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29/11/2011 | FRANCE | N°10/21489

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 7, 29 novembre 2011, 10/21489


Grosses délivrées aux parties le :



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 7



ORDONNANCE DU 29 NOVEMBRE 2011



(n° , 9 pages)







Numéro d'inscription au répertoire général : 10/21489



Décision déférée : Ordonnance rendue le 18 Octobre 2010 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de PARIS



Nature de la décision : contradictoire



Nous, Christi

an REMENIERAS, Président de chambre à la Cour d'appel de PARIS, délégué par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l'article L16B du Livre des procédures fis...

Grosses délivrées aux parties le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 7

ORDONNANCE DU 29 NOVEMBRE 2011

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/21489

Décision déférée : Ordonnance rendue le 18 Octobre 2010 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de PARIS

Nature de la décision : contradictoire

Nous, Christian REMENIERAS, Président de chambre à la Cour d'appel de PARIS, délégué par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l'article L16B du Livre des procédures fiscales, modifié par l'article 164 de la loi n°2008-776 du 04 août 2008 ;

assisté de Carole TREJAUT, greffier lors des débats ;

Après avoir appelé à l'audience publique du 20 septembre 2011 :

APPELANTS

- ALPHA ASSOCIES CONSEIL SAS

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 3]

[Adresse 3]

- Monsieur [R] [G]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

- Madame [P] [U] épouse [G]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentés par la SCP FISSELIER CHILOUX BOULAY, avoués à la Cour

assistés de Me Nathalie PAGNON et Me Ghislin MICHEL plaidant pour ERNEST YOUNG, société d'Avocats, avocats au barreau de Nanterre

et

INTIMÉ

- LE DIRECTEUR GENERAL DES FINANCES PUBLIQUES DIRECTION NATIONALE D'ENQUETES FISCALES

[Adresse 4]

[Adresse 4]

représenté par Me Dominique HEBRARD MINC, avocat au barreau de MONTPELLIER

Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 20 septembre 2011, les avocats des appelants et l'avocat de l'intimé ;

Les débats ayant été clôturés avec l'indication que l'affaire était mise en délibéré au 29 Novembre 2011 pour mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

La minute de la présente ordonnance est signée par le délégué du premier président et Carole MEUNIER, greffière à laquelle la minute de la présente ordonnance a été remise.

* * * * * *

Avons rendu l'ordonnance ci-après :

Vu l'ordonnance rendue le 18 octobre 2010 par le juge des libertés et de la détention (JLD) du tribunal de grande instance de Paris qui, faisant droit à la requête qui lui était présentée par l'administration des impôts, a constaté qu'il existait des présomptions selon lesquelles :

- les sociétés ALPHA PRIVATE EQUITY FUND 4 GEMMA CI Limited Partnership, ALPHA PRIVATE EQUITY FUND 4 HYDRA CI Limited Partnership, ALPHA PRIVATE EQUITY FUND 4 DENEB CI Limited Partnership, ALPHA PRIVATE EQUITY FUND 4 ELARA CI Limited Partnership, ALPHA PRIVATE EQUITY FUND 4 NORMA US Limited Partnership, ALPHA PRIVATE EQUITY FUND 4 OPHELIA US Limited Partnership exerceraient une activité financière sur le territoire français, dans le domaine du rachat d'entreprises avec effet de levier, sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes, et ainsi omettraient de passer en France les écritures comptables y afférentes ;

- les sociétés APEF MANAGEMENT COMPANY 4 Limited et ALPHA GÉNÉRAL PARTNER 4 Limited Partnership exerceraient une activité de gestionnaire de fonds d'investissement sur le territoire français, sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes, et ainsi omettraient de passer en France les écritures comptables y afférentes ;

- et qu'ainsi ces entités se seraient soustraites ou se soustrairaient à l'établissement et au paiement de l'impôt sur les sociétés (IS) et de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) en se livrant à des achats ou des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposé par le code général des impôts (articles 54 et 209-1 pour l'IS et 286 pour la TVA) ;

- qu'ainsi, la requête était justifiée et que la preuve des agissements présumés pouvait, compte tenu des procédés mis en place, être apportée par la mise en oeuvre du droit de visite et de saisie prévu à l'article 16 B du livre des procédures fiscales ;

- qui a autorisé les agents de l'administration des finances publiques à faire procéder, conformément aux dispositions de l'article 16 B du livre des procédures fiscales, à des visites et saisies nécessitées par la recherche de la preuve des agissements présumés ou des documents ou supports d'informations illustrant la fraude présumée susceptibles de se trouver :

'dans les locaux et dépendances sis [Adresse 3] susceptibles d'être occupés par la société ALPHA ASSOCIES CONSEILS et/ou la société ALPHA PRIVATE EQUITY FUND 4 GEMMA CI Limited Partnership et/ou ALPHA PRIVATE EQUITY FUND 4 HYDRA CI Limited Partnership et/ou ALPHA PRIVATE EQUITY FUND 4 DENEB CI Limited Partnership et/ou ALPHA PRIVATE EQUITY FUND 4 ELARA CI Limited Partnership et/ou ALPHA PRIVATE EQUITY FUND 4 NORMA US Limited Partnership et/ou ALPHA PRIVATE EQUITY FUND 4 OPHELIA US Limited Partnership et/ou ALPHA MANAGEMENT COMPANY 4 Limited et/ou ALPHA GÉNÉRAL PARTNER 4 Limited Partnership ;

'dans les locaux et dépendances sis [Adresse 1] susceptibles d'être occupés par [R] [G] et/ou [P] [G] née [V] et/ou la société civile NORTHSTAR et/ou la société civile ORION ;

Vu l'appel déclaré le 5 novembre 2010 par la société ALPHA ASSOCIES CONSEILS, et par Mme [P] [G] née [V] ainsi que par M. [R] [G] tendant à faire annuler et réformer cette ordonnance ;

Vu les conclusions des appelants déposées le 16 novembre 2010 et les conclusions déposées le 19 septembre 2011 et présentées à l'audience du 20 septembre 2011 au soutien de leur recours ;

Vu les conclusions de M. le directeur général des finances publiques, déposées le 14 septembre 2011 ;

Sur ce,

Attendu que l'article de 16 B I du livre des procédures fiscales dispose que, lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée en se livrant à des achats ou des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts, elle peut, dans les conditions prévues aux II, autoriser les agents de l'administration ayant au moins le grade d'inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des finances publiques, à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tout lieu, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus et procéder à leur saisie, quel qu'en soit le support ;

Considérant qu'au soutien de leur recours, les appelants font essentiellement valoir que l'ordonnance du JLD est entachée d'une irrégularité devant conduire à son annulation :

- par suite d'une absence de contrôle du juge, en contravention avec les dispositions de l'article 16 B du livre des procédures fiscales et contrairement à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme ; qu'en effet :

' l'ordonnance étant en tous points conforme à la requête de l'administration, il s'avère que le JLD n'a pas vérifié de manière concrète le bien-fondé de la demande d'autorisation, dès lors que les pièces, seulement neutres et dépourvues de signification, produites par l'administration fiscale - composées, d'une part, de documents juridiques et de consultation de bases de données ou de sites Internet à la fois publiques et privés et, d'autre part, des déclarations de revenus de M. [R] [G] et de M. [J] [T] - sont inopérantes, tant en ce qui concerne l'activité du groupe Alpha, dont elles donnent seulement un aperçu de l'organisation, qu'en ce qui concerne le périmètre des visites domiciliaires et les personnes physiques et morales présumées avoir participé à la commission d'infractions fiscales, en attestant seulement que M. [R] [G] et M. [J] [T] ont correctement satisfait à leurs obligations fiscales ; que, par surcroît, l'analyse des pièces telle qu'elle a été présentée par l'administration au JLD et reprise dans son ordonnance attaquée, repose sur des bases tendancieuses et erronées : par la tentative de créer une confusion entre les rôles respectifs des différentes entités du groupe Alpha, par l'affirmation que les fonds et leurs gestionnaires auraient exercé une activité génératrice de plus-values imposable en France, par l'allégation que les fonds et leurs gestionnaires ne disposent pas de moyens d'exploitation propres et, enfin, par la tentative d'établir l'existence de moyens d'exploitation en France à travers la société ALPHA ASSOCIÉS CONSEIL ;

'n'a pas recherché si les visites domiciliaires étaient proportionnées au but recherché, dès lors que l'administration fiscale aurait pu obtenir des informations sur la structure du groupe Alpha au moyen d'une demande de renseignements non contraignante prévue par l'article L. 10 du LPF ou bien par l'exercice de son droit de communication prévu aux articles L. 81 et suivants du LPF, voir dans le cadre d'une procédure classique de vérification de comptabilité à l'encontre de la société ALPHA ASSOCIÉS CONSEIL, étant par surcroît précisé que la visite du domicile de M. [G], dirigeant de la société ALPHA ASSOCIÉS CONSEIL, laquelle n'est pas visée par l'attendu n° 78 de l'ordonnance contestée ainsi que celle du domicile de M. [T], directeur administratif et financier de cette société, est absolument disproportionnée au regard de l'objectif recherché par l'administration fiscale, à savoir la démonstration de l'existence de présomption de fraude fiscale à l'encontre de huit entités qui contrairement aux allégations de l'administration reprise par le JLD, n'entretiennent aucun rapport capitalistique avec la société Alpha Associés Conseil ;

- du fait d'une absence de démonstration de présomption de fraude imputable à chaque entité dès lors :

'que, par nature, aucun des six fonds visés qui n'ont aucune activité économique hormis la collecte d'épargne, ne peut être présumé avoir commis intentionnellement des agissements susceptibles de relever d'une infraction fiscale ;

'que le JLD n'a pas fait une appréciation objective et correcte des critères retenus par la jurisprudence - occupation de locaux en France, présence de personnel en France, identification d'actes de gestion décidés sur le territoire national, résidence des dirigeants, constat de ce que les décisions stratégiques se prennent en France et observation de ce que les organes dirigeants se trouvent effectivement sur le territoire national - lesquels ne sont pas réunis en l'espèce, pour caractériser l'existence d'une activité financière des fonds sur le territoire français ;

' que AGP4 /AMC4, gestionnaires des fonds Alpha, agissent conformément à leur objet dans leur pays d'établissement ;

'l'ordonnance contestée ne comporte aucune référence à un quelconque élément intentionnel de l'infraction présumée ;

Mais attendu que les éléments présentés par l'administration ont été exactement appréciés par le premier juge pour déclarer fondée la requête, dont il résultait qu'il pouvait être présumé que les sociétés en cause avaient réalisé leur activité depuis la France et que des opérations de rachat d'entreprises avec effet de levier avaient permis de générer à leur dénouement d'importantes plus-values, qui n'avaient donné lieu à aucune taxation et que ces éléments justifiaient que soit autorisée la mise en oeuvre d'une procédure de visite domiciliaire, notamment dans les locaux occupés par les sociétés en cause et par Mme et M. [G] ;

Attendu, en premier lieu, que des cadres dirigeants du groupe Alpha, qui se définit comme un acteur du «private equity» en Europe, réalisant des acquisitions en LBO ou des investissements de capital-développement et s'intéressant aussi bien à des entreprises familiales qu'à des filiales de grands groupes, ont créé à [Localité 5] des filiales chargées de la gestion des fonds de différents investisseurs : les fonds ALPHA PRIVATE EQUITY FUND 4 (APEF) dits de quatrième génération, constitués en avril 2002, sous forme de Limited Partnership, d'une part, APEF 4 GEMMA CI LP, APEF 4 HYDRA CI LP, APEF 4 DENEB CI LP, APEF 4 ELARA CI LP ayant leur siège à [Localité 5] et, d'autre part, APEF 4 NORMA US LP, APEF 4 OPHELIA US L ayant leur siège dans l'Etat du Delaware aux USA ; que la société gestionnaire, dite Général Partner pour les fonds APEF de quatrième génération était ALPHA GÉNÉRAL PARTNER 4 Limited Partnership qui avait également été immatriculée le 5 avril 2002 et qui avait son siège à [Localité 5], qui était désignée comme l'associée commanditée des quatre «APEF 4» susmentionnée et qui avait elle- même pour associée commanditée, gestionnaire, la société APEF MANAGEMENT COMPANY 4, enregistrée à [Localité 5] en mars 2002 et ayant son siège à la même adresse ; que c'est la société APEF MANAGEMENT COMPANY 4 qui, en sa qualité d'associée commanditée de ALPHA GÉNÉRAL PARTNER 4, avait procédé à l'enregistrement des quatre sociétés «APEF 4» à [Localité 5] ;

Qu'il pouvait être présumé de ces faits que ALPHA GÉNÉRAL PARTNER 4 et APEF MANAGEMENT COMPANY 4 fournissaient des prestations en qualité de gestionnaires des fonds pour lesquels elles percevaient une rémunération ;

Attendu, en deuxième lieu, qu'il est constant que les quatre sociétés de droit jersiais APEF 4 et les deux sociétés APEF 4 de droit américain ont participé à des rachats d'entreprises portant sur des entreprises françaises :

- opération de rachat visant la société KP1 par une prise de participation dans la SAS FINANCIÈRE KP, holding créée pour les nécessités de l'opération, suivie d'une cession des droits sociaux à K. ALPHA France qui a permis de dégager une plus-value de 129'668 350 euros ;

- opération de rachat visant la société SAFIC ALCAN par une prise de participation dans la société holding SAFICA, suivie d'une cession des droits sociaux à la société ALCANA qui a permis de dégager une plus-value de 38 502 488 euros ;

Qu'il ressortait de ces faits que les six sociétés établies à [Localité 5], d'une part, et dans l'Etat du Delaware, d'autre part, avaient participé au rachat puis à la revente de deux entreprises françaises et réalisé des plus-values en France ;

Attendu, en troisième lieu, que le site Internet du groupe ALPHA mentionnait, à la rubrique «Contactez-nous», les seules coordonnés de la société APEF MANAGEMENT COMPANY 5, General Partner de la cinquième génération des fonds APEF, à la même adresse à [Localité 5] et dont le capital était, comme celui de APEF MANAGEMENT COMPANY 4,détenu par la société FINAB, M. [D] [S], M. [R] [G], Mme [W], M. [E], Mme [M], [B], M. [T], ALPHA ASSOCIES CONSEILS, M. [K] et [Y] [L] ; que, selon les informations figurant sur le site www.groupealpha.com relatives à l'Equipe ALPHA, aucun n'était affecté à [Localité 5] ; que l'adresse du [Adresse 2] correspondait également à celle du cabinet de conseil juridique Mourant du Feu & Jeune, titulaire des numéros de téléphone et de télécopie de la société APEF MANAGEMENT COMPANY 5 Limited, tels que mentionnés sur le site Internet et qu'il est constant que les déclarations de constitution des sociétés à [Localité 5] avaient été signées par M. [A] en qualité d'administrateur d'APEF MANAGEMENT COMPANY 4 Limited, ce nom correspondant à celui d'un associé du cabinet Mourant du Feu & Jeune et, qu'au surplus, selon les informations mentionnées au fichier des comptes bancaires sur le même cabinet apparaissait comme co titulaire des comptes des sociétés APEF 4 GEMMA CI LP, APEF 4 HYDRA CI LP, APEF 4 DENEB CI LP, APEF 4 ELARA CI LP, clôturés en 2007 ;

Que l'ensemble de faits permettait de présumer que les sociétés APEF 4 GEMMA CI LP, APEF 4 HYDRA CI LP, APEF 4 DENEB CI LP, APEF 4 ELARA CI LP, ALPHA MANAGEMENT COMPANY 4 Limited et ALPHA GENERAL PARTNER 4 LP étaient domiciliés à [Localité 5], à l'adresse du cabinet de conseil juridique Mourant du Feu & Jeune et qu'elles n'y disposaient pas de moyens d'exploitation propres ;

Attendu, en quatrième lieu, concernant les sociétés APEF 4 NORMA US LP et APEF 4 OPHELIA US LP, que la base de données des entreprises pour l'État du Delaware ne mentionnait pas d'autre renseignement que leur enregistrement dans cet État par la société THE CORPORATION TRUST COMPANY agissant en tant que représentant légal qui, pour sa part, déclarait exercer une activité de prestation de services juridiques ;

Que ces fait permettaient de présumer que les sociétés APEF 4 NORMA US LP et APEF 4 OPHELIA US LP avaient leur siège à une adresse de domiciliation où elles ne disposaient pas des moyens d'exercice de leur activité, le choix d'une constitution au Delaware leur permettant de profiter des avantages proposés par cet État en termes de confidentialité, d'actionnariat et d'absence d'imposition sur les bénéfices ;

Attendu, en cinquième lieu, que les deux assemblées des sociétés FINANCIÈRE KFP et SAFICA ayant décidé une augmentation de capital dans le cadre des opérations de rachat d'entreprises, avaient été tenues au [Adresse 3], adresse du siège social des sociétés ALPHA ASSOCIES CONSEILS et SAFICA, et que M. [R] [G], président du directoire de la société ALPHA ASSOCIES CONSEILS était président de la société FINANCIÈRE KFP à la date de son assemblée générale du 29 mars 2005, alors que M. [T], directeur général et membre du directoire de la société ALPHA ASSOCIÉS CONSEIL, était président de la société SAFICA, depuis le 16 janvier 2004 ; qu'il est constant que, lors de ces mêmes assemblées générales, deux membres de la société ALPHA ASSOCIÉS CONSEIL , M. [J] [T] et [X] [N], avaient été nommés secrétaires de séance ; que, lors de l'assemblée de la SAS FINANCIÈRE KFP du 29 mars 2005, étaient seuls présents, outre le secrétaire M. [X] [N], M. [R] [G] et M. [H] [C], associés minoritaires à titre personnel, mais mentionnés comme représentant à eux deux «le plus grand nombre de voix », ce qui laissait présumer qu'ils étaient mandatés pour représenter la majorité des actionnaires, dont les sociétés de [Localité 5] et du Delaware ; que, lors de l'opération de revente de la société SAFICA à ALCANA, le communiqué de presse d'ING PRIVATE EQUITY avait qualifié la SAS ALPHA ASSOCIÉS CONSEIL de cédant, l'assimilant ainsi aux six sociétés constituées à [Localité 5] et au Delaware, étant observé que M.[R] [G] et M.[J] [T], cadres dirigeants de la SAS ALPHA ASSOCIÉS CONSEIL étaient par ailleurs deux des associés d'APEF MANAGEMENT COMPANY 4 ; qu'il apparaissait ainsi que la SAS ALPHA ASSOCIÉS CONSEIL, bien que n'étant pas actionnaire des sociétés SAS FINANCIÈRE KFP et SAFICA, devenue SAFIC-ALCANA, avait fourni les locaux et le personnel afin de réaliser les étapes les plus importantes des opérations de rachat d'entreprise, en particulier les augmentations de capital auxquelles avaient participé les sociétés constituées à [Localité 5] et au Delaware, actionnaires majoritaires des holdings FINANCIÈRE KFP et SAFICA ;

Que ces faits permettaient de présumer que les sociétés APEF 4 GEMMA CI LP, APEF 4 HYDRA CI LP, APEF 4 DENEB CI LP, APEF 4 ELARA CI LP APEF 4 NORMA US LP et APEF 4 OPHELIA US LP, APEF MANAGEMENT COMPANY 4 et ALPHA GENERAL PARTNER 4 étaient dirigées à partir de la France avec les moyens matériels et humains de la SAS ALPHA ASSOCIÉS CONSEIL, sociétés pourtant inconnues du service des impôts des entreprises territorialement compétent ;

Attendu qu'il résulte de ce qui précède qu'au regard de la constatation par le JLD du bien fondé des présomptions avancées par l'administration, les critiques des appelants touchant aux modalités d'analyse des pièces qui lui étaient soumises sont vaines, étant seulement observé :

- que le groupe ALPHA est décrit par la simple reprise des informations qu'il communique lui-même sur son site Internet, de sorte qu'aucun amalgame n'est fait avec la société ALPHA ASSOCIES CONSEIL qui fait partie de ce groupe ;

- que, tant la liste des actionnaires de APEF MANAGEMENT COMPANY 4 que les conditions dans lesquelles ont été déclarés les fonds constitués à [Localité 5] constituent des informations émanant du registre des entreprises de [Localité 5] ;

Qu'au surplus, les appelantes se prévalent en vain du caractère normal et justifié de la rémunération perçue par le gestionnaire des fonds ALPHA ou encore de la conformité à l'objet des fonds ALPHA des opérations d'achat et de vente de titre de sociétés françaises, dès lors qu'est seulement en cause la localisation de ces opérations compte tenu d'une absence de moyens d'exercice de celles-ci aux adresses des sièges sociaux déclarés ;

Que concernant précisément la présomption d'absence de moyens d'exploitation propres aux fonds et à leurs gestionnaires, l'administration est fondée à mettre en exergue :

- s'agissant des quatre sociétés constituées à [Localité 5], le fait que l'adresse de leurs sièges respectifs et également du siège de leurs gestionnaires était celle d'un cabinet juridique où apparaissaient également 480 entreprises, qu'aucun des actionnaires de leur gestionnaire commandité, APEF MANAGEMENT COMPANY 4, n'était domicilié à [Localité 5], tout comme les membres de l'équipe ALPHA et que les sociétés jersiaises apparaissaient, dans les actes déposés, comme représentées par un associé de ce cabinet juridique, l'ensemble de ces faits permettant de présumer que l'adresse des sièges sociaux à [Localité 5] constituait seulement une domiciliation ;

- s'agissant des fonds américains, que les présomptions d'une absence de moyens propres ne reposaient pas sur la seule pièce - n° 13 - présentant les conditions déclaratives applicables dans l'Etat du Delaware, dès lors que l'ordonnance déférée se réfère également à d'autres éléments, notamment l'enregistrement par une société ayant une activité de prestation de services juridiques ;

Que, concernant la présomption d'absence de moyens d'exploitation en France au travers de la société ALPHA ASSOCIES CONSEIL, les pièces présentées par l'administration au soutien de sa requête et analysées par le JLD permettent bien, contrairement à ce qui est soutenu, de confirmer que les assemblées en cause ont été tenues dans les locaux de la société ALPHA ASSOCIES CONSEIL et que [R] [G] et [J] [T], qui exerçaient alors des fonctions de dirigeants au sein de celle-ci, étaient présidents des deux sociétés holding ;

Attendu, par ailleurs, que compte tenu de l'existence de présomptions de fraude fiscale, les appelants se prévalent à tort du défaut de mise en oeuvre d'autres moyens d'investigation que les visites domiciliaires, qui ne sont en effet exigés, ni par le livre des procédures fiscales, ni par la Convention européenne des droits de l'homme, étant observé non seulement que la localisation à [Localité 5] et dans l'Etat du Delaware de sociétés dont il pouvait être présumé qu'elles exerçaient leur activité au travers de moyens d'exploitation situés en France, justifiait la nécessité de mettre en oeuvre une procédure de visite domiciliaire, mais encore que, contrairement à ce qui est soutenu, les motifs qui ont conduit le JLD à accorder l'autorisation de visiter les domiciles de [R] [G] et de [J] [T] ne reposent pas exclusivement sur leurs fonctions de direction au sein de ALPHA ASSOCIES CONSEIL, mais aussi sur le fait qu'ils avaient la qualité d'associés de APEF MANAGEMENT COMPANY 4 et qu'ils étaient respectivement présidents des sociétés FINANCIÈRE KFP et SAFICA lors des assemblées générales qui ont constaté l'augmentation de capital au profit des six fonds APEF 4 ;

Considérant, enfin, que c'est en vain que les appelants font grief à l'ordonnance attaquée :

- d'avoir accordé une autorisation globale sans apporter pour chacune d'entre elles des présomptions d'agissement frauduleux, dès lors qu'il ressort de l'ordonnance attaquée que le JLD a clairement décrit le rôle des fonds, d'une part, et de leurs gestionnaires, d'autre part, ainsi que les deux opérations de rachat et revente d'entreprises auxquelles les six fonds ont participé dans les mêmes conditions ;

- d'avoir retenu que des indices de fraude pouvaient peser sur les fonds ALPHA qui, par nature, constituant des entités destinées à réunir l'épargne d'investisseurs, ne sont pas des contribuables susceptibles de faire l'objet d'une vérification de comptabilité, alors que la nature des fonds constitue une question de fond qui relève de l'appréciation du juge de l'impôt et non du juge de l'autorisation, étant au demeurant observé que le fait qu'un contribuable ne soit pas susceptible de faire l'objet de la procédure de vérification de comptabilité prévue à l'article L.13 du LPF ne permet pas pour autant d'écarter par principe tout indice d'agissement de fraude ;

- de ne pas avoir recherché les critères habituellement retenus pour déterminer l'existence de présomptions à l'encontre d'une personne morale étrangère de ce qu'elle a pu exercer une activité sans la déclarer, alors que les motifs de l'ordonnance attaquée démontrent à suffisance, compte tenu de l'examen des conditions d'exercice de l'activité des fonds ALPHA au travers de celle de leur gestionnaire, qu'il pouvait être présumé que les sociétés étrangères en cause disposaient de moyens d'exploitation en France, étant observé qu'elles n'avaient qu'une domiciliation à l'adresse de leur siège ;

- de ne pas avoir retenu, à partir d'une convention de prestation de services du 10 avril 2002, que les deux sociétés gestionnaires de fonds avaient agi conformément à leur objet dans leur pays d'établissement et que cette activité ne pouvait être confondue avec celle de la SAS ALPHA ASSOCIES CONSEIL, alors que l'administration n'était pas en possession de cet acte et, qu'en tout état de cause, cette convention reste sans incidence sur le fait que les mêmes personnes appartenant à la SAS ALPHA ASSOCIES CONSEIL étaient également, à titre personnel, sept des neuf associés de la société APEF MANAGEMENT COMPANY 4, ce qui permettait en effet de présumer que les décisions des organes dirigeants de cette société étaient prises sur le territoire national et non à [Localité 5], où aucun d'entre eux ne résidait ;

- de ne pas avoir retenu d'élément prouvant une quelconque intention, alors pourtant que la décision attaquée relève bien, pour caractériser les présomptions de fraude, que les entités en cause ont omis «sciemment» de passer des écritures ou de faire passer des écritures, l'administration étant fondée à préciser que le fait, pour des opérateurs économiques constitués à l'étranger d'exercer leur activité sur le territoire national sans souscrire de déclarations pour l'un ou l'autre des impôts auxquels devrait être soumise cette activité, résulte nécessairement d'une décision et a pour conséquence une soustraction à l'impôt de tout ou partie de la matière imposable ;

Et attendu que les appelants critiquent en vain un défaut de contrôle effectif du JLD, dès lors que les motifs et le dispositif de l'ordonnance rendue par ce magistrat sont réputés avoir été établis par lui, peu important la reprise des termes de la requête d'autorisation de visite et saisie, circonstance qui n'est pas de nature à priver le juge de la possibilité d'apprécier le bien-fondé de la demande ou d'adopter les motifs qui étaient soumis à son appréciation ;

Que, dès lors, il n'est pas démontré que le JLD, dont la décision est de toute façon déférée au magistrat délégué qui est appelé à effectuer un nouveau contrôle des pièces produites par les appelants au soutien de leur demande d'autorisation de visite domiciliaire, n'aurait pas, comme l'exige l'alinéa 2 de l'article 16 II du LPF, vérifié de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise est fondée ;

Attendu qu'il résulte de ce qui précède que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention doit être confirmée ;

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise,

Déboute la société ALPHA ASSOCIES CONSEILS et Mme [P] [G] née [V] ainsi que M. [R] [G] de toutes leurs demandes,

Condamne la société ALPHA ASSOCIES CONSEILS et Mme [P] [G] née [V] ainsi que M. [R] [G] aux dépens.

LE GREFFIER

Carole MEUNIER

LE DÉLÉGUÉ DU PREMIER PRESIDENT

Christian REMENIERAS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 10/21489
Date de la décision : 29/11/2011

Références :

Cour d'appel de Paris I7, arrêt n°10/21489 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-11-29;10.21489 ?
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