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08/11/2012 | FRANCE | N°10/11013

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 08 novembre 2012, 10/11013


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 08 Novembre 2012

(n° 2 , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/11013



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Juin 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS - Section Encadrement - RG n° 09/09720





APPELANT

Monsieur [F] [B]

[Adresse 1]

[Localité 4]

comparant en personne, assisté de Me Valérie PIQUEMAL, avocat au barreau

de PARIS, toque : E 1525





INTIMÉE

SARL CAFÉ DU GARAGE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Muriel DAVIDSON, avocat au barreau de PARIS, toque : P0263





COMP...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 08 Novembre 2012

(n° 2 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/11013

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Juin 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS - Section Encadrement - RG n° 09/09720

APPELANT

Monsieur [F] [B]

[Adresse 1]

[Localité 4]

comparant en personne, assisté de Me Valérie PIQUEMAL, avocat au barreau de PARIS, toque : E 1525

INTIMÉE

SARL CAFÉ DU GARAGE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Muriel DAVIDSON, avocat au barreau de PARIS, toque : P0263

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 septembre 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Renaud BLANQUART, Président

Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère

Madame Anne MÉNARD, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : M. Franck TASSET, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Monsieur Renaud BLANQUART, Président et par M. Franck TASSET, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [F] [B], qui avait été engagé le 1er mai 1995 en qualité de cuisinier par la société Café du garage, a saisi la juridiction prud'homale le 16 juillet 2009 d'une demande de paiement d'un rappel d'heures supplémentaires de 69.582,88 €, outre les congés payés afférents et des dommages-intérêts.

Par jugement du 23 juin 2010 notifié le 8 décembre, le conseil de prud'hommes de Paris, après avoir alloué au salarié des rappels de salaire pour heures supplémentaires et 1er mai travaillés et annulé deux avertissements notifiés en 2010, l'a débouté de sa demande additionnelle de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur et de paiement de diverses indemnités au titre de la rupture du contrat.

Le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 30 juin 2010.

Il a interjeté appel de la décision prud'homale le 15 décembre 2010.

M. [B] demande à la Cour de confirmer l'annulation des avertissements, et, statuant de nouveau, de :

- requalifier sa prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse

- condamner l'employeur au paiement des sommes de :

* 3.458,60 € d'indemnité de préavis,

* 345,86 € de congés payés incidents,

* 6.359,97 € d'indemnité de licenciement,

* 14.973 € d'heures supplémentaires,

* 1.497,30 € de congés payés incidents,

* 8.646,50 € d'indemnité pour les 1er mai travaillés,

* 50.000 € de dommages et intérêts pour rupture abusive,

* outre 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- et d'ordonner la délivrance du certificat de travail, de l'attestation pour l'Assedic et des bulletins de paie conformes.

Il expose que jusqu'à sa revendication en juillet 2009, il a travaillé 63 heures hebdomadaires sans être rémunéré des heures supplémentaires et sans bénéficier de repos hebdomadaire. Il précise que si, à la suite de sa saisine de l'inspection du Travail et de la juridiction prud'homale, l'employeur a régularisé la situation, il ne lui a jamais payé l'arriéré d'heures supplémentaires et que la notification de deux avertissements injustifiés en 2010 caractérise également un comportement fautif et déloyal de sa part l'ayant contraint à rompre le contrat.

La société Café du garage conclut au rejet de l'ensemble des demandes du salarié et demande à la Cour de dire que la prise d'acte de la rupture s'analyse en une démission. Elle souligne que le salarié ne produit aucun décompte à l'appui de sa demande d'heures supplémentaires et que l'inspecteur du travail n'a fait qu'enregistrer ses prétentions sans en constater la réalité. Elle ajoute que sa réclamation l'a conduite à instaurer un système de décompte journalier des heures de travail signé des deux parties en supprimant les heures supplémentaires qu'elle réglait auparavant et l'usage tacite selon lequel le salarié venait travailler le dimanche pour rattraper ses absences de la semaine. Elle sollicite à titre subsidiaire la réduction des indemnités réclamées sans aucun décompte ni justification et réclame l'allocation d'une somme de 2500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS

I. Sur la demande d'heures supplémentaires et de congés payés afférents

Attendu qu'à l'appui de cette demande, le salarié produit :

- sa réclamation adressée à l'employeur par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 juillet 2009 où il se plaint de travailler du lundi au dimanche de 10h à 14h30 et de 18h30 à 22h en n'étant payé que partiellement pour les heures supplémentaires effectuées dont il demandait la régularisation,

- un courrier de l'inspection du travail du 5 octobre 2009, par lequel la contrôleuse indique avoir reçu les mêmes déclarations de la part du salarié et les explications de l'employeur selon lequel si M. [B] n'avait pu bénéficier de repos jusqu'au 12 juillet précédent, c'était parce qu'il effectuerait peu d'heures de travail, et demande à l'employeur la régularisation de la situation et la copie d'un planning,

- une lettre de l'employeur du 4 février 2010 l'informant de la réduction de l'horaire hebdomadaire de 41 heures à 35 heures selon un horaire de 10h à14h30 et de 19h à 21h30,

- sa réponse du 19 février demandant à l'employeur de lui notifier régulièrement la modification de son contrat de travail, dans l'attente de laquelle il continuerait à effectuer ses horaires habituels de 9h40 à 14h30 et de 18h30 à 22h du lundi au vendredi,

- la notification du 3 mars 2010 de l'employeur,

- la lettre de l'employeur du 6 mars 2010 lui notifiant la régularisation des repos compensateurs pour la période de septembre 2009 à février 2010

- les feuilles de décompte journalier de la durée du travail à compter d'août 2009

- ses bulletins de paie pour la période de janvier 2007 à juin 2009 mentionnant 35 heures supplémentaires régulièrement payées et les bulletins de paie de juillet 2009 à mars 2010 faisant apparaître le paiement de 17,33 heures supplémentaires ;

Que de son côté l'employeur produit sept attestations de clients réguliers et fidèles du restaurant, desquelles il résulte que c'était souvent le patron lui-même qui était en cuisine, et l'avis de classement sans suite du 7 mai 2010 du Parquet de l'enquête diligentée le 11 août 2009 à son encontre, outre les bulletins de paie de février à mai 2005, de juillet à septembre 2007 et de juillet et août 2008 mentionnant les nombreuses absences du salarié en dehors de ses congés payés ;

Que de ces éléments et de ceux fournis par le salarié il résulte que, si celui-ci a bien effectué jusqu'en juillet 2009 des heures supplémentaires au-delà de celles payées, il n'a pas pour autant régulièrement travaillé 9 heures chaque jour, sept jour sur sept, et donc 63 heures hebdomadaires comme il le soutient, d'autant que, ainsi que l'a relevé le conseil de prud'hommes, selon les horaires qu'il affirme avoir été les siens, il n'effectuait en tout état de cause que 8 heures par jour ; qu'en l'absence de tout décompte hebdomadaire précis des heures supplémentaires effectuées et même de calcul de la somme réclamée, le jugement sera confirmé en ce qu'il lui a alloué la somme de 5000€ par application des dispositions de l'article L.3171-4 du Code du travail et celle de 500€ au titre des congés payés incidents, et ordonné la remise d'un bulletin de paie conforme à cette décision ;

II. Sur la demande de rappel de salaire afférente au 1er mai

Attendu que le salarié réclame la somme de 8646,50 € au titre de la journée du 1er mai due pour une période de cinq ans ; que si l'employeur conteste qu'il ait travaillé ces jours-là, il ne justifie pas de la fermeture de l'établissement qui était ouvert tous les jours ; que toutefois, il est établi par la production du bulletin de paie du mois de mai 2005 que le salarié était absent du 1er au 4 mai ; que d'autre part, le 1er mai 2010 tombait un samedi, jour qui n'était plus travaillé par le salarié depuis juillet 2009 ; qu'il reste donc quatre journées du 1er mai travaillées non indemnisées ;

qu'en application de l'article L.3133-6 du Code du travail, le salarié a droit, en plus du salaire de cette journée, à une indemnité égale au montant de ce salaire ; qu'au taux horaire de 8,51 puis de 8,77€ pour le 1er mai 2009, c'est une somme de 274,40 € qui lui est due à ce titre ; que l'employeur sera donc condamné au paiement de cette somme, avec intérêts au taux légal à compter du 23 juin 2010, date du bureau de jugement à laquelle la demande a été formée, et capitalisation de ceux-ci à compter du jour de l'audience où cette capitalisation a été formée, et remise d'un bulletin de paie conforme ;

III. Sur la demande d'annulation des avertissements

Attendu qu'un premier avertissement a été notifié au salarié le 5 mars 2010 pour inobservation des règles d'hygiène, un bout d'éponge métallique ayant été découvert le 22 février dans un plat servi à un client ; que ce fait a été contesté par le salarié par lettre du 25 mars ; que si l'employeur produit la lettre, à en-tête d'une société Orvif, d'un client qui 'confirme' avoir trouvé dans son plat un débris métallique, il reste qu'ayant attendu quinze jours pour notifier cet avertissement, il n'établit pas que cet incident soit imputable au salarié ;

Attendu qu'en ce qui concerne le second avertissement du 7 avril 2010 reprochant au salarié de nourrir les pigeons dans la cour de l'immeuble suscitant deux plaintes de copropriétaires, le jugement sera également confirmé en ce qu'il a jugé disproportionnée la sanction par rapport au grief ;

IV. Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail

Attendu qu'il résulte de la combinaison des articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du Code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail ;

Attendu que la prise d'acte de la rupture par le salarié en raison de faits qu'il reproche à l'employeur entraînant la cessation immédiate de son contrat de travail, il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de résiliation judiciaire antérieure ;

Attendu enfin qu'en cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission; qu'il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur ;

Attendu que M. [B] a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 juin 2010 aux motifs suivants :

'- Vous ne me réglez pas la totalité de mes heures supplémentaires malgré mes demandes verbales et écrites, et les calculs fondés les justifiant,

- vous avez cru pouvoir me réduire mes heures de travail reconnaissant par là-même que je n'effectuais jusqu'alors pas les horaires normaux, tentant par là également de trouver une raison économique à cette modification substantielle à mon contrat de travail, alors qu'il n'en est rien et que le restaurant fonctionne normalement

- vous ne respectez pas les repos hebdomadaires au mépris des dispositions légales et conventionnelles,

- vous avez cru pouvoir me sanctionner de deux avertissements jugés comme ne reposant sur aucune cause réelle et sérieuse, et de tenter de me constituer un dossier disciplinaire à mon encontre dans le seul but de me faire quitter la société,

- vous me menez une vie impossible au sein du restaurant puisque depuis la saisine du conseil de prud'hommes en particulier, je suis victime de brimades et d'humiliations de votre part ainsi que de celles de vos amis présents au restaurant dans le seul et unique but de me voir m'énerver et vous répondre afin de pouvoir m'imputer un mauvais comportement

- vous ne me dites plus ni bonjour ni bonsoir.'

Attendu que si la réduction du temps de travail à laquelle l'employeur a procédé le 4 février 2010 en supprimant les heures supplémentaires rentrait dans son pouvoir de direction sans qu'il ait à demander à l'intéressé son accord, et faisait suite de surcroît à la demande de régularisation de l'inspection du Travail, il reste que le non-paiement des heures supplémentaires réellement effectuées au-delà de celles figurant sur les bulletins de paie, et non régularisées à l'inverse du non-respect du repos hebdomadaire qui avait cessé un an auparavant, constitue à lui seul un manquement de l'employeur suffisamment grave pour justifier la prise d'acte de la rupture par le salarié ; qu'il s'ensuit que celle-ci doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse dont elle produit les effets ;

Attendu que le salarié a droit de ce fait à une indemnité compensatrice de préavis égale à deux mois de salaire par application des articles L.1234-1 et L.1234-5 du Code du travail soit, sur la base du dernier salaire de 1410 €, la somme de 2820 €, outre les congés payés incidents de 282 € ;

Que l'indemnité de licenciement est égale en application des articles R.1234-2 et R.1234-4 du Code du travail à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté, auquel s'ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de dix ans d'ancienneté, sur la base soit du douzième de la rémunération des douze derniers mois soit du tiers des trois derniers mois selon la formule la plus avantageuse pour le salarié;

que M.[B] a donc droit à ce titre, sur la base des douze derniers mois de salaire plus avantageuse, à la somme de 5395,46 € ;

Qu'enfin M. [B] a subi du fait de la rupture un préjudice que la Cour a les éléments pour fixer, compte tenu tant de son ancienneté que du fait qu'il a retrouvé un emploi dans les quinze jours suivant son départ dans une branche d'activité où il y a peu de chômage, à la somme de 8500 €, portant intérêts au taux légal à compter du jour de l'arrêt ;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge du salarié la totalité de ses frais irrépétibles ; qu'une somme de 1000 € lui sera allouée de ce chef ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

- annulé les avertissements du 5 mars et du 7 avril 2010 ;

- condamné la SARL CAFÉ DU GARAGE à payer à M. [B] les sommes de :

* 5.000 € de rappel d'heures supplémentaires

* 500 € de rappel de congés payés afférents

avec intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2009,

- ordonné la remise d'un bulletin de paie conforme à cette décision ;

Y ajoutant, ordonne la capitalisation des intérêts à compter du 13 septembre 2012 ;

Le réforme pour le surplus et, statuant à nouveau,

Dit que la prise d'acte s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la SARL CAFÉ DU GARAGE à payer à M. [B] les sommes de :

* 2820 € d'indemnité compensatrice de préavis,

* 282 € d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

* 5395,46 € d'indemnité de licenciement,

* 274,40 € à titre d'indemnité de 1er mai,

avec intérêts au taux légal à compter du 23 juin 2010 et capitalisation des intérêts à compter du 13 septembre 2012,

* et 8 500 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour ;

Ordonne la remise d'un bulletin de paie conforme à ces condamnations ;

Déboute M. [B] du surplus de sa demande ;

Condamne la société aux dépens d'appel et de première instance,

La condamne à payer à M. [B] la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 10/11013
Date de la décision : 08/11/2012

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°10/11013 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-11-08;10.11013 ?
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