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12/03/2013 | FRANCE | N°12/19982

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 3, 12 mars 2013, 12/19982


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 3



ARRET DU 12MARS 2013



(n° 222 , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 12/19982



Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Octobre 2012 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2011/14225







DEMANDEURS AU CONTREDIT



Société CARRAIG INSURANCE LIMITED agissant en la personne de ses représentants légaux et

venant aux droits et obligations de la société SORRIS

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 4]



SA SANOFI-AVENTIS

[Adresse 3]

[Localité 2]





Représentées par : Me Frédéric BURE...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 3

ARRET DU 12MARS 2013

(n° 222 , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/19982

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Octobre 2012 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2011/14225

DEMANDEURS AU CONTREDIT

Société CARRAIG INSURANCE LIMITED agissant en la personne de ses représentants légaux et venant aux droits et obligations de la société SORRIS

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 4]

SA SANOFI-AVENTIS

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentées par : Me Frédéric BURET (avocat au barreau de PARIS, toque : D1998)

assistées de Me Bernard METTETAL de la SCP HONIG METTETAL NDIAYE & ASSOCIES (avocat au barreau de PARIS, toque : P0581)

DEFENDEUR AU CONTREDIT

SAS BAYER venant aux droits et obligations de la société BAYER CROPSCIENCE

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par : Me Frédéric JEANNIN de la SELARL STC PARTNERS (avocat au barreau de PARIS, toque : R234)

EN PRESENCE DE

SA SORRIS prise en la personne de Me [H] [P], es-qualité de mandataire ad hoc

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par : Me Audrey DANEL plaidant pour Me Elisabeth BOESPFLUG (avocat au barreau de PARIS, toque : E0329)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Février 2013, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Joëlle BOURQUARD, Président, et Madame Sylvie MAUNAND, Conseiller, chargées d'instruire l'affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Joëlle BOURQUARD, Présidente de chambre

Madame Martine TAILLANDIER-THOMAS, Conseillère

Madame Sylvie MAUNAND, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mlle Véronique COUVET

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Joëlle BOURQUARD, président et par Mlle Véronique COUVET, greffier.

Le 21 septembre 2001, une explosion a eu lieu dans l'usine de la société grande Paroisse, filiale de la société TOTAL, à [Localité 5]. Des dégâts importants ont été causés aux sites industriels voisins, notamment ceux de la société SNPE et de sa filiale ISICHEM dont l'une des activités est la production de phosgène. La société AVENTIS CROPSCIENCE utilisait ce produit. Cette société a été acquise par la société BAYER CROPSCIENCE, absorbée par la société BAYER. La fabrication de phosgène a définitivement été interdite le 1er juillet 2002.

La société AVENTIS (devenue SANOFI AVENTIS) est souscriptrice d'une assurance dommages dont la structure est composée en première ligne des AGF devenues ALLIANZ et en seconde ligne, d'une coassurance. La société CARRAIG est la captive réassurance du groupe SANOFI qui a repris progressivement le portefeuille de la précédente captive de réassurance du groupe SANOFI à savoir SORRIS.

Au titre du sinistre, AGF a versé à la société BAYER CROPSCIENCE la somme de 37,5 millions d'euros.

Un accord transactionnel a été conclu le 8 septembre 2003 entre AGF devenue ALLIANZ et le co-assureur et la société AVENTIS en présence de BAYER CROPSCIENCE. L'accord avait pour but de fixer les modalités d'indemnisation de la société BAYER et de l'action récursoire amiable ou judiciaire contre le ou les responsables du sinistre.

Une procédure a été engagée par les différentes parties au litige devant le tribunal de commerce de Toulouse qui, par jugement du 13 avril 2006, a débouté les sociétés BAYER de leur action fondée sur l'interruption définitive de la production du phosgène à compter du 1er juillet 2002, visant à obtenir réparation des préjudices en résultant. Cette décision a été confirmée par la cour d'appel de Toulouse par un arrêt du 9 septembre 2008. La société BAYER a formé un pourvoi en cassation qui a été finalement rejeté.

Les assureurs et co-assureurs ne souhaitant pas s'associer au pourvoi, ont rompu le protocole transactionnel du 8 septembre 2003. Ceux-ci ont reçu aux termes d'un accord passé avec la société GRANDE PAROISSE une somme de 25 millions d'euros.

La société BAYER, considérant ne pas avoir obtenu la part qui lui revenait , a donc fait assigner devant le tribunal de commerce de Paris, la société SORRIS, la société SANOFI AVENTIS et la société ROYAL SUN ALLIANCE et parallèlement la société CARRAIG aux fins d'obtenir le paiement de 4,2 millions d'euros avec intérêts (correspondant à un pourcentage des 25 Millions perçus moins un million de franchise) outre une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les défenderesses ont soulevé une exception d'incompétence au profit du tribunal arbitral prévue dans la convention de réassurance passée entre AGF et SORRIS aux droits de laquelle vient la société CARRAIG.

Par jugement du 3 octobre 2012, le tribunal de commerce de Paris a constaté le désistement d'instance et d'action de la société BAYER à l'encontre de la société ROYAL SUN ALLIANCE et a dit que l'exception d'incompétence était recevable mais mal fondée et s'est déclaré compétent pour connaître du litige.

Les sociétés CARRAIG et SANOFI AVENTIS ont, le 11 octobre 2012, formé contredit à la décision. Elles demandent l'infirmation du jugement, de renvoyer leur adversaire à mieux se pourvoir et de la condamner à leur payer à chacune la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société BAYER venant aux droits de la société BAYER CROPSCIENCE, sollicite la confirmation du jugement et la condamnation des sociétés adverses à lui régler la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles

Maître [P], es qualité de mandataire ad hoc de la société SORRIS, par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience, demande si la cour déclare le tribunal incompétent, de le déclarer incompétent à l'égard de toutes parties y compris elle-même et de condamner la société BAYER à lui régler la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Considérant que préalablement à l'examen du litige, la cour constate que les pièces 6, 7 , 8 et 8 bis de la société BAYER sont rédigées en langue anglaise sans qu'il ait été produit une traduction en langue française ; qu'elles sont donc écartées des débats ;

Considérant que les sociétés CARRAIG et SANOFI-AVENTIS (SANOFI) exposent que le tribunal de commerce n'a pas répondu à la question qui lui était soumise dès lors qu'elles soulevaient l'incompétence du tribunal de commerce au profit de l'arbitrage CEFAREA figurant dans la convention de réassurance et non par rapport à celle incluse dans le contrat d'assurance ; qu'elles soutiennent que la clause d'arbitrage s'étend aux parties directement impliquées dans l'exécution du contrat et les litiges qui peuvent en résulter, que BAYER fonde sa demande sur la transaction du 8 septembre 2003 et que celle-ci est intervenue sur le fondement du contrat d'assurance et que le contrat de réassurance a été mis en jeu par suite de l'indemnisation versée dans le cadre du contrat d'assurance ; qu'elles ajoutent que, dès lors, cela constitue un ensemble contractuel auquel s'applique la clause d'arbitrage figurant dans le contrat de réassurance ; qu'elle précisent que cette clause n'est pas manifestement inapplicable et que la transaction ne rend pas caduc l'ensemble contractuel composé du contrat d'assurance et de celui de réassurance ; qu'elles estiment que le principe d'autonomie de la clause compromissoire permet qu'elle puisse jouer nonobstant l'inefficacité du contrat ; qu'elles considèrent que la clause de droit applicable dans la transaction ne peut être interprétée comme donnant aussi compétence aux juridictions étatiques ; qu'elles rappellent que c'est en sa qualité de réassureur que la société CARRAIG venant aux droits de la société SORRIS est recherchée et en déduisent que la clause du contrat de réassurance doit donc s'appliquer ;

Considérant que la société BAYER précise que les assureurs ont reconnu dans l'accord du 8 septembre 2003 que les préjudices financiers dont elle se prévalait, étaient consécutifs à un événement entraînant l'application des conventions d'assurance, ont fixé forfaitairement le coût des frais supplémentaires et de la perte d'exploitation à 38,5 millions d'euros et que l'action récursoire contre le responsable serait exercée ; qu'elle indique que l'assignation a été délivrée contre la société Grande Paroisse, que le tribunal de commerce de Toulouse a rejeté la demande relative aux préjudices immatériels liés à l'arrêt de la production de phosphogène, que la cour d'appel de Toulouse a, par arrêt du 9 septembre 2008, confirmé le jugement et qu'elle a formé un pourvoi en cassation et ajoute qu'elle a donc assigné les assureurs pour obtenir les sommes non versées en vertu du protocole ; qu'elle estime que le tribunal de commerce est compétent dès lors que ses demandes sont exclusivement fondées sur la violation du protocole et que les clauses d'arbitrage des conventions d'assurance et de réassurance sont inapplicables au litige ; qu'elle soutient que la transaction est soumise au droit français, que l'exécution de celle-ci n'entre pas dans le champ d'application des conventions d'assurance et de réassurance et qu'elle n'est pas signataire desdites conventions ;

Considérant que Maître [P] indique que la société SORRIS a été dissoute le 30 novembre 2009, qu'elle avait préalablement cédé son portefeuille de contrats de réassurance à la société CARRAIG à effet du 1er mai 2009, que la société CARRAIG a convenu d'assumer toutes les responsabilités relatives aux contrats de réassurance de la société SORRIS et qu'en sa qualité de mandataire ad hoc il devra demander la mise hors de cause de la société SORRIS et qu'il n'est donc pas utile qu'il prenne part à la discussion sur la compétence mais qu'en tout état de cause, si l'incompétence devait être prononcée, elle devrait l'être à l'égard de toutes les sociétés en cause ;

Considérant que les demanderesses au contredit invoquent l'incompétence du tribunal de commerce sur le fondement de l'article 1448 du code de procédure civile au profit de l'arbitrage CEFAREA figurant dans la convention de réassurance passée entre les AGF devenues ALLIANZ et SORRIS dont CARRAIG a repris le portefeuille ; qu'il n'est pas invoqué la clause d'arbitrage contenue dans le contrat d'assurance souscrit par l'assuré auprès des AGF et donnant compétence à la CCI de Londres comme l'a cru le tribunal de commerce ;

Considérant que l'article 1448 du code de procédure civile dispose que ' lorsqu'un litige relevant d'une convention d'arbitrage est porté devant une juridiction de l'Etat, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi et si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable ' ;

Considérant qu'il n'est pas contesté par les parties qu'aucun tribunal arbitral n'est saisi ;

Considérant de même qu'il n'est pas soutenu par la société BAYER que la clause d'arbitrage serait manifestement nulle ; que seul son caractère inapplicable est en cause ;

Considérant qu'en vertu du principe 'compétence-compétence' selon lequel il appartient à l'arbitre de statuer par priorité sur sa propre compétence, la juridiction étatique est sans pouvoir pour se prononcer sur cette question et se saisir du litige soumis à l'arbitrage sauf nullité manifeste ou inapplicabilité évidente de la convention d'arbitrage ;

Considérant que le contrat de réassurance contenant la clause compromissoire a été signé entre AGF aux droits de qui vient ALLIANZ et SORRIS qui a cédé son portefeuille à CARRAIG ; que ce contrat a pour but pour AGF de céder et pour SORRIS d'accepter la réassurance, objet du contrat et visant AVENTIS et l'ensemble de ses filiales ;

Considérant que la clause compromissoire vise tous les litiges résultant du contrat de réassurance qui opposeraient les deux parties prévoyant en cas de difficulté pour désigner un arbitre, l'intervention du CEFAREA (centre français d'arbitrage de réassurance et d'assurance) ;

Considérant que l'effet d'une clause d'arbitrage s'étend aux parties directement impliquées dans l'exécution du contrat et les litiges qui peuvent en résulter ;

Considérant que le protocole du 8 septembre 2003 passé entre AGF et AVENTIS en présence de la société BAYER CROPSCIENCE avait pour but de fixer les modalités d'indemnisation de la société BAYER ; qu'il convient de noter que AVENTIS a signé pour l'assurée qui n'était autre que la société BAYER CROPSCIENCE ; que cette indemnisation n'avait pour fondement que le contrat d'assurance passé entre les deux parties et le contrat de réassurance rappelé ci-dessus devait donc nécessairement être mis en jeu ;

Considérant que la société BAYER ne peut dès lors prétendre être manifestement étrangère à l'application de la convention d'assurance et de réassurance et la cour constate qu'elle avait donc nécessairement connaissance de cette convention et subséquemment de la clause compromissoire figurant à celle-ci ;

Considérant qu'en tout état de cause, la société BAYER déclare intenter son action sur le fondement contractuel à l'égard de la société SANOFI-AVENTIS qui a agi pour son compte et pour celui de l'ensemble de la coassurance et qui figure à ce titre à la transaction dont il est invoqué la violation par la société BAYER qui était présente lors de celle-ci et un fondement délictuel à l'égard des sociétés CARRAIG et SORRIS qui auraient contribué à cette violation ;

Considérant que la recherche de la responsabilité éventuelle faite par la société Bayer dans le cadre de sa demande présentée devant le tribunal de commerce ne peut avoir pour origine à l'encontre de la société CARRAIG que le contrat de réassurance dès lors que cette dernière n'était pas partie au protocole ;

Considérant qu'il s'ensuit que la transaction, le contrat d'assurance et le contrat de réassurance forment un ensemble contractuel auquel la clause d'arbitrage figurant dans le contrat de réassurance s'applique ; que le fait que la transaction ait été rompue par SANOFI et CARRAIG ne suffit pas à supprimer le caractère d'ensemble contractuel aux conventions d'assurance et de réassurance ;

Considérant qu'il s'ensuit que l'inapplicabilité manifeste de la clause d'arbitrage au litige n'est pas démontrée par la société BAYER ; que celle-ci n'est pas évidente pour permettre d'évincer le principe 'compétence-compétence' ; que dès lors, l'exception d'incompétence soulevée par les sociétés SANOFI et CARRAIG est bien fondée, que le tribunal de commerce de Paris est incompétent pour connaître en l'état du litige et ce, à l'égard de toutes les parties en ce compris la société SORRIS représentée par Maître [P], seul le tribunal arbitral pouvant statuer sur sa compétence à connaître du litige ;

Considérant que le contredit est bien fondé et qu'il convient de renvoyer la société BAYER à mieux se pourvoir ;

Considérant que l'équité commande de faire droit à la demande des sociétés contredisantes et de Maître [P] et de condamner la société BAYER à leur verser sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile la somme visée au dispositif de la présente décision ;

Considérant que, succombant, la société BAYER ne peut prétendre à l'allocation

d'une somme au titre des frais irrépétibles et doit supporter les frais du contredit ;

PAR CES MOTIFS

Ecarte des débats les pièces 6, 7, 8 et 8 bis de la société BAYER ;

Déclare le contredit bien fondé ;

Déclare le tribunal de commerce de Paris incompétent pour connaître du litige ;

Renvoie la société BAYER à mieux se pourvoir ;

Condamne la société BAYER à verser aux sociétés CARRAIG, SANOFI-AVENTIS chacune la somme de 5.000 euros et à Mâitre [P] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande de la société BAYER présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société BAYER à supporter les frais du contredit.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 12/19982
Date de la décision : 12/03/2013

Références :

Cour d'appel de Paris A3, arrêt n°12/19982 : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-03-12;12.19982 ?
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