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12/03/2013 | FRANCE | N°11/15465

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 1, 12 mars 2013, 11/15465


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 1



ARRET DU 12 MARS 2013



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 11/15465



Décision déférée à la Cour : Recours contre un jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 4 mai 2011 qui a ordonné l'exequatur du jugement du 18 décembre 2006 du Tribunal Fédéral de Première Instance de New York



APPELANTE

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LA REPUBLIQUE D'ARGENTINE représentée par procuracion del Tesoro de la Nacion Argentina



[Adresse 3]

[Localité 1]

REPUBLIQUE ARGENTINE



représentée par Me Jean...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 1

ARRET DU 12 MARS 2013

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/15465

Décision déférée à la Cour : Recours contre un jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 4 mai 2011 qui a ordonné l'exequatur du jugement du 18 décembre 2006 du Tribunal Fédéral de Première Instance de New York

APPELANTE

LA REPUBLIQUE D'ARGENTINE représentée par procuracion del Tesoro de la Nacion Argentina

[Adresse 3]

[Localité 1]

REPUBLIQUE ARGENTINE

représentée par Me Jean-Claude CHEVILLER, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : D0945

assistée de Me Jean-Yves GARAUD, avocat plaidant du barreau de PARIS, du cabinet CLEARY GOTTLIEB STEEN & HAMILTON LLP, toque : J 21

INTIMÉE

Société EM LIMITED

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 4]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

[Localité 2] (ILE CAÏMAN)

représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : J151

assistée de Me Alexandre BISCH, avocat plaidant du barreau de PARIS, du cabinet DEBEVOISE & PLIMPTON LLP

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 5 février 2013, en audience publique, le rapport entendu, devant la Cour composée de :

Monsieur ACQUAVIVA, Président

Madame GUIHAL, Conseillère

Madame DALLERY, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame PATE

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur ACQUAVIVA, président et par Madame PATE, greffier présent lors du prononcé.

En 1994, la République d'Argentine a émis un emprunt obligataire dans le cadre d'un accord signé le 19 octobre 1994 (le 'Fiscal Agency Agreement') avec l'établissement bancaire Bankers Trust Company, agissant en qualité d'agent fiscal de la République d'Argentine.

Aux termes du Fiscal Agency Agreement, soumis au droit de l'Etat de New York, la République d'Argentine a accepté de se soumettre à la juridiction des tribunaux d'Etat ou tribunaux fédéraux de la circonscription de Manhattan (New York) ou des tribunaux de la République d'Argentine pour toute action ou procédure en relation avec les titres émis dans le cadre du Fiscal Agency Agreement et toute action en relation avec celui-ci.

A raison d'une grave crise économique subie à compter de l'année 1998, l'Etat argentin n'a plus été en mesure d'assurer le service de sa dette et a été contraint de différer le remboursement des porteurs de titres émis dans le cadre du Fiscal Agency Agreement, porteurs auxquels elle a offert d'échanger leurs titres contre de nouveaux titres assortis d'un taux d'intérêt plus bas, d'un nominal inférieur ou d'une maturité plus longue.

La Société EM LTD (ci-après dénommée EML), société incorporée selon le droit des Îles Caïman, porteur d'obligations acquises sur le marché auprès de prêteurs impayés, a engagé différentes actions en paiement contre la République d'Argentine devant le tribunal fédéral de première instance pour le district de New York (United States District Court for the southern district of New York ci-après dénommé TPI de New York).

Par jugement du 27 octobre 2003, cette juridiction a condamné la République d'Argentine à payer à EML une somme de 724 801 662,56 dollars américains au titre du remboursement en principal, intérêts et intérêts sur les intérêts non remboursés, des obligations souscrites dans le cadre du 'Fiscal Agency Agreement'.

Par acte d'huissier du 28 avril 2009, EML a fait assigner la République d'Argentine en exequatur de cette décision.

Par jugement du 4 mai 2011, le tribunal de grande instance de Paris a :

- ordonné l'exequatur du jugement du 18 décembre 2006 du Tribunal Fédéral de Première Instance de New York prononcé entre la société EM LTD et la République d'Argentine, sur le territoire français,

- dit que ce jugement et sa traduction seront annexés à la minute du jugement,

- dit que le montant des condamnations pécuniaires libellées en dollars américains portera intérêt au taux légal à compter de la date du jugement, avec capitalisation dans les conditions définies à l'article 1154 du code civil français,

- dit que toutes les condamnations pécuniaires libellées en dollars américains devront être payées sur le territoire français en euros au cours du jour ouvrable précédant le paiement effectif,

- condamné la République d'Argentine - outre aux dépens, y compris les frais de traduction de l'assignation initiale- à payer à la société EM LTD la somme de 15.000 euros à titre d'indemnité procédurale,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Par déclaration du 18 août 2011, la République d'Argentine a relevé appel du jugement.

Par conclusions récapitulatives signifiées le 13 septembre 2012, la République d'Argentine demande à la cour à titre principal d'infirmer le jugement déféré et subsidiairement de le confirmer en ce qu'il a dit que le montant des condamnations pécuniaires libellées en dollars américains portera intérêt au taux légal à compter de la date du jugement, avec capitalisation des intérêts, sollicitant dans tous les cas l'allocation d'une somme de 20.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions signifiées le 26 novembre 2012, EML a sollicité la confirmation du jugement déféré sauf en ce qu'il a dit que le montant des condamnations pécuniaires libellées en dollars américains portera intérêt au taux légal à compter de la date du jugement, avec capitalisation et formant appel incident de ce chef, a demandé à la cour de dire :

- que le montant des condamnations pécuniaires portera intérêt depuis le 27 octobre 2003 au taux légal américain,

- que la République d'Argentine soit condamnée aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 30.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

SUR QUOI,

- Sur l'exequatur.

Considérant que l'appelante soutient que le jugement rendu le 23 octobre 2003 par le TPI de New York ne peut recevoir la force exécutoire, en l'absence de motivation, ce que conteste EML qui considère que la décision est motivée et qu'en tout état de cause, sont produits les documents de nature à servir, le cas échéant, d'équivalent à une motivation qui serait jugée défailllante.

Considérant que le tribunal américain qui a statué par jugement sommaire rendu après débats succincts lequel énonce, sous forme de dispositif, la condamnation prononcée, se trouve complété par l' 'opinion' du juge qui a statué, laquelle, datée du 12 septembre 2003 doit être regardée comme faisant corps avec le jugement ;

Considérant que selon le certificat de coutume traduit en français dont la teneur n'est pas contestée, versé aux débats, la procédure qui a été suivie devant la juridiction américaine, sur la requête de EML à laquelle, au demeurant, la République d'Argentine qui a exercé les voies de recours qui lui étaient ouvertes, s'est vainement opposée, suppose aux termes des Règles Fédérales de Procédure Civile (RFPC) qu'en l'absence de question de fait à déterminer, seules des questions de droit, avaient à être soumises aux débats ;

Considérant qu'il résulte des écritures qu'elle a déposées devant le juge américain, que la République d'Argentine a, tout à la fois, sollicité un sursis à statuer au titre de la doctrine de courtoisie (Comity) afin de 'donner une chance à la nouvelle administration du président [C] de développer son programme économique et de s'atteler à son endettement extérieur' et s'est opposée à la procédure de jugement sommaire après débats succincts, en discutant tant la recevabilité que le bien fondé de l'action de EML, en lui opposant notamment d'une part le défaut de justification de l'accomplissement des exigences procédurales spécifiques exigées par l'emprunt obligataire en pesos pour obtenir un paiement en dollars, d'autre part la stratégie contentieuse développée par EML, de nature à rendre caduque la procédure par jugement sommaire rendu après débats succincts et à imposer le recours à la procédure de production en justice de pièces enfin la théorie de l'abus de droit.

Considérant qu' il résulte des mémoires qui ont été soumis au juge américain par les parties et qui ont été versés aux débats, que la République d'Argentine qui n'a pas invoqué d'autres moyens a été en mesure de discuter les prétentions de son adversaire ;

Considérant que dans les motifs de son 'opinion', le juge, qui après avoir rappelé les prétentions de EML, a énoncé les faits de la cause, identifié précisément les titres de créances dont le paiement était poursuivi et rappelé les précédents constitués par des décisions nommément identifiées rendues dans des litiges antérieurs opposant la République d'Argentine à d'autres titulaires de titres de dette l'ayant également poursuivi en paiement devant la même juridiction, étant observé que les écritures de la République d'Argentine contiennent au demeurant de nombreuses références à des décisions relatives à d'autres affaires concernant des obligataires argentins soumises à la même juridiction américaine, s'est prononcé expressément sur les deux questions spécifiques sur lesquelles portait exclusivement la défense de la République d'Argentine;

Considérant que dès lors, la motivation du jugement rendu le 27 octobre 2003 par le TPI de New York, ne peut être regardée comme défaillante, la cour étant à même de vérifier que cette décision remplit les conditions exigées pour sa reconnaissance notamment quant au respect de l'ordre public étant observé au surplus que la République d'Argentine ne soutient ni a fortiori ne démontre que cette motivation contiendrait des dispositions de nature à heurter la conception française de l'ordre public international ce qui ferait obstacle à sa reconnaissance sur le territoire français.

Considérant que par suite, la compétence indirecte du juge étranger n'étant pas contestée et aucune violation de l'ordre public de fond et aucune fraude n'étant, par ailleurs, alléguées, le jugement déféré qui a conféré l'exequatur à la décision définitive rendue le 27 octobre 2003 par le TPI de New York doit être confirmé.

- Sur les intérêts moratoires.

Considérant que EML demande le bénéfice des intérêts moratoires au taux légal, à compter du 27 octobre 2003.

Considérant qu'aux termes du jugement du TPI de New York du 27 octobre 2003, il a été 'ordonné, décidé et jugé :

- que la demanderesse recouvrera auprès de la République d'Argentine la somme de :

a) 595 396 345 dollars représentant la valeur nominale impayée du principal de l'Obligation, payables en dollars des Etats-Unis au taux d'un dollar des Etats-Unis pour un peso argentin,

b) les intérêts avant jugement sur cette somme au taux de 10% par an du 19 septembre 2001 jusqu'à la date du présent jugement définitif modifié, soit au total 125 114 793,73 dollars (lesdits intérêts avant jugement s'élevant au total à 119 079 269 dollars jusqu'au 19 septembre 2003 et étant majorés de 163 122,29 dollars tous les trente sept jours après cette date jusqu'à la date du présent jugement)

c) les intérêts avant jugement au taux de 9% par an sur le paiement des intérêts de 29 766 917,25 dollars en retard qui étaient dus le 19 mars 2002, d'un montant total de 4 290 523,83 (lesdits intérêts avant jugement s'élevant au total à 4 018 925,33 dollars jusqu'au 19 septembre 2003 et étant majorés de 7 340,50 dollars tous les trente sept jours après cette date jusqu'à la date du présent jugement)

- que la demanderesse EM ltd recouvre auprès de la défenderesse la République d'Argentine la somme totale de 724 801 662,56 dollars'

- que l'exécution du jugement est suspendue jusqu'au 31 octobre 2003.'

Considérant le juge étranger ne s'étant pas prononcé sur les intérêts moratoires dans la décision du 27 octobre 2003 reconnue exécutoire, il convient, s'agissant de l'exécution en France de la condamnation prononcée par cette juridiction, de dire que les intérêts moratoires sont dus en application de la loi du for soit l'article 1153 du code civil et ne courent qu'à compter de la décision d'exequatur ainsi que l'ont justement décidé les premiers juges dont la décision mérite d'être confirmée sur ce point.

Considérant que la République Argentine qui succombe à titre principal doit être condamnée aux dépens, sans pouvoir prétendre à l'allocation à son profit d'une indemnité pour frais irrépétibles.

Considérant qu'une indemnité de 15.000 euros doit être accordée à EML en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Confirme la décision déférée.

Condamne la République d'Argentine aux dépens et au paiement d'une somme de 15.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 11/15465
Date de la décision : 12/03/2013

Références :

Cour d'appel de Paris A1, arrêt n°11/15465 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-03-12;11.15465 ?
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