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29/11/2012 | FRANCE | N°10/06462

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 29 novembre 2012, 10/06462


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 29 Novembre 2012

(n° 1 , 16 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/06462





Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Juillet 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS - Section Industrie - RG n° 07/12084







APPELANTS

Monsieur [S] [B]

[Adresse 1]

[Localité 8]

comparant en personne, assisté de Me Em

manuelle BOUSSARD-VERRECCHIA, avocat au barreau de VERSAILLES, toque : C 43



Syndicat CGT-UFCT SAGEM DS [Localité 7]

[Adresse 4]

[Localité 7]

représentée par Me Emmanuelle BOUSSARD-VERRECCHIA,...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 29 Novembre 2012

(n° 1 , 16 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/06462

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Juillet 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS - Section Industrie - RG n° 07/12084

APPELANTS

Monsieur [S] [B]

[Adresse 1]

[Localité 8]

comparant en personne, assisté de Me Emmanuelle BOUSSARD-VERRECCHIA, avocat au barreau de VERSAILLES, toque : C 43

Syndicat CGT-UFCT SAGEM DS [Localité 7]

[Adresse 4]

[Localité 7]

représentée par Me Emmanuelle BOUSSARD-VERRECCHIA, avocat au barreau de VERSAILLES, toque : C 43

LA FÉDÉRATION DES TRAVAILLEURS DE LA MÉTALLURGIE CGT

Intervenante volontaire

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Localité 6]

représentée par M. [Z] [M] (Délégué Syndical) en vertu d'un pouvoir spécial daté du 11 septembre 2012

INTIMÉE

SA SAGEM DÉFENSE SÉCURITÉ

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Me Jean Pierre LEFOL, avocat au barreau de PARIS, toque : E.1308

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 octobre 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Renaud BLANQUART, Président

Madame Anne MÉNARD, Conseillère

Monsieur Bruno BLANC, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : M. Franck TASSET, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Monsieur Renaud BLANQUART, Président et par M. Franck TASSET, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur [B] a été embauché par la SA SAGEM DEFENSE SECURITE

( plus loin 'la SAGEM DS' ), le 19 juillet 1974, en qualité d'employé au service technique

( EST ) au coefficient 168, reclassé dans la nouvelle grille agent technique ( accident du travail ) coefficient 215 ( III-1 ) à compter du 1er avril 1976, puis 225 ( III-2 ) en 1982, 240

( III-3 ) en 1995, 255 ( IV-1 ) en 2000 et 270 ( IV-2 ) en 2006.

Il a exercé, dès l'âge de 26 ans, des fonctions représentatives, pour le syndicat CGT, à compter de 1977, selon lui, de 1999, selon la SAGEM DS.

Faisant valoir qu'il avait été victime d'une discrimination syndicale, il a saisi le Conseil de Prud'hommes de Paris le 13 novembre 2007.

Monsieur [B] ayant saisi, par ailleurs, le juge des référés du Conseil de Prud'hommes, la Cour d'appel de Paris, statuant en référé a, par arrêt du 17 décembre 2009,

- infirmé l'ordonnance entreprise du juge des référés,

- Statuant à nouveau,

- condamné la SAGEM DS à verser à Monsieur [B] la somme de 46.229 €, à titre de provision à valoir sur dommages et intérêts,

- ordonné à la SAGEM DS de repositionner professionnellement à titre provisoire Monsieur [B] au niveau IV.3 de la convention collective de la métallurgie,

- ordonné à la SAGEM DS de fixer, à titre provisoire, le salaire de base de Monsieur [B] au salaire brut de base au 1er janvier 2008 + 8,86 %,

- condamné la SAGEM DS à verser à Monsieur [B] le salaire correspondant à compter du 1er janvier 2008,

- condamné la SAGEM DS à verser à Monsieur [B] la somme de 800 €, sur le fondement de l'article 700 du CPC,

- condamné la SAGEM DS à verser au syndicat CGT SAGEM DS [Localité 7] la somme de 1.000 €, à titre de provision à valoir sur les dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et financier subi,

- condamné la SAGEM DS à verser au syndicat CGT SAGEM DS la somme de 800 € sur le fondement de l'article 700 du CPC,

- condamné la SAGEM DS aux dépens de première instance et d'appel.

Au fond, Monsieur [B] a demandé :

- que soit constatée la discrimination subie par lui, en terme de salaire et de carrière,

- qu'il y soit mis fin par injonction à l'employeur de le positionner au coefficient 355 filière ETAM, avec un salaire brut mensuel de 3.011 €, au 1er janvier 2008,

- que soient appliquées les augmentations générales et conventionnelles depuis cette date,

- que lui soit versé le salaire correspondant,

- que lui soit alloué :

- la somme de 232.345 €, en, réparation de son préjudice financier, calculée par application de la méthode dite '[M]',

- la somme de 20.000 €, en réparation de son préjudice moral,

déduction faite des sommes allouées, à titre provisionnel, par la juridiction des référés.

La SAGEM a demandé que soient rejetées les demandes de Monsieur [B], au motif qu'il ne s'était pas inscrit dans le processus de règlement défini par un accord du 7 décembre 2007, et, subsidiairement, que le montant des dommages et intérêts réclamés soit limité à la somme de 46.229 €, selon une méthode de calcul prévue par un accord de la SNECMA du 9 juillet 2004, et reprise dans un accord de sous-groupe d'entreprises, parmi lesquelles elle figurait, du 7 décembre 2007, méthode appliquée pour garantir une égalité de traitement entre les élus victimes de discrimination.

Monsieur [M] est intervenu volontairement à l'audience, pour la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT.

Par jugement de départage, en date du 8 juillet 2010, le Conseil de Prud'hommes de Paris, aux motifs :

- que l'intervention volontaire de Monsieur [M] était irrecevable, faute pour ce dernier de produire un mandat de la Fédération qu'il entendait représenter,

- qu'un rapport de l'inspection du travail du 4 mai 2007, et une étude comparative de la Direction des ressources humaines de la SAGEM DS mettaient en évidence un écart de salaire important entre Monsieur [B] et les autres agents techniques exerçant le même métier,

- que la SAGEM DS ne contestait pas explicitement la réalité de la discrimination invoquée, et ne prétendait pas justifier les écarts constatés par des données objectives extrinsèques à l'engagement syndical et l'exercice de mandats représentatifs, par Monsieur [B],

- que Monsieur [B] ayant droit à la réparation de son entier préjudice, la SAGEM DS n'articulait pas d'argumentation juridique, s'agissant du fait que ce salarié ne s'était pas inscrit dans un processus conventionnel ouvert par accord du 7 décembre 2007,

- que le litige était désormais circonscrit au montant de la réparation du préjudice,

- qu'en premier lieu, Monsieur [B] devait être replacé dans la situation qui aurait été la sienne en l'absence de discrimination, soit au coefficient 355 de la filière ETAM, à compter du 1er janvier 2008, avec un salaire mensuel brut de base de 3.011 €, conformément à sa demande, non critiquée dans son application pratique, par l'employeur,

- que la SAGEM DS devait verser à Monsieur [B] le rappel de salaire correspondant, en tenant compte des augmentations de salaire, générales ou conventionnelles intervenues entre cette date et l'exécution de la décision,

- que, s'agissant de la réparation du préjudice matériel et moral résultant de la discrimination,

- que, s'agissant de la méthode 'du triangle', ou 'méthode [M]', préconisée par Monsieur [B], elle était simple, mais pas scientifique, ne pouvait être revendiquée comme la seule pertinente, d'autant qu'elle reposait sur une situation théorique unique, plus ou moins éloignée de chaque situation particulière, ne tenait pas compte de la réalité des évolutions de carrière, ni de la dépréciation monétaire,

- que, s'agissant de la méthode adoptée dans les accords d'entreprise, et préconisée par la SAGEM DS, elle ne devait pas être écartée au motif qu'elle était plus complexe et qu'elle était assortie d'un logiciel de calcul, dès lors qu'elle rendait mieux compte de la réalité, que, contrairement à ce que soutenait Monsieur [B], sans argument sérieux, l'équation de calcul proposée était vérifiable, ses paramètres étant définis et simples à comprendre, qu'ils se rapportaient à la réalité à mesurer et étaient susceptibles d'être discutés, que cette méthode fournissait une base chiffrée selon une technique commune à tous les salariés requérants, servant de référence dans une négociation individuelle, en fonction d'autres éléments de fait que chacun pouvait faire valoir, le calcul ne figeant pas le montant de la réparation,

- qu'il y avait, donc, lieu, au regard des éléments soumis à appréciation : durée de la période de discrimination, manque à valoir sur le montant de la retraite, préjudice moral résultant de l'absence de reconnaissance professionnelle, de condamner la SAGEM DS à payer à Monsieur [B] la somme totale de 75.000 €,

- que le comportement de la SAGEM DS avait causé un préjudice certain aux intérêts collectifs de la profession défendus par le syndicat CGT-UFICT SAGEM DS [Localité 7],

a :

- déclaré irrecevable l'intervention volontaire de Monsieur [M], pour la Fédération des Travailleurs de la Métallurgie CGT,

- ordonné à la SAGEM DS de repositionner Monsieur [B] au coefficient 335 de la filière ETAM, à compter du 1er janvier 2008, avec un salaire mensuel brut de base de 3.011 € et de lui verser le rappel de salaire correspondant,

- condamné la SAGEM DS à payer à Monsieur [B] la somme de 75.000 €, à titre de dommages et intérêts, toutes causes de préjudice confondues,

- dit qu'il y avait lieu de déduire de ces montants les provisions versées en exécution de l'arrêt du 17 décembre 2009,

- condamné la SAGEM DS à verser au syndicat CGT-UFICT SAGEM DS [Localité 7], la somme de 1.500 €, à titre de dommages et intérêts,

- ordonné l'exécution provisoire,

- débouté les demandeurs du surcroît de leurs prétentions,

- condamné la SAGEM DS à verser à Monsieur [B] et au syndicat CGT- UFICT SAGEM DS [Localité 7], la somme de 1.000 €, à chacun, au titre de l'article 700 du CPC,

- condamné la SAGEM DS aux dépens.

Le 23 juillet 2010, Monsieur [B] a interjeté appel de cette décision.

Par arrêt en date du 21 juin 2012, la Cour a ordonné la réouverture des débats, l'un des membres de sa composition ayant siégé dans la formation de ladite Cour, ayant prononcé la décision du 17 décembre 2009, susvisée.

Présent et assisté par son Conseil, Monsieur [B] a, à l'audience du 4 octobre 2012, développé oralement ses écritures, visées le jour même par le Greffier, aux termes desquelles il demande à la Cour :

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- ordonné son repositionnement, à compter du 1er janvier 2008,

- condamné la SAGEM à DS lui verser le rappel de salaire correspondant, avec augmentations générales ou conventionnelles depuis cette date,

- condamné la SAGEM DS sur le fondement de l'article 700 du CPC,

- de le réformer pour le surplus,

- d'inclure les augmentations individuelles du salarié dans le calcul du rappel de salaire correspondant à son repositionnement, sous astreinte de 100 €, par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir,

- de condamner la SAGEM DS à lui verser la somme de 232.345 €, au titre du préjudice financier subi,

- de condamner la SAGEM DS à lui verser la somme de 20.000 €, au titre du préjudice moral,

- de condamner la SAGEM DS à lui verser la somme de 3.500 €, au titre de l'article 700 du CPC,

- de condamner la SAGEM DS aux dépens, y compris les frais d'exécution éventuels.

Représenté par son Conseil, le syndicat CGT-UFICT SAGEM DS [Localité 7] a, à cette audience du 4 octobre 2012, développé oralement ses écritures, visées le jour même par le Greffier, aux termes desquelles il demande à la Cour :

- de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a condamné la SAGEM DS à lui verser la somme de 1.000 €, au titre de l'article 700 du CPC,

- de le réformer pour le surplus,

- de condamner la SAGEM DS à lui payer la somme de 15.000 €, en réparation de son préjudice moral et financier, direct ou indirect,

- de condamner la SAGEM DS à lui verser la somme de 1.500 €, 'sur le fondement de '

Représentée par son mandataire syndical et délégué à l'assistance juridique des salariés, en vertu d'un pouvoir spécial remis à la Cour, la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT, intervenant volontairement, a, à cette audience du 4 octobre 2012, développé oralement ses écritures, visées le jour même par le Greffier, aux termes desquelles elle demande à la Cour:

- de dire 'redevable' ( recevable ) et bien fondée son intervention volontaire,

- de condamner la SAGEM DS à lui verser la somme de 10.000 €, en réparation de son préjudice moral et financier, direct ou indirect,

- de condamner la SAGEM DS à lui verser la somme de 1.500 €, au titre de l'article 700 du CPC.

Représentée par son Conseil, la SAGEM DS a, à cette audience du 10 mai 2012, développé oralement ses écritures, visées le jour même par le Greffier, aux termes desquelles elle demande à la Cour :

- d'infirmer le jugement entrepris,

- de débouter Monsieur [B] de ses demandes,

- de condamner Monsieur [B] à lui payer la somme de 3.500 €, au titre de l'article 700 du CPC,

- de condamner Monsieur [B] aux dépens de première instance et d'appel,

Subsidiairement,

- d'allouer à Monsieur [B] la somme de 46.229 €, à titre de dommages et intérêts, et de le débouter pour le surplus de ses prétentions.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère aux écritures, visées le 4 octobre 2012, et réitérées oralement à l'audience.

SUR QUOI, LA COUR,

Considérant que le jugement entrepris, en ce qu'il a déclaré irrecevable l'intervention volontaire de Monsieur [M], pour la Fédération des Travailleurs de la Métallurgie CGT, n'est pas contesté ; qu'il n'y a lieu de statuer, de ce chef ;

Considérant que la recevabilité de l'intervention volontaire de la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT n'est pas contestée , qu'il y a lieu de déclarer recevable cette intervention ;

Considérant qu'à l'appui de son appel, Monsieur [B] fait valoir :

- qu'il a été fait un constat objectif, par l'Inspection du travail, de la discrimination syndicale qu'il dénonce, en terme de salaire et de carrière ; qu'il n'a jamais eu connaissance, par son employeur de motifs professionnels justifiant le blocage de son déroulement de carrière ; que le groupe SAFRAN a admis l'existence de cette discrimination, proposant la signature d'un accord relatif au règlement éventuel de différends sur l'évolution professionnelle passée des représentants syndicaux ou représentants du personnel des sociétés de l'ex-périmètre SAGEM, en décembre 2007 ; que la SAGEM DS a, elle-même, reconnu le phénomène discriminatoire considéré, la Direction des ressources humaines entreprenant une étude qui a mis en lumière une disparité de traitement ; que cette reconnaissance résulte également des conclusions de la SAGEM DS ;

- que le Conseil de Prud'hommes a commis une erreur d'appréciation, s'agissant de l'évaluation et de la réparation du préjudice subi, le principe à retenir étant celui d'une réparation intégrale de ce préjudice ;

- qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a fixé son repositionnement en fonction de ce qu'aurait dû être son évolution de carrière, sans discrimination ; que le Conseil de Prud'hommes n'a, cependant, pas ordonné la prise en compte des augmentations individuelles de salaires ; qu'il a subi une différence de salaire mensuelle de 797 €, par rapport au salaire des 12 salariés du panel de référence ; qu'il n'y a pas lieu de déduire le rattrapage de salaire de 165 € intervenu en 2007, pour ne pas minorer son préjudice réel ; que la durée de discrimination subie par lui est de 30 ans ;

- qu'il y a lieu d'intégrer la prime d'ancienneté conventionnelle, par une majoration de15% du salaire de base et l'incidence sur sa retraite, par une majoration de 30% ; qu'il lui est, donc, dû, par application de la méthode dite '[M]', une indemnité de 232.345 € ;

- qu'il a subi, par ailleurs, un préjudice moral, n'ayant pas bénéficié du même niveau de formation que ses collègues, n'accédant pas à des postes plus valorisants, ayant fait l'objet d'une progression en coefficients et d'une rémunération moindre, de façon à le dévaloriser aux yeux de la communauté de travail ; que les effets psychologiques d'une telle situation sont connus ; qu'une telle privation d'un droit est source d'un préjudice moral très vif, justifiant l'allocation de 20.000 € ;

Que le syndicat CGT-UFICT SAGEM DS [Localité 7] fait valoir, pour sa part, qu'il a subi un préjudice moral et financier du fait du comportement fautif de l'employeur, qui a eu pour but ou pour effet d'empêcher l'adhésion à un syndicat, le militantisme ou la présence de salariés sur les listes électorales d'un syndicat et, de façon générale, le développement des organisations syndicales sur le lieu de travail ;

Que la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT, intervenant volontairement, fait valoir :

- qu'elle intervient volontairement à l'instance, du fait qu'une organisation syndicale peut le fait, lorsqu'une atteinte aux intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels, est subie par les salariés et la profession, plus généralement,

- qu'elle souhaite faire valoir sa position sur deux points du contentieux :

- le principe de réparation intégrale du préjudice subi en matière de discrimination syndicale,

- le tort porté à l'organisation syndicale, du fait de la discrimination subie par ses militants,

- que l'article L 1134-5 du Code du travail précise que la réparation du dommage doit se faire sous forme de dommages et intérêts et doit réparer l'intégralité du préjudice subi dans toute sa durée, qu'il ne définit aucun moyen pour parvenir à cette réparation intégrale,

- que cette appréciation est laissée aux juges du fond,

- que, pour que la réparation soit intégrale, il convient d'évaluer les préjudices : perte de rémunération, incidence sur la retraite, retard en classification, avec le plus de précision possible,

- que s'est imposée une nouvelle méthode d'évaluation, qu'il s'agit de comparer la situation du salarié avec un panel de salariés embauchés en situation comparable en terme d'ancienneté, qualification, niveau d'embauche, branche professionnelle, que cette approche est validée par la Cour de cassation,

- que les conditions de constitution de ce panel doivent être précisément définies et correspondre aux règles retenues par la Cour de cassation, qu'il convient de comparer la rémunération du salarié avec la moyenne des rémunérations issues du panel, ce qui donne une information sur le coefficient correspondant dans l'entreprise,

- que, de même, il est possible de comparer le niveau de coefficient du salarié avec le coefficient moyen du panel,

- que l'attribution de l'augmentation salariale correspondant à la différence de rémunération et le coefficient correspondant, constitue une première réparation,

- que cet écart de rémunération mesuré induit un préjudice en masse, qui augmente avec le temps, que ce déficit de rémunération dans la durée s'évalue par un calcul de triangulation, pour obtenir un lissage d'une carrière professionnelle, des salariés, c'est le 2ème niveau de réparation,

- que les pertes de rémunération générées par le déficit en masse ne sont pas sans incidence sur le montant de la retraite, ce qui peut être compensé, pour les hommes, par une majoration de 30%, liée à leur espérance de vie, c'est le 3ème niveau de réparation,

- que cette méthode, conjuguant panel et triangulation permet d'établir l'inégalité de traitement et d'évaluer la réparation du préjudice qui doit être intégrale,

- que la Cour de cassation a 'validé l'approche par panels et n'a jamais cassé d'arrêts appliquant la triangulation sur ce motif' , que les cours d'appel sont nombreuses à retenir comme pertinente cette méthode, ' dans le cadre de leur pouvoir souverain d'appréciation', que cette méthode est généralement admise par les employeurs avisés, que le défenseur des droits l'a adoptée, que les inspecteurs du travail l'utilisent, qu'elle est expliquée dans la presse juridique, qu'un outil pédagogique sur cette méthode a été établi par la CGT, qu'elle s'oppose à des outils issus de formules abstraites et théoriques dont les données de départ sont trop générales et échappent au contrôle des bénéficiaires, que tout outil qui ne prend pas en compte l'intégralité des préjudices est inférieur à la loi et ne peut être imposé ni aux salariés, ni au juge, que tel est le cas de l'accord SAGEM,

- qu'en l'espèce, le panel établi par l'inspection du travail apparaît conforme aux exigences de la Cour de cassation et permet d'établir l'inégalité de traitement subie par Messieurs [B], [C], [N] et [A] et d'évaluer l'intégralité du préjudice subi,

- que le fait de pénaliser toute personne qui s'engage dans la défense des salariés, qui s'investit dans les institutions représentatives du personnel et prend des responsabilités syndicales, constitue une atteinte directe portée à l'intérêt collectif de la profession, que cela constitue un moyen permettant d'affaiblir, voir d'éliminer la présence syndicale, que cela un effet dissuasif pour le recrutement de forces nouvelles et est le véritable mobile de ces pratiques discriminatoires, que cela occasionne un déficit de moyens humains et financiers, qui appelle réparation,

- que c'est légitimement qu'elle demande réparation à hauteur de 10.000 €, soit 2.500 € pour chacun de ces quatre salariés ;

Que la SAGEM DS fait valoir, quant à elle :

- qu'embauché en 1974, Monsieur [B] a exercé différents mandats syndicaux, à partir de l'année '1999" ; que le groupe SNECMA a négocié avec les partenaires sociaux un accord de groupe relatif au règlement des différends relatifs à l'évolution professionnelle passée des représentants syndicaux ou représentants du personnel, signé le 9 juillet 2004 ; qu'à la suite de la constitution du groupe SAFRAN, du fait de la fusion intervenue entre la SNECMA et la SAGEM, un accord a été conclu, le 19 juillet 2006, selon lequel une procédure identique à celle prévue par l'accord précité du 9 juillet 2004 ; qu'un accord de sous-groupe a été conclu, s'agissant des sociétés de l'ancien périmètre de la SAGEM, parmi lesquelles elle figure ; que cet accord a été signé, le 7 décembre 2007, par les organisations syndicales, à l'exception de la CGT; qu'il appartenait aux salariés s'estimant concernés de présenter une demande argumentée ; que 45 demandes ont été présentées par divers élus, dont certains de la CGT, qui ont abouti à des solutions amiables ; que l'appelant et quatre autres salariés ont préféré engager la présente procédure ; que Monsieur [B] est parti à la retraite le 1er octobre 2011 ; qu'il n'a pas présenté de demande pour pouvoir bénéficier de l'accord susvisé ; qu'il aurait dû s'inscrire dans le processus défini par l'accord de 2007 ; qu'il ne justifie pas en quoi elle n'aurait pas pris en compte son entier préjudice ; qu'elle demande à la Cour d'adopter l'argumentation des premiers juges, s'agissant de la méthode [M] et de sa propre méthode, mais d'infirmer leur jugement, s'agissant du quantum de la somme allouée à Monsieur [B] ;

Subsidiairement,

- qu'il pourrait être alloué à Monsieur [B], selon la méthode résultant de l'accord de 2007, la somme de 46.229 €, soit 21.321 €, à raison de l'écart résultant du simulateur politique salariale et 24.908 €, s'agissant d'un écart supplémentaire lié au retard d'évolution de classification ; que cette somme couvre l'ensemble du préjudice ; que cette méthode prend en compte la prime d'ancienneté, les augmentations individuelles et la perte de droits à la retraite ; que Monsieur [B] se prévaut d'un préjudice de 30 ans, alors qu'il ne peut justifier que, dès les premières années, il aurait été discriminé ; que, s'agissant du préjudice moral, Monsieur [B] a toujours occupé des fonctions valorisantes, qui correspondaient à sa qualification et à sa classification ; que le fait, pour Monsieur [B], de demander des sommes exorbitantes et injustifiées a amené le Conseil de Prud'hommes à rendre une décision proportionnée au préjudice réel qu'il a estimé devoir retenir ;

Sur l'existence d'une discrimination

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L 1132-1 du Code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment, en matière de rémunération, au sens de l'article L 3231-3 du même code, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison, notamment, de ses activités syndicales ;

Qu'en vertu des dispositions de l'article L 1134-1 du même code, en cas de litige relatif à l'application des dispositions ayant trait au principe de non-discrimination, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ; qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments étrangers à toute discrimination, le juge formant sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;

Qu'en l'espèce, l'appelant se prévaut d'un rapport de l'Inspection du travail en date du 4 mai 2007, qui souligne, à partir d'une comparaison de sa situation opérée avec celle de salariés exerçant le même métier et des salariés embauchés à la même période que lui, un écart significatif de rémunération et de classification, confirmé par l'étude de la Direction des ressources humaines de la SAGEM DS ; que ce rapport rappelle que Monsieur [B] est titulaire de mandats électifs ou syndicaux depuis 1977 ;

Que si la SAGEM DS indique que l'appelant n'a été titulaire de mandats syndicaux qu'à compter de 1999, ce dernier justifie, par la production d'un tableau récapitulatif, complété par des pièces en confirmant les mentions, de ce qu'il a été détenteur de tels mandats à compter de 1978 ;

Que l'appelant présente, ainsi, des éléments laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ; que la SAGEM DS, en se prévalant de l'application d'un accord de sous-groupe destiné au règlement, par voie d'indemnisation, des différends relatifs à l'évolution professionnelle passée des représentants syndicaux ou représentants du personnel et en se contentant de déplorer que Monsieur [B] ne se soit pas inscrit dans ce processus, ne prouve et ne prétend, d'ailleurs, pas prouver que la situation de l'appelant, en matière de rémunération et de classification, aurait été justifiée par des éléments étrangers à toute discrimination ; que l'existence de la discrimination dénoncée est, ainsi, avérée et justifie que soit alloué à l'appelant une indemnité tendant à la réparation de son préjudice ;

Sur la réparation du préjudice de l'appelant

Considérant qu'il y a lieu d'ordonner la réparation du préjudice intégral subi par l'appelant, à raison de la discrimination constatée ;

Que Monsieur [B] sollicitant la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a :

- ordonné son repositionnement, à compter du 1er janvier 2008,

- condamné la SAGEM à DS lui verser le rappel de salaire correspondant, avec augmentations générales ou conventionnelles depuis cette date, la SAGEM, fut-ce subsidiairement, n'oppose pas de moyens ou d'arguments à cette demande; qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris, sur ce point ;

Que, s'agissant de l'indemnité allouée à l'appelant, les parties s'opposent quant au mode de calcul de cette réparation ;

Qu'à l'appui de sa réclamation d'une somme de 232.345 €, l'appelant, se réfère à la méthode dite '[M]', qu'il présente et applique, à sa situation, de la façon suivante :

- il procède, en faisant référence à sa date d'entrée dans l'entreprise, 1974, au calcul de l'écart mensuel existant entre le montant de son salaire moyen et celui des membres d'un panel, composé de 12 salariés techniciens, entrés dans l'entreprise entre 1970 et 1978, ayant un niveau d'étude variant entre le BTS et BAC +3, écart mensuel ainsi évalué à 797 €,

- multiplie cet écart par 13 mois,

- multiplie le résultat ainsi obtenu par le nombre d'années pendant lesquelles il a été titulaire d'un mandat syndical, à concurrence de 30 ans,

- multiplie le résultat par 1,30, majoration de 30% ayant pour but, selon les termes de ses conclusions, de tenir compte, exclusivement, de l'incidence sur la retraite,

- multiplie le résultat par 1,15, majoration de 15% ayant pour but de tenir compte d'une prime d'ancienneté conventionnelle,

- divise par deux le résultat obtenu, division ayant pour but de 'lisser' la situation, pour 'prendre en considération les aléas propres aux carrières des salariés, et éviter tout débat sur la dépréciation monétaire, la réparation étant demandée à un instant T proche de la décision judiciaire, en l'espèce 2008" ;

Qu'il ajoute à cette réclamation, celle d'une somme de 20.000 €, en réparation de son préjudice moral ;

Qu'il ne produit pas de document descriptif de la méthode dont il réclame l'application, ou description, par son auteur, de cette méthode ; qu'ainsi, il n'est pas possible à la présente juridiction de savoir si la majoration de 30%, appliquée de façon systématique, dans le cadre de cette méthode, n'a pour but, comme le soutient l'appelant, que de compenser l'incidence sur la retraite du salarié concerné ou de compenser cette incidence et le préjudice moral subi ;

Que la SAGEM DS précise, pour sa part, qu'il a été procédé à un calcul pour apprécier les éventuels écarts entre l'évolution salariale du salarié concerné et la politique salariale mise en oeuvre par elle, au fil des années ; que ce calcul a été réalisé au moyen d'un simulateur, reprenant les étapes 1 et 2 de l'accord susvisé, remis à toutes les organisations syndicales, y compris la CGT, accompagné d'un guide d'utilisation ; que ce calcul tenait compte, notamment, de la revalorisation monétaire ; que si un écart de classification apparaissait, la situation du salarié était rétablie 'à ce jour', puis que l'on remontait dans le temps jusqu'au moment où l'intéressé aurait dû bénéficier de la promotion pour calculer l'écart de rémunération par rapport au salaire moyen de la population comparable, en âge et en ancienneté ; que cette méthode permettait de compenser le préjudice au-delà du préjudice réel, ce qui permettait de prendre en considération les incidences sur la prime d'ancienneté, l'intéressement et la participation ; que l'indemnisation totale était, ainsi, égale à l'addition des deux écarts obtenus ; qu'enfin, l'intéressé bénéficiait, pour l'avenir, du réajustement de classification et de salaire correspondant;

Que, pour proposer, subsidiairement, l'allocation de la somme de 46.229 € à Monsieur [B], la SAGEM DS verse aux débats, outre des lettres adressées par elle aux organisations syndicales, les accords de 2004 et 2007 explicitant la méthode appliquée par elle et un document expliquant, d'une façon générale, la nature des éléments mentionnés dans les colonnes du simulateur utilisé ; qu'il en résulte qu'il a été fait application, aux salariés concernés de la SAGEM DS, des dispositions combinées des accords susvisés ;

Que la méthode appliquée, du fait de cette combinaison, est la suivante :

1ère étape :

- la période prise en compte pour le calcul de la compensation se termine au jour de la signature de l'accord et couvre les 15 années civiles précédentes ou la période réelle de détention des mandats, si elle est inférieure à 15 ans,

- il est procédé, sur cette période prise en compte, à une comparaison entre le salaire réel du bénéficiaire et un salaire théorique,

- le salaire théorique ( S.T ) est déterminé au point de départ de la comparaison, par l'imputation du salaire réel annuel ( SR ) du mandaté de l'année considérée ( n ), d'une majoration égale au budget annuel d'augmentations moyennes de l'année n+1; distribué pour sa catégorie professionnelle ( cadres ou collaborateurs )

- au point de départ de la comparaison, la formule de calcul ( i ) du salaire théorique est la suivante :

- S.T 1 = S.T 0 ( 1 = augmentation moyenne annuelle 1 ) dans laquelle ST0 = Salaire réel

- pour l'année n :

- S.T n+1 = S.T n ( 1 + augmentation moyenne annuelle n+1 )

- ce calcul d'écart entre les deux salaires ( salaire réel n et salaire théorique n ) est renouvelé pour chaque année,

- tout calcul d'écart est ramené en monnaie constante 2007 ( indice INSEE des prix à la consommation )

- pour établir le salaire de référence de la société, le budget d'augmentations individuelles et générales distribué dans chacune des sociétés sera diffusé aux organisations syndicales,

- lorsqu'au cours de la période prise en compte, le salarié mandaté a fait partie d'un transfert collectif de salariés provenant d'une société extérieure au groupe, et en l'absence d'historique officiel des budgets d'augmentations, il sera pris en compte le budget des augmentations moyennes de l'ex-périmètre SAGEM SA,

- ainsi le niveau de salaire théorique est comparé année par année avec son salaire réel,

- dès lors, si la somme des écarts annuels entre le salaire réel et le salaire théorique, sur la période définie ci-dessus est négative, les mesures décrites à l'article 4 sont fixées,

2ème étape :

- pour les salariés titulaires d'un mandat de plus de 15 ans à la date de signature de l'accord, le salaire théorique de référence de l'intéressé est majoré, le cas échéant, d'un montant qui est égal à la valeur absolue de l'écart annuel moyen des années précédant la limite des 15 ans,

3ème étape :

- tout salarié, en constituant un dossier individuel, présente l'ensemble des éléments de nature à permettre une indemnisation couvrant tous les éléments de préjudice, qu'un tel dossier peut comporter les éléments suivants, dont la liste n'est ni limitative, ni nécessairement cumulative:

- possibilité de comparaison avec un groupe de référence, composé de salariés embauchés à la même période, dans le même établissement, de la même catégorie professionnelle, du même groupe de métiers, du même niveau de classification et possédant un niveau de formation initial comparable,

- si le nombre de salariés de ce groupe de référence est trop restreint, il est possible de l'élargir à un groupe de salariés appartenant à un groupe de métiers proche de celui de l'intéressé, la composition du groupe de référence donnant lieu à un examen entre le mandaté concerné et la direction du personnel qui pourra la compléter,

- lorsque le salaire réel est toujours supérieur au salaire théorique depuis le début du mandat, il est toutefois possible de mettre en évidence une dégradation dans l'évolution de carrière du mandaté sur une période déterminée,

- le salarié peut présenter des éléments de parcours de formation et les commenter, des éléments d'appréciation du travail effectué, la compétence mise en oeuvre et les perspectives professionnelles éventuellement commentées par sa hiérarchie, des savoirs et savoir-faire acquis à l'occasion de l'exercice des mandats, des éléments relatifs à l'implication et au temps consacré à l'activité relevant de ces mandats ou responsabilités assumées, des éléments relatifs, en fin de carrière, à l'absence d'évolution professionnelle future,

- une compensation peut être allouée au titre de la seule étape 3, en cas d'absence d'indemnisation au titre de la 1ère ou de la 2ème étape,

Article 4 : modalités de réparation du préjudice

- une compensation globale en dommages et intérêts est versée à titre de réparation de tous préjudices professionnels, matériels et moraux, résultant de l'anomalie de carrière constatée au titre des étapes 1, 2 et 3 ou au titre de l'étape 3,

- le salaire est remis au niveau du salaire théorique reconstitué en fin de période, au titre de l'étape 1 et 2,

- le niveau de classification du salarié est revu, en fonction de l'analyse du nouveau positionnement salarial dans sa catégorie et selon les règles applicables dans la société de l'élu ou mandaté,

- si la remise à niveau de salaire excède 15%, cette remise à niveau du salaire et éventuellement de la classification sera effectuée par échelonnement sur 2 années, selon des modalités définies par les parties,

- au titre de l'étape 3, le salaire peut être révisé en complément du niveau prévu au titre des deux premières étapes, si le salarié a souhaité constituer un groupe de référence, son salaire est remis au niveau du salaire médian à décembre 2006 dudit groupe, dont est exclu le salarié bénéficiaire et dont peuvent être exclus les salariés qui ont été promus dans le cadre d'un changement de catégorie professionnelle ( ouvrier promu agent de maîtrise ou technicien promu cadre ), dans les limites suivantes :

- si le niveau de salaire médian du groupe de référence est inférieur au salaire théorique reconstitué au titre de l'étape 1 et 2, le salaire réel de l'intéressé sera remis au niveau de ce salaire théorique reconstitué,

- si ce niveau est supérieur à ce salaire théorique, au titre de l'étape 3 le salaire réel de l'intéressé sera remis au niveau du salaire médian dudit groupe de référence, dans la limite de 10% du salaire réel, selon un tableau joint,

- le niveau de classification peut être revu, en fonction de l'analyse du nouveau positionnement salarial dans sa catégorie, selon les règles applicables dans la société de l'intéressé ;

Que la SAGEM DS n'expose pas le mode d'application, par elle, de la méthode considérée à Monsieur [B] ; que, cependant, le calcul opéré, subsidiairement, par elle, ne peut prendre en considération que les étapes 1 et 2 de la méthode retenue, dès lors que l'appelant, ne s'inscrivant pas dans le processus qu'elle prévoit, n'a pas déposé de dossier lui permettant de faire procéder à une évaluation complémentaire, tirée d'une comparaison individualisée avec un panel de salariés de référence ;

Considérant que la SAGEM DS fait siens les motifs retenus par les premiers juges, pour critiquer la méthode de calcul revendiquée par l'appelant ; que ces motifs ont trait au fait que cette méthode est simple, mais pas scientifique, ne peut être revendiquée comme la seule pertinente, d'autant qu'elle repose sur une situation théorique unique, plus ou moins éloignée de chaque situation particulière et ne tient pas compte de la réalité des évolutions de carrière, ni de la dépréciation monétaire ;

Que l'appelant oppose à ces critiques le fait qu'il n'a jamais été prétendu que cette méthode était scientifique, ni qu'elle constituait la seule approche possible, que les évolutions de carrière, comme la dépréciation monétaire sont prises en compte par la division par 2, qui constitue un 'lissage' de la situation du début à la fin de la discrimination, afin de prendre en compte 'les aléas propres aux carrières des salariés et d'éviter tout débat sur la dépréciation monétaire', la réparation étant demandée à un instant proche de la décision judiciaire ; que la simplicité de cette méthode n'est pas synonyme d'appréciation grossière, alors que la complexité de la méthode de la SAGEM DS n'étant pas un gage de pertinence ;

Considérant que Monsieur [B], pour critiquer la méthode prévue conventionnellement et revendiquée par la SAGEM DS, fait valoir, pour sa part :

- que la méthode considérée ne répond pas à une indemnisation intégrale du préjudice subi ; que cette méthode est inintelligible, intégrant un outil de simulation dont les subtilités de la formule mathématique ne sont pas précisées ou connues, ce qui ne permet ni au juge, ni au salarié d'exercer un contrôle, sur la pertinence de cette formule, sur sa mise en oeuvre par un programme informatique inaccessible, au regard de la situation concrète du salarié;

- que cette méthode ne répond pas au principe de réparation intégrale du préjudice, dès lors :

- que l'indemnisation proposée est limitée à 15 ans, seule étant prévue une majoration éventuelle du salaire théorique, en cas de mandat d'une plus longue durée,

- que les modalités de la réparation du préjudice prévoient des limitations, telle une exclusion, de la remise à niveau du salaire médian, de salariés promus dans le cadre d'un changement de catégorie professionnelle, dans certaines limites,

- que cette méthode ne prend pas en compte l'incidence de la discrimination sur la retraite ou les répercussions sur la prime d'ancienneté conventionnelle dont il bénéficie,

- que cette méthode repose sur un salaire théorique, élément de comparaison qui ne permet pas une évaluation concrète et réelle de la situation, les deux premières étapes d'analyse du dossier du salarié concerné ne donnant lieu qu'à une évaluation sur la base de critères communs, avant individualisation, lors de la 3ème étape,

- que la SAGEM DS ne formule aucune proposition de repositionnement professionnel du salarié,

- que le panel de comparants utilisé par la SAGEM DS ne répond pas aux exigences jurisprudentielles, puisque la comparaison doit avoir lieu au départ, c'est à dire à l'embauche et que le panel utilisé est constitué de salariés issus de la même catégorie que le salarié concerné mais aussi de salariés appartenant encore à cette catégorie, lors de l'évaluation de la situation de ce dernier ; qu'il ne prend, donc, pas notamment, en compte, la perte de chance de l'évolution de la carrière du salarié discriminé par un éventuel changement de catégorie ou une promotion ;

Considérant que la Cour a un pouvoir souverain d'appréciation des éléments qui lui sont soumis pour apprécier les conditions d'une réparation intégrale du préjudice subi, sans pouvoir être astreinte à l'usage d'une méthode, assimilable à un barème d'évaluation ou être valablement invitée à choisir entre deux méthodes de ce type ;

Que les éléments du débat opposant les parties, s'agissant des avantages et inconvénients des méthodes respectives qu'elles invoquent, ne constituent que des arguments de fait à prendre en considération parmi d'autres ;

Considérant que l'appelant justifie de ce que, né le [Date naissance 2] 1951, et titulaire du BEPC et d'un Bac électronique F 2, il a été embauché le 19 juillet 1974, en qualité d'employé de service technique, coefficient 168, est devenu agent technique, coefficient 215, le 1er avril 1976, a suivi des formations et a fait valoir ses droits à la retraite, le 1er octobre 2011 ; qu'il justifie avoir exercé des fonctions syndicales à compter de 1978 ;

Qu'il n'est pas contesté que son coefficient de carrière a été porté à 215, en1976, par application d'une nouvelle grille tenant compte de sa formation, puis qu'il a acquis 4 coefficients, 225 en 1982, 240 en1995, 255 en 2000 et 270 en 2006, en 34 ans de carrière ; qu'il a bénéficié d'augmentations générales et de quelques augmentations individuelles ;

Qu'eu égard à la situation des salariés que l'appelant a retenus, pour constituer un panel de comparaison, il atteint un niveau de classification de 270, alors que ces salariés pouvaient atteindre le même niveau, ou des niveaux allant jusqu'au coefficient 365 ; que la moyenne des rémunérations de ces salariés atteint 3.010 €, alors que celle de Monsieur [B] est de 2.213 € ; que si cette comparaison doit être relativisée, eu égard aux limites, évoquées plus haut, des conditions de constitution du panel de référence retenu par l'appelant, l'existence même d'un écart de rémunération et de classification, au détriment de ce dernier, n'est pas sérieusement contestée par l'intimée;

Considérant, en outre, que s'agissant des éléments de fait invoqués par les parties, la méthode dite '[M]' présente l'avantage d'être fondée sur le principe d'une comparaison entre la situation du salarié concerné et celle d'un panel d'autres salariés ; qu'elle présente l'inconvénient de ne pas définir les conditions de constitution de ce panel ; que, née de l'appréhension nécessaire de préjudices particuliers, apparus au sein de l'entreprise PEUGEOT, dans les années 90, et transposée, pour l'examen de situations différentes, son caractère théorique, distinct en cela, de l'appréhension de la situation personnelle de chaque salarié, résulte de l'application systématique, à tous les salariés, indépendamment, de leur situation personnelle :

- d'une majoration de 30%, intégrant, selon l'appelant l'incidence sur la retraite, ou cette incidence et le préjudice moral,

- d'une majoration de 15%, pour tenir compte d'une prime d'ancienneté,

- d'une division par deux, pour prendre en considération des aléas généraux ou individuels, qui ne sont pas plus précisément définis ;

Que les limites de cette méthode sont illustrées par le fait qu'un autre salarié de la SAGEM DS, Monsieur [N], agissant pour les mêmes raisons que Monsieur [B], et aux mêmes fins, obtient une indemnité de 30.396 €, par la mise en oeuvre de la méthode dite '[M]', mais réclame, pour des raisons tenant à la spécificité de sa situation, outre la réparation de son préjudice moral, une indemnité de 44.957 €, équivalente à celle que lui propose la SAGEM DS, en application de sa propre méthode;

Considérant que la méthode proposée par la SAGEM DS est conventionnelle, résultant d'une concertation entre les partenaires sociaux, de permettre une indemnisation de tous les salariés concernés, au sein d'un même groupe d'entreprises ; qu'elle présente l'avantage de tenir compte de facteurs généraux et individuels de disparité, de faire référence à la situation des salariés d'une même société ou d'un même groupe, de prendre en considération, de façon concrète, les variations de valeur de la monnaie, en fonction de l'indice des prix, de prendre en considération, contrairement à ce que soutient l'appelant, les augmentations générales et individuelles, d'offrir la possibilité, à chaque salarié, qui en demande l'application, de faire valoir tous les éléments propres à sa situation individuelle, comparée à celle d'un panel défini de façon précise, donc contrôlable, de demander réparation, à ce seul titre, si même il a fait l'objet d'une discrimination limitée dans le temps, quand bien même aucun écart n'existerait entre son salaire réel et le salaire théorique de référence, pour une période plus importante, qu'elle prévoit, contrairement à ce que soutient l'appelant, la possibilité d'une révision de classification, dès lors qu'une disparité de salaire est constatée ;

Qu'elle présente l'inconvénient de privilégier les facteurs généraux, pour déterminer un salaire théorique de comparaison, en faisant des facteurs individuels, comparés à un panel de salariés de référence, une variable de révision possible, sans plus d'explicitation ; qu'elle est, également critiquable en ce que c'est de façon théorique qu'elle répare une discrimination d'une durée supérieure à 15 ans ;

Qu'appliquée à l'appelant, elle n'a, nécessairement, pu prendre en considération la possibilité de révision offerte par l'étape 3, dès lors que ce dernier n'a pas, en refusant de s'inscrire dans le processus ainsi prévu, communiqué les éléments personnels qui auraient permis cette révision ; que si cette circonstance ne constitue pas un défaut de la méthode préconisée par la SAGEM DS, elle constitue un élément de fait qui doit être prise en considération ;

Qu'en tout état de cause, cette méthode ne peut constituer, du fait de son caractère conventionnel, qu'une base minimum d'évaluation de la réparation du préjudice considéré ;

Que, compte tenu de ce qui précède, c'est pertinemment que les premiers juges ont retenu, pour indemniser le préjudice subi par ce dernier une somme supérieure à celle proposée par la SAGEM DS, pour tenir compte des facteurs personnels, propres à la situation de l'appelant, en ce compris son préjudice moral et lui ont alloué, toutes causes de préjudice confondues, la somme de 75.000 € ;

Qu'il y a lieu, en conséquence, de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a condamné la SAGEM DS à payer cette somme à Monsieur [B], déduction faite des sommes allouées à ce dernier, à titre provisoire, par la juridiction des référés ;

Sur la demande du syndicat CGT-UFICT SAGEM DS [Localité 7]

Considérant que le syndicat CGT-UFICT SAGEM DS [Localité 7] fait valoir, à l'appui de son appel, que la discrimination syndicale dont a fait l'objet Monsieur [B] est une atteinte à une liberté fondamentale et une atteinte aux intérêts matériels et moraux, individuels et collectifs des salariés qu'elle a pour mission de défendre ; qu'elle s'est investie, au sein de l'entreprise pour faire cesser de telles atteintes ; qu'elle a subi un préjudice moral et financier du fait du comportement fautif de l'employeur, qui a eu pour but ou pour effet d'empêcher l'adhésion à un syndicat, le militantisme ou la présence de salariés sur les listes électorales d'un syndicat, et, de façon générale, le développement des organisations syndicales sur le lieu de travail ;

Qu'eu égard au préjudice incontestable, et, fût-ce subsidiairement, non contesté par la SAGEM DS, subi par le syndicat considéré, il y a lieu de faire droit à sa demande d'une réparation ; que cette réparation ayant été évaluée de façon pertinente par les premiers juges, le syndicat appelant ne démontre, ni n'expose les raisons qui devraient conduire à porter le montant de l'indemnité qui lui a été allouée à la somme de 15.000 €; qu'il y a lieu, en conséquence, de confirmer le jugement entrepris sur ce point;

Sur la demande de la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT

Considérant que la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT fait valoir, à l'appui de son intervention, que le fait de pénaliser toute personne qui s'engage dans la défense des salariés, qui s'investit dans les institutions représentatives du personnel et prend des responsabilités syndicales, constitue une atteinte directe portée à l'intérêt collectif de la profession, que cela constitue un moyen permettant d'affaiblir, voir d'éliminer la présence syndicale, que cela un effet dissuasif pour le recrutement de forces nouvelles et est le véritable mobile de ces pratiques discriminatoires, que cela occasionne un déficit de moyens humains et financiers, qui appelle réparation ;

Qu'eu égard au préjudice incontestable, et, fût-ce subsidiairement, non contesté par la SAGEM DS, subi par la Fédération considérée, il y a lieu de faire droit à sa demande d'une réparation ; qu'il sera alloué la somme de 1.500 €, à cette Fédération, en réparation de son préjudice ;

Sur les autres demandes

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [B], du syndicat CGT-UFICT SAGEM DS [Localité 7] et de la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT, les frais irrépétibles qu'ils ont exposés en appel ;

Considérant qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la SAGEM DS les frais irrépétibles qu'elle a exposés en appel ;

Que la SAGEM DS, qui succombe en appel, devra supporter la charge des dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Déclare recevable l'intervention volontaire de le FEDERATION DES TRAVAILLEURS DE LA METALLURGIE CGT,

Confirme le jugement entrepris,

Y ajoutant,

Rejette le surplus des demandes de Monsieur [B],

Condamne la SA SAGEM DEFENSE SECURITE à verser à la FEDERATION DES TRAVAILLEURS DE LA METALLURGIE CGT la somme de 1.500 €, en réparation de son préjudice,

Rejette la demande de la SA SAGEM DEFENSE SECURITE fondée sur l'article 700 du CPC,

Condamne la SA SAGEM DEFENSE SECURITE à verser, en application de l'article 700 du CPC,

- la somme de 2.500 €, à Monsieur [B],

- la somme de 1.500 €, au syndicat CGT-UFICT SAGEM DS [Localité 7],

- la somme de 1.000 €, à la FEDERATION DES TRAVAILLEURS DE LA METALLURGIE CGT,

Condamne la SA SAGEM DEFENSE SECURITE aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 10/06462
Date de la décision : 29/11/2012

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°10/06462 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-11-29;10.06462 ?
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