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04/07/2012 | FRANCE | N°09/05856

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 04 juillet 2012, 09/05856


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 04 Juillet 2012

(n° 01 , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/05856



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Avril 2009 par le conseil de prud'hommes de Paris, section encadrement, RG n° 08/04842





APPELANT

Monsieur [E] [O]

[Adresse 1]

[Localité 6]

représenté par Me Gwenaëlle PHILIPPE, avocat au barreau de PARIS

, toque : L0276





INTIMÉE

SA NATIXIS ASSET MANAGEMENT

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me Cyril GAILLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : T12





PARTIE INTERVEN...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 04 Juillet 2012

(n° 01 , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/05856

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Avril 2009 par le conseil de prud'hommes de Paris, section encadrement, RG n° 08/04842

APPELANT

Monsieur [E] [O]

[Adresse 1]

[Localité 6]

représenté par Me Gwenaëlle PHILIPPE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0276

INTIMÉE

SA NATIXIS ASSET MANAGEMENT

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me Cyril GAILLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : T12

PARTIE INTERVENANTE :

SYNDICAT CGT DES PERSONNELS DE NATIXIS ET SES FILIALES

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Vincent MALLEVAYS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0126 substitué par Me Fabrice FEVRIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P126

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 Mai 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Christine ROSTAND, Présidente

Monsieur Benoît HOLLEAUX, Conseiller

Madame Monique MAUMUS, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

- signé par Madame Christine ROSTAND, présidente et par Madame Caroline CHAKELIAN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [E] [O] a été embauché selon contrat à durée indéterminée du 22 janvier 1991 par'la société GSF. A compter du 1er septembre 2001, il a intégré la SA Natixis Asset Management dans le cadre d'un processus de mobilité interne au sein du groupe.

En dernier lieu, M. [O] occupait les fonctions de responsable de pilotage d'exploitation (informatique), classe 5.

Sa dernière rémunération mensuelle brute s'élevait à 3 548 euros.

Le statut collectif du personnel est régi par une convention collective d'entreprise en date du 14 janvier 2008 qui, à la suite de la fusion absorption intervenue en juin 2007, s'est substituée à une précédente convention collective d'entreprise en date du 25 juin 2002.

M. [E] [O], délégué du personnel, a été licencié pour motif économique sur autorisation de l'inspection du travail par lettre recommandée avec accusé de réception en date du'29 mars 2011. Les parties ont signé un accord transactionnel le 22 décembre 2011.

Contestant le temps de travail effectué par lui au sein de la SA Natixis Asset Management, M. [E] [O] a saisi le'24 avril 2008 le conseil de prud'hommes de Paris.

Le syndicat CGT Natixis est intervenu volontairement à l'instance.

Par jugement en date du'23 avril 2009, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté M. [O] et le syndicat CGT Natixis de l'ensemble de leurs demandes et les a condamnés aux dépens.

M. [E] [O] a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe le'22 juin 2009.

À l'audience du'2 mai 2012, M. [E] [O] a développé oralement ses conclusions visées par le greffier le même jour aux termes desquelles il sollicite l'infirmation du jugement rendu le'23 avril 2009 par le conseil de prud'hommes de Paris et demande à la cour de condamner la SA Natixis Asset Management à lui payer au titre de la période d'avril 2003 à décembre 2007 les sommes de :

- 47 607,47 euros au titre des heures supplémentaires au taux majoré,

- 4 760,74 euros au titre des congés payés afférents,

- 27 505,34 euros au titre de l'indemnisation du droit à repos compensateur découlant des heures supplémentaires réalisées en dépassement des horaires habituels de travail,

- 2 750,53 euros au titre des congés payés afférents,

- 1 828,56 euros au titre des heures de travail réalisées alors qu'il était en repos (congés payés, RTT, récupération ou maladie),

- 102,66 euros à titre de majoration de 50% des heures travaillées la nuit ou le week-end,

- 193,12 euros au titre des congés payés afférents à ces heures de travail, majorations incluses,

- 1 086,08 euros au titre de la majoration de 50% due pour les heures travaillées en horaire de nuit,

- 108,6 euros au titre des congés payés afférents,

- 42 448,42 euros au titre de la majoration de 50% due pour les heures travaillées le week-end ou un jour férié,

- 4 244,84 euros au titre des congés payés afférents,

- 497,93 euros au titre de la majoration cumulée à 100% pour les heures travaillées de nuit en week-end ou un jour férié,

- 49,8 euros au titre des congés payés afférents,

- 508 825,73 euros au titre du paiement majoré de 33% des heures d'astreinte,

- 50 882,5 euros au titre des congés payés afférents,

de dire que la somme de 31 540,81 euros brut déjà versée à titre d'heures supplémentaires et d'heures d'astreinte pour la période 2003-2007 doit être déduite de ces sommes ;

au titre des heures supplémentaires et des heures d'astreinte réalisées au cours de l'année 2008, les sommes suivantes :

- 1 333,72 euros au titre des heures supplémentaires réalisées les soirs, nuits, samedis, dimanche ou jours fériés, outre 113,37 euros pour les congés payés afférents,

- 1 188 euros au titre des 9 astreintes réalisées, outre 118,8 euros pour les congés payés afférents,

en conséquence de la discrimination et de l'inégalité de traitement, les sommes de :

- 268 090 euros, comprenant le rappel de salaire au titre des années 2001 à juin 2011 et les indemnités de congés payés afférents,

- 80 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel,

- 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,

- 100 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice sur la santé,

de dire et juger que la SA Natixis Asset Management ne fait pas une application légale de la réduction du temps de travail attribuée sous la forme de jours de RTT dont le nombre doit être de 15 par an et non de 9 jours seulement, en conséquence de la condamner à lui payer les sommes de':

- 7 074 euros à titre d'indemnisation correspondant aux 6 jours de RTT dont il a été privé depuis 2003 jusqu'en 2011,

- 707,4 euros au titre des congés payés afférents,

de condamner la société Natixis Asset Management à lui verser 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens et d'assortir les sommes accordées des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes.

Le syndicat CGT Natixis a repris oralement à l'audience ses écritures visées par le greffier et demande à la cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de condamner la société Natixis Asset Management à lui verser la somme de 10 000 euros pour préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession et la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La SA Natixis Asset Management a repris oralement ses conclusions visées par le 2 mai 2012 aux termes desquelles elle sollicite la confirmation du jugement rendu le'23 avril 2009 par le conseil de prud'hommes de'Paris, demande que M. [E] [O] soit débouté de l'ensemble de ses demandes et sa condamnation'à lui payer la sommes de'5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

M. [O] a demandé à l'audience que la pièce n° 62 communiquée par la SA Natixis Asset Management soit écartée des débats, s'agissant de la transaction intervenue sur le licenciement.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS

La transaction portant sur un différend étranger au litige déféré à la cour, la pièce numéro 62 de l'intimée sera écartée des débats.

Sur les astreintes et les heures supplémentaires

La durée légale du travail effectif prévue à l'article L.3121-10 du code du travail constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l'article'3121-22 du même code. Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié'; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

En l'espèce, le temps de travail dans l'entreprise fait l'objet de dispositions particulières issues d'un accord d'entreprise en date du 14 janvier 2008 qui s'est substitué à un précédent accord d'entreprise en date du 25 juin 2002.

M. [O], selon la clause de son contrat de travail renvoyant à l'accord d'entreprise sur le temps de travail, était soumis à la durée conventionnelle du travail de 37h30, une année complète de travail donnant droit à 9 jours de repos au titre de la réduction du temps de travail, la durée hebdomadaire de travail étant ainsi ramenée à 35 heures en moyenne sur l'année.

En l'espèce, M. [O] expose qu'il a été soumis à des astreintes obligatoires 24h/24 et 6 jours sur 7'; que, doté d'outils de travail professionnels nomades, il était constamment joignable et intervenait en dehors de ses heures de travail'; qu'il était sollicité pour les besoins de l'entreprise y compris le dimanche et pendant ses congés.

Il explique que cette contrainte résultait de la mission qui lui était confiée selon sa fiche de poste qui prévoyait qu'il organisait l'ensemble des actions de détection, de maintenance et de contrôle des applications métiers pour les utilisateurs et devait garantir le bon fonctionnement et la continuité de service (cycle 24h/24 et 6 jours sur 7, outre les travaux exceptionnels de week-end).

Il ajoute que ces conditions de travail étaient rendues d'autant plus difficiles que son poste couvrait les zones Europe et Asie du groupe, 20 applications métiers différentes réparties sur une quarantaine de serveurs pour 500 utilisateurs et qu'il disposait pour ce travail d'une équipe de 4 à 5 personnes composée d'intervenants extérieurs moins impliqués et moins formés que l'auraient été des personnels internes.

Pour étayer ses dires, M. [O] produit notamment':

- un échange de courriels daté des 14 et 15 avril 2008 à propos de son temps de travail dans lequel l'employeur affirme que le travail du samedi ne constitue pas une astreinte mais un «'prolongement du travail de suivi de production qui est fait durant la semaine'» qui doit être réparti sur l'ensemble de ses collaborateurs ce à quoi M. [O] réplique que s'il répartit la charge de travail du samedi entre ses collaborateurs et lui-même, il devra contrôler en fin de journée les interventions réalisées et ce même lorsqu'il sera en récupération,

- des courriels datés de 2002 et 2004 dont il ressort que le roulement pour les astreintes et les interventions du samedi était difficile à organiser en raison de l'effectif insuffisant de l'équipe dans laquelle il était le seul salarié permanent,

- un contrat de service conclu avec un prestataire extérieur et une facture dont il résulte que les prestations du samedi sont décomptées et facturées,

- une note de la direction des ressources humaines en date du 30 avril 2008 indiquant que les interventions du samedi entrent dans le cadre de jours travaillés le samedi et donnent droit à l'équivalent en repos plus une rémunération à 50 % du temps travaillé ou bien à 1,5 fois le temps travaillé en repos,

- le courrier qu'il a adressé le 14 novembre 2008 à la directrice des ressources humaines pour l'informer que son service, depuis son retour de congés avait connu une situation de sous-effectif durable entre juillet et début octobre, le contraignant à faire face à des sollicitations alors qu'il était en congés (établies par les courriels qu'il a reçus pendant cette période) et à un rythme de travail très intense depuis son retour,

- le planning des astreintes du samedi pour l'année 2003 et celui d'avril et mai 2008,

- les feuilles d'astreinte de décembre 2005 à mars 2008,

- des courriels justifiant ses interventions les samedi et dimanche 6 et 7 juin 2008,

- les courriels envoyés entre les années 2005 et 2007 en dehors de ses heures de travail (8h à 17h30) et pendant ses congés payés par les prestataires de l'équipe qui, par roulement, assuraient une présence continue de 7h30 à 20h du lundi au samedi et le sollicitaient en cas de dysfonctionnement avant son arrivée au bureau et après son départ ainsi que pendant ses congés,

- les formulaires d'intervention hors période ouvrée (dite HPO) pour l'année 2008 qui mentionnent tous son numéro de portable afin qu'il puisse être joint,

- un tableau récapitulatif des heures supplémentaires et temps d'astreinte ( pièce 177) calculés par semaine à partir des bulletins de salaire, des relevés de pointage, des courriels attestant des interventions effectuées en dehors de ses heures de travail, le soir, la nuit, le matin tôt, le week-end, un jour férié ou pendant ses congés, du planning des heures d'astreinte de l'année 2003 et des feuilles d'astreinte sur la période décembre 2005 à mars 2008.

Le salarié produit ainsi des éléments préalables qui peuvent être discutés par l'employeur et qui sont de nature à étayer sa demande.

La société Natixis Asset Management expose que la mission de M. [O] consistait non pas à garantir le bon fonctionnement permanent des applications métiers mais à assurer la disponibilité maximale de ces applications en prévenant ou en traitant toute anomalie susceptible de perturber durablement le travail des utilisateurs, mission qui requérait une surveillance en temps réel des applications du lundi au vendredi de 7h30 à 20 h et le samedi de 8h à 18 h, la surveillance nocturne des applications étant confiée à des systèmes de contrôle et de détection automatisés qui adressaient en cas d'anomalie des messages à l'équipe de suivi de production, laquelle en prenait connaissance le matin suivant.

Elle fait valoir que M. [O] qui, sous le contrôle du responsable de la production informatique, organisait notamment le travail de l'équipe et décidait seul de l'affectation des ressources humaines, a mis en place dans son service une organisation et un mode de fonctionnement qui ne correspondaient pas à des nécessités de service en exigeant notamment de ses collaborateurs qu'ils ne prennent aucune initiative sans l'avoir consulté (pièces appelant 31, 59, 61, 63 et 82), et en refusant de déléguer'; qu'il a décidé d'assumer seul la plupart des astreintes de week-end ou des jours fériés (astreintes de 2003'-pièces 80 et 95) comme il le revendique dans une correspondance à propos d'une astreinte le 27 août 2005, gérée depuis son lieu de vacances.

L'intimée critique encore le décompte produit par le salarié au motif qu'il ne fait pas apparaître les heures de début et de fin des astreintes et/ou des heures supplémentaires'; qu'il est établi sur la base du postulat d'un temps d'astreinte correspondant à 24 h dont est déduit le nombre d'heures passées au sein de l'entreprise et que s'agissant des astreintes du samedi, les temps d'intervention et les temps d'astreinte sont cumulés alors que les heures d'intervention ne peuvent faire l'objet d'une double rémunération.

Elle soutient que sur la base des bulletins de salaire, relevés de pointage et déclarations d'astreinte, seuls éléments susceptibles d'être pris en compte, toutes les heures supplémentaires dues à M. [O] ont été réglées.

L'étendue de la disponibilité requise de M. [O] se déduit de sa fiche de poste. Selon celle-ci, il était placé sous la responsabilité du responsable pilotage exploitation, poste occupé par M. [R] puis par M. [K] à compter de 2008, et avait pour mission principale de garantir une performance optimale des applications métiers du système d'information et à cette fin, de « garantir le bon fonctionnement et la continuité du service (cycle 24h/24 et 6j/7 incluant les travaux exceptionnels de week-end)'». Sa marge d'initiative s'étendait aux solutions à apporter dans le cadre de la détection d'anomalies, de la maintenance et du contrôle de la performance des applications métiers, à l'intervention des sociétés de maintenance suite à un incident d'exploitation et à l'affectation des ressources humaines dont il pouvait décider seul.

Il résulte donc de la mission confiée à M. [O] qu'il devait être disponible le samedi et éventuellement le dimanche en cas d'intervention pour assurer la continuité du service.

Par ailleurs, il est établi notamment par les courriels adressés par M. [R] à M. [O] à l'occasion d'anomalies et d'interventions survenues en dehors des horaires de travail et par les consignes données tant aux prestataires extérieurs qu'aux ingénieurs système du service d'exploitation de joindre ce dernier en cas d'incident quels que soient le jour et l'heure, que l'employeur attendait du salarié une disponibilité correspondant à celle énoncée dans la fiche de poste.

Compte tenu des objectifs qui lui étaient assignés, il ne peut être reproché à M. [O] d'avoir demandé à ses collaborateurs de rendre compte de l'exécution de leur mission et de faire appel à lui en cas de difficulté, pratiques parfaitement connues et approuvées par sa hiérarchie comme en témoignent le contenu des courriels versés aux débats. Il ne peut non plus lui être fait grief d'assumer le plus souvent seul les astreintes alors qu'il a alerté à plusieurs reprises sa hiérarchie sur l'effectif insuffisant de son équipe exclusivement composée de personnels employés par des sociétés de service et qu'il établit qu'il s'efforçait de mettre en place un roulement pour les astreintes du samedi quand l'effectif le permettait.

L'implication et la disponibilité du salarié, notamment pendant les week-ends, sont d'ailleurs régulièrement louées dans les entretiens annuels d'appréciation et ce jusqu'à l'année 2008.

L'organisation mise en place ne relevait donc pas du choix personnel de M. [O] mais répondait aux nécessités du service. Celui-ci le justifie notamment en produisant les demandes d'interventions émanant de sa hiérarchie mais aussi des ingénieurs systèmes de la direction de l'exploitation et l'employeur avait parfaitement connaissance des astreintes et des heures supplémentaires assurées par M. [O] comme le démontrent les pièces versées au dossier.

Contraint d'assumer en dehors de ses heures de travail, une permanence téléphonique afin de répondre aux sollicitations par le biais de son téléphone cellulaire professionnel et à intervenir en cas de besoin, M. [O] doit être réglé de ses droits dans le cadre de la qualification juridique de l'astreinte pour toutes ces périodes.

A partir de l'année 2008, la société Natixis Asset Management a d'ailleurs mis en place un système qui avait été envisagé dès l'année 2004 mais n'avait pas été adopté faute de budget et qui permet à l'équipe qui était placée sous l'autorité de M. [O], grâce à une connexion à distance assortie d'une autorisation d'accès au site en dehors des heures ouvrables, d'assurer notamment les astreintes du samedi.

Par ailleurs, dès l'introduction de la procédure devant le conseil de prud'hommes, afin de contourner le recours à M. [O] tout en assurant la continuité du service par une permanence de même amplitude, M. [K], son supérieur hiérarchique, a assuré les responsabilités auparavant dévolues à l'appelant en dehors des heures de travail.

Au vu des éléments produits de part et d'autre, et sans qu'il soit besoin d'une mesure d'instruction, la cour a la conviction que M. [O] a bien effectué des heures d'astreinte et des heures supplémentaires non rémunérées.

Sur le calcul des demandes de rappel de salaire

Pour la période 2003/2007

L'accord sur le temps de travail du 25 juin 2002 prévoit que les heures de travail réalisées le samedi, le dimanche, un jour férié ou la nuit (entre 22h et 5 h) donnent lieu à l'octroi d'un repos équivalent et, au choix du salarié, au salaire correspondant au temps travaillé majoré de 50 % ou à une récupération du temps travaillé majoré de 50 %.

Les temps d'astreinte donnent lieu au paiement majoré de 33 % des heures d'astreinte ou à une récupération en repos équivalente.

M. [R], supérieur hiérarchique de M. [O], reconnaissait que le travail à distance de celui-ci n'était pas rémunéré à hauteur du temps qu'il devait lui consacrer et l'ensemble des pièces produites aux débats montrent que le travail du samedi était qualifié d'astreinte.

Le décompte établi par M. [O] à partir des horaires de travail dans l'entreprise, des temps de travail supplémentaire réellement imposés et reconstitués à partir des interventions effectuées en dehors des horaires habituels de travail, le soir, la nuit, le week-end et pendant les congés et les jours fériés, des temps d'astreinte s imposés du lundi au samedi en dehors des horaires officiels, n'est pas utilement contesté par l'employeur. Celui-ci en effet critique une méthode de calcul qui a été corrigée dans les dernières écritures de l'appelant et invoque les relevés de pointage pour en déduire que M. [O] ne respectait pas les horaires de travail de l'entreprise alors que ces relevés présentent de nombreuses anomalies et ne font pas apparaître le crédit d'heures par semaine.

Dès lors, il convient de retenir les demandes formées par M. [O] en application du code du travail et de l'accord sur le temps de travail du 25 juin 2002, soit les sommes de :

- 47 607,47 euros au titre des heures supplémentaires au taux majoré, réalisées en dépassement des horaires habituels de travail, outre 4 760,74 euros au titre des congés payés afférents,

- 27 505,34 euros au titre de l'indemnisation du droit à repos compensateur découlant des heures supplémentaires réalisées en dépassement des horaires habituels de travail, outre 2 750,53 euros au titre des congés payés afférents,

- 1 828,56 euros au titre des heures de travail réalisées alors qu'il était en repos (congés payés, RTT, récupération ou maladie), outre 102,66 euros à titre de majoration de 50% des heures travaillées la nuit ou le week-end et 193,12 euros au titre des congés payés afférents à ces heures de travail, majorations incluses,

- 1 086,08 euros au titre de la majoration de 50% due pour les heures travaillées en horaire de nuit, outre 108,6 euros au titre des congés payés afférents,

- 42 448,42 euros au titre de la majoration de 50% due pour les heures travaillées le week-end ou un jour férié, outre 4 244,84 euros au titre des congés payés afférents,

- 497,93 euros au titre de la majoration cumulée à 100% pour les heures travaillées de nuit en week-end ou un jour férié, outre 49,8 euros au titre des congés payés afférents,

- 508 825,73 euros au titre du paiement majoré de 33% des heures d'astreinte, outre 50 882,5 euros au titre des congés payés afférents.

La somme de 31 540,81 euros brut déjà versée à titre d'heures supplémentaires et d'heures d'astreinte pour la période 2003-2007 doit être déduite de ces sommes ;

Pour l'année 2008

L'accord du 25 juin 2002 a été révisé le 14 janvier 2008 avec prise d'effet au 1er janvier et dispose que les heures de travail réalisées le samedi, le dimanche, un jour férié ou la nuit (entre 22h et 7h) donnent lieu à l'octroi au choix, d'un repos équivalent et à la rémunération à 50% du temps travaillé ou à une récupération du temps travaillé majorée de 50 %.

Les temps d'astreinte sont désormais indemnisés selon un forfait de 528 euros brut pour une astreinte 24/24 et 7/7 du lundi 8h au lundi 8h'; 264 euros pour une astreinte de nuit toute la semaine travaillée'; 132 euros pour une astreinte un jour férié et 66 euros pour une astreinte d'une nuit.

Le décompte précis et détaillé présenté par M. [O] n'étant pas contesté, il convient de faire droit à ses demandes et de lui allouer les sommes suivantes':

- 1 333,72 euros au titre des heures supplémentaires réalisées les soirs, nuits, samedi, dimanche ou jours fériés, outre 113,37 euros pour les congés payés afférents,

- 1 188 euros au titre des 9 astreintes réalisées, outre 118,8 euros pour les congés payés afférents,

Le jugement sera infirmé sur ces chefs de demande.

Sur les jours de RTT

L'accord du 25 juin 2002 prévoit que pour 220 jours de travail par an, il est attribué 9 jours de repos au titre de la RTT.

M. [O] soutient que le nombre de jours travaillés dans l'année est non pas de 220 jours comme retenu dans l'accord mais de 222 jours, la déduction de deux jours de fractionnement étant illégale.

La société Natixis Asset Management répond qu'elle a toujours attribué deux jours congés de fractionnement à l'ensemble des salariés, qu'il y ait ou non fractionnement des congés, et que pour cette raison, elle considère que ces deux jours doivent être déduits du nombre de jours travaillés dans l'année.

M. [O] conteste encore le calcul du nombre de jours de RTT qui, selon sa méthode, devrait être de 15 dans l'année au lieu de 9 en retenant un horaire de travail hebdomadaire fixe sur l'année comme seule référence.

La société Natixis Asset Management répond qu'elle respecte les dispositions légales sur la durée du travail et l'accord d'entreprise en calculant chaque année le nombre exact de jours travaillés et , en fonction du résultat, en attribuant en plus des 9 jours RTT fixés par l'accord un ou des jours de repos supplémentaires afin de respecter la durée annuelle du travail fixée par l'accord d'entreprise correspondant à 211 jours de travail (212 jours depuis 2005), avec une durée de travail quotidienne de 7,5 heures.

M. [O] ne démontre pas en quoi la méthode de calcul retenue par l'employeur est illégale et sera débouté de ce chef de demande.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la discrimination salariale et l'inégalité de traitement

Il résulte des dispositions de l'article L. 2141-5 du code du travail que l'employeur ne peut prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment d'avancement et de rémunération.

En outre, il résulte du principe 'à travail égal, salaire égal', dont s'inspirent les articles L.1242-14, L.1242-15, L.2261-22.9 , L.2271-1.8° et L.3221-2 du code du travail, que tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

Sont considérés comme ayant une valeur égale par l'article L.3221-4 du code du travail les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

En application de l'article'1315 du code civil, s'il appartient au salarié qui invoque une discrimination syndicale et/ou une atteinte au principe 'à travail égal, salaire égal' de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de traitement et/ou de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

Devant la cour, M. [O] forme une demande nouvelle en invoquant la discrimination salariale dont il a été victime. Il soutient que l'employeur n'a pas respecté le principe d'égalité de rémunération qui s'impose pour tous les salariés placés dans une situation identique et que la discrimination dont il a été l'objet est liée à son mandat de représentant du personnel.

Il fait valoir que depuis son embauche le 22 janvier 1991, il n'a bénéficié d'aucune promotion ; qu'en 2003, il était classé selon la nouvelle grille de classification de l'entreprise en position 5, en qualité de responsable pilotage exploitation ; que l'intitulé de son poste a été remplacé par celui de responsable équipe informatique niveau C à la suite de la nouvelle classification mise en place par l'accord de classification du 19 janvier 2009'; que son supérieur hiérarchique M. [R] a vainement demandé qu'il soit promu en classe 6'et que ses propres réclamations n'ont pas été suivies d'effet ; que les quatre autres responsables d'équipe du service exploitation, MM. [I], [L], [C] et [K], placés dans une situation professionnelle similaire, bénéficiaient de la classe 6 et percevaient un salaire moyen beaucoup plus élevé ; qu'avec la nouvelle grille de classification, ces quatre salariés ont été classés au niveau D alors que lui-même est resté au niveau C.

M. [O] présente ainsi des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de traitement mais ne justifie pas que ces faits ont un lien avec son mandat syndical.

La société Natixis Asset management s'oppose à sa demande et, pour justifier la différence de classification, se fonde sur l'accord collectif du 31 janvier 2003, par lequel les partenaires sociaux ont réactualisé la grille de classification issue d'un précédent accord collectif datant de 1993 en considérant que les fonctions de responsable pilotage exploitation exercées par M. [O] étaient d'un niveau de responsabilité inférieur à celles de responsable réseaux télécom et sécurité exercées par M. [I], d'ingénieur système exercées par MM. [L] et [K] et d'administrateur système exercées par M. [C] et qu'elles devaient relever de la classe 5 et non de la classe 6.

Elle fait valoir qu'en raison de la rigidité induite par cette grille de classification, elle n'a pu répondre favorablement aux sollicitations de M. [R] qui, en 2005, avait proposé de promouvoir M. [O] mais qu'elle a augmenté le salaire de celui-ci et lui a octroyé à plusieurs reprises des primes.

L'employeur ajoute qu'aux termes de l' accord collectif en date du 19 janvier 2009, les partenaires sociaux, ont suivi l'évaluation proposée par le cabinet Altedia pour apprécier le niveau de responsabilité de chaque poste et ont considéré comme en 2003 que les fonctions exercées par M. [O] étaient d'un niveau de responsabilités sensiblement inférieur à celles exercées par MM. [I], [L], [C] et [K].

Les accords relatifs à la classification des fonctions en date des 31 janvier 2003 et 19 janvier 2009 reposent sur l'évaluation de chaque emploi effectuée après un entretien avec le cadre concerné et selon une méthode d'analyse identifiée et fondée sur des critères objectifs et matériellement vérifiables.

La société Natixis Asset management justifie ainsi la différence de positionnement de M. [O] dans la grille de classification par rapport au quatre autres salariés qui n'occupaient pas des emplois de même nature, ce qui entraîne la différence de rémunération.

M. [O] sera débouté de ce chef de demande.

Sur les demandes complémentaires de dommages et intérêts

Au vu des pièces produites à l'appui de ses demandes formées au titre des préjudices matériel et de santé, M. [O] ne justifie pas que les difficultés financières et de santé qu'il a rencontrées avaient un lien avec sa situation professionnelle.

En revanche, les contraintes permanentes qu'il a subies les fins de semaine, le soir, pendant ses congés et ce pendant plusieurs années, ont nécessairement pesé sur sa vie de famille et lui ont causé un préjudice moral qu'il convient de réparer par l'allocation d'une somme de 10 000 euros.

Sur la demande du syndicat CGT Natixis

Le Syndicat CGT Natixis forme une demande de dommages et intérêts au titre du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession du fait notamment du non respect par la société Natixis Asset Management des dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée du travail, s'agissant des heures supplémentaires et des heures d'astreinte non rémunérées effectuées par M. [O].

L'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession étant établie, il sera alloué au syndicat la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts.

La société Natixis Asset Management sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et versera à M. [O] la somme de 5 000 euros et au syndicat CGT Natixis la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Dit que la pièce numéro 62 produite par la société Natixis Asset Management doit être écartée des débats,

Infirme partiellement le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Condamne la société Natixis Asset Management à payer à M. [E] [O] les sommes suivantes'pour la période 2003/2007':

- 47 607,47 euros au titre des heures supplémentaires au taux majoré,

- 4 760,74 euros au titre des congés payés afférents,

- 27 505,34 euros au titre de l'indemnisation du droit à repos compensateur découlant des heures supplémentaires réalisées en dépassement des horaires habituels de travail,

- 2 750,53 euros au titre des congés payés afférents,

- 1 828,56 euros au titre des heures de travail réalisées sur des périodes de repos (congés payés, RTT, récupération ou maladie),

- 102,66 euros à titre de majoration de 50% des heures travaillées la nuit ou le week-end,

- 193,12 euros au titre des congés payés afférents à ces heures de travail, majorations incluses,

- 1 086,08 euros au titre de la majoration de 50% due pour les heures travaillées en horaire de nuit,

- 108,6 euros au titre des congés payés afférents,

- 42 448,42 euros au titre de la majoration de 50% due pour les heures travaillées le week-end ou un jour férié,

- 4 244,84 euros au titre des congés payés afférents,

- 497,93 euros au titre de la majoration cumulée à 100% pour les heures travaillées de nuit en week-end ou un jour férié,

- 49,8 euros au titre des congés payés afférents,

- 508 825,73 euros au titre du paiement majoré de 33% des heures d'astreinte,

- 50 882,5 euros au titre des congés payés afférents,

Dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 30 avril 2008, date de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation ;

Dit que la somme de 31 540,81 euros brut déjà versée à titre d'heures supplémentaires et d'heures d'astreinte pour la période 2003-2007 vient en déduction de ces sommes';

Condamne la société Natixis Asset Management à payer à M. [E] [O] les sommes suivantes'pour l'année 2008 :

- 1 333,72 euros au titre des heures supplémentaires, outre 113,37 euros pour les congés payés afférents,

- 1 188 euros au titre des astreintes, outre 118,8 euros pour les congés payés afférents,

Dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 23 avril 2009';

Condamne la société Natixis Asset Management à payer à M. [E] [O] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral';

Condamne la société Natixis Asset Management à payer au Syndicat CGT Natixis la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Confirme le jugement déféré pour le surplus sauf en ce qui concerne les dépens;

Ajoutant,

Déboute M. [O] de sa demande de rappel de salaire fondée sur la discrimination salariale et sur l'inégalité de traitement ;

Condamne la société Natixis Asset Management à verser à M. [O] la somme de 5 000 euros et au syndicat CGT Natixis la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société Natixis Asset Management aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 09/05856
Date de la décision : 04/07/2012

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°09/05856 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-07-04;09.05856 ?
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