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13/12/2012 | FRANCE | N°11/03668

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 13 décembre 2012, 11/03668


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6



ARRÊT DU 13 DÉCEMBRE 2012



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 11/03668



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Février 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/02576





APPELANTE



Société 'SGBL' SOCIETE GENERALE DE BANQUE AU LIBAN agissant poursuites et diligences de ses représentan

ts légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 8]

LIBAN



Représentant : la SCP GALLAND - VIGNES (Me Philippe GALLAND), avocat au barreau de PARIS, toque : L0010
...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRÊT DU 13 DÉCEMBRE 2012

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/03668

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Février 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/02576

APPELANTE

Société 'SGBL' SOCIETE GENERALE DE BANQUE AU LIBAN agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 8]

LIBAN

Représentant : la SCP GALLAND - VIGNES (Me Philippe GALLAND), avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

Assistée de : Me Rodrigue EL HOUEISS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0545

INTIMÉS

Monsieur [U] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté et assisté par : Me Xavier GHELBER, avocat au barreau de PARIS, toque : R280

Monsieur [O] [N]

[Adresse 1]

[Localité 4]

QUEBEC (CANADA)

Représentant : la SELARL SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE (Me Luca DE MARIA), avocat au barreau de PARIS, toque : L18

Assisté de: Me Stéphanie BENHAMOU KNELER, avocat au barreau de PARIS, toque : B0188

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Novembre 2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente, ainsi que devant Madame Caroline FEVRE, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente

Madame Caroline FÈVRE, Conseillère

Madame Muriel GONAND, Conseillère

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de procédure Civile.

Greffier, lors des débats : M. Sébastien PARESY

ARRÊT :

- contradictoire

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente et par M. Sébastien PARESY, greffier présent lors du prononcé.

*****************

Vu le jugement rendu le 16/2/2011 par le tribunal de grande instance de Paris qui a débouté la Société Générale de Banque au Liban de toutes ses demandes, a débouté Monsieur [N] de ses demandes, a sursis à statuer sur la demande reconventionnelle de Monsieur [Y] dans l'attente de l'issue définitive de l'instance 7/2000 pendante devant le tribunal commercial de Beyrouth, a ordonné le retrait du rôle et rejeté les autres demandes ;

Vu les appels interjetés par la Société Générale de Banque au Liban (SGBL) à l'encontre de cette décision et l'ordonnance de jonction intervenue le 3/5/2011 ;

Vu les conclusions signifiées le 2/8/2011 par la SGBL qui demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, statuant à nouveau, de la dire recevable en sa demande, de constater que l'hypothèque de 1er rang consentie par Monsieur [Y] à Monsieur [N] sur les biens immobiliers appartenant au premier nommé et situés au [Adresse 2], d'un montant de 1.118.646 €, ainsi que l'inscription prise sur lesdits biens pour sûreté d'une somme globale de 1.230.510,60 € sont intervenues en fraude de ses droits, l'empêchant d'obtenir le règlement de sa créance, certaine, liquide, exigible et antérieure aux actes attaqués, de dire ladite hypothèque et son inscription nulles et de nul effet, en tous cas, de dire que ladite hypothèque et son inscription lui sont inopposables et qu'elle recevra lors de la vente du bien, le règlement de sa créance avant toute affectation quelconque à Monsieur [N], de débouter Monsieur [Y] et Monsieur [N] de toutes leurs demandes, fins et conclusions, et de les condamner à lui payer une somme de 20.000 € à titre de dommages-intérêts et une somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel ;

Vu les conclusions signifiées le 21/9/2012 par Monsieur [U] [Y] qui demande à la cour de confirmer la décision entreprise sauf en ce qu'elle l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts et de celle formée au titre des frais irrépétibles, subsidiairement, de condamner la SGBL à payer la somme de 3.500.000 € en réparation du préjudice subi, à lui verser celle de 389.000€ au titre de la compensation que la SGBL aurait dû effectuer entre le montant de la créance découlant de la dévaluation du portefeuille et le montant figurant au crédit de son compte, en tout état de cause de condamner la SGBL à lui verser la somme de 100.000€ en réparation du préjudice moral, à lui rembourser la somme de 80.000€ pour les frais de procédure engagés à la suite de ses fautes, et de condamner la SGBL à lui payer 22.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions signifiées le 22/6/2011 par Monsieur [O] [N] qui demande à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la SGBL de toutes ses demandes, de l'infirmer en ce qu'il l'a débouté de ses demandes reconventionnelles, statuant à nouveau, de condamner la SGBL au paiement de la somme de 20.000€ à titre de dommages-intérêts et celle de 15.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

SUR CE

Considérant que la SGBL explique qu'elle a consenti par actes du 28/4/2000 et 2/5/2000, à Monsieur [Y] un prêt d'un million d'euros qui a financé l'achat d'un appartement situé [Adresse 2] ; qu'en garantie de ce prêt, Monsieur [Y] a signé avec elle un contrat de fiducie-sûreté, dont l'article 12 prévoyait, en cas de litige, une clause d'arbitrage devant la Chambre de Commerce et d'Industrie de Beyrouth; qu'à l'échéance le prêt n'a pas été remboursé ; qu'elle a vainement adressé, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 21/11/2011 une mise en demeure, à la suite de laquelle Monsieur [Y] a fait inscrire, le 17 Janvier 2002, sur ledit bien immobilier, une hypothèque conventionnelle de premier rang en faveur de Monsieur [O] [N], qui est un de ses parents établi au Canada, à concurrence d'une somme de 1.118.646 €, qu'il a prétendu devoir à Monsieur [N] dans le cadre de leurs relations d'affaires et qui a été versée hors la comptabilité du notaire ; qu'elle ajoute que cette hypothèque a rendu Monsieur [Y] insolvable, ce qui l'empêche de récupérer sa créance;

Que par sentence arbitrale rendue à Beyrouth le 10 Août 2006, Monsieur [U] [Y] a été condamné à lui payer la somme de 1.319.733, 27 € en principal, avec les intérêts y afférents au taux de 4 % à partir du 29 Janvier 2005 et jusqu'au paiement effectif ; que cette sentence a été revêtue de l'exequatur en France par ordonnance du Président du tribunal de grande instance de Paris en date du 25 Septembre 2006, confirmée par arrêt rendu le 17 Avril 2008 ;

Qu'après signification de l'arrêt, elle a inscrit une hypothèque judiciaire définitive le 2 Juin 2008 sur le bien immobilier situé au [Adresse 2] ;

Qu'elle a fait délivrer, le 17 Septembre 2008, un commandement de payer valant saisie immobilière à Monsieur [Y], lequel n'a procédé à aucun règlement ;

Qu'elle a alors fait assigner, par actes extrajudiciaires en date des 12/12/2008 et 15/1/2009, Monsieur [Y] et Monsieur [N] devant le tribunal de grande instance de Paris pour que l'inscription de la première hypothèque lui soit déclarée inopposable ;

Considérant que c'est dans ces circonstances et conditions qu'est intervenu le jugement déféré ;

Considérant que la SGBL reproche aux premiers juges, qui selon elle, ont reconnu l'existence d'une créance certaine liquide et exigible, l'antériorité de la créance et l'existence d'une fraude, d'avoir estimé que Monsieur [Y] n'était pas insolvable, ce qui est inexact, Monsieur [Y] n'ayant d'autre bien que le bien immobilier grevé de l'inscription litigieuse, dont la valeur a été estimée en février 2010 à 1.056.500€, c'est à dire à une somme inférieure au montant de celle, 1.118.646€, justifiant l'inscription de l'hypothèque par Monsieur [N] ; qu'elle estime que même si Monsieur [Y] n'est pas insolvable, l'acte frauduleux a eu pour effet de rendre impossible ou inefficace l'exercice du droit dont elle disposait sur le bien ; qu'elle insiste sur le fait que les intimés ne démontrent pas, par la production d'actes authentiques ou d'actes ayant date certaine, l'existence d'un prêt qui serait intervenu entre eux ; qu'ils versent aux débats de simples photocopies notamment de chèques, sans établir leur encaissement ; qu'en toutes hypothèses elle fait valoir que ni les dates figurant sur ces documents, ni les montants mentionnés ne correspondent à la date et au montant du prêt litigieux ; qu'elle ajoute que l'existence de liens de parenté, Monsieur [N] étant marié à la s'ur du beau-frère de Monsieur [Y], confirme le caractère frauduleux du prêt qui n'est pas passé par la comptabilité du notaire et qui n'est établi par aucune preuve sérieuse ; qu'elle conclut en disant que les conditions de l'exercice de l'action paulienne sont toutes réunies en l'espèce : la liquidité de la créance, l'appauvrissement volontaire du débiteur, l'antériorité de la créance par rapport à l'acte attaqué, l'insolvabilité du débiteur, la fraude qui caractérise cette opération intervenue hors comptabilité du notaire, dans le cadre de prétendues relations commerciales existant à l'étranger entre le débiteur et son prétendu associé;

Considérant que Monsieur [Y] explique que la présente procédure est indissociable d'autres qui l'opposent à la SGBL, laquelle compartimente les litiges et effectue des manoeuvres dilatoires pour que la procédure en reddition de comptes qu'il a initiées le 29/7/2003 devant le tribunal de première instance de Beyrouth, qui a pour objet de statuer sur le montant des pertes dues à la mauvaise gestion du portefeuille, et qui le rendra créancier de SGBL pour la somme de 2.828.731,20€, n'aboutisse pas ; qu'il ajoute que l'appelante ne démontre ni l'illiceité de l'hypothèque consentie à Monsieur [N] qui lui a réellement consenti un prêt, ni l'intention de lui nuire ; qu'il affirme que la SGBL est l'auteur de la diminution de son propre gage ;

Considérant que Monsieur [N] explique qu'il est co-fondateur et président de la société Travelnet Technologies INC ( TNT) qui est une société qui a été créée en août 1998 et est spécialisée dans le domaine de l'informatique ; qu'il précise qu'au début de son activité, la société a été entièrement financée par ses fondateurs mais qu'il a dû, à compter de la fin mars 2000, rechercher des investisseurs prêts à injecter entre 5 et 6 millions de dollars canadiens ; que le krach boursier d'avril 2000 et l'éclatement de la bulle internet l'ont conduit à s'adresser à Monsieur [Y] ; que c'est ainsi que celui-ci s'est engagé à investir, en plusieurs fois la somme de 3 millions de dollars canadiens (1.902.143.145€) ; que le 15/12/2000, Monsieur [Y] a souscrit 48353 actions de la société TNT puis a fait état, en 2001, de difficultés à respecter son engagement et à libérer des fonds ; que c'est ainsi qu'il lui a avancé, sur ses deniers personnels, la somme de 1.118.646€, destinée à la souscription d'actions et qu'en garantie, une hypothèque conventionnelle a été inscrite sur le bien immobilier parisien de Monsieur [Y] ; que l'intimé soutient que les conditions de l'exercice de l'action paulienne ne sont pas réunies ; que l'hypothèque conventionnelle litigieuse ne constitue pas un acte nuisible à la SGBL , qu'en toutes hypothèses elle n'a pas été publiée dans l'intention de lui nuire et que rien n'établit sa fraude ; que reconventionnellement, il sollicite des dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats que:

- le 5/5/1999, Monsieur [Y] a conclu un contrat dit ' Custodian and Securities Services' (CUSSA 1815) aux termes duquel il a acquis un portefeuille de titres auprès de la société Fidus, filiale de la SGBL,

- le 28/4/2000, une convention de crédit a été signée entre la SGBL et Monsieur [U] [Y] aux termes de laquelle la première nommée a mis à la disposition du second un crédit d'un million d'euros affecté au financement d'un portefeuille de titres,

- en garantie de ce crédit l'emprunteur a passé avec la banque et en faveur de cette dernière un contrat de fiducie-sûreté,

- par lettre du 2/5/2000, Monsieur [U] [Y] a sollicité un prêt d'un million d'euros et s'est engagé à fournir en nantissement le portefeuille-titres ouvert auprès de la société Fidus,

- le 17/5/2000, le portefeuille titre ouvert auprès de la société Fidus a été transféré à la SGBL,

- le 20/5/2000, la somme d'un million d'euros a été débitée au profit de Monsieur [Y] dont 956.161 € ont été transférés à Maître [M], notaire, pour l'acquisition de l'immeuble sis [Adresse 2],

- le 25/5/2000, Monsieur [X], directeur gestion privée de la SGBL, à l'issue 'd'une préenquête', qui avait pour objet de déterminer si la gestion du portefeuille opérée par Fidus avait causé un préjudice réel et direct au client, a préconisé une solution amiable après avoir constaté qu'un préjudice réel avait été causé du fait de non respect de l'ordre de liquidation donné le 6/3/2000, et 'de l'absence de consultation du client qui n'a jamais donné un mandat discrétionnaire de gestion à Fidus',

- un compromis a été signé le 5/6/2000, qui n'a pas mis fin au litige, Monsieur [Y] reprochant à la banque de continuer de s'abstenir d'exécuter ses ordres,

- le 14/3/2001, Monsieur [Y] a réclamé la restitution de la somme de 1.320.000USD correspondant à l'évaluation des pertes résultant du non respect de ses ordres, réserve étant faite des pertes additionnelles qui seraient dévoilées par une reddition des comptes,

- malgré ses engagements, la SGBL n'a pas procédé à la reddition de comptes,

- par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 9/11/2001, reçue le 19/11/2001, la SGBL a mis en demeure Monsieur [Y] de lui régler la somme de 1.077.075,40 € intérêts inclus jusqu'au 30/9/2001,

- le 17/1/2002, une hypothèque conventionnelle a été inscrite sur le bien immobilier acquis à [Localité 3] par Monsieur [Y] en vertu d'un acte reçu par Maître [S], notaire, le 19/12/2001, par lequel Monsieur [Y] a consenti une hypothèque conventionnelle au profit de Monsieur [N], en garantie du remboursement de la somme de 1.118.646 € dont Monsieur [Y] se reconnaît débiteur envers Monsieur [N],

- par acte extrajudiciaire en date du 27/5/2002, la SGBL a assigné Monsieur [Y] devant le tribunal de grande instance de Paris pour obtenir paiement des sommes dues au titre du prêt,

- Monsieur [Y] a formé une demande reconventionnelle en dommages-intérêts, en invoquant la gestion frauduleuse des titres,

- par ordonnance en date du 27/8/2003, le juge de la mise en état a déclaré le tribunal de grande instance de Paris incompétent pour connaître de la demande reconventionnelle de Monsieur [U] [Y], a renvoyé celui-ci à se pourvoir devant la juridiction arbitrale, débouté Monsieur [Y] de sa demande de renvoi de l'entier litige à la juridiction arbitrale et s'est déclaré incompétent au profit des juges du fond pour statuer sur la demande de sursis à statuer,

- sur appel de Monsieur [Y], la cour d'appel de Paris, par arrêt du 28/4/2004, a dit le tribunal de grande instance de Paris incompétent pour statuer sur l'entier litige,

- par sentence arbitrale rendue à Beyrouth le 10/8/2006, Monsieur [Y] a été condamné à payer à la SGBL la somme de 1.319.733,27 € en principal, avec les intérêts y afférents au taux de 4 % à partir du 29/1/2005 et jusqu'au paiement effectif,

- le 25/9/2006, le président du tribunal de grande instance de Paris a rendu une ordonnance d'exequatur, déclarant exécutoire la sentence arbitrale,

- par arrêt du 17/4/22008, la cour d'appel de Paris a confirmé cette ordonnance,

- par arrêt du 3/3/2011, la cour d'appel de Beyrouth a rejeté le recours formé par Monsieur [Y] contre la sentence arbitrale,

- une inscription d'hypothèque judiciaire définitive a été prise le 2/6/2008 par la SGBL sur l'immeuble situé [Adresse 2],

- le 29/7/2003, Monsieur [Y] a saisi d'une action en reddition de comptes le tribunal de première instance de Beyrouth, qui par jugement du 5/11/2008, a ordonné une expertise, puis par décision du 26/10/2011, a ordonné une nouvelle expertise ;

Considérant qu'il s'évince de ce qui précède que d'une part, la cour d'appel de Paris a, dans un arrêt devenu irrévocable, confirmé l'ordonnance du juge de la mise en état et jugé que le tribunal de grande instance de Paris n'était pas compétent pour statuer sur la demande reconventionnelle de Monsieur [Y] relative à la gestion frauduleuse du portefeuille titres, que d'autre part, le tribunal de première instance de Beyrouth est saisi d'une 'action en reddition de comptes avec pour objet de statuer sur le montant des pertes dues à la mauvaise gestion du portefeuille CUSSA 1815" ; que dès lors les premiers juges ne pouvaient surseoir à statuer sur la demande reconventionnelle de Monsieur [Y] dans l'attente de l'issue définitive de l'instance pendante devant le tribunal de Beyrouth, cette juridiction étant seule et définitivement compétente pour statuer sur les demandes des parties ; que la décision déférée sera infirmée de ce chef ; que Monsieur [Y] sera débouté de ses demandes indemnitaires et de celles relatives aux frais de procédure formées à l'encontre de la SGBL sur le fondement des fautes commises dans la gestion du portefeuille de titres ;

Considérant que selon l'article 1167 alinéa 1er du code civil, les créanciers peuvent, en leur nom personnel, attaquer les actes faits par le débiteur en fraude de leurs droits ;

Considérant que la SGBL soutient, au visa de ce texte, que l'hypothèque conventionnelle consentie par Monsieur [Y] à Monsieur [N] sur le bien immobilier acquis à [Localité 3], ne lui est pas opposable ;

Considérant qu'il ne peut être sérieusement contesté que la SGBL était titulaire d'une créance, née du prêt consenti en avril /mai 2000, et donc antérieure à celle qui est censée être garantie par l'hypothèque conventionnelle que Monsieur [Y] a consentie à Monsieur [N] ; qu'à la date de l'exercice de l'action, il est manifeste que la SGBL disposait à l'égard de Monsieur [Y] d'une créance certaine, liquide et exigible, en l'état de la sentence arbitrale dont l'exequatur a été confirmé par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 17 Avril 2008 ;

Considérant qu'il doit être relevé que l'inscription de l'hypothèque conventionnelle consentie par Monsieur [Y] à Monsieur [N] est antérieure de 6 années à celle de la SGBL; que celle-ci ne peut donc pas soutenir qu'elle était investie de certains droits particuliers sur le bien de son débiteur à raison de la constitution d'hypothèque et que le débiteur, par l'acte frauduleux qu'elle incrimine dans la présente action, a disposé du bien ou du moins en a réduit la valeur, de façon à rendre impossible ou inefficace l'exercice des droits dont il se serait assuré l'avantage ; que la SGBL ne peut donc pertinemment pas soutenir qu'il est inutile pour elle de démontrer l'insolvabilité de Monsieur [Y] ;

Considérant qu'il incombe à la SGBL d'établir la fraude, c'est à dire l'existence d'un acte qui appauvrit le débiteur et qui a eu pour effet de le rendre insolvable ; que la fraude invoquée portant, en l'espèce sur un acte à titre onéreux, il appartient également à la SGBL de prouver la complicité de fraude du tiers en l'espèce, Monsieur [N] ;

Considérant que la preuve de la fraude ne peut seulement résulter de la simple coïncidence, entre la date de mise en demeure,19/11/2001, et celle de l'inscription d'hypothèque litigieuse, 17/1/2002, ni du lien de parenté, au demeurant éloigné, et reconnu, entre Monsieur [N] et Monsieur [Y] ;

Mais considérant que la SGBL relève à juste titre que la réalité du prêt que l'hypothèque est censée garantir n'est pas établie par les pièces versées aux débats; qu'ainsi que le note la SGBL, ce prêt est intervenu hors la comptabilité du notaire, qu'il ne résulte d'aucun acte authentique, ni d'un acte ayant date certaine, ni d'ailleurs d'aucun acte sous seing privé ; que son existence devrait, selon les intimées, être déduite, de l'acquisition, le 1er mars 2002, de 734.011 actions et d'avances que Monsieur [N] aurait faite à la société pour le compte de Monsieur [Y] ; qu'il y a lieu de constater, cependant, que tous les faits invoqués sont postérieurs à la date de l'acte notarié (19/12/2001) et que toutes les avances sont matérialisées par des chèques (datés du 19/12/2002, 29/1/2003, 19/2/2003, 2/4/2003, 27/2/2004, 20/12/2004, avril et août 2005, donc postérieurs eux aussi), dont le tireur est Monsieur [N] et le bénéficiaire la société ; qu'aucun document, de quelque nature qu'il soit, n'atteste de la dette contractée par Monsieur [Y] envers Monsieur [N] ; qu'en outre, le montant des chèques et celui de la souscription des actions de mars 2002, ne correspond pas, dans son total, au montant du prêt ;

Considérant qu'en augmentant fictivement son passif et en accordant, pour garantir un prêt inexistant une sûreté réelle sur un bien immobilier, Monsieur [Y], avec l'aide de Monsieur [N], a indiscutablement nui à la SGBL, qui était un créancier chirographaire, disposant d'un droit de gage général sur le patrimoine de son débiteur ;

Considérant en outre que la fraude paulienne n'implique pas nécessairement l'intention de nuire, qu'elle résulte de la seule connaissance que le débiteur et son cocontractant à titre onéreux ont du préjudice causé au créancier par l'acte litigieux ; qu'en l'espèce cette connaissance se déduit des circonstances de l'espèce et du caractère fictif du prêt qui n'a été imaginé que pour justifier l'hypothèque conventionnelle, et empêcher pour l'avenir la SGBL de faire vendre le bien immobilier et de se régler sur le prix de vente ;

Mais considérant qu'il n'est pas établi que l'acte incriminé ait appauvri Monsieur [Y] et que celui-ci soit devenu insolvable et qu'il l'ait été à la date de l'assignation ; que le simple fait que Monsieur [Y] n'ait pas réagi au commandement de saisie immobilière délivré par la banque et n'ait effectué aucun règlement ne peut valoir comme preuve de son insolvabilité ; que son comportement s'explique par une volonté, clairement et à de multiples reprises, exprimée de refuser tout paiement à la banque, dont il prétend être créancier, tant que la procédure en dommages-intérêts qu'il a engagée à Beyrouth n'aura pas abouti ;

Considérant qu'il apparaît, compte tenu des pièces produites, que Monsieur [Y] est détenteur d'actions à hauteur de 792.367 € de la société Travelnet Technologies et administrateur de cette société qui a réalisé un chiffre d'affaires important et des bénéfices ; qu'il a notamment effectué, le 1/2/2005, sur le compte de l'entreprise, un versement de 350.000 dollars canadiens; que sans anticiper l'issue de l'instance en reddition de comptes, dans le cadre de laquelle un expert a conclu à une indemnisation de Monsieur [Y] de l'ordre de 3.500.000€, la SGBL ne conteste pas que Monsieur [Y] soit toujours titulaire d'un compte sur lequel près de 800.000€ sont immobilisés ; qu'il doit être rappelé qu'en 2000, un directeur de la SGBL, a préconisé un règlement amiable du litige , 'compte tenu de l'intérêt de clientèle (que la banque) avait avec Monsieur [Y] qui disposait d'avoirs totaux de l'ordre de 3 Mio $ à la SGBL et Fidus' ;

Considérant qu'il s'évince de ce qui précède que la SGBL doit être déboutée de toutes ses demandes ; que le jugement déféré sera confirmé ;

Considérant que bien que non fondée l'action de la SGBL n'est pas abusive ; que Monsieur [N] sera débouté de ses demandes ; que le jugement sera confirmé de ce chef ;

Considérant que la SGBL, qui succombe et sera condamnée aux dépens, ne peut prétendre à l'octroi de sommes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; que l'équité commande au contraire de la condamner, en appel, à payer 10.000 € à chacun des intimés; que les dispositions du jugement seront confirmées ;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement déféré, uniquement en ce qu'il a sursis à statuer sur la demande reconventionnelle de Monsieur [Y] dans l'attente de l'issue définitive de l'instance pendante devant le tribunal de Beyrouth et ordonné le retrait le rôle, le confirme pour le surplus,

Statuant du chef infirmé et y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à sursis à statuer sur la demande reconventionnelle de Monsieur [Y] dans l'attente de l'issue définitive de l'instance pendante devant le tribunal de Beyrouth,

Déboute Monsieur [Y] de toutes ses demandes indemnitaires et de paiement de frais de procédure relative à la gestion fautive du portefeuille de titres, qui ne relèvent pas de la compétence du tribunal de grande instance de Paris,

Condamne la Société Générale de Banque au Liban à payer la somme de 10.000€ , à Monsieur [Y] et 10.000€ à Monsieur [N] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes des parties,

Condamne la Société Générale de Banque au Liban aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile .

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 11/03668
Date de la décision : 13/12/2012

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°11/03668 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-12-13;11.03668 ?
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