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24/04/2013 | FRANCE | N°12/02782

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 24 avril 2013, 12/02782


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 24 Avril 2013

(n° 17 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/02782-MPDL



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 01 Septembre 2009 par Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY section industrie RG n° 07/02097





APPELANTE

[C] [U]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparant en personne, assistée de Me Daniel KNINSK

I, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 64







INTIMÉE

Madame [J] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me François LAGUERRE, avocat au barreau de SEINE-S...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 24 Avril 2013

(n° 17 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/02782-MPDL

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 01 Septembre 2009 par Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY section industrie RG n° 07/02097

APPELANTE

[C] [U]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparant en personne, assistée de Me Daniel KNINSKI, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 64

INTIMÉE

Madame [J] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me François LAGUERRE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 35

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Mars 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, Présidente, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, Présidente

Madame Laurence GUIBERT, Vice-Présidente, magistrat placé par ordonnance de Monsieur le Premier Président rendue le 7 mars 2013

Madame Claudine ROYER, Conseillère

Greffier : Mme Evelyne MUDRY, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, Présidente et par Madame Evelyne MUDRY, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Les faits

Mme [J] [Y] a été engagée le 1er janvier 1992 en qualité de secrétaire, suivant contrat à durée indéterminée, par M [U] [C] exerçant des fonctions d'artisan de second oeuvre dans le bâtiment sous le sigle ECB

Le 20 octobre 2006, elle écrivait à son employeur pour demander à négocier son départ invoquant un certain nombre de griefs.

Le 30 octobre 2006 elle lui adressait un mail rappelant les termes de son courrier du 20 octobre et disant qu'elle saisirait les tribunaux compétents pour démission aux torts de l'employeur.

Le 5 novembre 2006 l'employeur lui remettait son certificat de travail et le 20 novembre 2006 il lui demandait sa lettre de démission.

Le 11 décembre 2006 M. [U] [C] adressait à Mme [J] [Y] un courrier constatant son absence depuis le 6 novembre et lui demandant de reprendre son poste.

Le 25 mai 2007, Mme [J] [Y] saisissait le conseil de prud'hommes de Bobigny lui demandant de dire que la rupture du contrat de travail s'analysait comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse, sollicitant diverses indemnités en conséquence, ainsi, notamment, qu'un rappel de salaire et une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

Par décision du 1er septembre 2009 ce conseil de prud'hommes, section industrie, analysait la rupture du contrat de travail comme un licenciement sans cause réelle ni sérieuse imputable à l'employeur, fixant la rupture au 5 novembre 2006 et, déboutant la salariée du surplus de ses demandes, il condamnait l'employeur à régler, en conséquence les sommes suivantes :

-610,55 euros à titre d'incidence congés payés ;

-4758,15 euros à titre de rappel de salaire sur minima ;

-2825 € à titre de congés payés (en deniers ou quittance) ;

-5113,14 euros à titre d'indemnité de préavis ;

-669 et 70 euros à titre d'incidence congés payés sur préavis ;

-8971,72 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

-426,09 euros à titre de salaire du 1er au 5 novembre 2006 ;

-15 336 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;

- 400 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

M [U] [C] a formé appel de cette décision. Soutenant que la salariée avait démissionné de son emploi sans accomplir son préavis, il demande à la cour d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes pour débouter [J] [Y] de l'ensemble de ses demandes. Il sollicite à titre reconventionnelle 5624,45 euros pour préavis conventionnel de deux mois non exécuté et 40 000 euros à titre de dommages-intérêts en application des dispositions de l122-1 du code du travail, 1134 et 1147 du Code civil, ainsi que 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [J] [Y] demande à la cour de confirmer que la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle ni sérieuse et sans procédure et de confirmer le jugement entrepris quant à l'ensemble des sommes accordées.

Elle sollicite 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

L'entreprise comptait plus de 10 salariés .

Les motifs de la Cour

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur la rupture du contrat de travail de Mme [J] [Y]

Dans son courrier du 20 octobre, Mme [J] [Y] affirme que « trop de différences sont créées entre autres : travail dissimulé (1988 à 2000) soit pour son cas personnel une perte actuelle de huit années de trimestres pour le calcul de sa retraite ;

-harcèlement moral (disputes, cris injures non-respect du travail effectué

-les exigences de l'employeur quant au passage de documents non contractuels en comptabilités' ; elle y rappelle qu'en 2004 elle avait déjà adressé un courrier à l'employeur concernant les mêmes points. Elle ajoute : 'je vous demande donc de bien vouloir négocier mon départ immédiat de votre entreprise' Je vous demande en urgence un rendez-vous pour clôturer notre collaboration' Si nous ne trouvons pas d'accord je me verrai dans l'obligation de faire appel aux tribunaux correspondant ' »

Dans son mail du 30 octobre 2006, la salariée indique qu'en absence de réponse de la part de son employeur elle lui demande de bien vouloir préparer son solde de tout compte pour le vendredi 3 novembre 2006 indiquant que sans réponse de sa part avant le 2 novembre 'elle fera appel aux tribunaux compétents pour refus de paiement de solde de tout compte suite à démission aux torts de l'employeur'.

Présent en personne à l'audience, M [U] [C] a indiqué à la cour :

-que Mme [J] [Y], qu'il avait engagée en tant que secrétaire, en 1992, constituait le seul personnel administratif de sa petite entreprise qui faisait travailler une dizaine d'ouvriers sur chantiers de second oeuvre

- qu'elle avait toute sa confiance, gérait ses comptes, signait les chèques, et était « une maîtresse femme ».

- que l'entreprise avait quasiment pour unique client la Société générale.

- que son fils [B] avait voulu reprendre son entreprise, ce qu'il avait refusé, car il avait d'autres enfants et devait encore travailler pour bénéficier d'une retraite à taux plein.

- que ce dernier avait alors décidé de créer une société concurrente la SNCB, au Blanc-Mesnil enregistrée au RCS le 17 octobre 2006,

- puis que le 20 octobre 2006, 6 sur les 10 salariés de production qu'il employait avaient démissionné pour se faire embaucher dans l'entreprise de son fils.

- que par courrier du même jour, sa secrétaire Mme [J] [Y] demandait à négocier son départ invoquant des griefs à son encontre

- que l'entreprise de son fils a alors repris progressivement l'intégralité de la clientèle Société générale, son chiffre d'affaires réalisé avec cette société de 575 177 euros en 2006 étant tombé en 2007 à 154 945 euros, son résultat d'exploitation devenant alors déficitaire de 58 151 euros.

Les reproches formulés par la salariée, à l'encontre de M [U] [C], relativement à une certaine intempérance et à son caractère difficile sont confortées par plusieurs témoignages réguliers en la forme émanant d'anciens salariés ou de proches de Mme [J] [Y].

Ils sont en revanche contredits par d'autres témoignages produits par M [U] [C] , émanant d'autres anciens salariés, mais aussi de fournisseurs, qui tous disent n'avoir jamais entendu M [U] [C] insulter son personnel ou manquer de respect à Mme [J] [Y] indiquant en outre, qu'ils ne l'avaient jamais vu en état d'ébriété, précisant qu'il ne consommait pas de boissons alcoolisées compte tenu de problèmes cardiaques.

Quant aux autres reproches relatifs au travail dissimulé, situation que l'employeur n'a pas contestée, il y avait remédié, aux dires mêmes de la salariée, sur l'insistance de celle-ci, en 2003.

Or la cour rappellera, que les mêmes griefs avaient déjà été évoqués par la salariée en 2004, dans un précédent projet de démission à laquelle elle n'avait finalement pas donné suite.

Il en résulte que si les griefs invoqués, plus ou moins établis , pourraient être dans d'autres circonstances et mieux établis, considérés comme de nature à justifier une rupture du contrat de travail, en l'espèce, ces dissensions entre le responsable de l'entreprise et la secrétaire de celle-ci n'ont manifestement pendant de longues années pas été considérées comme un motif de rupture de la relation de travail, les deux intéressés s'en étant visiblement accommodés.

En revanche, il ressort clairement de l'enchaînement des faits tel qu' exposé ci-dessus, que le motif réel de la rupture soudainement voulue par Mme [J] [Y] , réside dans le fait qu'au même moment, le fils de son employeur, ouvrant sa propre entreprise, avait choisi de débaucher une part importante des salariés de son père, y compris Mme [J] [Y] qui a rejoint l'entreprise concurrente, pour signer un nouveau contrat de travail le 10 novembre 2006 aux termes duquel son salaire était porté à 3014 € par mois, cette salariée, à la différence des autres, tentant en outre de monnayer son départ.

La cour infirmant la décision des premiers juges, dira donc que la rupture du contrat de travail s'analyse comme une démission, privant la salariée des indemnités consécutives à cette rupture allouées par les premiers juges.

Sur les autres demandes de la salariée

En revanche, seront confirmés les sommes, qui apparaissent justifiées, allouées à titre de congés payés(2825 €), ainsi que d'incidence sur les congés payés (618,55 euros), et de rappel de salaire sur minima pour un montant de 4758,15 euros.

En outre, la rupture du contrat de travail étant fixée au 5 novembre 2006, jour de la remise du certificat de travail par l'employeur, la somme de 426,09 euro de salaire pour la période du 1er au 5 novembre devra également être réglée par l'employeur, qui a perçu les indemnités journalières correspondant à la même période.

Sur la demande reconventionnelle de M [U] [C]

La salariée ayant mis en oeuvre immédiatement cette rupture, sans accomplir son préavis, ce qui a nécessairement causé un préjudice à l'employeur , la cour fera droit à la demande de remboursement des deux mois de préavis formulée par celui-ci pour un montant de 5624,45 euros.

Au-delà, compte tenu du contexte et des conditions dans lesquels est intervenue cette rupture du contrat de travail, la cour condamnera également Mme [J] [Y] sur le fondement de l'article L 1222-1 à régler à M [U] [C] une somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre de l'article 700 du CPC

Mme [J] [Y] qui succombe devra prendre en charge les entiers dépens.

La Cour considère que, compte tenu des circonstances de l'espèce, il apparaît inéquitable de faire supporter par M.[U] [C]la totalité des frais de procédure qu'il a été contraint d'exposer. Il sera donc alloué une somme de 1500 euros, à ce titre pour la procédure d'appel.

Décision de la Cour

En conséquence, la Cour,

Infirme la décision du Conseil de prud'hommes sauf en ce qui concerne, les sommes de 618,55 euros à titre d'incidence congés payés, de 4758,15 euros à titre de rappel de salaire sur minima, de 2825 € à titre de congés payés, et de 426,09 euros à titre de salaire du 1er au 5 novembre 2006 qui sont dues avec intérêts au taux légal à compter de la réception par M [U] [C] de la convocation devant le conseil de prud'hommes.

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Dit que la rupture du contrat de travail s'analyse comme une démission de la part de la salariée, Mme [J] [Y].

En conséquence, déboute celle-ci de l'ensemble de ses autres demandes.

La condamne à payer à M [U] [C] les sommes suivantes :

-5621,45 euros pour préavis non effectué ;

-5000 euros à titre de dommages-intérêts en application de l'article L1222-1 du code du travail

ces sommes avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision.

Condamne Mme [J] [Y] à régler à M [U] [C] une somme de 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La condamne aux entiers dépens.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 12/02782
Date de la décision : 24/04/2013

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°12/02782 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-04-24;12.02782 ?
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