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08/11/2012 | FRANCE | N°10/16037

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 08 novembre 2012, 10/16037


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRÊT DU 08 NOVEMBRE 2012



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 10/16037



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Juillet 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/05726





INTERVENANTE VOLONTAIRE ET EN TANT QUE TELLE APPELANTE



Madame [P] [B] épouse [G], ès qualités d'hÃ

©ritière de Monsieur [J] [B]

[Adresse 3]

[Localité 4]



Représentant : Me Patrick BETTAN de la AARPI AARPI DES DEUX PALAIS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0078

Assistée de : Me M...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRÊT DU 08 NOVEMBRE 2012

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/16037

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Juillet 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/05726

INTERVENANTE VOLONTAIRE ET EN TANT QUE TELLE APPELANTE

Madame [P] [B] épouse [G], ès qualités d'héritière de Monsieur [J] [B]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me Patrick BETTAN de la AARPI AARPI DES DEUX PALAIS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0078

Assistée de : Me Marie-Dominique FRANCESCHETTI, avocat au barreau de PARIS, toque : A0604

INTIMÉ

CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE DE PARIS ET ILE DE FRANCE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentant: Me Pierre-Yves COUTURIER de la AARPI COUTURIER - MASSONI ET Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L0102

Assistée de : Me Paul-Philippe MASSONI du cabinet COUTURIER - MASSONI ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L102

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 Septembre 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente

Madame Caroline FÈVRE, Conseillère

Madame Muriel GONAND, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : M. Sébastien PARESY

ARRÊT :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente et par M. Sébastien PARESY, greffier présent lors du prononcé.

***********

Monsieur [B], né en 1925, était titulaire de divers comptes ouverts à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE DE PARIS ET ILE DE FRANCE, ci-après le CREDIT AGRICOLE.

A la suite de son hospitalisation à la fin de l'année 2005, une procédure de protection judiciaire a été initiée et par décision du 21 mars 2006, Madame [G], sa fille unique, a été désignée en qualité d'administratrice légale sous contrôle judiciaire. Elle a alors découvert une série d'opérations suspectes consistant en:

- la clôture de tous les comptes épargne de Monsieur [B] à la Caisse d'Epargne et le placement des fonds disponibles sur le compte courant,

- le débit immédiat des fonds en deux chèques de 61.200 euros et de 53.467 euros et le dépôt de ces chèques sur le compte de Monsieur [B] ouvert au CREDIT AGRICOLE,

- deux retraits d'espèces de 30.000 euros et 42.000 euros effectués presque simultanément sur ce compte,

- l'ouverture d'un coffre-fort le 6 avril 2005 au CREDIT AGRICOLE.

Madame [G] a déposé plainte devant le doyen des juges d'instruction du Tribunal de Grande Instance de Paris contre Madame [S], qui aidait Monsieur [B] dans les actes de la vie courante depuis plusieurs mois.

Par jugement du 24 septembre 2008, Madame [S] a été déclaré coupable des faits d'abus de faiblesse d'une personne vulnérable et a été condamnée sur le plan civil à payer à Monsieur [B] les sommes de:

- 117.000 euros en réparation du préjudice matériel,

- 1 euros pour préjudice moral,

- 2.000 euros au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Monsieur [B] a été indemnisé à hauteur de la somme de 14.847,69 euros, prélevée sur le cautionnement versé par Madame [S] dans le cadre de l'information.

Par acte d'huissier en date du 30 mars 2009, Madame [G], en qualité de tutrice de Monsieur [B], a assigné le CREDIT AGRICOLE.

Par jugement rendu le 15 juillet 2010, le tribunal de grande instance de Paris a:

- condamné le CREDIT AGRICOLE à payer à Monsieur [B], représenté par Madame [G], en qualité d'administratrice légale sous contrôle judiciaire, les sommes de:

- 10.000 euros de dommages et intérêts,

- 2.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- rejeté toutes autres demandes,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné le CREDIT AGRICOLE aux dépens.

Par déclaration remise au greffe de la Cour le 30 juillet 2010, Madame [G] a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 4 juillet 2012, Madame [G] demande à la Cour:

- de lui donner acte de son intervention volontaire en sa qualité d'ayant droit de Monsieur [B], décédé le [Date décès 1] 2012,

- de la déclarer recevable et fondée en son appel,

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

-considéré qu'aucun manquement au devoir de surveillance, s'agissant des retraits d'espèces effectués sur le compte bancaire de Monsieur [B], ne pouvait être imputé au CREDIT AGRICOLE,

- fixé le montant des dommages et intérêts à la somme de 10.000 euros,

- de dire que le CREDIT AGRICOLE a commis des fautes ayant un lien de causalité avec le préjudice de Monsieur [B], en manquant à son devoir de surveillance concernant les retraits d'espèces effectués sur le compte bancaire de Monsieur [B] et en méconnaissant son obligation de surveillance concernant le coffre-fort ouvert à son nom,

- de condamner le CREDIT AGRICOLE à lui verser les sommes de :

- 98.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé au titre des retraits d'espèces,

- 37.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé au titre des dépôts ayant disparu du coffre fort,

- 10.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- de débouter le CREDIT AGRICOLE de ses demandes,

- de condamner le CREDIT AGRICOLE aux entiers dépens.

Dans ses dernières écritures signifiées le 29 février 2012, le CREDIT AGRICOLE demande à la Cour:

- de constater l'absence de preuve d'un quelconque manquement à son devoir de vigilance au préjudice de Monsieur [B], l'absence de preuve d'une quelconque faute et l'absence de lien de causalité entre la prétendue faute et le préjudice allégué,

- de réformer le jugement en ce qu'il l'a condamné au paiement de la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts et 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- de dire Madame [G] irrecevable et mal fondée en ses demandes,

- de débouter Madame [G] de ses demandes,

- de la condamner à payer la somme de 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et les entiers dépens.

SUR CE

Considérant que Madame [G] soutient que les retraits d'espèces auraient du alerter la banque en raison de leur caractère inhabituel, qu'en outre l'un des formulaires de retrait n'était pas signé et que la banque a manqué à son devoir de vigilance; qu'elle affirme également que le contrat d'ouverture du coffre fort ne comporte pas la signature de Monsieur [B] et que le CREDIT AGRICOLE n'a procédé à aucune surveillance de l'accès à la salle des coffres;

Considérant qu'en réponse, le CREDIT AGRICOLE fait valoir qu'il n'a pas à s'immiscer dans le fonctionnement des comptes et qu'il doit seulement refuser les opérations qui présentent une anomalie manifeste; qu'il ajoute que Madame [G] ne prouve pas qu'un formulaire de retrait ne comporte pas la signature de Monsieur [B]; qu'il prétend enfin que Madame [G] ne rapporte pas la preuve d'une faute concernant le coffre fort, ni d'un lien de causalité avec le préjudice allégué;

Considérant qu'il ressort de l'attestation notariée versée aux débats que Monsieur [B] est décédé le [Date décès 1] 2012, laissant pour seule héritière sa fille [P] [B], épouse [G]; qu'il convient donc de donner acte à Madame [G] de son intervention volontaire, en sa qualité d'ayant droit de Monsieur [B];

Considérant que Madame [G] invoque en premier lieu un manquement à l'obligation de vigilance de la banque lors des retraits en espèces effectués les 16 mars, 6 avril et 11 mai 2005 pour un montant respectif de 24.000 euros, 30.000 euros et 42.000 euros;

Considérant qu'il ressort de l'audition de Madame [V], employée au CREDIT AGRICOLE, qu'en novembre 2005, Monsieur [B] accompagné de deux femmes s'est rendu à l'agence Saint Charles, que la femme la plus jeune l'ayant informée que Monsieur [B] voulait clôturer tous les produits financiers qu'il possédait au CREDIT AGRICOLE, elle a demandé à Monsieur [B] s'il voulait effectivement clôturer tous ses comptes, ce qui a été confirmé par ce dernier; que Madame [V] a précisé que Monsieur [B] était sain de corps et d'esprit, qu'elle a également indiqué que Monsieur [B] faisait peu d'opérations bancaires et que dans le 15 ème arrondissement, ce genre de retrait était assez courant;

Considérant que Monsieur [B] a été hospitalisé le 11 octobre 2005, qu'il a été examiné le 10 novembre 2005 par un psychiatre et qu'il a été placé sous sauvegarde de justice le 30 novembre 2005; que les faits relatés par Madame [V] se sont à l'évidence déroulés entre les mois de mars et de juin 2005 et non en novembre 2005;

Considérant au vu de l'audition de Madame [V], qu'aucun élément contemporain des retraits ne vient contredire, que le CREDIT AGRICOLE ne pouvait avoir connaissance de l'état de santé de Monsieur [B] et qu'il ne pouvait refuser de procéder aux opérations concernant les comptes de ce dernier alors que rien ne n'opposait à ce que la banque accède à ses demandes;

Considérant que la banque est tenue à l'égard de ses clients d'un devoir de non ingérence et qu'elle n'a pas à se faire juge de l'opportunité des retraits, quelle qu'en soit leur importance, dès lors que le client dispose des avoirs nécessaires;

Considérant que les retraits effectués ne présentaient ni un caractère suspect au regard de la législation, ni des anomalies apparentes;

Considérant que les habitudes antérieures de Monsieur [B], quant aux opérations qu'il pratiquait sur son compte, ne permettaient pas au CREDIT AGRICOLE de s'interroger sur la cause ou l'opportunité des retraits ordonnés et de s'immiscer dans les affaires de son client, dès lors que ce dernier, qui s'était présenté en personne à la banque, avait confirmé sa volonté;

Considérant que Madame [G] produit la copie d'un avis d'opéré en date du 6 avril 2005 relatif au retrait de la somme de 30.000 euros en espèces;

Considérant que Madame [G] n'explique pas en quoi le fait que l'avis d'opéré, remis à Monsieur [B], ne soit pas signé par ce dernier serait fautif, alors qu'il n'est pas contesté que ce retrait a été demandé et obtenu par Monsieur [B],

Considérant en conséquence que le fait que Monsieur [B] ait effectué trois retraits importants en espèces ne permet pas de caractériser un manquement du CREDIT AGRICOLE à son obligation de surveillance; que le jugement doit être confirmé de ce chef;

Considérant que Madame [G] fait valoir en second lieu que le contrat d'ouverture d'un coffre-fort le 6 avril 2005 n'est pas signé par Monsieur [B] et que le CREDIT AGRICOLE n'a pas surveillé l'accès aux coffres;

Considérant qu'il est établi que le contrat de location, daté du 6 avril 2005, versé aux débats, n'est pas signé par Monsieur [B];

Considérant que le CREDIT AGRICOLE reconnaît qu'il n'y a pas de registre permettant de vérifier l'identité des personnes qui se rendent à la salle des coffres;

Considérant que le CREDIT AGRICOLE n'est donc pas en mesure de démontrer que personne n'a eu accès au coffre entre le 11 octobre 2005, date de l'hospitalisation de Monsieur [B] et le 25 janvier 2006, date de l'inventaire;

Considérant que dans une lettre adressée au juge d'instruction, Monsieur [D], neveu de Monsieur [B], indique que Madame [S], qui détenait la clé du coffre, lui avait révélé en décembre 2005 qu'il y restait 37.500 euros et qu'il certifie avoir vu la clé du coffre dans les mains de Madame [S];

Considérant dans ces conditions qu'en raison du défaut de surveillance de l'accès aux coffres par le CREDIT AGRICOLE, Monsieur [B] a subi une perte de chance de conserver les sommes déposées dans son coffre; que cette perte de chance a justement été évaluée à la somme de 10.000 euros par le tribunal et que le jugement sera confirmé de ce chef;

Considérant que le jugement doit dès lors être confirmé en toutes ses dispositions;

Considérant que Madame [G], qui succombe, supportera ses frais irrépétibles et les dépens d'appel;

Considérant que l'équité n'impose pas de faire application en appel des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit du CREDIT AGRICOLE;

PAR CES MOTIFS

Donne acte à Madame [G] de son intervention volontaire en qualité d'ayant droit de Monsieur [B].

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Déboute les parties de toutes autres demandes.

Condamne Madame [G] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 10/16037
Date de la décision : 08/11/2012

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°10/16037 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-11-08;10.16037 ?
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