La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/06/2013 | FRANCE | N°11/05848

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 18 juin 2013, 11/05848


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 18 JUIN 2013



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/05848



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Mai 2011 par Conseil de prud'hommes de PARIS RG n° 08/11889





APPELANT

Monsieur [E] [C]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Pierre ESPLAS, avocat au barreau de TOULOUSE






<

br>INTIMEE

SA GAN ASSURANCES

Siège social sis Département des ressources humaines niveau R+3

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Rudy JOURDAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0107







COMPO...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 18 JUIN 2013

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/05848

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Mai 2011 par Conseil de prud'hommes de PARIS RG n° 08/11889

APPELANT

Monsieur [E] [C]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Pierre ESPLAS, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

SA GAN ASSURANCES

Siège social sis Département des ressources humaines niveau R+3

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Rudy JOURDAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0107

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Février 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Guy POILÂNE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Bernadette LE GARS, Présidente

Monsieur Guy POILÂNE, Conseiller

Madame Caroline PARANT, Conseillère

Greffier : Mademoiselle Claire CHESNEAU, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Madame Marie-Bernadette LE GARS, Présidente et par Mademoiselle Nora YOUSFI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

[E] [C] a été engagé par la société GAN ASSURANCES, le 1er décembre 2004, en qualité de chargé de missions sur le marché ' vie', suivant un contrat de travail à durée indéterminée.

Il est titularisé dans ses fonctions le 1er juillet 2006.

Son activité est rattachée à une agence GALOIN et constituée par la gestion trois portefeuilles 'vie' appartenant à cette agence.

Une opération ( ' ESPRIT DE FAMILLE' ) de lancement d'un nouveau produit dénommé ' GAN ACTIVE' a été mise en place fin 2006.

La directrice des ressources humaines relevant, sur le bulletin de salaire, un rappel de commissionnement excessif perçu par le salarié en avril 2008 ( 3 215 € ) en rapport avec cette opération close en mars 2007, va diligenter deux audits internes à l'agence GALOIN (les 27 mai et 3 juin 2008 ).

Par lettre du 5 mai 2008, [E] [C] est convoqué à un entretien préalable à son éventuel licenciement fixé au 21 mai 2008.

Le Conseil paritaire prévu par les dispositions conventionnelles va se réunir le 9 juin 2008.

Suivant une lettre recommandée avec avis de réception du 18 juin 2008, [E] [C] est licencié, pour cause réelle et sérieuse, avec des motifs ainsi énoncés :

' Vous avez perçu au mois d'avril 2008 un complément de commissions au titre de la réalisation de contrats Gan Active Prévoyance à effet des mois de janvier et février 2007.

L'importance de ce complément de commission par rapport au montant moyen perçu par l'ensemble des chargés de missions, a conduit les services de gestion à examiner en détail l'ensemble de votre production.

Constatant alors un certain nombre d'anomalies , vous avez été reçu le 18 avril 2008 par M. [J] [W], responsable développement de la Région PARIS CENTRE PICARDIE . Lors de cet entretien , vous n'avez pas été en mesure d'apporter de réelles explications quant aux anomalies relevées.

M. [J] [W] a alors été contraint de saisir le Service du contrôle interne-déontologie du Siège afin qu'une enquête plus approfondie soit diligentée sur la qualité de votre souscription.

En effet, la quasi-totalité de vos contrats a été conclue dans des conditions identiques, tant en termes de montant de prime ( 20 € ) , de durée ( 1 an ) et de capitaux garantis ( 7 000 €).

Surtout, plus de la moitié de ces contrats ont été réglés par vos soins via un prélèvement sur votre compte bancaire ou sur celui de votre compagne, Mlle [G].

Enfin, un nombre important de contrats ont été saisis informatiquement puis annulés par vos soins, dans les jours qui suivent.

Lors de l'entretien préalable du 21 mai 2008, vous ne nous avez apporté aucune explication cohérente et recevable, vous contentant de nous remettre une chemise contenant treize dossiers et affirmant que ces documents prouvaient la réalité de votre production et la conformité de votre souscription.

Or, l'analyse des ces documents n'a fait que confirmer les anomalies déjà constatées par le service du Contrôle interne-déontologie , caractérisant des pratiques pour le moins inadmissibles.

En définitive, l'analyse de vos contrats et les anomalies constatées démontrent incontestablement que vous avez vous-même souscrit des contrats pour le compte de personnes tierces , insuffisamment identifiées à la signature du contrat, compte tenu des informations pour le moins lapidaires mentionnées sur les propositions.

De telles pratiques ne sauraient être tolérées, d'autant qu'elles portent incontestablement atteinte à l'image de notre société qui entend diffuser un service de haute qualité.'

Contestant le bien-fondé de ce licenciement, [E] [C] va saisir la juridiction prud'homale, le 4 octobre 2008, de diverses demandes.

Par jugement contradictoire et de départage du 25 mai 2011, le conseil de prud'hommes de Paris a rejeté l'ensemble des demandes des parties.

Appel de cette décision a été interjeté par [E] [C] , suivant une lettre recommandée expédiée le 14 juin 2011 au greffe de la cour.

Par des conclusions visées le 11 février 2013 puis soutenues oralement à l'audience, [E] [C] demande à la cour de réformer le jugement déféré ; en conséquence, de condamner la société GAN ASSURANCES au paiement de la somme de 100 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, outre l'octroi de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 quant à la prise en charge des frais de l'exécution forcée éventuelle de la décision.

Par des conclusions visées le 11 février 2013 puis soutenues oralement à l'audience, la société GAN ASSURANCES SA demande à la cour de dire et juger que le licenciement est parfaitement justifié ; en conséquence, de confirmer le jugement déféré et de débouter [E] [C] de l'intégralité de ses demandes, outre l'octroi de la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION :

La cour constate qu'en dépit de la longue analyse faite par la société GAN ASSURANCES SA pour écarter, selon ses termes, toute ' problématique de prescription' quant aux faits retenus pour justifier le licenciement, il convient néanmoins, après le premier juge, de vérifier de quelle manière l'employeur a eu connaissance des faits reprochés à [E] [C] sous l'angle des dispositions de l'article L.1332-4 du code du travail afin de déterminer précisément le point de départ de cette prescription éventuelle.

Il y a lieu de rappeler que l'appelant est un salarié expérimenté dans la fonction de chargé de missions dans le secteur 'vie'au sein de GAN ASSURANCES et qu'il a exercé pour le compte de l'agence GALOIN depuis juillet 2006, après avoir été stagiaire depuis son embauche, le 1er décembre 2004. Dans le cadre de cette activité, il est constant que [E] [C] est soumis légitimement à de multiples contrôles hiérarchiques, notamment, au premier chef, de son inspecteur commercial ( M. [R] ).

Il est essentiel de replacer chronologiquement les faits aujourd'hui reprochés dans la lettre de licenciement et de les situer dans le cadre de l'opération dénommée ' ESPRIT DE FAMILLE' dont le dossier révèle qu'elle a pris fin, comme prévu, le 1er mars 2007. La société GAN ASSURANCES SA relève d'ailleurs , dans ses conclusions d'appel que, l'attention avait été éveillée, au niveau hiérarchique supérieur ( M. [J] ), au vu des demandes excessives d'avances sur les commissions relatives à cette opération, présentées officiellement par [E] [C] à cette époque, du service chargé de les payer qui ne parvenait pas - techniquement- à lui verser en raison d'un changement de système de traitement ( voir le compte-rendu de la réunion du Conseil de discipline conventionnel),. Devant cette difficulté, le salarié a adressé un état détaillé des contrats souscrits qu'il a joint à un courriel du 6 février 2007 ( pièce 3 appelant ) adressé à son supérieur hiérarchique M. [R] , inspecteur commercial, avec une demande d'avance minimum de 50 € par dossier en le remerciant ' d'en effectuer le règlement par tiers aux mois de février, mars et avril 2007". Le nécessaire a été fait avec le concours des services comptables de l'échelon compétent de la 'Région' qui ont validé cette demande dont il devait naturellement se préoccuper, à la suite, de la parfaire dans des délais proches en soldant ces commissions, la vérification étant nécessairement en cours dès cette date. La société GAN ne renseigne cependant pas la cour sur le déroulement de ce processus comptable et sur la date précise à laquelle il a été finalisé alors qu'elle laisse entendre qu'il a suscité, d'une manière récurrente, depuis la première demande, la constatation de son caractère 'excessif' ( lié au quantum des contrats en rapport avec les avances ) dans le cours du premier trimestre 2008, cette position étant adoptée manifestement pour les besoins de sa procédure disciplinaire tardive. La cour se doit cependant de constater qu'à ce stade ( mars 2007, fin de l'opération ' esprit de famille' ), l'employeur avait tous les éléments en sa possession et l'opération considérée était close, sauf à solder à bref délai les commissions afférentes. La cour constate que cette clôture de l'opération précède de plus d'un an le déclenchement d'une enquête interne initiée par une hiérarchie qui disposaient d'ores et déjà de l'ensemble des éléments d'appréciation de diverses ' anomalies' qui l'ont amené à réagir avec retard sur le plan des mesures disciplinaires à envisager éventuellement par une convocation à entretien préalable du 5 mai 2008, au prétexte d'une demande contestable, présentée par le salarié, d'un solde de commissions relatif à l'opération litigieuse. Force est de constater que les faits visés par la lettre de licenciement , sous couvert d'enquêtes internes effectuées unilatéralement et remise le 30 avril 2008, ce rapport ne pouvant justifier d'une prise de connaissance de faits remontant à plus d'une année. Dès lors, c'est à tort que le premier juge a écarté le moyen tiré de la prescription des faits reprochés à [E] [C] par la lettre de rupture , la cour constatant que ceux-ci sont prescrits en application des dispositions de l'article L. 1332-4 du code du travail, le licenciement étant déclaré, de ce fait, sans cause réelle et sérieuse par voie de réformation du jugement entrepris.

Sur l'indemnisation du licenciement illégitime :

Il est réclamé à ce titre par [E] [C] une somme de 100 000 € de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail.

L'employeur conclut au rejet de cette demande, sans faire d'offre subsidiaire,

La cour relève que l'appelant présentait une ancienneté de 3 ans et dix mois et était âgé de 39 ans lors du licenciement. Il explique avoir retrouvé un emploi dès le 7 octobre 2008 en qualité de mandataire indépendant, pour le compte d'une société ASSURANCES DIRECT. En février 2010, il a racheté deux portefeuilles d'assurances auprès de la société SWISS LIFE , ce qui l'a amené à s'endetter lourdement. Les circonstances de la rupture ont revêtu un caractère péjoratif pour [E] [C] dont il est admis que la carrière au sein de GAN ASSURANCES n'a suscité, hormis ce présent litige à connotation brusque et anormalement unilatérale, aucune critique mais au contraire une progression remarquable. En conséquence, il y a lieu d'allouer à [E] [C] la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme la décision entreprise en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau,

Condamne la société GAN ASSURANCES SA à payer à [E] [C] la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail, outre les intérêts au taux légal à compter du prononcé de cet arrêt,

Ajoutant,

Ordonne le remboursement par la société GAN ASSURANCES SA à Pôle Emploi des sommes versées par cet organisme au titre du chômage à [E] [C] depuis la rupture et dans la limite de six mois, en application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société GAN ASSURANCE SA à payer à [E] [C] la somme de 2 000 €,

Laisse les dépens de la procédure à la charge de la société GAN ASSURANCES SA, sans qu'il y ait lieu de faire application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 au bénéfice de l'appelant en cas d'exécution forcée de la présente décision.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 11/05848
Date de la décision : 18/06/2013

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°11/05848 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-06-18;11.05848 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award