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07/06/2012 | FRANCE | N°11/00851

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 07 juin 2012, 11/00851


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRÊT DU 07 Juin 2012

(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/00851



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Juin 2010 par le conseil de prud'hommes de CRETEIL Section industrie RG n° 08/01757





APPELANTE



SA MARTINENQ

[Adresse 10]

[Adresse 3]

[Localité 8]

représentée par Me Grégory LEURENT, avocat au bar

reau de PARIS, toque : K117





INTIMEE



Madame [H] [L]

[Adresse 4]

[Localité 5]

comparante en personne

assistée de Me Régine ARDITI, avocat au barreau de MONTPELLIER





COMPOSITION DE...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRÊT DU 07 Juin 2012

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/00851

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Juin 2010 par le conseil de prud'hommes de CRETEIL Section industrie RG n° 08/01757

APPELANTE

SA MARTINENQ

[Adresse 10]

[Adresse 3]

[Localité 8]

représentée par Me Grégory LEURENT, avocat au barreau de PARIS, toque : K117

INTIMEE

Madame [H] [L]

[Adresse 4]

[Localité 5]

comparante en personne

assistée de Me Régine ARDITI, avocat au barreau de MONTPELLIER

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Mars 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Laurence GUIBERT, Vice-présidente placée, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Marc DAUGE, Président

Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère

Madame Laurence GUIBERT, Vice-Présidente placée sur ordonnance du Premier Président en date du 20 janvier 2012

Greffier : Mademoiselle Sandrine CAYRE, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jean-Marc DAUGE, Président, et par Melle Laëtitia CAPARROS, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA COUR,

La SA MARTINENQ est une société d'imprimerie qui emploie plus de 100 salariés et qui était installée depuis 1971 au [Adresse 1].

La convention collective nationale des imprimeries de labeur et des industries graphiques en date du 29 mai 1956 est applicable aux relations de travail.

Par courrier en date du 7 mars 2008, la SA MARTINENQ a informé ses salariés qu'ils devaient rejoindre le nouveau siège social de la société implanté désormais, au [Adresse 2].

Madame [H] [L] a été embauchée, en qualité d'agent de fabrication (niveau V, échelon B), par contrat à durée indéterminée en date du 2 février 2007, par la SA MARTINENQ.

Par courrier en date du 2 mai 2008, Madame [L] a été licenciée pour faute au motif qu'elle avait refusé de se soumettre au changement de ses conditions de travail.

Le 4 août 2008, Madame [L] a saisi le Conseil de prud'hommes de Créteil aux fins de contester son licenciement et obtenir le paiement d'indemnités afférentes à cette mesure.

La Cour statue sur l'appel interjeté le 24 janvier 2011 par la SA MARTINENQ, du jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Créteil, section industrie, le 9 juin 2010, notifié par lettre datée du 21 janvier 2011, qui a :

- condamné la société ETABLISSEMENTS MARTINENQ IMPRIMEURS à verser à Madame [L] les sommes suivantes :

' 16 620 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

' 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- mis les éventuels dépens à la charge de la société ETABLISSEMENTS MARTINENQ IMPRIMEURS et l'a condamnée au paiement des intérêts légaux,

Vu les conclusions du 30 mars 2012, au soutien de leurs observations orales par lesquelles la SA MARTINENQ IMPRIMEURS demande à la cour de :

- infirmer dans son intégralité le jugement rendu par la section industrie du conseil de prud'hommes de Créteil dans l'affaire en date du 9 juin 2010,

Et statuant de nouveau, de :

- dire et juger que le licenciement de Madame [L] repose sur une cause réelle et sérieuse,

- débouter Madame [L] de la totalité de ses demandes,

- ordonner, le cas échéant que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour non respect de la procédure par Madame [L] soit versée conformément à son salaire brut mensuel moyen calculé sur la base de son attestation ASSEDIC,

- condamner Madame [L] à lui verser la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Madame [L] aux entiers dépens,

Vu les conclusions du 30 mars 2012, au soutien de ses observations orales par lesquelles Madame [L] demande à la cour de :

- confirmer l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement pour faute prononcé le 2 mai 2008,

- constater le motif économique du licenciement de Madame [L],

- constater le caractère irrégulier et abusif de la procédure de licenciement,

- constater les conditions délibérément vexatoires du licenciement pour faute prononcé,

- constater le préjudice financier et moral en résultant pour Madame [L],

En conséquence,

- condamner la SA MARTINENQ à verser à Madame [L] la somme de 16 620 € à titre de dommages et intérêts assortie des intérêts moratoires de droit à compter de la convocation des parties en bureau de jugement soit le 10 octobre 2008,

- condamner la SA MARTINENQ à lui verser les sommes suivantes :

' 2 771,22 € au titre de l'indemnité pour licenciement irrégulier,

' 5 542,44 € pour licenciement dans des conditions vexatoires,

- à titre subsidiaire, confirmer la condamnation du jugement du 9 juin 2010 du conseil de prud'hommes de Créteil au paiement de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse pour un montant de 16 620 €,

- débouter la SA MARTINENQ de l'ensemble de ses demandes y compris au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SA MARTINENQ au versement d'une somme de 2 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SA MARTINENQ aux entiers dépens dont distraction faite au profit de Maître ARDITI,

Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE

Sur la rupture du contrat de travail

Considérant qu'aux termes de l'article L 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ;

Considérant que la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, doit simplement énoncer des motifs de licenciement matériellement vérifiables ; qu'en effet, il appartient au juge d'apprécier la réalité et le sérieux des motifs invoqués qui pourront être ultérieurement précisés et discutés devant lui ;

Considérant que la SA MARTINENQ soutient qu'elle a exercé son pouvoir de direction en décidant de transférer les salariés affectés sur le site d'[Localité 7] vers celui de [Localité 8] ; que ce transfert ne peut s'analyser en un modification du contrat de travail, étant précisé que son contrat ne fait référence à aucun lieu de travail ; que le déplacement de l'entreprise est intervenu à l'intérieur de la région parisienne, dans le même bassin d'emploi ; que le refus de changement de ses conditions de travail par un salarié constitue une faute, le licenciement revêtant ainsi un caractère disciplinaire et non un motif économique ;

Considérant que le salarié fait valoir que les motifs économiques de la décision de transfert du siège social de la SA MARTINENQ constituent le motif réel du licenciement ; qu'en effet, l'employeur a été contraint de réorganiser l'entreprise sur le nouveau site de [Localité 8] pour des raisons de mutations technologiques ; que dès lors, l'employeur aurait dû mettre en oeuvre la procédure applicable au licenciement pour motif économique ; qu'en tout état de cause, la SA MARTINENQ ne précise pas la faute reprochée au salarié dans la lettre de licenciement ; que de surcroît, aucune faute ne peut être invoquée à l'encontre du salarié puisqu'il a été fait application de l'article 332 de la convention collective nationale ; qu'enfin, il ne peut être valablement affirmé que le site de [Localité 8] fait partie du même bassin d'emploi ;

Considérant que la lettre de licenciement adressée le 2 mai 2008 est rédigée dans les termes suivants :

Pour faire suite à l'entretien du 28 avril 2008, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour faute.

En effet, notre société était installée à [Localité 7] depuis 1971.

Or, à la fin de l'année 2003, nous avons dû prendre acte que les locaux d'[Localité 7] n'étaient plus adaptés à la modernisation d'un site industriel.

De fait, l'évolution des technologies a été telle dans le domaine de l'imprimerie que les nouvelles machines (M10 et la XL6) dont nous souhaitions nous doter ne pouvaient pas y être installées.

Par ailleurs, le site d'[Localité 7] s'asphyxie dans un milieu urbain en pleine expansion. Il est devenu difficile d'accès tant pour ses clients que pour ses fournisseurs.

Afin de faire les investissements nécessaires au développement et à la modernisation de l'entreprise, nous nous sommes trouvés contraints d'envisager l'ouverture d'un deuxième établissement.

Nous avons donc recherché un endroit proche, mais surtout accessible et avec suffisamment de potentiel pour permettre un éventuel agrandissement.

C'est dans ce contexte que nous avons acquis un terrain à [Localité 8] où nous avons fait construire un bâtiment neuf.

Cependant avec le temps, des difficultés d'organisation sont apparues liées à la gestion conjointe de deux sites.

De nombreux dysfonctionnements ont ainsi été mis à jour et des non qualités importantes ont été observées.

C'est la raison pour laquelle nous avons décidé de procéder au regroupement des sites sur [Localité 8].

Par courrier en date du 07 mars 2008, nous vous avons informé du changement de votre lieu de travail et demandé d'être à votre poste sur [Localité 8] le 14 avril 2008.

Le 4 avril, vous nous avez envoyé une lettre pour nous faire savoir que vous refusiez cette modification. Par retour de courrier, nous vous avons confirmé que vous deviez prendre vos fonctions sur [Localité 8] le 14 avril à 9 heures.

Vous avez réitéré votre refus par lettre recommandée du 12 avril 2008.

Par ailleurs, vous ne vous êtes pas présentée sur le nouveau lieu de travail à la date qui vous avait été fixée'

Considérant que l'article 332 alinéa 1er de la convention collective nationale applicable au personnel des imprimeries de labeur et des industries graphiques prévoit qu'en cas de déplacement d'une entreprise n'exigeant pas un changement de résidence de son personnel, le personnel invité par l'entreprise à suivre cette dernière pourra obtenir qu'une période d'essai de 3 mois lui soit accordée afin de savoir s'il peut s'adapter à ses nouvelles conditions de transport, travail et d'existence, étant entendu qu'il ne pourra démissionner avant un mois de présence à son nouveau poste, faute de quoi il perdrait le bénéfice de l'indemnité de licenciement ; que l'alinéa 2 ajoute qu'au cours de cette période, le personnel qui déciderait de renoncer à l'emploi qui lui a été offert ne serait pas considéré comme démissionnaire, mais comme licencié par l'entreprise, à condition qu'il avise l'employeur dix jours avant son départ ;

Considérant qu'il résulte du courrier de licenciement que Madame [L] ne s'est pas présentée sur son nouveau lieu de travail à la date fixée ; que la salariée n'a fourni aucune explication sur ce point dans ses écritures ; qu'ainsi, la salariée ne conteste pas le grief allégué par l'employeur dans la lettre de licenciement ; qu'il s'ensuit que le refus de rejoindre son poste est constitutif d'une faute ;

Qu'en toute hypothèse, nonobstant l'emploi erroné du terme 'faute' dans la lettre de licenciement, l'employeur a entendu, dès le début de la procédure, se situer sur le terrain de l'application de cette disposition conventionnelle ; qu'en effet, le courrier d'information du 7 mars 2008, envoyé à tous les salariés de l'entreprise concernés par ce déménagement, avait décrit précisément la procédure à suivre pour pouvoir bénéficier de ce dispositif spécifique ;

Que, dans ces conditions, la salariée ne saurait se prévaloir de cette erreur de plume, dès lors qu'elle avait parfaitement connaissance de la teneur de cette procédure, dont elle a sollicité l'application aux termes de son courrier de refus transmis à l'employeur ;

Qu'il s'ensuit que la salariée sera déboutée de sa demande tendant à voir constater l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ordonné, le jugement entrepris étant infirmé de ce chef ;

Considérant que les moyens tirés du licenciement pour motif économique sont inopérants en l'état, la mesure de licenciement ayant été décidée au visa de l'article 332 de la convention collective ;

Considérant enfin que les demandes tendant à obtenir des dommages et intérêts pour licenciement irrégulier et effectué dans des conditions vexatoires sont devenues sans objet ; qu'il n'y aura donc pas lieu de les examiner ;

Sur les frais irrépétibles

Considérant que l'équité commande, compte tenu de la nature du conflit, de ne pas faire droit aux demandes des parties au titre des frais irrépétibles et de condamner Madame [L] aux dépens exposés en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant, contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DEBOUTE Madame [L] de l'ensemble de ses demandes,

DEBOUTE les parties de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Madame [L] aux dépens,

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 11/00851
Date de la décision : 07/06/2012

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°11/00851 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-06-07;11.00851 ?
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