de l'appelant à verser à M. A... la somme de 6000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer les entiers dépens.

SUR CE :

Considérant que l'appelant fait valoir qu'à réception de la décision de rejet du Préfet de Police en date du 29 mars 2007, notifiée le 31 mars 2007, il est retourné voir M. A..., consulté 4 mois auparavant le 5 décembre 2006, pour qu'il introduise le recours mentionné dans ladite décision, lui offrant seulement deux possibilités, soit le retour dans le pays d'origine, soit la saisine du Tribunal Administratif dans un délai de 2 mois, la décision intervenant dans un délai de un à deux ans ; que son avocat a choisi une autre procédure vouée à l'échec puisque non prévue par les textes, l'article 512-1 du CESEDA, d'autant que les deux recours engagés le 4 avril 2007, complétés par l'envoi de pièces complémentaires le 14 mai 2007, n'ont pas été suivis d'effet alors que la saisine du tribunal administratif était suspensive ;

Considérant qu'il fait valoir que la faute commise par l'avocat, non susceptible d'être réparée le délai de recours étant expiré, l'a privé des possibilités de recours lui permettant le maintien sur le sol français, a entraîné son expulsion et son licenciement et l'a contraint à initier des procédures pour gagner du temps ; que l'avocat aurait dû introduire sans attendre les recours gracieux et hiérarchique soit dès le 5 décembre 2006, puis, dès la notification du 31 mars 2007, saisir le tribunal administratif, seul recours mentionné d'ailleurs dans la notification ce conformément à l'article L 512-1 du CESEDA, ce qui n'autorisait pas l'avocat à s'affranchir de cette obligation légale et d'ordre public pour l'obtention de la carte vie privée et familiale ; que l'avocat avait l'obligation de tenter ce " seul " recours dès lors qu'une chance existait, même infime ;

Considérant qu'il considère la décision déférée erronée dès lors que les premiers juges ont retenu que, au regard des dispositions applicables qui permettent au juge administratif de vérifier si les conditions de maintien de l'intéressé sur le territoire national sont réunies ou non au sens de l'article L 313-11- 4o du CESEDA, la chance de M. Mvotio Takala d'obtenir l'annulation de la décision préfectorale était plus faible que celle de voir prendre en compte la situation résultant du Pacs souscrit et que l'avocat a pour devoir de déconseiller à son client l'exercice d'une voie de droit vouée à l'échec alors que le rejet a été fondé sur le caractère tardif du recours sans examen du fond ; qu'il conteste cette analyse, l'article L 313-11 du CESEDA ne permettant pas à un étranger pacsé avec une personne de nationalité française de bénéficier d'un titre de séjour d'un an alors que la saisine du juge administratif devait être tentée et n'était pas entièrement vouée à l'échec, le débat étant contradictoire et la juridiction disposant de tous les éléments du dossier, en l'espèce un décès brutal du conjoint ayant parfois permis la régularisation ;

Considérant que les intimés rétorquent que M. A... a diligemment analysé la situation de son client et a considéré que les chances de succès d'un recours devant le tribunal administratif étaient très limitées, voire nulles, raison pour laquelle il a conseillé à son client d'opter pour le dépôt de recours administratifs, soit les recours hiérarchique et gracieux, contre la décision du préfet et parallèlement de conclure un PACS, de manière, en cas de rejet des recours engagés, à pouvoir solliciter du préfet de police le renouvellement de son titre de séjour en invoquant un élément nouveau prouvant ses attaches familiales avec la France et de se voir délivrer une carte de séjour " vie privée et familiale " ; qu'à cette fin, il a relancé son client, par des lettres des 3 avril et 14 mai 2007 pour lui rappeler les démarches à accomplir afin de mettre en oeuvre la stratégie définie, avec l'aval de M. X... ; que toutefois, ce dernier ne l'a pas avisé ni de la signature le 19 septembre 2007 d'un PACS avec sa concubine, Mme Irène D..., ni de sa convocation le 11 octobre 2007 à la préfecture de police " pour l'examen de sa situation administrative en vue de l'exécution de son obligation de quitter le territoire " et du fait que son passeport lui a été retiré contre récépissé, se contentant de changer d'avocat, ce qu'il a appris par une lettre d'une consoeur, Mme Marie-Joëlle E..., en date du 22 octobre 2007, l'informant qu'elle lui succédait dans la défense des intérêts de M. X... ;

Considérant que l'obligation de l'avocat n'est qu'une obligation de moyens, à laquelle il satisfait dès lors qu'il prodigue à son client le conseil et l'information que ce dernier est en droit d'attendre de lui ; qu'il a par ailleurs le devoir de lui faire part de son opinion quant aux chances de succès d'une procédure et quant à la stratégie qui lui paraît la plus adaptée ; qu'une fois en possession de l'accord de ce dernier sur le choix d'une procédure apparaissant la plus efficace, il ne saurait lui être reproché de n'avoir pas effectué un recours prétendu " convenu " alors que tel n'était pas le choix fait ; qu'en outre, il ne s'agissait pas du " seul recours ", la notification du 31 mars 2007 ne l'énonçant d'ailleurs pas ;

Considérant qu'en l'espèce, non seulement les lettres adressées par l'avocat à plusieurs reprises en avril et mai 2007 témoignent de la stratégie proposée et acceptée par le client, mais encore la nature des conseils donnés n'a pas lieu de faire l'objet de reproches ; qu'en effet l'avocat ayant déconseillé à son client le choix d'une procédure vouée à l'échec, il appartient à ce dernier, s'il entend néanmoins l'engager, de choisir un autre conseil ou d'effectuer lui-même le recours ; que si l'appelant soutient qu'il avait des chances même faibles de gagner, il ne justifie pas pour autant du bien fondé de cette simple affirmation de sa part, le fait d'avoir un travail régulier et une situation familiale particulière, circonstances importantes pour obtenir une régularisation, n'étant pas de nature, ce qui est différent, à garantir une annulation de refus par le juge ; que par ailleurs, dans le cadre de l'erreur manifeste d'appréciation, laquelle peut être invoquée pour obtenir l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, (ayant remplacé l'arrêté de reconduite à la frontière), il existait pour le moins une contradiction dans la situation de M. X... à se fonder sur la perte de son épouse comme rendant particulièrement difficile à vivre un éloignement subi immédiatement après, alors qu'il était depuis déjà une année en situation de concubinage, donc en mesure de surmonter cette épreuve sans pouvoir invoquer aisément des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; qu'encore les attaches familiales de l'appelant à la date de la décision, avant le PACS, non pas avec la France mais avec son pays d'origine, dans lequel il a 6 enfants, n'étaient pas de nature à démontrer le caractère disproportionné du refus du titre et de l'éloignement ; qu'enfin, le recours de l'article L 512-1 du CESEDA eut-il été diligenté, les risques d'éloignement immédiat d'un étranger sont les mêmes que ceux d'un étranger qui ne l'effectue pas et l'appelant ne saurait soutenir qu'il y aurait eu une utilité pour lui faire gagner du temps et repousser réellement le risque d'un éloignement forcé ;

Considérant que le PACS présentait en revanche un caractère pertinent et utile en vue d'accroître les chances de l'appelant dans l'obtention d'un titre de séjour, dans le cadre des recours hiérarchiques, dès lors que le préfet tient compte de tous les éléments relatifs à la vie privée et notamment des changements survenus, voire ensuite dans le cadre d'une nouvelle demande de titre de séjour qui aurait pu être faite en octobre 2007 si M. X... avait informé en temps utile son conseil alors qu'il a préféré changer d'avocat ;

Considérant que pour ces motifs complétant ceux des premiers juges qui ne peuvent qu'être approuvés en ce qu'ils soulignent également la faiblesse des chances de l'appelant d'obtenir satisfaction au moyen d'un recours en annulation, la décision déférée a retenu l'absence de faute de l'avocat et doit être confirmée en toutes ses dispositions ;

Considérant que l'appelant succombant en toutes ses prétentions sera débouté de sa demande d'indemnité procédurale et supportera les dépens d'appel mais que l'équité commande de faire application en appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'intimé M. A... dans les termes du dispositif ci-après.

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. Zéphirin François X... à payer à M. Philippe A... la somme de 3000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. Zéphirin françois X... à payer les dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 dudit code.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2- chambre 1
Numéro d'arrêt : 10/10866
Date de la décision : 13/09/2011
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2011-09-13;10.10866 ?
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