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09/10/2012 | FRANCE | N°11/01475

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 09 octobre 2012, 11/01475


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 09 OCTOBRE 2012



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/01475



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 Mai 2001 par le conseil de prud'hommes de PARIS RG n° 99/06022 confirmé partiellement par un arrêt de la Cour d'Appel de PARIS en date du 03 février 2004, lui même cassé partiellement par un arrêt de la Cour de

Cassation en date du 28 avr

il 2006





APPELANTS

Monsieur [S] [H] [B],

demeurant à [Adresse 8] (Australie)

Monsieur [S] [T] [K],

demeurant à [Adresse 3] (Australie)

Mademoi...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 09 OCTOBRE 2012

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/01475

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 Mai 2001 par le conseil de prud'hommes de PARIS RG n° 99/06022 confirmé partiellement par un arrêt de la Cour d'Appel de PARIS en date du 03 février 2004, lui même cassé partiellement par un arrêt de la Cour de

Cassation en date du 28 avril 2006

APPELANTS

Monsieur [S] [H] [B],

demeurant à [Adresse 8] (Australie)

Monsieur [S] [T] [K],

demeurant à [Adresse 3] (Australie)

Mademoiselle [S] [U] [F],

demeurant à [Adresse 1] (Australie)

Agissant tous trois en qualité d'Ayants droit de Monsieur [S] [A] [X], Professeur, né le [Date naissance 5] 1950 à [Localité 7] (Australie) de nationalité Irlandaise, de son vivant demeurant à [Adresse 11], décédé à PARIS, le [Date décès 4] 2008.

représentés par Me Jean-Michel DUDEFFANT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0549

INTIMEE

S.A.S BERLITZ FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 6]

représentée par Me Christophe PLAGNIOL, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : NAN701,

En présence de Mme Sylvaine BURON, DRH

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Février 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Elisabeth PANTHOU-RENARD, Présidente, et Madame MARTINEZ Michèle, conseillère, chargées d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Elisabeth PANTHOU-RENARD, Présidente

Madame Michèle MARTINEZ, Conseillère

Monsieur Guy POILÂNE, Conseiller

Greffier : Melle Claire CHESNEAU, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Monsieur Guy POILÂNE, Conseiller pour la Présidente empêchée et par Mademoiselle Claire CHESNEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

FAITS ET PROCÉDURE

La société Berlitz France est une entreprise spécialisée dans la formation en langues vivantes et emploie plus de 400 salariés répartis dans 18 centres de formation.

L'activité de cette entreprise relève de la convention collective nationale des organismes de formation du 10 juin 1988 étendue par arrêté du 16 mars 1989.

M. [A] [S] a été embauché à compter du 31 mars 1984 par la société Berlitz France. Il exerçait en dernier lieu des fonctions de formateur catégorie D2, coefficient 220.

Le 20 janvier 1995, la société Berlitz France a dénoncé deux accords d'entreprise signés les 14 mai 1981 et 4 février 1983, à effet au 20 avril 1996, et, par lettre recommandée avec avis de réception du 23 mai 1996, elle a dénoncé individuellement les avantages acquis par chaque salarié en application de ces accords.

* * * * * *

Statuant sur les demandes du comité d'entreprise de la société et du syndicat SNPEFP-CGT :

- un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 13 février 1997, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 26 mai 1999, ayant fait l'objet d'un pourvoi en cassation rejeté le 17 octobre 2001, a dit que la notification par lettre du 23 mai 1996 à chaque salarié de la modification de son contrat de travail était dépourvue d'effet,

- un arrêt de la cour d'appel de Paris du 13 septembre 2000, confirmant partiellement un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 19 janvier 1999, a jugé que la garantie de salaire conventionnel à temps plein pour 169 heures de travail mensuelles était due, dès lors que le formateur était à la disposition de la société pour 106,66 heures de formation hors pause ou 120 heures avec les pauses, soit 152,37 heures en incluant les temps de préparation au motif que l'accord d'entreprise de 1983 assimilait les salariés effectuant 120 heures de présence à des salariés à temps plein et qu'il convenait, pour apprécier le paiement des minima sociaux, de tenir compte du 13ème mois.

* * * * * *

Entendant tirer les conséquences de ces décisions, de nombreux salariés de la société Berlitz France, ont saisi le conseil de prud'hommes de Paris de demandes tendant en dernier lieu au paiement de divers rappels de salaires et indemnités.

Par jugement du 14 mai 2001, le conseil de prud'hommes de Paris a :

- fait droit sur le principe aux demandes des salariés aux titres suivants :

- salaire minimum conventionnel,

- prime d'ancienneté,

- unité supplémentaire,

- incidences congés payés,

- 13ème mois,

- salaire en application de l'article 10 de la convention collective,

- congés payés afférents,

- prime de transport,

- tickets restaurant,

- condamné la société Berlitz France à verser à chaque salarié une provision sur ces rappels,

- ordonné une expertise comptable confiée à Mme [W] pour « déterminer les montants éventuellement dus à chaque salarié en application du jugement »,

- débouté les salariés de leur demande à titre de dommages et intérêts pour violation des dispositions légales et conventionnelles,

- réservé les dépens et les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

M. [S] puis la société Berlitz France ont interjeté appel de ce jugement.

Par arrêt du 3 février 2004, la cour d'appel a :

- confirmé pour l'essentiel le jugement prud'homal du 14 mai  2001 en ce qu'il avait fait droit dans leur principe aux demandes des salariés au titre des rappels de salaire et primes,

- infirmé le jugement sur la méthode à appliquer pour les calculs de ces rappels,

- ordonné une expertise confiée à Mme [W],

- réservé les dépens et les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Sur pourvoi de la société Berlitz France, par arrêt du 28 avril 2006, la Cour de Cassation a :

« cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il a fait droit dans son principe à un rappel de prime de treizième mois, incluant le rappel de prime d'ancienneté, l'arrêt rendu le 3 février 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ».

L'expert [W] a déposé son rapport le 30 mars 2008.

M. [S] est décédé le 28 avril 2008, laissant pour lui succéder M. [H] [S], M. [T] [S] et Mme [U] [S].

L'affaire a été radiée du rôle des affaires en cours pour permettre aux ayants-droits de M. [S] d'intervenir à la procédure. Elle a été rétablie le 30 août 2012.

Entre temps, concernant les autres salariés, par arrêt du 16 décembre 2008, la cour d'appel de Paris a :

- statué sur les demandes des concluants pour la période de mai 1994 à décembre 2000 en ce qui concerne le rappel de salaire sur le minimum conventionnel, le rappel de prime d'ancienneté, le rappel de salaire complémentaire sur unité complémentaire, le rappel de 13ème mois, les congés payés incidents,

- alloué aux salariés des provisions au titre de rappels de salaire en application des articles 10.3.3 et suivants de la convention collective des organismes de formation et de la période postérieure à janvier 2000,

- renvoyé à l'expertise pour la période allant de mai 1994 à décembre 2000 sur les rappels réclamés en application de l'article 10.3 de la convention collective,

- ordonne à la société Berlitz France de remettre à chacun des salariés des bulletins de salaire conformes aux dispositions des décisions rendues,

- pour la période postérieure à décembre 2000, désigné en qualité d'expert M. [M] avec mission de :

* se faire remettre par les parties le rapport d'expertise de Mme [W],

* calculer les rappels dus aux salariés au titre du salaire minimum conventionnel, de la prime d'ancienneté, des unités complémentaires, des congés payés afférents, de la gratification treizième mois, de la prime de transport et des tickets restaurant, conformément aux principes retenus dans les arrêts de la cour du 3 février 2004 et du 28 avril 2006,

* déterminer, au vu des documents communiqués par les parties le nombre d'heures de FFP effectuées par salariés par période de référence annuelle contractuelle et fournir à la cour tous éléments de calcul lui permettant de statuer sur le bien fondé des demandes au titre de l'article 10.3 de la convention collective,

- condamne la société Berlitz France à payer à chacun des salariés en cause la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation des dispositions conventionnelles et contractuelles.

L'expert [M] a déposé le 21 septembre 2011, son rapport, dans lequel il a examiné le cas de M. [S].

* * * * * *

Les consorts [S], ayants-droits de M. [S], demandent à la cour :

- de les déclarer recevables en leur intervention,

- de condamner la société Berlitz France à leur payer :

Pour la période de mai 1994 à décembre 2000 :

- Rappel de salaire sur minima conventionnel15.163,52 €

- Rappel de prime d'ancienneté19.556,99 €

- Rappel de salaire sur unités complémentaires 920,82 €

- Rappel 13ème mois 2.968,92 €

- Congés payés incidents 3.564,13 €

- Rappel de prime de transport 632,91 €

- Rappel de tickets restaurant 705,89 €

Pour la période postérieure au 31 décembre 2000 :

- Rappel de salaire sur minima conventionnel 14.703,63 €

- Rappel de prime d'ancienneté 3.792,06 €

- Rappel de salaire sur unités complémentaires 39,65 €

- Rappel 13ème mois 1.228,12 €

- Congés payés incidents 1.853,53 €

et subsidiairement 1.474,33 €

- Rappel de prime de transport 275,32 €

- Rappel de tickets restaurant 1.705,02 €

- de condamner la société Berlitz France à leur payer, à titre de rappel de salaire en application des articles 10.3.3 et suivants de la convention collective nationale des organismes de formation, la somme arrêtée à septembre 2003 de 173,61 € avec incidence congés payés 17,36 €,

- de condamner la société Berlitz France à leur payer 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour violation des obligations contractuelles et conventionnelles,

- d'ordonner à la société Berlitz France d'établir et de leur remettre les bulletins de paie correspondant aux condamnations prononcées, sous astreinte de 100 € par jour de retard,

- de condamner la société Berlitz France à leur payer 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens incluant les frais d'expertise.

La société Berlitz France demande à la cour :

- de dire que la prime d'ancienneté doit être exclue de l'assiette de calcul de la gratification de treizième mois,

- de limiter sa condamnation aux sommes suivantes :

- Rappel de salaire sur minima conventionnel17 702,16 €

- Rappel de prime d'ancienneté31 608,05 €

- Rappel de salaire sur unités complémentaires 697,13 €

- Congés payés incidents 5 000,73 €

- Rappel sur la gratification de 13ème mois 1 532,86 €

subsidiairement 4 165,61 €

- Rappel de prime de transport 1 079,01 €

- Rappel de tickets restaurant 705,85 €,

- de déduire de ces sommes une régularisation de 752,33 euros intervenue au titre des minima conventionnels et un acompte de 10 651,23 euros payé en exécution du jugement déféré,

- de débouter les consorts [S] du surplus de leurs demandes,

- d'ordonner une répartition pour moitié des frais d'expertise et de condamner solidairement et conjointement les consorts [S] à lui rembourser ses frais d'expertise à due concurrence, pour ce faire, procéder à la compensation entre les sommes allouées et celles dues à ce titre,

- de condamner les consorts [S] à lui payer 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Les parties s'accordent pour distinguer deux périodes dans l'appréciation des demandes :

- celle de mai 1994 à décembre 2000, pour laquelle l'expert [W], désignée par l'arrêt du 3 février 2004 a établi son rapport,

- celle postérieure à décembre 2000, pour laquelle l'expert [M], désigné par l'arrêt du 16 décembre 2008 a établi son rapport.

I- Sur la période de mai 1994 à décembre 2000

Sur le rapport d'expertise de Mme [W]

La société Berlitz France critique le rapport d'expertise et propose de retenir les conclusions établies par son propre expert, le cabinet d'expertise comptable [Y].

Le rapport d'un cabinet privé d'expertise que la société Berlitz France verse aux débats, qui n'a pas été établi de manière contradictoire avec la partie adverse, ne saurait valoir davantage qu'un simple décompte produit par l'employeur et ne saurait suppléer au fait qu'il revenait, le cas échéant, à la société Berlitz de formuler des dires à l'expert judiciaire pendant les opérations d'expertise.

Sur le rappel de salaire au titre des minima conventionnels

La cour, dans son précédent arrêt, en date du 3 février 2004, a infirmé le jugement déféré sur les méthodes à appliquer pour le calcul des rappels de salaire sur minimum conventionnel. Elle a posé comme principe qu'il y avait lieu "pour déterminer si le salaire perçu par les salariés a atteint le minimum conventionnel, de déduire du taux unitaire minimum conventionnel le taux unitaire de base de Berlitz, hors ancienneté, y compris la gratification annuelle".

Les consorts [S] fondent leur demande sur les calculs de l'expert conformes au principe posé ci-dessus par la cour.

Il ressort du rapport d'expertise que l'expert a procédé conformément aux prescriptions posées antérieurement par la cour . Il s'ensuit que ses calculs sur ce sujet méritent d'être retenus, pour la période allant de mai 1994 à décembre 2000.

Il sera par conséquent fait droit à la demande des consorts [S] de ce chef.

Sur le rappel de prime d'ancienneté

La cour, dans son précédent arrêt, a retenu le droit du salarié à une prime d'ancienneté ; elle a infirmé le jugement déféré sur la méthode à appliquer pour le calcul des rappels de prime d'ancienneté. Constatant que les taux de prime appliqués par les salariés étaient exacts, elle a posé comme principe que "le rappel dû aux salariés doit être calculé par référence au taux de base servi par la société Berlitz France, peu important qu'il soit inférieur au minimum conventionnel". Elle a précisé en outre que le rappel était dû pour la période antérieure au 20 avril 1996 aussi bien que postérieurement, les salariés ne pouvant alors prétendre qu'au maintien du montant que ladite prime aurait dû atteindre à cette date, si la société Berlitz France avait respecté antérieurement les modalités de l'accord d'entreprise.

Il résulte du rapport d'expertise et des conclusions de l'expert que celui-ci a retenu, pour effectuer ses calculs, un montant de la prime d'ancienneté figé au montant qu'il aurait dû atteindre au mois d'avril 1996 si la société Berlitz avait respecté antérieurement les modalités de l'accord d'entreprise.

L'expert a procédé au calcul du rappel sur prime en se référant au taux unitaire de base dans le tableau d'ancienneté selon la date d'entrée du salarié, et calculé un taux moyen annuel de progression d'ancienneté selon la grille d'avril 1992 et la date d'anniversaire d'entrée du salarié, puis a multiplié ce taux moyen par le taux unitaire de base Berlitz pour obtenir le taux unitaire d'ancienneté. Ce taux a ensuite été multiplié par le nombre annuel d'unités garanties indiqué sur le bulletin de salaire, le rappel de la différence entre le résultat ainsi obtenu et le produit obtenu entre la moyenne annuel du taux garanti Berlitz par le nombre annuel d'unités garanties. L'expert s'est en outre référé aux tableaux de salaire établis par la société Berlitz et qu'a rappelé la cour dans sa décision du 3 février 2004.

Il s'ensuit que l'expert, qui a appliqué au taux moyen annuel de progression d'ancienneté le taux unitaire de base Berlitz a suivi les prescriptions de la cour d'appel dans son précédent arrêt.

L'expert, pour calculer le montant du rappel de la prime d'ancienneté, retient non seulement le taux de base mais également le taux de base Berlitz multiplié par le taux d'ancienneté, le taux garanti étant soustrait de ce dernier produit. Il s'ensuit que cette opération qui neutralise l'effet de l'ancienneté compris dans certains paramètres est conforme aux prescriptions de la cour.

Par ailleurs, pour effectuer ses calculs, l'expert s'est référé aux tableaux d'ancienneté de la société. Il s'ensuit que les critiques de la société Berlitz, selon laquelle l'expert aurait retenu à tort, une grille introduisant des seuils de progression contraire aux majorations de taux prévues à l'accord d'entreprise applicable ne sont pas fondées.

Il résulte du rapport de l'expert que celui-ci, lors de l'examen des bulletins de salaire en a détaillé la teneur, notamment en relevant les périodes d'absence. Il a en outre retenu l'ancienneté indiquée sur les bulletins de salaire des salariés comme il a été dit précédemment. La méthode utilisée apparaît ainsi conforme aux prescriptions antérieures de la cour.

Il résulte de la lecture du rapport d'expertise que la prime exceptionnelle versée en 1996 à certains salariés a été prise en compte par lui dans ses calculs en ce qui intéresse l'espèce.

Dans ces conditions, les constatations et conclusions de l'expert judiciaire sont sérieuses et méritent d'être retenues pour la période allant de mai 1994 au mois de décembre 2000.

Il convient donc d'allouer aux consorts [S] la somme qu'ils réclament à ce titre.

Sur le rappel de salaire sur unités complémentaires

Dans son précédent arrêt, après avoir rappelé qu'en application de l'accord d'entreprise et du manuel de paie, les unités supplémentaires effectuées au-delà du minimum garanti contractuel étaient rémunérées à un taux majoré de 5%, la cour a posé le principe du droit des salariés à obtenir un rappel au titre de la majoration pour unités complémentaires, "lequel devra être calculé en tenant compte des règles retenues pour le calcul des rappels sur minima conventionnels et sur la prime d'ancienneté".

Il résulte de l'accord d'entreprise du 4 février 1983 et du manuel des services de paie que les unités supplémentaires effectuées au-delà du minimum garanti contractuel sont rémunérées à un taux majoré de 5%, ce système ayant été maintenu après le 20 avril 1996.

Les salariés ayant droit à un rappel de salaire sur minima conventionnels et sur la prime d'ancienneté, ils sont fondés à solliciter un rappel au titre de la majoration pour unités complémentaires, calculée en tenant compte des règles dégagées ci-dessus pour les minima conventionnels et la prime d'ancienneté.

Il sera fait droit à la demande des consorts [S] à ce titre.

Sur l'incidence sur congés payés

Dans sa précédente décision, la cour a rappelé le droit des salariés aux congés payés afférents aux rappels de salaire sur minima conventionnels, sur unités complémentaires et sur prime d'ancienneté, en application de l'article L 3141-22 du code du travail.

Il résulte du rapport d'expertise que pour calculer l'incidence sur congés payés, l'expert a appliqué le taux de 10% aux montants des rappels précédemment dégagés, ce conformément à l'article L 3141-22 du code du travail.

La demande des consorts [S] sur ce point, qui se fonde sur le rapport de l'expert, sera admise.

Sur les rappel de treizième mois

Il résulte des dispositions combinées du précédent arrêt de la cour du 3 février 2004 et de la décision de la Cour de cassation du 28 avril 2006, qui en prononce la cassation partielle, que le salarié, en application de l'article 5 du chapitre II de l'accord d'entreprise, a droit à un rappel sur treizième mois, calculé sur le total des rappels de salaire augmentés des unités complémentaires.

L'expert a calculé la gratification litigieuse sur "le total des rappels de salaire, de prime d'ancienneté et d'unités complémentaires".

Il s'ensuit que les calculs de l'expert, pour la période de mai 1994 à décembre 2000, fondés par ailleurs sur une démarche conforme aux principes dégagés et sérieuse, doivent être corrigés en ôtant de la base de calcul de la gratification, la part afférente au montant du rappel de la prime d'ancienneté.

Il sera donc alloué à ce titre aux consorts [S] une somme de 2 820,47 euros.

Sur le rappel de prime de transport

Rappelant que, selon l'accord du 4 février 1983, la prime de transport constitue un droit acquis du personnel, la cour, dans sa précédente décision, en a déduit que sa dénonciation par l'employeur à compter du 1er mai 1994 était inopérante, de sorte que les salariés concernés étaient fondés à solliciter un rappel à ce titre depuis cette date et en ont conservé l'avantage après le 20 avril 1996. La cour a décidé, en conséquence, que les salariés étaient fondés à en réclamer un rappel à compter du 1er mai 1994.

L'expert, pour effectuer ses calculs, a procédé conformément aux prescriptions de cet arrêt précité.

Les dispositions conventionnelles relatives à cet avantage fixent le mode de calcul du montant de la prime sans limiter le bénéfice de celle-ci à deux zones de carte orange.

Il convient, en conséquence, d'allouer aux consorts [S] la somme qu'ils sollicitent à ce titre.

Sur le rappel de tickets restaurant

Rappelant qu'en application de l'article 9 du chapitre II de l'accord d'entreprise, les salariés à temps plein et ceux à 4/5ème de temps (représentant 156 unités de travail effectif ou un salaire garanti de 128 unités) bénéficiaient d'un avantage acquis que la société Berlitz n'avait pu, en juin 1997, modifier unilatéralement, la cour, dans son précédent arrêt, a considéré que les salariés concernés étaient fondés à solliciter le versement de la participation de l'employeur aux tickets restaurant pour tous les jours de présence.

Il résulte du rapport d'expertise que la méthode de calcul retenue par l'expert [W] pour ses calculs est conforme aux prescriptions de la cour. Il convient, en conséquence de retenir ses conclusions et de faire droit à la demande des consorts [S] sur ce point.

Sur le rappel de salaire en application de l'article 10.3 de la convention collective nationale des organismes de formation

Dans son arrêt du 3 février 2004, la cour, infirmant le jugement déféré, a considéré, en application des articles 10.3.3 et 10.3.4 de la convention collective applicable, qu'à la fin de l'année de référence contractuelle, si un formateur de niveau D ou E a effectué plus de 1225 heures de FFP (face à face

pédagogique), chaque heure excédant ce seuil est majorée dans les conditions suivantes :

- 25% de la 1226 ème heure à la 1249 éme heure,

- 50% de la 1250 ème heure à la 1299 ème heure,

- 75% à partir de la 1300 ème heure et au-delà.

S'appuyant sur les termes de la convention collective, la cour a précisé en outre dans cette même décision que les 1225 heures tenaient compte de cinq semaines de congés payés, de cinq jour mobiles, et des jours fériés, et que par conséquent, seules les heures FFP devaient être prises en compte, à l'exclusion des congés payés, des jours mobiles et fériés, pour déterminer si ledit seuil est dépassé. Enfin, la cour a ajouté que cette majoration bénéficiait également aux salariés à temps partiel, au prorata.

Il résulte des dispositions conventionnelles précitées, rappelées dans son précédent arrêt par la cour que les éventuels rappels dus aux salariés au titre de l'article 10 de la convention collective, dépendaient du nombre d'heures de FFP pratiqués par l'enseignant.

Dans son arrêt du 16 décembre 2008, la cour a renvoyé à l'expertise pour ce chef de demande, de sorte que c'est l'expert [M] qui l'a examinée, y compris pour le période antérieure à décembre 2000 et pour M. [S].

Les conclusions de l'expert figurant à ce sujet en page 30 et suivantes de ce rapport, auxquelles il convient de se référer, seront retenues et la demande des consorts [S] à ce titre sera rejetée.

II- Sur la période postérieure à décembre 2000

Sur le rapport d'expertise de M. [M]

Le rapport d'expertise de M. [M], désigné par l'arrêt antérieur de la cour, repose sur un examen sérieux et approfondi de la situation. L'expert a répondu de façon circonstanciée aux dires des parties et a établi des décomptes optionnels lorsqu'il demeurait une divergence entre elles. Les chiffres de base qu'il a retenus ne sont pas discutés et sont, pour l'essentiel, issus de la comptabilité de la société Berlitz France. Il a appliqué les principes dégagés par les décisions judiciaires précédentes dans l'instance actuelle.

Le rapport d'expertise mérite par conséquent de servir de base à l'appréciation de la cour.

Sur les rappel au titre des minima conventionnels et de prime d'ancienneté

L'expert rappelle que la durée du travail au sein de la société Berlitz France n'est pas exprimée en heure mais en unité prestée de 45 minutes dont 5 minutes de pause.

Cette notion d'unité prestée est définie à l'article 2 du chapitre 1 « conditions de travail » de l'accord d'entreprise du 4 février 1983, la durée du travail pour un formateur à temps complet correspondant à 160 unités de travail effectif (soit une disponibilité totale de 195 unités).

Par ailleurs, l'article 6 chapitre 2 du même accord institue une prime d'ancienneté propre à l'entreprise Berlitz France qui est incorporée dans le taux de base unitaire.

La société Berlitz France, soumise aux dispositions de la convention collective des organismes de formation, est tenue de verser une rémunération au moins égale au minimum conventionnel.

Pour déterminer si le salaire versé postérieurement au 31 décembre 2000 a été au moins égal aux minima conventionnels, l'expert a déterminé le taux unitaire de base Berlitz hors ancienneté mais y compris gratifications annuelles, pour le comparer ensuite au taux unitaire minimum conventionnel.

Le différend entre les parties sur ce point porte sur le droit du salarié à un éventuel rappel de prime d'ancienneté.

Sur ce point, l'expert, en pages 12 et suivantes de son rapport, auxquelles il est renvoyé, appliquant correctement les principes dégagés par les décisions antérieures dans les limites des éléments qui lui étaient soumis et répondant aux dires de la société Berlitz France, a établi deux calculs, le premier prenant comme assiette de la prime le salaire minimum de la convention collective, calcul ayant la faveur appelants, et le second reprenant purement et simplement comme montant de prime d'ancienneté pour avril 1996 celui mentionné par la société Berlitz France tel que résultant d'une grille d'avril 1992 et qui a la faveur de l'employeur.

Toutefois, compte tenu des explications de l'expert, considérant, en outre, que l'employeur ne produit pas de documents faisant apparaître distinctement la majoration pour ancienneté qu'il a appliquée permettant de connaître quels montants exacts ont été versés à ce titre et que la décision antérieure de la cour a retenu le principe d'un rappel de prime d'ancienneté, il y a lieu d'entériner le premier calcul opéré par l'expert.

Il sera donc fait droit à la demande formée par les consorts [S] à titre principal.

Sur le rappel de salaire sur unités complémentaires

Ainsi que l'indique l'expert, il résulte de l'accord d'entreprise du 4 février 1983 et du manuel des services de paie que les unités supplémentaires effectuées au-delà du minimum garanti contractuel sont rémunérées à un taux majoré de 5%, ce système ayant été maintenu après le 20 avril 1996.

Les salariés ayant droit à un rappel de salaire sur minima conventionnels et sur la prime d'ancienneté, les consorts [S] sont fondés à solliciter un rappel au titre de la majoration pour unités complémentaires, calculée en tenant compte des règles dégagées ci-dessus pour les minima conventionnels et la prime d'ancienneté.

Il sera fait droit aux demandes des consorts [S] à ce titre.

Sur l'incidence sur les congés payés et la gratification annuelle de treizième mois

S'agissant d'une incidence, selon les mêmes principes que ci-dessus, et pour les motifs exposés par l'expert en page 21 de son rapport, auquel il est renvoyé, la demande des consorts [S] à ce titre sera admise.

Sur le rappel de prime de transport

Pour les motifs exposés par l'expert en page 21 de son rapport, auquel il est renvoyé, la demande des consorts [S] à ce titre sera admise, étant précisé que les dispositions conventionnelles relatives à cet avantage fixent le mode de calcul du montant de la prime sans limiter le bénéfice de celle-ci à deux zones de carte orange.

Sur les tickets restaurant

C'est justement que, se fondant sur la méthode retenue par le précédent expert et ci-dessus par la cour , l'expert [M] a établi un tableau des sommes dues à ce titre et dont les consorts [S] réclament le paiement.

Il sera fait droit à cet égard à la demande des consorts [S], qui se fonde sur le rapport d'expertise.

III- Sur la remise de bulletins de salaire

Compte tenu des développements ci-dessus, la demande relative aux bulletins de salaire est fondée et il y sera fait droit dans les termes du dispositif ci-après, sans qu'il y ait lieu à astreinte.

IV- Sur les dommages-intérêts pour violation des obligations contractuelles et conventionnelles

La violation par la société Berlitz France de ses obligations, en particulier conventionnelles, a nécessairement causé au salarié un préjudice distinct de celui, pécuniaire, réparé par les développements ci-dessus et par les dispositions des décisions antérieures, lié au fait qu'il n'a pas pu disposer en temps réel de la totalité des revenus issus de son travail et a été contraint, pour être rempli de ses droits, de s'adresser à justice avec les démarches, tracas et aléas que cela implique.

Il sera alloué aux consorts [S] à ce titre une somme de 2 000 euros à ce titre.

V- Sur les frais irrépétibles et les dépens

Les conditions d'application de l'article 700 du code de procédure civile sont réunies, il sera alloué aux consorts [S] en cause d'appel une somme de 1 000 euros.

La cour ayant pour l'essentiel fait droit aux demandes du salarié, la société Berlitz France sera condamnée aux dépens en ceux compris les frais d'expertise.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 14 mai 2001,

Vu l'arrêt de la cour du 3 février 2004,

Vu l'arrêt de la Cour de Cassation du 28 avril 2006,

Vu l'arrêt de la cour du 16 décembre 2008,

Vu le rapport d'expertise de Mme [W],

Vu le rapport d'expertise de M. [M],

Condamne la société Berlitz France à payer à M. [H] [S], M. [T] [S] et Mme [U] [S], en qualité d'ayants-droits de M. [A] [S] :

Pour la période de mai 1994 à décembre 2000 :

- Rappel de salaire sur minima conventionnel15.163,52 €

- Rappel de prime d'ancienneté19.556,99 €

- Rappel de salaire sur unités complémentaires 920,82 €

- Rappel 13ème mois 2.820,47 €

- Congés payés incidents 3.489,91 €

- Rappel de prime de transport 632,91 €

- Rappel de tickets restaurant 705,89 €

Pour la période postérieure au 31 décembre 2000 :

- Rappel de salaire sur minima conventionnel14.703,63 €

- Rappel de prime d'ancienneté 3.792,06 €

- Rappel de salaire sur unités complémentaires 39,65 €

- Rappel 13ème mois 1.228,12 €

- Congés payés incidents 1.853,53 €

- Rappel de prime de transport 275,32 €

- Rappel de tickets restaurant 1.705,02 €;

Dit qu'il convient de déduire de ces sommes le montant de la provision allouée antérieurement dans la mesure où celle-ci aura été versée;

Déboute les consorts [S] de leurs demandes fondées sur les articles 10.3.3 et suivants de la convention collective nationale des organismes de formation ;

Condamne la société Berlitz France à payer aux consorts [S] :

- 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation des obligations contractuelles et conventionnelles,

- 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne à la société Berlitz France d'établir et remettre aux consorts [S] les bulletins de paie correspondant aux condamnations prononcées ;

Rejette le surplus des demandes des parties ;

Condamne la société Berlitz France aux dépens de première instance et d'appel qui incluront les frais d'expertise.

LA GREFFIÈRE POUR LA PRÉSIDENTE EMPÊCHÉE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 11/01475
Date de la décision : 09/10/2012

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°11/01475 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-10-09;11.01475 ?
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