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26/04/2013 | FRANCE | N°09/22511

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 11, 26 avril 2013, 09/22511


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS







Pôle 5 - Chambre 11









ARRET DU 26 AVRIL 2013



(n°121, 18 pages)









Numéro d'inscription au répertoire général : 09/22511



sur renvoi après cassation, par arrêt de la 3ème chambre civile de la Cour de Cassation rendu le 23 septembre 2009 (pourvoi n°T 08-18.310), d'un arrêt de la 5ème chambre section B de la Cour

d'appel de PARIS rendu le 7 mai 2008 (RG n°99/08244) suite à un arrêt avant-dire droit de la 5èmechambre section B de la Cour d'appel de PARIS rendu le 21 juin 2001 (RG n°1999/08244) sur appel d'un j...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 11

ARRET DU 26 AVRIL 2013

(n°121, 18 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/22511

sur renvoi après cassation, par arrêt de la 3ème chambre civile de la Cour de Cassation rendu le 23 septembre 2009 (pourvoi n°T 08-18.310), d'un arrêt de la 5ème chambre section B de la Cour d'appel de PARIS rendu le 7 mai 2008 (RG n°99/08244) suite à un arrêt avant-dire droit de la 5èmechambre section B de la Cour d'appel de PARIS rendu le 21 juin 2001 (RG n°1999/08244) sur appel d'un jugement de la 1ère chambre du Tribunal de commerce de PARIS rendu le 11 janvier 1999 (RG n°98047220)

INTERVENANTE VOLONTAIRE EN REPRISE D'INSTANCE et comme telle DEMANDERESSE A LA SAISINE

S.A.S. CEGELEC, venant aux droits de la S.A. CEGELEC MAINTENANCE ET SERVICES, anciennement dénommée CEGELEC SERVICES, elle-même ayant succédé à la société ALSTOM SERVICES, agissant en la personne de son président en exercice et de tous représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Laurence TAZE-BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque L 0068

Assistée de Me Magali THORNE plaidant pour la SCP DUCLOS - THORNE - MOLLET-VIEVILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque P 75

DEFENDERESSE A LA SAISINE

S.A.S. ROBUST, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par la SCP FISSELIER & ASSOCIES (Me Alain FISSELIER), avocat au barreau de PARIS, toque L 0044

Assistée de Me Philippe FORTUIT, avocat au barreau de PARIS, toque A 176

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 janvier 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Françoise CHANDELON, Conseiller, Faisant Fonction de Président

Mme Dominique SAINT-SCHROEDER, Conseiller

Mme Sonia LION, Vice-Président Placé

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Carole TREJAUT

Mme Françoise CHANDELON a préalablement été entendue en son rapport

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile

Signé par Mme Françoise CHANDELON, Conseiller, Faisant Fonction de Président, et par Mme Carole TREJAUT, Greffier, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

La société Robust est une filiale de la société Saint Louis Sucre, producteur de sucre et de la société Ucacel, principal opérateur du port de [Localité 1] pour le stockage et le chargement de céréales.

Elle a été créée pour construire et exploiter un terminal sucrier sur ce site.

L'édification de cet ouvrage nécessitait :

- la construction d'une cellule de stockage de 60.000 tonnes de sucre placée sous atmosphère contrôlée en température et hygrométrie,

- les moyens de réception du sucre, par trains ou camions,

- un magasin d'ensachage comportant 6 lignes,

- des moyens de chargement des sacs en cale,

- un portique de chargement des sacs de sucre équipé de 2 descenseurs télescopiques hélicoïdaux, portant en leur extrémité inférieure un arrimeur permettant d'apporter les sacs près de leur position de stockage, dans la cale des navires.

La société GEC Alsthom Systèmes et Services, devenue Alstom Services (Alstom) puis Cegelec Services (Cegelec) s'est vue confier ce dernier lot à la suite d'un appel d'offres comportant les documents techniques d'usage (cahier des charges techniques particulières-CCTP-, cahier des clauses techniques générales -CCTG- et cahier des clauses administratives générales - CCAG-), constitués par le bureau d'études techniques APAVE Normande (APAVE)

Se prévalant d'un retard dans la réalisation du chantier et de malfaçons, la société Robust a engagé la présente procédure par exploits des 19 et 20 mai 1998, au contradictoire de la société APAVE Normande qui n'est plus dans la cause aujourd'hui.

Le 10 juillet 1998, la société Alstom a assigné la société Robust à jour fixe pour obtenir, principalement, paiement du solde du marché.

Après jonction de ces procédures et par jugement du 11 janvier 1999, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a :

- qualifié le contrat de 'marché de fonction' et dit que les relations des parties étaient régies par la convention 15/1.09.95,

- jugé le prix convenu de 26.576.000 F forfaitaire et définitif,

- analysé le retard de livraison de la société Alstom comme une faute lourde, excluant l'application de la clause de limitation de responsabilité,

- fixé au 30 septembre 1997 la réception et le point de départ des garanties contractuelles et de parfait achèvement,

- sursis à statuer sur ces garanties jusqu'au dépôt du rapport de l'expert commis par décisions des 14 septembre et 5 octobre 2008 et sur la demande en paiement de la retenue de 10% destinée à lever les réserves,

- condamné la société Alstom au paiement,

* de 2.521.380 F hors taxes (HT) au titre des coûts supplémentaires du chantier,

* de 5.000.000 F HT au titre du préjudice d'exploitation y compris financier,

* de 5.000.000 F HT au titre du préjudice moral, commercial et d'image,

- ordonné la compensation entre ces montants et les sommes retenues par la société Robust d'un montant de 2.326.580 F

- condamné la société Alstom au paiement d'une indemnité de 200.000 F au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Alstom a fait appel de cette décision par déclaration du 23 février 1999 et par arrêt mixte du 21 juin 2001, la 5ème chambre B de la Cour d'appel de Paris a :

- rejeté la demande d'annulation du marché n°15-1/1.09.95, daté du 1er septembre 1995, signé par les sociétés Alstom et Robust en novembre 2005,

- confirmé le jugement en ce qu'il a déclaré ce contrat applicable dans les relations entre les parties,

- commis avant dire droit sur les demandes, [Z] [N] et M. [T] [I] en qualité d'experts pour, notamment :

* dire si des modifications ou ajouts ont été apportés par les parties à l'objet de

la commande ou si les conditions d'exécution du contrat ont été substantiellement modifiées sur le plan technique ou en terme de coût,

* donner leur avis sur la date de réception, l'importance et les causes du retard de

livraison, sur les responsabilités respectives des parties dans les retards et travaux supplémentaires en précisant s'il y a eu immixtion de la société Robust et si des carences ou erreurs sont imputables à la société Alstom, en précisant leur incidence sur le coût des travaux,

* dire si l'installation était conforme à la commande et si elle a été convenablement utilisée et entretenue par la société Robust,

* donner son avis sur les préjudices au besoin au vu des rapports d'expertise

déposés par [Z] [N].

Les experts ayant déposé leur rapport le 18 avril 2004, la chambre précitée a, par arrêt du 7 mai 2009 :

- confirmé le jugement en ce qu'il a jugé que le prix convenu de 26.576.000 F, soit 4.051.485,08 € était forfaitaire et définitif,

- infirmé le jugement pour le surplus et notamment en ce qu'il a retenu que la société Alstom avait commis une faute lourde,

- dit qu'hormis les éléments pris en compte par Messieurs [N] et [I] dans le rapport du 18 février 2004, n'y avoir lieu à évoquer le rapport d'expertise de M. [N] en date du 30 septembre 2001,

- condamné la société Robust à payer à la société CEGELEC Services la somme de 224.385 € portant intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 1998,

- condamné la société CEGELEC Services à payer 758.239 € à la société Robust portant intérêts de droit à compter du 19 mai 1998 avec capitalisation à compter du 26 octobre 2006,

- ordonné la compensation entre les créances,

- condamné la société Robust à payer à la société CEGELEC Services la somme de 759.833,34 € HT correspondant à la retenue de garantie portant intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 1998,

- condamné la société Robust à payer à la société APAVE Normande une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Robust a formé un pourvoi contre cette décision et par arrêt du 23 septembre 2009, la Cour de cassation l'a annulée aux motifs :

- que pour condamner la société Robust au paiement de la somme de 224.385 €, la Cour d'appel a considéré que le CCTP ne précisait pas le temps de descente ou de levage alors que l'article 1.2.6. précise qu'il est de quatre minutes,

- qu'après avoir considéré qu'elle n'était pas saisie de l'ensemble du rapport [N] et notamment des incidents relatifs aux bateaux Ladoga et Nyanza, la Cour d'appel a indemnisé la société Robust des préjudices correspondants.

La société Cegelec a saisi la cour de renvoi par déclaration en date du 23 octobre 2009 et limité son appel à la société Robust.

Après avoir recueilli l'accord des parties à l'audience du 9 février 2012, la présente juridiction a, par arrêt du 24 février 2012, ordonné une médiation qui n'a pas abouti.

Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, déposées le 2 novembre 2011, la société Cegelec demande à la Cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- débouter la société Robust de ses demandes,

- condamner la société Robust à lui restituer les sommes versées en exécution du jugement déféré,

- condamner la société Robust à lui verser les sommes de,

* 787.060,73 € au titre de la retenue de garantie,

* 3.194,447 € au titre du surcoût des travaux,

* 1.525.000 € au titre de son préjudice commercial et d'image

- condamner la société Robust à lui verser 100.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, déposées le 24 novembre 2011, la société Robust demande principalement à la Cour de :

- dire inapplicable la clause de limitation de responsabilité prévue à l'article 11 du contrat en raison de la faute lourde commise par Alstom,

- condamner la société Cegelec au paiement des sommes suivantes,

* 384.382 € au titre des coûts supplémentaires du chantier,

*3.014.815 € au titre du préjudice d'exploitation arrêté à la date de réception,

portant intérêts capitalisés calculés depuis le 1er septembre 1997,

* 175.832,10 € au titre du préjudice financier avant réception et 6.085 € au titre

de ce même préjudice après réception avec intérêts capitalisés calculés depuis le 1er mai 1998,

* 189.662 € au titre des coûts consécutifs aux pannes après réception avec intérêts

capitalisés calculés depuis le 1er septembre1997,

* 1.805.225 € au titre du préjudice commercial et d'image comprenant celui

réclamé par la société UCACEL,

* 150.000 € au titre de son préjudice moral,

* 200.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de

procédure civile.

CELA ETANT EXPOSE,

LA COUR,

Sur les différentes procédures engagées dans ce dossier

Considérant que l'imbrication des problèmes techniques apparus sur ce chantier commande de retracer cet historique par ordre chronologique ;

Sur les procédures au fond

Considérant que le jugement dont appel concerne trois instances jointes par la juridiction consulaire :

- La procédure 98047220 introduite par les assignations délivrées par la société Robust contre les sociétés Alstom et Apave concernant la phase d'exécution du contrat,

- La procédure 98059703 introduite par l'assignation délivrée par la société Alstom contre la société Robust le 10 juillet 1998, tendant au paiement des travaux commandés lors de la signature du contrat puis postérieurement,

- La procédure 98076821 introduite par les assignations délivrées par la société Robust contre les sociétés Alstom et Apave visant l'exécution des garanties contractuelle et d'achèvement ainsi que la levée des réserves ;

Considérant que [Z] [N], expert commis par plusieurs ordonnances de référé, qui seront évoquées ci-après, ayant déposé son rapport le 30 septembre 2001, la société Robust a, le 4 février 2002, demandé que les affaires reviennent devant le tribunal ;

Que par exploit du 13 février 2002, la Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles de Normandie, département de la Seine Maritime (Groupama), assureur de la société Robust, a assigné la société Cegelec à comparaître à jour fixe, le 18 mars 2002, pour obtenir paiement des sommes principales de 77.159,17 € et 59.223,85 € correspondant à l'indemnisation d'un sinistre survenu le 4 décembre 1997, comme subrogée dans les droits de la société Robust ;

Que cette procédure, enregistrée sous le numéro 2002016097, a été jointe avec celles jugées le 11 janvier 1999, dont la Cour était alors saisie ;

Que par jugement du 30 septembre 2002, le tribunal a prononcé un sursis à statuer ;

Que les sociétés Robust et Groupama ont été déboutées de la demande formée devant le Premier Président de cette Cour tendant à être autorisées à faire appel de cette décision ;

Considérant que par jugements des 2 novembre 2009 et 24 mai 2012, la juridiction consulaire a prononcé un nouveau sursis à statuer dans ce même dossier ;

Considérant enfin que par arrêt infirmatif du 6 septembre 2007, la Cour d'appel de Rouen a condamné la société Cegelec à indemniser, à hauteur de 675.125 €, un sinistre survenu en juin et juillet 2001 affectant les poulies guidant les câbles de levage analysé dans un rapport [N]/[I] distinct, déposé le 30 avril 2004 ;

Sur les procédures de référé

Considérant que parallèlement à cette procédure, la société Robust a obtenu cinq décisions du juge des référés près le tribunal de commerce de Rouen :

Que la première, du 24 décembre 1997, désigne [Z] [N] en qualité d'expert à la suite d'une collision, survenue le 4 précédent, entre l'armoire hydraulique d'un des deux descenseurs (D1) et un chéneau, rajouté par la société Alstom pour améliorer l'étanchéité du dispositif ;

Que ce sinistre a été pris en charge par l'assureur de la société Robust, qui a engagé la procédure précitée,

Que la seconde, du 27 juillet 2008, confirmée par arrêt de la Cour d'appel de Rouen en date du 23 novembre 2000, ordonne le remplacement sous astreinte d'une chaîne porte câbles qui s'est couchée les 28 et 29 mai précédent,

Que la troisième, du 7 août 2008, désigne le même expert afin de déterminer les responsabilités encourues dans le cadre de ce sinistre,

Que la quatrième, du 14 septembre 2008, confie à [Z] [N] une mission de même nature concernant un nouvel incident, la rupture des chaînes de l'arrimeur imputable à leur absence de nettoyage,

Que la cinquième, du 5 octobre 2008, infirmé par arrêt du 22 décembre 1999, le charge de se prononcer sur les réserves formulées à la réception par la société Robust ;

Considérant que [Z] [N] a rédigé un rapport unique, le 30 septembre 2001, expliquant que les différents problèmes ne pouvaient, pour une bonne compréhension, être abordés séparément ;

Que la lecture de son rapport confirme ce propos, les problèmes ayant donné lieu à des sinistres figurant également dans les réserves ;

Sur les questions soumises à la Cour

Considérant, selon l'arrêt irrévocable du 21 juin 2001, que le contrat n°15-1/1.09.95 daté du 1er septembre 2005 et signé le 21 novembre 1995 n'est atteint d'aucun vice et régit les relations entre les parties ;

Considérant que ce contrat donne une liste limitative des documents contractuels de référence et établit une hiérarchie entre eux ;

Que ne figure pas sur cette liste la dernière proposition de la société Alstom, dite 'offre indice D' émise dans le cadre de sa réponse à l'appel d'offres de la société Robust ;

Que seule y figure, en dixième rang, une 'offre indice E' du 30 septembre 1995 ;

Considérant qu'il en résulte que les demandes ou arguments de la société Alstom renvoyant à l'offre indice D sont sans objet ;

Considérant que les parties s'accordent, dans leurs dernières conclusions, pour solliciter que soient renvoyés devant le tribunal de commerce les problèmes concernant les garanties, incidents, réserves et retenues opérées par Robust ;

Considérant qu'elles souhaitent en effet, au regard des enjeux financiers du litige, bénéficier d'un double degré de juridiction ;

Considérant que ces motifs sont légitimes même s'ils induisent une difficulté d'analyse des problèmes techniques, certaines des réserves ou incidents postérieurs à la réception résultant des erreurs commise dans la conception de l'ouvrage ;

Qu'ainsi la Cour n'usera pas de la faculté d'évocation que lui ouvre l'article 568 du code de procédure civile ;

Considérant que le jugement du 11 janvier 1999 a sursis à statuer, dans l'attente des rapports sollicités par les ordonnances des 14 septembre et 5 octobre 2008, sur les points suivants :

- garanties contractuelles et de parfait achèvement,

- levée des réserves et retenue de 10% du prix de l'ouvrage ;

Considérant en conséquence que les parties ne peuvent solliciter d'indemnisation sur ce fondement et que seront renvoyées devant les premiers juges les demandes concernant les désordres réservés ou invoqués après réception formulées par la société Robust et la restitution de la retenue de 10% sollicitée par la société Alstom ;

Que la Cour ne traitera ainsi que des problèmes liés à l'exécution du contrat jusqu'à l'achèvement du chantier, correspondant à la date de réception des travaux ;

Sur la signature du marché

Considérant que le cahier des charges de l'appel d'offres, diffusé en mars 1995, comportait CCTP, CCTG et CCAG ;

Que le CCTP établi avec l'assistance technique de l'APAVE précisait un certain nombre de critères d'une grande précision sur, notamment :

- l'utilisation envisagée : la taille des navires à charger, la réalisation de deux descenseurs, les cadences de chargement, le nombre d'heures de fonctionnement et les méthodes de travail, fonction de la catégorie de personnel concerné,

- les contraintes du site,

- les critères de maintenance,

- l'intégration des descenseurs au terminal sucrier ;

Considérant que cette documentation technique permettait aux entreprises intéressées de proposer un devis prenant en compte ces différentes contraintes ;

Considérant qu'à partir du mois de juin 1995, les sociétés Robust et Alstom se sont rapprochées pour conclure le marché définitif ;

Que la société Alstom a ainsi formulé quatre offres affectées 'd'indices' de A à D, avant l'adoption de la cinquième 'E', dans les conditions précitées ;

Qu'il résulte des échanges de cette période comme du contenu du contrat signé que la société Alstom, dont l'offre n'était pas la moins disante, a été choisie en raison de l'expérience qu'elle revendiquait dans le domaine de la construction du matériel souhaité par la société Robust, cette dernière mettant en avant qu'elle ne souhaitait pas la réalisation d'un prototype et voulait que son fournisseur s'engage à obtenir le résultat escompté ;

Que ces exigences figurent dans le contrat signé ;

Considérant que la société Alstom a été déclarée adjudicataire du marché par courrier du 29 août 1995 ;

Que ce document précise le coût du marché, 26.576.000 F, assurances et formation incluses, rappelle que 'l'ordre de services est le 1er septembre 1995" ;

Que son article 4 dresse sur 15 pages et demie les compléments ou modifications apportées au CCTP ou au devis de l'entreprise ;

Que la date portée sur le contrat, 1er septembre 1995 correspond au démarrage du chantier, la signature du contrat le 21 novembre suivant arrêtant l'accord des parties aussi bien sur les modalités techniques de l'ouvrage que sur les conditions juridiques de son exécution ;

Considérant qu'il résulte de ces éléments que chaque clause a été analysée et pesée par les parties ; que des concessions ont été faites de part et d'autre mais que leur commune intention, éclairée par leurs nombreuses discussions est certaine et ne saurait être remise en cause dans le cadre de ce litige ;

Sur la mission donnée à la société Alstom

Considérant que l'article 4 du marché définit la société Alstom comme l'entrepreneur, le concepteur, l'ensemblier et le réalisateur et précise qu'il prendra l'entière responsabilité du bon fonctionnement des descenseurs ;

Que l'appelante ne peut ainsi sérieusement contester sa qualité de maître d'oeuvre ni soutenir, en l'absence de toute disposition légale l'y autorisant que de telles fonctions sont incompatibles avec son rôle de constructeur alors encore que la société COMET, chargée de la maîtrise d'oeuvre du terminal sucrier, pour coordonner l'activité des 85 entreprises appelées à intervenir sur ce chantier, ne supervisait pas la construction des descenseurs et n'avait de rapports avec Alstom que pour l'édition des comptes prorata ou les 'interfaces' ;

Sur la spécificité de l'ouvrage et le déroulement des travaux

Considérant que le portique à réaliser comporte deux descenseurs de sacs à hélicoïde dont l'extrémité porte un arrimeur qui permet d'apporter le sucre dans la cale des navires ;

Que chaque descenseur est constitué d'un châssis porteur roulant sur le quai du port et portant une flèche horizontale qui se déplace pour avancer au-dessus du bateau à charger ;

Considérant que la livraison du portique était fixée au 15 octobre 1996 ;

Qu'une filiale anglaise d'Alstom était chargée de construire le descenseur et l'arrimeur et que ces pièces devaient ultérieurement être transférées puis assemblées sur le site ;

Considérant cependant que le chantier a pris du retard dès cette première phase ;

Qu'il résulte ainsi d'un récapitulatif produit par la société Alstom que le délai de réalisation initialement prévu de ce matériel était fixé au 30 avril 1996 et qu'il a été repoussé au 16 août suivant ;

Que de la même façon le montage et la mise au point sur le site, prévus pour le 15 octobre 1996 ne sont intervenus que le 27 avril 1997 ;

Qu'un procès-verbal de réception a été signé le 30 septembre 1997 ;

Considérant que jusqu'à la nomination de M. [K] comme directeur du projet en septembre 1997, il convient de constater que la société Alstom n'imputait en aucune façon une quelconque responsabilité de ce retard à la société Robust ;

Que bien au contraire, par courrier du 31 juillet 1996, M. [W], directeur productique de l'appelante, précise s'être aperçu mi-juin que la date de livraison ne pouvait être respectée et explique ce constat par l'incurie des sous-traitants ;

Que l'objet de cette correspondance était de préciser à son client les mesures mises en oeuvre pour réduire le retard de 3 semaines et demie annoncé quelques jours auparavant, par la désignation d'un cadre affecté à cette mission et par une réorganisation du travail des équipes techniques ;

Que le 19 août 1996, les dates de livraison étaient fixées aux 4 et 25 novembre 1996, puis reportées à plusieurs reprises pour n'intervenir que presque un an plus tard en raison principalement de deux difficultés majeures :

- des études et la réalisation d'un descenseur avec des sacs de sucre d'une mauvaise dimension, induisant leur blocage à certains endroits de leur acheminement,

- la sous-estimation de 3 tonnes du poids réel de l'hélicoïde avec son arrimeur avec comme conséquence la nécessité de renforcer un certain nombre d'autres pièces ;

Sur l'incident lié à la composition et à la taille des sacs de sucre

Considérant qu'il est constant que des échantillons des sacs destinés à emprunter les descenseurs n'ont pas été fournis dès la première demande, le 28 août 1995 ;

Que leur composition, jute ou polypropylène, figurait cependant dans les documents techniques de même que le poids du sucre à transporter, 50 kgs permettant à la société Alstom, qui prétendait avoir déjà travaillé dans ce secteur, de se convaincre de ce que les dimensions qu'elle avait envisagées (900 x 500 x 125) ne permettaient pas de respecter le poids contractuel du sucre à transporter ;

Mais considérant qu'en toute hypothèse, cette question, largement débattue dans les conclusions de la société Alstom n'a pas l'importance qu'elle lui attribue dès lors que les documents produits permettent de se convaincre que le retard de 57 jours à fournir les sacs réclamés ne peut engager la responsabilité de la société Robust ;

Qu'il apparaît ainsi que leur fourniture, le 10 novembre 1995 (2 exemplaires de chaque sorte selon le compte rendu de chantier), permettait de réaliser les essais de pente nécessaires ;

Que d'ailleurs dans un courrier du 15 novembre 1996 M. [W] précité rassure la société Robust en ces termes : 'notre responsabilité sera engagée si ces mêmes sacs restent bloqués dans le descenseur' ;

Considérant encore que l'unique essai effectué dans l'usine anglaise en charge de la construction du matériel auquel ont assisté des représentants de la société Robust est intervenu bien après cette date, le 6 septembre 1996 ;

Qu'il a alors pu être constaté, malgré l'impossibilité de procéder aux branchements électriques nécessaires à la bonne exécution du test, les responsables anglais jugeant les armoires électriques non conformes à leurs exigences en matière de sécurité, que les sacs de sucre, poussés manuellement en haut de l'hélicoïde, se bloquaient avant l'arrimeur en raison de leur taille ce dont il résulte que le matériel n'était pas adapté à la dimension des sacs pourtant fournis au mois de novembre précédent ;

Considérant enfin que le 13 janvier 1997, la société Alstom classait elle-même le problème du coincement des sacs dans l'hélicoïde dans les 'non conformités par rapport aux demandes client' ;

Sur le poids du matériel

Considérant que le 13 février 1997 la société Alstom a reconnu avoir sous estimé le poids de l'hélicoïde et de l'arrimeur de 3 tonnes ;

Que cette erreur de calcul manifeste, non contestée par l'appelante, a entraîné des coûts importants dès lors qu'elle a nécessité, notamment, de renforcer la flèche, l'attache du câble sur le tambour du treuil de levage, le moteur ;

Et considérant que les pièces produites démontrent que la société Alstom a durci sa position lorsqu'elle a pris conscience du surcoût important du chantier ;

Qu'il apparaît ainsi qu'après avoir réalisé un certain nombre de travaux supplémentaires, certains induits par ses fautes dans la conduite du chantier mais d'autres sans rapport direct, comme l'ont souligné les experts, à l'évidence pour compenser, sur un terrain commercial, ses manquements manifestes, elle a adopté une position rigide sous l'impulsion de M. [K], désigné pour veiller à une stricte application du droit du contrat ;

Sur les prétentions de la société Cegelec au titre des travaux supplémentaires

Considérant que l'article 3 du marché dispose que 'les travaux pour la réalisation, la fourniture et l'installation des deux descenseurs seront exécutés pour le prix net global et forfaitaire HT et hors assurances de 26.576.000 F, ce prix rémunérant la totalité des travaux, même non détaillés dans le document du marché, qui seraient nécessaires à la réalisation complète de l'ouvrage et au parfait fonctionnement de l'installation' ;

Que l'article 6 ajoute : 'le prix est ferme, définitif et non révisable ni actualisable' ;

Considérant que pour solliciter la condamnation de la société Robust à lui payer la somme de 3.194.447 € au titre du surcoût des travaux la société Cegelec soutient en substance que les conditions d'application de l'article 1393 du code civil ne sont pas réunies, que l'indétermination des travaux ne permettait pas d'envisager un forfait contractuel et qu'en toute hypothèse le bouleversement de l'économie du marché permet de l'écarter ;

Considérant que la société Robust conclut au rejet de cette argumentation et précise que consciente du fait que les travaux supplémentaires étaient dus à son incurie, la société Alstom ne lui avait jamais réclamé de paiement complémentaire à la date de la réception et ne lui a adressé les factures correspondantes que le 5 octobre 1998, soit après le début de la présente procédure ;

Qu'elle observe encore que cette facturation est d'un montant comparable à sa propre réclamation ;

Considérant, sans qu'il soit besoin d'examiner l'application à la présente espèce des dispositions de l'article 1393 du code civil qui ne sont pas d'ordre public, que le contrat exclut toute possibilité de révision de prix et que le CCAG prévoit une procédure pour les travaux supplémentaires ;

Qu'il résulte en effet de l'article 2.3 de ce document qu'après la signature du marché... aucune modification ne peut intervenir sur l'une quelconque des clauses ;

Que l'article 2.4 ajoute : 'Toute modification tant sur la variation de la masse des travaux... devra faire l'objet d'un avenant, signé par les deux parties contractantes et spécifiant les modifications techniques ou financières apportées au marché de base' et précise qu'une pièce sera annexée à l'avenant qui décomposera un prix global ou mentionnera les prix unitaires ;

Considérant que la société Alstom connaissait cette procédure qu'elle n'a tenté de mettre en oeuvre qu'à une seule reprise, le 9 janvier 1996, en sollicitant un supplément de prix de 150.000 F pour un montage du tambour de levage de la flèche avec accouplement de type Tonoflex ;

Qu'aucun avenant n'a cependant été signé, face au refus de la société Robust ;

Considérant que la société Alstom ne saurait encore soutenir que l'article 3 du marché, qui dispose que le prix convenu rémunère la totalité des travaux, même non détaillés dans les documents du Marché qui seraient nécessaires à la réalisation complète de l'ouvrage et au parfait fonctionnement de l'installation, exclurait l'hypothèse d'un marché forfaitaire, lui permettant de soutenir que l'économie générale du contrat exclut l'existence de fourniture entièrement définie pour un prix convenu alors que ce texte se borne à rappeler les exigences liées à l'obligation de résultat et rappelées dans les contrats comme précisé ci-dessus ;

Considérant enfin que la société Alstom ne saurait conclure au bouleversement de l'économie du contrat pour exclure le forfait convenu ;

Considérant que ce tempérament jurisprudentiel a pour seule vocation de régir l'hypothèse d'un marché de travaux stipulé forfaitaire par application de la loi, pour rétablir un équilibre contractuel rompu par les exigences qu'une partie a pu, pour des raisons économiques, imposer à l'autre, qui ne correspond pas au contexte dans lequel s'inscrit ce litige ;

Considérant au surplus qu'il résulte du rapport d'expertise [N]/[I], qu'aucun élément technique ne vient contredire, que les travaux effectués par la société Alstom sur demande de la société Robust et ne visant pas à réparer ses insuffisances ou à satisfaire aux exigences contractuelles, dont il faut exclure le changement de moteur qui n'avait pas à être facturé à la société Robust dans la mesure où il était nécessaire pour atteindre le temps maximal de montée ou descente de la flèche fixé à 4mns par l'article 1.2.6 du CCTP, sont d'un montant de l'ordre de 150.000 €, somme qui n'est pas de nature à bouleverser l'économie d'un contrat de plus de quatre millions d'euros hors taxes ;

Considérant qu'il convient en conséquence, confirmant le jugement déféré, de débouter la société Alstom de cette demande ;

Sur la date de la réception

Considérant que si le dispositif des dernières conclusions de la société Alstom tend à l'infirmation du jugement, qui a fixé la réception de l'ouvrage au 30 septembre 1997, en toutes ses dispositions, l'appelante ne réitère pas devant la Cour sa demande tendant à retenir les dates du 1er et 27 avril 1997 ;

Considérant que l'article 6 du marché prévoyait une livraison le 15 octobre 1996 ;

Qu'il est constant qu'à compter d'avril 1997, l'exploitation des descenseurs a débuté, en mode dégradé, selon l'expression employée par les experts, et que les parties ont convenu d'une réception le 30 septembre 1997 ;

Considérant que cette date n'est pas utilement contestée par la société Alstom qui fait état d'une 'réception officielle' ;

Qu'il apparaît ainsi que la société Alstom n'a jamais sollicité qu'elle intervienne plus tôt et que le rapport d'expertise précise que l'existence d'un 'point bloquant' ne le permettait pas ;

Qu'enfin le titre 9 du CCTP prescrit, avant son intervention, un certain nombre d'essais sur le site, notamment pour contrôler les spécifications du cahier des charges et du marché ;

Considérant que c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu la date du 30 septembre 2007 ;

Sur les conséquences du retard

Considérant que l'article 6 du contrat traitant du délai d'exécution et des pénalités prévoit des pénalités équivalentes à 1/750ème du montant du marché par jour calendaire de retard dans la limite de 7% de son montant, présentées comme la seule sanction applicable à l'entrepreneur ;

Considérant qu'en l'espèce le retard imputable à la société Alstom a été fixé à 291,5 jours par le rapport d'expertise ;

Qu'il s'en déduit que la pénalité 'à la journée' dépasse très largement le plafond envisagé, d'un montant de 283.604 € ;

Considérant que pour prétendre obtenir une somme supérieure à 3 millions d'euros au titre du préjudice d'exploitation et de presque 2 millions au titre de son préjudice commercial et d'image ainsi que de celui subi par la société Ucacel, la société Robust demande à la Cour d'écarter cette clause limitative de responsabilité aux motifs que la société Alstom aurait commis, sinon une faute lourde, à tout le moins un manquement à son obligation essentielle ;

Considérant que pour admettre cette prétention, les premiers juges ont analysé comme une faute lourde la multiplication des erreurs et fautes commises par la société Alstom retenant que cette partie avait obtenu le marché en se présentant comme un professionnel ayant une parfaite maîtrise de la technologie à mettre en oeuvre pour réaliser le projet ;

Mais considérant qu'une faute lourde se définit comme un comportement d'une extrême gravité confinant au dol et dénotant l'inaptitude du débiteur de l'obligation à accomplir une mission qu'il a acceptée ;

Considérant qu'en l'espèce, s'il est manifeste que la société Alstom a surestimé ses compétences et manqué de rigueur dans la réalisation de ce chantier, son attitude ne saurait être constitutive d'une faute lourde au regard de la difficulté de sa mission et du fait qu'elle a livré un ouvrage jugé par les experts 'globalement conforme à la commande et (sans) erreur de conception globale... toutes les réserves ou non conformités pouvant être levées' ;

Considérant encore que même si la société Robust démontre l'importance qu'elle attachait à obtenir une livraison le 15 octobre 1996, précisant qu'une campagne sucrière débute chaque année en octobre pour s'achever en septembre, non seulement le marché n'impose pas à la société Alstom une obligation de résultat de ce chef, mais encore ne prévoit-il pas une indemnisation d'un tel manquement de sorte que l'intimée ne peut qualifier cette obligation d'essentielle ;

Et considérant que cette question a été débattue entre les parties dès lors d'une part que la commande du 29 août 1995 faisait référence à une garantie de résultat en terme de délais, disposition qui a disparu du marché, d'autre part que dans le cadre des discussions précédant la signature du contrat la société Robust exigeait encore, par un courrier du 20 octobre 1995, qu'au-delà d'un retard de quinze jours, le maître de l'ouvrage conserverait toutes ses possibilités de recours indépendamment des pénalités de retard elles mêmes, disposition qui ne se retrouve pas dans le marché, la société Alstom précisant ne pas l'avoir acceptée ;

Considérant enfin que l'intimée soutient encore que la seule clause limitative de responsabilité à prendre en compte serait celle figurant à l'article 11 ;

Mais considérant que le terme de 'dommage' employé par cet article, associé à celui de 'responsabilité' de l'entrepreneur ne vise pas l'ensemble des préjudices éventuellement subis par le maître d'ouvrage, notamment ceux liés au retard dans la livraison, objet d'une autre disposition (article 6) mais seulement l'hypothèse de dégâts matériels ou atteintes aux personnes ;

Que l'article 12 complète d'ailleurs cette disposition en précisant les assurances 'responsabilité civile' à souscrire par l'entreprise titulaire du marché, qui n'ont pas vocation à prendre en charge les conséquences d'un retard de livraison ;

Considérant ainsi que la société Robust ne peut être indemnisée qu'à hauteur du forfait convenu de 283.604 € ;

Sur les frais engagés par la société Robust en raison des fautes commises par la société Alstom

Considérant qu'il s'agit du seul préjudice indemnisable, la société Robust ne pouvant solliciter :

- parce qu'ils sont exclusivement liés au retard pris forfaitairement indemnisé à hauteur des 283.604 € précités :

* le préjudice d'exploitation avant réception, soit 3.014.815 € lié au retard du

chantier (c.1.12 du dispositif de ses écritures),

* le préjudice financier de 175.832,10 € (c.1.13),

- en raison du refus d'évocation, des préjudices nés après réception (c.2.1.14, c2.1.15,c2.1.16) ;

Considérant ainsi que son préjudice correspond au §c.1.11 de son dispositif, développé dans le § C1.225 de ses motifs intitulé 'Les coûts supplémentaires directs du chantier' ;

Considérant que la société Robust sollicite à ce titre la somme de 384.382 € se décomposant comme suit :

- 91.805 € représentant le coût supplémentaire du contrôle APAVE,

- 2.470 € correspondant aux dépenses d'énergie,

- 6.503 € au titre de la prorogation de sa police 'tous risques chantiers',

- 283.604 €, montant de l'indemnisation contractuelle forfaitaire ;

Considérant qu'il est démontré par les pièces produites que les erreurs de la société Alstom ont entraîné une majoration, par la société APAVE, de la facturation de ses contrôles ;

Considérant que les experts ont retenu la somme de 18.598 € qui correspond au montant demandé dans le contrat initial ;

Mais considérant que la société Robust verse aux débats la facture émise par le bureau de contrôle concernant les travaux supplémentaires réalisés ;

Qu'au titre des vacations supplémentaires d'août et septembre, l'APAVE a facturé 66.500 F hors taxes (HT) soit 10.137,86 € ;

Que pour la période du 1er juillet au 30 novembre de la même année, elle a facturé 280,25 heures au prix unitaire de 400 F ;

Que la Cour n'étant pas saisie des difficultés postérieures à la réception, il convient de soustraire les heures effectuées après le 30 septembre soit 87,25 heures ;

Que le nombre d'heures de travail facturé jusqu'à cette date est ainsi de 193 soit un total de 77.200 F ou 11.769,06 € et un total général de 21.906,92 € HT qu'il convient d'allouer à la société Robust ;

Considérant que l'énergie supplémentaire consommée a été admise par les experts à la somme demandée qui sera admise ;

Considérant que la somme demandée concerne la police souscrite pendant la phase d'exploitation en mode dégradé ;

Que cette dépense ne peut être admise, les experts relevant à bon droit que la solution adoptée par les parties à compter du 1er avril 1997 consistant à tester le matériel en démarrant l'activité commerciale de chargement des bateaux était, sinon contractuelle, le chantier ne pouvant être mis à la disposition du maître de l'ouvrage avant réception que pour les besoins des autres marchés souscrits, à tout le moins de bon sens dès lors qu'elle limitait les pertes d'exploitation de la société Robust tout en évitant à la société Alstom de louer un ponton pour réaliser les essais que lui imposait le contrat ;

Et considérant que l'article 7.7 du CCAG prévoit, en cas de prise de possession par le maître d'ouvrage de partie de la construction, qu'il souscrive les assurances nécessaires couvrant son personnel et les ouvrages et installations qu'il exploite... de sorte que cette charge n'a pas à être supportée par la société Alstom ;

Considérant ainsi qu'il sera alloué à l'intimée la somme de 24.376,92 € au titre des coûts supplémentaires de chantier ;

Que cette créance portera intérêts au taux légal à compter du 19 mai 1998 ;

Sur les demandes de la société Alstom

Considérant qu'il a été précisé :

- que le paiement de la retenue de 10% ne pouvait être ordonnée dans le cadre de cette instance, la Cour n'étant pas appelée à se prononcer sur la levée des réserves qui conditionnent le paiement,

- que la société Alstom ne pouvait prétendre au paiement des travaux supplémentaires réalisés en l'absence d'avenant contractuel (points 1.1. et 1.2. de ses conclusions) ;

Considérant qu'elle sollicite encore :

- §1.3.1 le coût de l'exploitation commerciale en mode dégradé,

- § 1.3.2 le coût des retards et modifications imposées par Robust,

- § 1.4, 1.500.000 € de dommages intérêts au titre,

* de son équilibre financier, compromis par ce chantier,

* de son préjudice commercial lié à l'impossibilité de retrouver un autre marché de cette nature ;

Sur le coût de l'exploitation commerciale en mode dégradé

Considérant qu'il a été précisé que cette solution pragmatique a été arrêtée d'un commun accord entre les parties ;

Considérant par ailleurs qu'un certain nombre d'essais incombaient à l'entreprise qui avaient un coût dont l'appelante ne démontre pas qu'il aurait été moindre que celui effectivement exposé ;

Considérant enfin que la société Alstom a, pendant cette période transitoire, remédié à ses différentes erreurs et que l'ouvrage ne pouvait être réceptionné avant cette action corrective ;

Considérant en conséquence que sa demande d'indemnisation n'est pas fondée et qu'il convient de la rejeter ;

Sur le coût des retards et modifications imposées par la société Robust

Considérant que les modifications demandées par la société Robust et réalisées par la société Alstom ont retardé le chantier ;

Que le travail et les essais du constructeur sur un des descenseurs pendant que l'autre faisait l'objet d'une exploitation commerciale ont également retardé la livraison de l'ouvrage ;

Mais considérant que la société Alstom ayant accepté aussi bien les commandes complémentaires que le principe d'une exploitation de l'ouvrage, en mode dégradé, avant réception, il n'y a pas lieu d'accueillir sa demande étant encore observé que le retard imputable à la société Robust n'est, aux termes du rapport d'expertise, que de 50 jours, de sorte qu'il est sans incidence sur le montant des pénalités dues par la société Alstom pour ses 9 mois et 17 jours de retard, plafonnées selon les modalités précédemment exposées ;

Sur la demande de dommages intérêts

Considérant qu'il est constant que le chantier a été déficitaire pour la société Alstom et qu'à supposer qu'il ait existé depuis 1995 d'autres appels d'offres pour la construction de descenseurs à sacs de sucre, il peut être admis qu'elle n'aurait peut-être pas été retenue ;

Mais considérant qu'elle est entièrement responsable de cet état de fait dont elle doit supporter les conséquences ;

Considérant que l'ensemble de ce dossier démontre suffisamment qu'elle disposait des compétences nécessaires à la réalisation de l'ouvrage mais qu'elle a conduit ce chantier avec une légèreté blâmable ;

Considérant que son aptitude à produire l'ouvrage complexe qui lui a été commandé résulte des conclusions des experts aux termes desquelles l'ouvrage livré est globalement conforme et que toutes les réserves peuvent être levées ;

Considérant que l'épisode lié à la dimension des sacs à sucre démontre du manque de sérieux dans la direction du projet et que l'erreur commise sur le poids des structures ne peut être admise pour une entreprise appartenant à un groupe de renommée mondiale ;

Considérant ainsi qu'il résulte des comptes-rendus de chantier qu'il a fallu attendre le 13 février 1997, soit après la livraison sur le site, pour que la société Alstom s'aperçoive d'une sous estimation de 3 tonnes du poids sur les structures de l'hélicoïde et de l'arrimeur par rapport à la note de calcul et que les principaux retards sont liés à cette erreur d'origine qui a entraîné :

- le remplacement des treuils de l'hélicoïde,

- la pose de renforts sur,

* la structure du portique,

* la flèche,

* la liaison flèche-portique,

travaux qui n'ont démarré que le 13 mars 1997 ;

Et considérant que le fonctionnement en mode dégradé est principalement imputable à la nécessité de procéder à ses travaux, le dispositif ne pouvant fonctionner, jusqu'à leur réalisation, qu'avec un gabarit provisoire (ne correspondant pas à la commande de la société Robust) ;

Considérant en conséquence que la société Alstom sera déboutée de cette demande ;

Sur la demande en restitution des sommes perçues par l'intimée dans le cadre de l'exécution provisoire

Considérant que le présent arrêt, infirmatif du jugement déféré, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution de ce jugement, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de l'appelant formée à ce titre ;

Sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Considérant que les problèmes affectant le chantier litigieux justifiaient que la société Robust prenne l'initiative de la procédure et qu'il convient de confirmer la décision des premiers juges concernant les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Considérant que chaque partie succombant partiellement en cause d'appel, il ne sera pas fait application de ce texte devant la Cour ;

Que les dépens seront cependant supportés par la société Cegelec, venant aux droits de la société Alstom dont les manquements sont à l'origine de la procédure ;

PAR CES MOTIFS

Vu l'arrêt du 21 juin 2001 confirmant la validité du marché 15/1.09.95 et son application aux relations entre les parties ;

Vu les conclusions des parties tendant à ce que la Cour n'évoque pas les demandes liées aux garanties contractuelles, de parfait achèvement, à la levée des réserves et à la retenue de garantie ;

Réforme le jugement entrepris du chef des condamnations prononcées au profit de la société Robust ;

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne la société Cegelec Services à payer à la société Robust les sommes de :

- 283.604 € au titre des pénalités de retard,

- 24.376,92 € au titre des coûts supplémentaires de chantier,

ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du 19 mai 1998 ;

Rejette toute autre demande de condamnation ;

Confirme pour le surplus, notamment, sur l'existence d'un prix forfaitaire, la date de réception, l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, les dispositions du jugement non contraires au présent arrêt ;

Condamne la société Cegelec Services aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Le Greffier Le Conseiller, Faisant Fonction de Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 09/22511
Date de la décision : 26/04/2013

Références :

Cour d'appel de Paris J2, arrêt n°09/22511 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-04-26;09.22511 ?
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