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26/04/2013 | FRANCE | N°11/18131

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 11, 26 avril 2013, 11/18131


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS







Pôle 5 - Chambre 11









ARRET DU 26 AVRIL 2013



(n°125, 7 pages)









Numéro d'inscription au répertoire général : 11/18131





Décision déférée à la Cour : jugement du 26 septembre 2011 - Tribunal de commerce de PARIS - 13ème chambre - RG n°2010027095







APPELANTS



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M. [O] [I]

[Adresse 1]

[Localité 1]



S.A.R.L. JCLD PRINT, agissant en la personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 1]

[Localité 1]



Représentés par la SCP JEANNE BAECHLIN (Me Jeanne BAECHLIN), ...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 11

ARRET DU 26 AVRIL 2013

(n°125, 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/18131

Décision déférée à la Cour : jugement du 26 septembre 2011 - Tribunal de commerce de PARIS - 13ème chambre - RG n°2010027095

APPELANTS

M. [O] [I]

[Adresse 1]

[Localité 1]

S.A.R.L. JCLD PRINT, agissant en la personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentés par la SCP JEANNE BAECHLIN (Me Jeanne BAECHLIN), avocat au barreau de PARIS, toque L 0034

Assistés de Me Hélène BORNSTEIN, avocat au barreau de PARIS, toque B 687

INTIMEE

S.A. [M], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 4]

[Adresse 3]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque L 18

Assistée de Me Axel-Nicolas CHOQUET plaidant pour le Cabinet REEDSMITH et substituant Me Benoît CHAROT, avocat au barreau de PARIS, toque J 097

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 mars 2013, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Françoise CHANDELON, Conseiller, Faisant Fonction de Président, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport

Mme Françoise CHANDELON a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Françoise CHANDELON, Conseiller, Faisant Fonction de Président

Mme Dominique SAINT-SCHROEDER, Conseiller

Mme Sonia LION, Vice-Président Placé

Greffier lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile

Signé par Mme Françoise CHANDELON, Conseiller, Faisant Fonction de Président, et par Mme Carole TREJAUT, Greffier, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

En octobre 2006 la société [M], a, à la suite d'un appel d'offres, confié à la société Come Back Graphic Associés, qui travaille dans le domaine de la publicité et de l'édition, la réalisation de ses catalogues, publi-promotions et PLV à compter du 1er novembre 2006 et pour une durée de trois ans renouvelable par tacite reconduction à défaut de dénonciation six mois avant l'échéance du terme.

Par contrat du 16 juillet 2007, la société Come Back Graphic Associés a signé avec la société JCLD Print, dirigée par M. [O] [I], un contrat d'assistance technique.

Le 30 juin 2009, la société [M], a notifié à la société Come Back Graphic Associés qu'elle mettait fin à leur collaboration avec un préavis expirant les 31 octobre et 31 décembre suivant.

M. [I], qui travaille sur le catalogue [M] depuis l'année 1969 et la société JCLD Print, dont il est le dirigeant, qui précise n'avoir été créée que pour favoriser la poursuite de cette mission, s'estimant victimes d'une rupture de relations commerciales établies au sens de l'article L442-6-I-5° du code de commerce ont engagé la présente procédure le 6 avril 2010.

Par jugement du 28 septembre 2011, le tribunal de commerce de Paris les a déboutés de leurs demandes et les a condamnés au paiement d'une indemnité de 10.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 10 octobre 2011, la société JCLD Print et M. [I] ont interjeté appel de cette décision.

Dans leurs dernières écritures, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, déposées le 18 avril 2012 , la société JCLD Print et M. [I] demandent à la Cour de :

- infirmer le jugement,

- condamner la société [M] à verser,

* 260.000 € de dommages-intérêts à la société JCLD Print au titre de son préjudice financier,

* 40.000 € de dommages-intérêts à M. [I] au titre de son préjudice moral,

* 15.000 € aux appelants en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, déposées le 7 juin 2012, la société [M] demande à la Cour de :

- confirmer le jugement,

- condamner in solidum la société JCLD Print et M. [I] au paiement d'une indemnité de 25.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

CELA ETANT EXPOSE,

LA COUR,

Considérant qu'il résulte des pièces produites que M. [U] [M], créateur de la société intimée, confiait, dans les années 1960, l'édition de son catalogue à un imprimeur, la société UCI, qui n'avait aucun personnel autre que son dirigeant ;

Que sur la suggestion de la société [M], unique client de l'entreprise, M. [I], typographe, a été embauché en 1969 par cette société, dont il rachètera les parts en 1972 ;

Considérant qu'un contrat écrit était rédigé le 1er janvier 1997 dont l'article 11 précisait qu'il était conclu intuitu personae, en considération de la personne de son dirigeant, M. [I] ;

Qu'il était stipulé résiliable sans préavis ou indemnité si ce dernier perdait cette qualité sauf dans l'hypothèse où (il) resterait maître d'oeuvre des activités [M] ;

Considérant que pour les besoins du développement du catalogue [M], édité deux à trois fois par an à plusieurs millions d'exemplaires, la société UCI se rapprochait de la société Mundocom, filiale du Groupe Publicis qui rachetait les parts sociales de M. [I], qu'elle engageait comme Directeur Général adjoint ;

Que la société [M] contractait, dans les années 2000, avec la société Mundocom pour, selon une interview donnée par un de ses responsables, poursuivre sa collaboration, qualifiée 'd'historique', avec M. [I] ;

Considérant qu'en juillet 2006, la société [M] a diffusé un appel d'offres pour la réalisation de son catalogue et sélectionné la société Come Back Graphic Associés avec qui elle a conclu, en octobre 2006, une convention de collaboration ;

Que M. [I] a pour sa part quitté la société Mundocom dans le courant de l'année 2007 ;

Considérant que la société JCLD Print a débuté son activité le 28 mai 2007 et que son chiffre d'affaires provenait principalement des sommes perçues au titre du contrat d'assistance technique conclu avec la société Come Back Graphic Associés ;

Que les prestations confiées étaient détaillées dans un article 2 subdivisé en 10 points et concernaient exclusivement le suivi de la fabrication des catalogues [M] ;

Que le préambule de ce contrat dispose '...le client final a demandé à Come Back d'avoir recours... aux Services du prestataire, ce dernier justifiant d'une connaissance particulièrement aigue des productions [M] pour les avoir suivis pendant de nombreuses années...' ;

Qu'il prévoit encore, en son article VII que sa durée viendra à expiration avec celle de l'accord de collaboration avec le client final ;

Considérant que M. [I] précise, sans être démenti, qu'il a été averti par un appel téléphonique d'octobre 2009 qu'il ne serait plus appelé à collaborer à la fabrication du catalogue [M] ;

Sur la demande de la société JCLD Print

Considérant que la Cour ne pouvant prendre en compte que le dispositif des écritures, cette demande est limitée à 260.000 € au titre du préjudice financier à l'exclusion du dommage moral invoqué dans le corps des conclusions ;

Considérant qu'au soutien de cette prétention, la société JCLD Print explique qu'elle aurait dû bénéficier d'un préavis de 48 mois et que le chiffre d'affaires dégagé du contrat la liant à la société Come Back Graphic Associés s'est élevé à :

- 18.119 € en 2007, pour les six mois de l'année concernée,

- 47.379 € en 2008,

- 86.240 € en 2009 ;

Qu'il apparaît ainsi que la somme réclamée correspond à un peu plus de la moyenne du chiffre d'affaires réalisé grâce aux commandes de la société [M] sur ces trois années ;

Considérant qu'il sera observé en premier lieu que cette demande n'est pas admissible en son quantum, le préjudice subi par la victime d'une rupture brutale de relations commerciales étant limité à la perte de la marge brute attendue de la prestation, pendant la période de préavis, qu'il lui appartient de justifier ;

Considérant surtout que les appelants ne peuvent à la fois suggérer dans leurs conclusions que la société JCLD Print est une coquille vide créée pour les seuls besoins de la facturation du travail de M. [I] et soutenir qu'elle serait victime d'une rupture brutale de relations commerciales établies au sens de l'article L 442-6-I-5° du code de commerce ;

Et considérant que la société [M] soutient à bon droit qu'elle n'a aucune relation avec cette entité, créée en 2007 non pour reprendre des contrats successivement détenus par les sociétés UCI, Mundocom et Come Back Graphic Associés mais pour apporter une sorte de soutien logistique aux prestations confiées à M. [I] ;

Qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société JCLD Print de ses demandes ;

Considérant que l'équité ne commande pas l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Sur les demandes de M. [I]

Considérant que pour s'y opposer, la société [M] adopte la même argumentation que celle développée pour voir rejeter les demandes de la société JCLD Print à savoir son absence de liens d'affaires directs avec M. [I], qui ne vient pas aux droits de ses anciens prestataires ;

Considérant qu'elle rappelle que sa partenaire, de novembre 2006 en fin d'année 2009 était la société Come Back Graphic Associés, qui n'a pas contesté la résiliation notifiée le 30 juin 2009, participant même à son nouvel appel d'offres lancé en juillet de la même année ;

Considérant que par la généralité de l'expression employée, l'existence d'une relation commerciale établie, l'article L 442-6-I-5° du code de commerce vise un rapport économique, entre, d'une part, tout commerçant, d'autre part tout prestataire de service, comme en l'espèce, ou fournisseur de biens ;

Que contrairement à ce que soutient la société [M], ce texte n'exige pas qu'il existe un lien direct entre le commerçant à l'origine de la rupture et l'agent économique qui s'en prétend victime ;

Que l'emploi de l'adjectif 'établie' suppose l'existence d'un courant d'affaires stable, d'une certaine intensité, portant sur un objet spécifique, traduisant un savoir faire du partenaire pour satisfaire aux besoins de son client lui permettant d'anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires ;

Qu'il résulte enfin de l'intitulé de la loi Galland, à l'origine de la disposition précitée, que la référence à la brutalité de la rupture, qui engage la responsabilité de son auteur, répond à une exigence de loyauté dont le législateur a estimé qu'elle devait régir les relations commerciales ainsi réglementées ;

Considérant qu'en l'espèce, les pièces produites démontrent que M. [I] a consacré toute sa vie professionnelle à la confection du catalogue [M] et a tiré l'essentiel de ses revenus de cette activité ;

Qu'il a su s'adapter à la progression des technologies, les premières éditions étant composées en lypo/linotypie en 1969, en photocomposition en 1972 puis en PAO sur ordinateur en 1989 ;

Que de quelques feuillets à l'origine le catalogue est passé, dans les dernières années, à un ouvrage, pour la France, de 1500 pages dans deux catalogues déclinés sous trois versions différentes ;

Que d'autres catalogues ont été encore édités pour être diffusés en Suisse, en Belgique, aux Antilles et à la Réunion ;

Considérant que la confiance accordée par la société [M] à M. [I] est démontrée par les pièces produites ;

Que le contrat précité du 1er janvier 1997 n'a été conclu avec la société UCI que parce qu'il en était le dirigeant ;

Qu'il apparaît encore que la société Mundocom, filiale du groupe Publicis ne s'est intéressée à la société UCI que pour bénéficier de la clientèle de la société [M] et a embauché M. [I] à un poste de direction pour la conserver ;

Qu'enfin, après avoir décidé de procéder par appel d'offres, la société [M] a encore imposé au titulaire du marché la présence de M. [I], comme le rappelle le préambule du contrat du 16 juillet 2007 dont les termes sont rappelés ci-dessus ;

Considérant que la société [M] qui dénie aujourd'hui l'existence de liens directs avec M. [I] lui adressait, le 14 mai 2007, soit avant tout démarrage de l'activité de la société JCLD Print, un courriel précisant la prestation qu'elle souhaitait le voir réaliser en collaboration avec COME BACK ;

Que cette prestation était déclinée en 10 points de mission repris presque mot pour mot dans le contrat du 16 juillet 2007 ;

Que M. [I] était encore invité à rencontrer et valider avec COME BACK le détail des prestations attendues par [M] ;

Considérant qu'elle produit encore un bon de commande daté du 18 juillet 2008 portant sur une ré-édition du catalogue BEST OF '[M] la maison' adressé à la société Come Back Graphic Associés mais qui précise être à l'attention de quatre personnes physiques, parmi lesquelles, M. [I] ;

Considérant enfin que ce dernier justifie qu'il travaillait dans les locaux de la société [M] et s'adressait à ses fournisseurs sur le papier à en-tête de cette dernière ;

Considérant que l'ensemble de ces éléments démontre que M. [I] avait une relation commerciale établie avec la société [M], peu important qu'il l'ait entretenu comme salarié, dirigeant de son cocontractant ou dirigeant d'une entreprise sous traitante de celui-ci ;

Considérant que M. [I] n'a pas été informé du courrier de résiliation du 30 juin 2009 et qu'il a appris par téléphone, le 9 octobre suivant, qu'il était évincé de la fabrication des catalogues ;

Qu'il manifestait sa surprise par courriel du même jour, proposant de travailler avec le nouveau prestataire de la société ;

Qu'une réponse lui était apportée par courriel du 23 octobre lui signifiant en substance que la société [M] n'avait plus de lien avec sa société depuis plusieurs années et qu'elle n'avait de compte à rendre qu'à la société Come Back Graphic Associés vers qui elle l'incitait à se retourner pour avoir d'autres missions ;

Considérant qu'au regard de la durée des relations, du rôle joué par M. [I], qui a assuré la maîtrise d'oeuvre des catalogues pendant quarante ans et pouvait estimer que cette mission perdurerait jusqu'à sa retraite (il était âgé de 62 ans en 2009), la rupture des relations par téléphone sans la moindre explication sur le refus implicite de l'impliquer dans le cadre du nouveau marché, alors que la société [M] a suffisamment démontré que ses partenaires ne pouvaient refuser une telle demande, est abusive au sens du texte précité justifiant, à hauteur de la demande, la réclamation de M. [I] au titre du préjudice moral induit par cette attitude ;

Considérant que le jugement sera en conséquence infirmé et la société [M] condamnée à verser à M. [I] une indemnité de 10.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société JCLD Print de ses demandes ;

L'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau ;

Condamne la société [M] à payer à M. [I] la somme de 40.000 € de dommages-intérêts et celle de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne la société [M] aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Conseiller, Faisant Fonction de Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 11/18131
Date de la décision : 26/04/2013

Références :

Cour d'appel de Paris J2, arrêt n°11/18131 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-04-26;11.18131 ?
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