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16/04/2013 | FRANCE | N°12/16632

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 3, 16 avril 2013, 12/16632


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 3



ARRET DU 16 AVRIL 2013



(n° 291 , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 12/16632



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 28 Août 2012 -Président du TC de CRETEIL - RG n° 2012R00231





APPELANTS



Monsieur [I] [W]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



SASU JM CONSULTANT agissant po

ursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Adresse 1]





Représentés par : Me Frédéric BURET (avocat au barreau de PARIS, toque : D1998)

assistés de : Me Vanessa BOUR...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 3

ARRET DU 16 AVRIL 2013

(n° 291 , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/16632

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 28 Août 2012 -Président du TC de CRETEIL - RG n° 2012R00231

APPELANTS

Monsieur [I] [W]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

SASU JM CONSULTANT agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentés par : Me Frédéric BURET (avocat au barreau de PARIS, toque : D1998)

assistés de : Me Vanessa BOURGEOIS de la SCP GRAND AUZAS & ASS (avocat au barreau de PARIS, toque : P0478)

SASU ARIONI agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par : Me Bruno NUT (avocat au barreau de PARIS, toque : C0351)

assistée de : Me Virginie LE ROY de la AARPI GALLOT LE LORIER LE ROY (avocat au barreau de PARIS, toque : A0973)

INTIMEES

Société SPHERIA CONSEIL

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par : la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU-JUMEL (Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU) (avocats au barreau de PARIS, toque : K0111)

assistée de : Me Pierre JUNG de la AARPI NGO JUNG & ASSOCIES (avocat au barreau de PARIS, toque : R013)

SAS OVERLAP agissant en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par : Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON - GIBOD (avocat au barreau de PARIS, toque : C2477)

assistée de : Me Sophie PAPON plaidant pour la SCP BERSAY & ASS (avocat au barreau de PARIS, toque : P0485)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 11 Mars 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Joëlle BOURQUARD, Présidente de chambre

Madame Martine TAILLANDIER-THOMAS, Conseillère

Madame Sylvie MAUNAND, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mlle Véronique COUVET

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Joëlle BOURQUARD, président et par Mlle Véronique COUVET, greffier.

La SAS OVERLAP est spécialisée dans l'intégration et la gestion d'infrastructures auprès de ses clients. Elle est issue de la fusion intervenue le 1er avril 2008 des sociétés OVERLAP, MIBS Infrastructures et Services et HEXALIS.

Elle est partenaire de la société HEWLETT PACKARD France (HP) et commercialise ses matériels et services. Elle exerce cette activité sous le nom commercial de 'MIBS Infrastructures et Services'.

M. [W] était directeur général délégué de la société OVERLAP en charge de MIBS. Il a été licencié le 22 avril 2011. Une transaction a été signée le 4 mai 2011. Il est devenu le président de la SAS JM CONSULTANT qui a pour activité le conseil aux entreprises dans le domaine informatique, logiciels et services.

M. [Z] était président du conseil d'administration de la société IB GROUP, société holding de la société MIBS Infrastructures et Services avant la fusion de cette société avec la société OVERLAP. Il est désormais le président de la SAS SPHERIA créée le 8 juillet 2011.

M. [V] est un ancien salarié de la société OVERLAP devenu apporteur d'affaires indépendant. Le 10 juillet 2009, il a conclu un contrat avec la société OVERLAP relativement à des produits de la société HP. Il a créé le 1er décembre 2009, la SASU ARIONI dont il est le président. Il a notifié le13 juin 2012 la fin de son contrat d'apporteur d'affaires.

La société OVERLAP, à la suite d'un rapport d'enquête rédigé par une agence de détective, craignant d'être victime d'agissements de concurrence déloyale de la part des personnes physiques et morales précitées, a obtenu sur requête, une ordonnance en date du 20 mars 2012, du président du tribunal de commerce de Créteil désignant un huissier aux fins de constater la présence de celles-ci dans les locaux de la société SPHERIA et de rechercher tout document établissant leur activité professionnelle au sein de celle-ci .

Par ordonnance du 16 mai 2012, le président du tribunal de commerce de Créteil a fait droit à la requête de la société OVERLAP tendant à obtenir la remise des documents séquestrés chez l'huissier à la suite des opérations de constat.

La société JM CONSULTANT, M. [W], la société SPHERIA et la SASU ARIONI ont saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Créteil aux fins de voir rétracter l'ordonnance du 20 mars 2012, déclarer nul le procès-verbal de constat, faire interdiction à la société OVERLAP de faire état des documents saisis dans le cadre de cette procédure et condamner la société OVERLAP à leur payer la somme de 5.000 euros.

La société ARIONI a saisi elle aussi le juge des référés d'une demande tendant à la rétractation de l'ordonnance du 20 mars 2012, de constat de ce que l'ordonnance du 16 mai 2012 lui fait grief et d'injonction sous astreinte à la société OVERLAP de retirer des débats les documents séquestrés chez l'huissier.

Les procédures ont été jointes.

Les parties ont sollicité devant le juge la rétractation des deux ordonnances sur requête.

Par ordonnance du 28 août 2012, le juge des référés du tribunal de commerce de Créteil a dit n'y avoir lieu à rétractation de l'ordonnance du 20 mars 2012, rejeté toute autre demande et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société ARIONI, appelante, par conclusions du 25 février 2013, demande à la cour d'infirmer l'ordonnance, de rétracter l'ordonnance du 20 mars 2012 puis en conséquence de rétracter l'ordonnance du 16 mai 2012, d'enjoindre à la société OVERLAP sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt de retirer des débats dans toute procédure pendante le constat d'huissier des 10 et 17 avril 2012 dressé par Maître [C] et les pièces qui y sont annexées et séquestrées chez l'huissier, d'interdire sous astreinte de 5.000 euros par infraction constatée d'utiliser dans quelque procédure que ce soit gracieuse ou contentieuse, contradictoire ou non, le constat d'huissier des 10 et 17 avril dressé par Maître [C] et les pièces qui y sont annexées et séquestrées chez l'huissier. A titre subsidiaire, elle sollicite si la cour se déclarait incompétente pour connaître de la violation de l'article 495 du code de procédure civile de dire qu'il appartient au juge du fond devant qui le procès-verbal est invoqué de vérifier que les dispositions de l'article 495 alinéa 3 du code de procédure civile ont été respectées et d'en tirer les conséquences et en tout état de cause de débouter la société OVERLAP de ses demandes et la condamner à lui payer la somme de 15.000 euros au titre des frais irrépétibles.

La société SPHERIA, par conclusions signifiées le 21 février 2013, souhaite voir infirmer l'ordonnance entreprise, dire et juger que la société OVERLAP ne dispose d'aucun motif légitime, ni du droit de déroger au principe du contradictoire et que l'ordonnance du président du tribunal de commerce constitue une mesure d'investigation générale et disproportionnée et en conséquence, rétracter les ordonnances des 20 mars et 16 mai 2012, interdire sous astreinte de 5.000 euros par infraction constatée d'utiliser dans quelque procédure que ce soit gracieuse ou contentieuse, contradictoire ou non, le constat d'huissier des 10 et 17 avril dressé par Maître [C] et les pièces qui y sont annexées et séquestrées chez l'huissier, ordonner à Maître [C] de détruire tous les documents, fichiers, courriers électroniques, CD Rom et autres supports séquestrés dans son étude annexés à son constat des 10 et 17 avril 2012 et condamner la société OVERLAP à lui verser la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société JM CONSULTANT et M. [W], par conclusions du 19 février 2013, demandent à la cour d'infirmer l'ordonnance entreprise, de rétracter l'ordonnance du 20 mars 2012, de faire interdiction à la société OVERLAP de faire état dans toute procédure judiciaire du procès-verbal de constat dressé les 10 et 17 avril 2012 ainsi que les pièces et documents annexés au procès-verbal et en ordonner sous astreinte, la destruction, de rejeter des débats les pièces versées par la société OVERLAP correspondant aux pièces séquestrées. A titre subsidiaire ils sollicitent si la cour se déclarait incompétente pour connaître de la violation de l'article 495 du code de procédure civile de dire qu'il appartient au juge du fond devant qui le procès-verbal est invoqué, de vérifier que les dispositions de l'article 495 alinéa 3 du code de procédure civile ont été respectées et d'en tirer les conséquences et en tout état de cause condamner la société OVERLAP à régler à chacun la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles.

La société OVERLAP, par conclusions du 4 mars 2013, sollicite la confirmation de l'ordonnance et demande à la cour de dire qu'il n'y a pas lieu à rétractation des ordonnances des 20 mars et 16 mai 2012, de débouter les autres parties de leurs demandes et de condamner la société ARIONI, la société JM. CONSULTANT et M. [W] à lui payer la somme de 35.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Considérant que la société ARIONI soutient que les articles 145 et 493 du code de procédure civile ont été méconnus ; qu'elle estime que la société OVERLAP n'avait pas de motif légitime pour solliciter la mesure, le rapport d'enquête qu'elle a produit, n'apportant aucun commencement de preuve ; qu'elle relève que les circonstances justifiant qu'il soit dérogé au principe de la contradiction n'ont pas été établies ; qu'elle ajoute que les mesures ordonnées sont vagues et trop larges ; qu'elle ajoute que l'article 495 du code de procédure civile impose de laisser une copie de la requête et de l'ordonnance à la personne à laquelle elle est opposée et que tel n'a pas été le cas pour M. [I] [W] dont l'ordinateur a été examiné ainsi que sa messagerie ; qu'elle indique que la requête et l'ordonnance n'ont pas été signifiées sans délai par l'huissier à la société ARIONI et à M. [V] ; qu'elle en déduit que ces manquements doivent entraîner la rétractation de l'ordonnance sans qu'il y ait lieu pour elle de démontrer un grief ;

Considérant qu'elle précise que dès lors que l'ordonnance du 20 mars est rétractée, celle du 16 mai 2012 doit l'être aussi et que là encore rien ne justifiait que la partie adverse ne soit pas appelée à la cause pour l'examen de la demande ;

Considérant que la société SPHERIA reprend les mêmes moyens relativement au motif légitime, au principe de la contradiction et au caractère général de la mesure ordonnée et à la rétractation par voie de conséquence de la seconde ordonnance sur requête ;

Considérant que la société JM CONSULTANT et M. [W] s'associent aux moyens développés par les autres parties sur l'absence de motif légitime y ajoutant un manque de loyauté de la société OVERLAP dans la présentation des faits, sur l'absence de justification de la dérogation au principe du contradictoire, sur le caractère légalement admissible de la mesure et son caractère disproportionné ainsi que sur le défaut de respect des exigences posées par l'article 495 alinéa 3 du code de procédure civile à l'égard de M. [W] ; qu'ils contestent l'analyse faite par leur adversaire selon laquelle la violation invoquée de l'article 495 relèverait des conditions d'exécution et donc serait irrecevable devant le juge de la rétractation ;

Considérant que la société OVERLAP estime avoir justifié du motif légitime à demander la mesure dès lors qu'elle a produit le rapport d'enquête et les clauses de non-concurrence et de non-sollicitation de clientèle ; qu'elle soutient que ce motif est démontré par les documents saisis dans le cadre des opérations de constat ;

Considérant qu'elle estime avoir explicité la nécessité de déroger au principe de la contradiction dans les pages 7 et 8 de sa requête ;

Considérant qu'elle conteste le caractère général de la mesure, la recherche demandée ne portant que sur les agissements de concurrence déloyale décrits dans la requête ;

Considérant qu'elle soutient que les moyens tenant à l'exécution de la mesure d'instruction ne relèvent pas du contentieux de la rétractation mais de celui de l'exécution ; qu'elle en déduit que seul le juge du fond peut apprécier la régularité des opérations de constat ; qu'elle ajoute que, de toute façon, le moyen est mal fondé et qu'il appartient à ses adversaires de démontrer l'existence d'un grief ; qu'elle précise, au surplus, que la copie de la requête et de l'ordonnance n'a à être remise qu'à celui à l'encontre de qui la mesure est exécutée ; qu'elle déclare que les mesures d'instruction ordonnées ne visaient que la société SPHERIA et que les autres parties ne sont pas concernées ; qu'elle ajoute que la société ARIONI est dépourvue d'intérêt pour se prévaloir de la prétendue violation du principe du contradictoire à l'égard de M. [W] et que ce dernier a eu connaissance de la requête et de l'ordonnance ; qu'en outre, elle précise que la société ARIONI ne peut alléguer de l'existence d'aucun grief ; qu'elle conclut en indiquant que dès lors que la première ordonnance n'est pas rétractée, il n'y a pas lieu de rétracter la seconde ordonnance ;

Considérant qu'aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé ;

Considérant que l'application des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile suppose que soit constaté qu'il existe un procès « en germe »  possible, sur la base d'un fondement juridique suffisamment déterminé et dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d'autrui ;

Considérant qu'il appartient donc à la présente juridiction de vérifier, même d'office, si le juge a été régulièrement saisi en recherchant si la requête ou l'ordonnance caractérisent les circonstances justifiant que la mesure sollicitée soit prise exceptionnellement en dehors de tous débats contradictoires, que ces circonstances doivent être appréciées au jour où le juge statue sur requête et ne peuvent résulter de faits postérieurement révélés et notamment des constats de la mesure ordonnée ;

Considérant qu'en l'espèce, il ressort de la requête déposée par la société OVERLAP le 9 mars que celle-ci indique que la mesure sollicitée ne peut être efficacement réalisée que si elle est ordonnée sur requête, qu'elle précise que, dans le cas où un débat contradictoire serait tenu, le risque serait grand que la société SPHERIA ne mette à profit le temps du débat judiciaire pour dissimuler les preuves concernées en faisant notamment disparaître tout document écrit de ses locaux ;

Considérant que le motif ainsi énoncé lié au souci d'efficacité de la mesure sollicitée et au fait que l'information donnée à la partie adverse risquerait de rendre vaine cette mesure, satisfait à l'exigence de motivation du recours à la procédure non contradictoire ;

Considérant qu'aux termes de sa requête, la société OVERLAP a exposé solliciter la mesure d'instruction afin de permettre d'établir et de conserver la preuve de faits au soutien d'une action en concurrence déloyale sur le fondement de l'article 1382 du code civil exercée à l'encontre de la société SPHERIA et d'une action en violation des clauses de non-concurrence, de non-débauchage et d'exclusivité stipulées dans la transaction conclue avec M. [W] et le contrat d'apporteur d'affaires conclu avec M. [V] et la société ARIONI sur le fondement de l'article 1134 du code civil ;

Considérant qu'il résulte de ces énonciations qu'un litige potentiel existe et que les sociétés SPHERIA et ARIONI ainsi que Messieurs [W] et [V] sont nommément visés dans la requête ;

Considérant qu'au soutien de sa requête portant le tampon du greffe en date du 9 mars 2012, la société OVERLAP a annexé une liste de pièces au nombre de 13 ;

Considérant que, devant la Cour, est ajoutée à la requête, une feuille adressée au Président du tribunal de commerce de Créteil, intitulée dépôt de pièces complémentaires jointes à la requête du 9 mars 2012 portant le nom de M. [Y] mais non signée de ce dernier et la date du 20 mars 2012 ; que ce document ne comporte pas le tampon du greffe du tribunal de commerce ; que figure sur cette feuille la mention de quatre pièces supplémentaires ;

Considérant que faute de certitude de la remise de ces pièces au président du tribunal de commerce, en l'absence de signature du déposant et alors que cette feuille porte la date de l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce qui ne mentionne que la requête enregistrée le 9 mars 2012 sans viser le dépôt de nouvelles pièces, la cour considère que le président du tribunal de commerce n'a eu connaissance que des 13 pièces visées au bordereau annexé à la requête du 9 mars ; qu'il ne peut être pris en compte les documents 14 à 17 figurant sur le bordereau complémentaire ;

Considérant que figurent au titre des pièces retenues, pour établir le fait plausible établissant l'existence d'actes de concurrence déloyale potentiels, outre des extraits K-Bis des sociétés visées, la transaction passée entre M. [W] et la société OVERLAP, le contrat d'apporteur d'affaires passé entre M. [V] et la société OVERLAP avec un avenant, l'acte constitutif et les statuts de la société SPHERIA, un rapport d'enquête établi par l'agence de détective, des photographies, un courrier du cabinet FB Conseils et la liste des salariés de la société OVERLAP ;

Considérant que le caractère licite et la production aux débats du rapport d'enquête de l'agence de détectives ainsi que les conditions de réalisation de ladite enquête ne sont pas contestés ;

Considérant que ces documents établissent la réalité des clauses de non concurrence ou de non-débauchage ou de non sollicitation de clientèle souscrites par Messieurs [W] et [V], l'existence de la société SPHERIA avec M. [Z] comme président et dont l'objet relatif conseil en informatique et à la commercialisation de logiciels et de matériels informatiques est identique à celui de la société OVERLAP, de la société ARIANI avec M. [V] comme président, de la présence régulière de M. [W] dans les locaux de la société SPHERIA , de relations de ce dernier et de M. [Z] avec des salariés de la société OVERLAP tels que Messieurs [N], [P], [D] et [A] ainsi que la proposition d'un groupe de salariés de reprendre MIBS dont font partie Messieurs [D], [N] et [A] ;

Considérant que M. [W] prétend que la société OVERLAP aurait dénaturé les faits relatés dans l'enquête et les pièces, se comportant ainsi déloyalement ; que toutefois, il convient de relever que le juge, indépendamment des énonciations de la requête, a pu apprécier le contenu desdits documents et se forger son jugement sur le caractère plausible des faits invoqués par la société OVERLAP ; que la déloyauté invoquée dans la narration des faits ou l'appréciation des pièces n'est ni évidente ni déterminante ;

Considérant qu'au regard du motif invoqué par la société OVERLAP pour solliciter la mesure, ces éléments produits constituaient des faits plausibles susceptibles de faire craindre la méconnaissance des clauses souscrites par Messieurs [W] et [V] et d'agissements pouvant relever de la concurrence déloyale pour la société SPHERIA ; que des soupçons à l'égard des personnes physiques et morales visées dans la requête pouvaient exister ; qu'il en résulte que la société OVERLAP peut soutenir avoir eu un motif légitime pour réclamer la mesure d'instruction ;

Considérant que l'ordonnance a déterminé la mission de l'huissier constatant ;

Considérant qu'il convient d'examiner si la mesure a un caractère proportionné et légalement admissible ;

Considérant que la mission prévoit que l'huissier devra se faire remettre par les personnes visées dans le paragraphe précédent de la requête à savoir à messieurs [W], [V], [P], [S], [N], [A], [D] et Mme [W], ou rechercher dans les outils informatiques en leur possession tous les documents attestant de leur activité au sein ou pour le compte de la société SPHERIA ; que cette rédaction est générale et laisse à l'huissier le soin d'apprécier et de qualifier juridiquement les pièces qu'il découvre ;

Considérant que de même, l'huissier est chargé de se faire remettre les documents attestant de tentatives de débauchages de salariés ; que ce dernier doit alors apprécier quel document est susceptible de permettre de caractériser une tentative de débauchage ; qu'une telle appréciation ne lui revient pas ;

Considérant qu'en outre, il lui est demandé de se faire remettre tous les documents pouvant démontrer des agissements de concurrence déloyale au préjudice de la société OVERLAP ; que là encore il n'appartient pas à l'huissier de déterminer quels sont les documents de nature à établir l'existence d'actes de concurrence déloyale ;

Considérant enfin que l'huissier doit rechercher un copie de tous les documents concernant les clients de la société OVERLAP auxquels M. [W] a eu accès tels que figurant sur la liste qui lui a été remise par celle-ci ;

Considérant d'une part que la liste des clients fournie à l'huissier n'a pas été produite au juge pour qu'il apprécie sa réalité et son étendue au regard des faits de non respect des clauses de non-concurrence ou de non sollicitation de clientèle ; qu'elle ne figure pas dans la liste des 13 pièces produites en même temps que la requête le 9 mars 2012 ; que de ce fait, l'huissier a effectué ses opérations sans contrôle préalable du juge ;

Considérant d'autre part que la liste évoquée qui concerne 7500 clients, autorisait l'huissier à examiner et à se faire remettre la totalité du fichier client de la société SPHERIA et à ainsi procurer des renseignements à la société OVERLAP, sans rapport avec le litige ; que seuls les clients démarchés par les parties soumises à une clause de non-concurrence ou de non sollicitation de clientèle devaient être visés ;

Considérant dès lors qu'il résulte de ces éléments que la mission confiée à l'huissier est trop générale, disproportionnée au regard des objectifs annoncés et de nature à porter atteinte aux droits des parties subissant cette mesure ;

Considérant qu'en conséquence, la mesure d'instruction ne tendait qu'à ordonner une mission générale d'investigation et à communiquer à la société OVERLAP des informations sur les parties adverses au-delà du litige qui pouvait les opposer et qu'elle autorisait l'huissier à se faire remettre des documents sans contrôle préalable et en lui laissant l'appréciation des faits de concurrence déloyale, appréciation supposant une analyse juridique excédant les compétences d'un huissier de justice chargé de l'établissement d'un constat ; que, dès lors, la mesure ne répond pas aux exigences de l'article 145 du code de procédure civile ;

Considérant qu'au surplus, la cour qui est compétente pour statuer sur les conditions dans lesquelles la requête a été exécutée et qui doit vérifier le respect du principe de la contradiction, rappelle qu'aux termes de l'article 495 alinéa 3 du code de procédure civile, copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée ;

Considérant qu'il s'en déduit que pour que le principe de la contradiction soit respecté, il faut que cette copie de la requête et de l'ordonnance soit remise à la personne à laquelle elle est opposée antérieurement à l'exécution des mesures d'instruction qu'elle ordonne et cela impose que l'ordonnance ne puisse être exécutée contre cette personne qu'après lui avoir été notifiée ;

Considérant que la cour constate que la requête visait non seulement la société SPHERIA CONSEIL dans les locaux de laquelle devaient intervenir les opérations de l'huissier mais aussi diverses personnes physiques dont M. [W] et M. [V] ;

Considérant que ne figurent pas parmi les pièces versées aux débats devant la cour par la société OVERLAP, la notification de l'ordonnance à la société SPHERIA, à Messieurs [W] ou [V] pas plus qu'il n'est justifié d'une remise de la copie de la requête ou de l'ordonnance antérieurement aux opérations de constat alors que ces personnes sont expressément visées dans la requête comme susceptibles d'avoir commis des violations contractuelles ou des actes de concurrence déloyale ; qu'il s'ensuit que les dispositions du texte précité n'ont pas été respectées ;

Considérant que la société OVERLAP ne saurait prétendre que cela ne fait pas grief aux parties adverses dès lors qu'elles ont agi en rétractation ; qu'en effet, l'exigence de notification préalable de la requête et de l'ordonnance a pour but de permettre à la partie à qui on les oppose d'avoir connaissance des faits qui lui sont reprochés et des pièces produites au soutien de cette demande et ainsi d'apprécier le bien-fondé de la procédure engagée à son encontre ;

Considérant dès lors que ce manquement constitue une violation du principe de la contradiction ;

Considérant, en conséquence, que les conditions de l'article 145 n'étant pas réunies et celles de l'article 495 alinéa 3 n'étant pas respectées, l'ordonnance entreprise doit être infirmée et il doit être prononcé la rétractation de l'ordonnance du 20 mars 2012;

Considérant qu'il en résulte nécessairement que l'ordonnance du 16 mai 2012 qui a autorisé la société OVERLAP à prendre connaissance de tous les documents et éléments d'information recueillis par l'huissier au cours de son constat doit être aussi rétractée ; qu'il convient, au demeurant, de relever que la requête sollicitant la mesure tendant à obtenir la communication de l'intégralité des pièces recueillies au cours du constat n'est pas motivée au regard de la dérogation au principe de la contradiction ; que rien ne justifiait que le juge autorise cette communication sans que l'autre partie ait été appelée à la cause, le risque de déperdition des preuves ou la nécessité d'un effet de surprise n'existant plus ; qu'il appartenait au juge de le relever d'office ;

Considérant dès lors qu'il convient d'ordonner à la société OVERLAP de retirer des débats dans toute procédure judiciaire en cours, les éléments recueillis dans le cadre du constat dressé par Maître [C] les 10 et 17 avril 2012 et de lui interdire d'utiliser à quelque titre que ce soit lesdites pièces et le tout sous l'astreinte visée au dispositif de la présente décision ;

Considérant qu'il ne saurait être fait droit à la demande présentée par la société SPHERIA sollicitant la destruction desdites pièces détenues par Maître [C] dès lors que ce dernier n'est pas dans la cause ;

Considérant que l'équité commande de faire droit à la demande de la société SPHERIA, de M. [W] et de la société JM CONSULTANT et de la SASU ARIONI sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; que la société OVERLAP est condamnée à leur verser pour chacun d'eux la somme visée de ce chef au dispositif de la présente décision ;

Considérant que, succombant, la société OVERLAP ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles et doit supporter les entiers dépens de l'instance ;

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau

Rétracte les ordonnances sur requête des 20 mars et 16 mai 2012 ;

Ordonne à la société OVERLAP de retirer des débats les pièces recueillies dans le cadre du constat dressé par Maître [C] les 10 et 17 avril 2012 dans toute procédure judiciaire en cours sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la signification de la présente décision ;

Interdit à la société OVERLAP d'utiliser les pièces recueillis dans le cadre du constat dressé par Maître [C] les 10 et 17 avril 2012 sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée à compter de la signification de la présente décision ;

Rejette la demande de destruction des pièces détenues par maître [C] ;

Condamne la société OVERLAP à payer à la SASU ARIONI la somme de 6.000 euros, à la société SPHERIA la somme de 6.000 euros, à M. [W] et la société JM CONSULTANT la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société OVERLAP aux entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés par les avocats qui en ont fait la demande, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 12/16632
Date de la décision : 16/04/2013

Références :

Cour d'appel de Paris A3, arrêt n°12/16632 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-04-16;12.16632 ?
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