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19/06/2013 | FRANCE | N°11/09526

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 19 juin 2013, 11/09526


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 19 Juin 2013

(n° 6 , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/09526-CR



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Avril 2011 par Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° 09/13863





APPELANT

Monsieur [F] [M]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représenté par Me Laure VALLET,

avocat au barreau de PARIS, toque : P0275







INTIMÉE

SAS P.G.A. MOTORS

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Jean-Jacques PAGOT, avocat au barreau de POITIERS







COMPOS...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 19 Juin 2013

(n° 6 , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/09526-CR

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Avril 2011 par Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° 09/13863

APPELANT

Monsieur [F] [M]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représenté par Me Laure VALLET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0275

INTIMÉE

SAS P.G.A. MOTORS

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Jean-Jacques PAGOT, avocat au barreau de POITIERS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Mai 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Claudine ROYER, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, Présidente

Madame Laurence GUIBERT, Vice-présidente placée par ordonnance de Monsieur le Premier Président rendue le 21 mars 2013

Madame Claudine ROYER, Conseillère

Greffier : Mme Nora YOUSFI, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, Présidente et par Madame Evelyne MUDRY, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

Par jugement du 8 avril 2011 auquel la Cour se réfère pour l'exposé des faits, de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de PARIS a :

- débouté Monsieur [F] [M] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens,

- débouté la société PGA MOTORS de sa demande reconventionnelle.

Monsieur [F] [M] a relevé appel de ce jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour le 16 septembre 2011.

Vu l'ordonnance du 30 Janvier 2012 disant n'y avoir lieu à fixation prioritaire ;

Vu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile et les conclusions des parties régulièrement communiquées, oralement soutenues et visées par le greffe à l'audience du 15 mai 2013, conclusions auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé de leurs demandes, moyens et arguments ;

* * *

Il résulte des pièces et des écritures des parties les faits constants suivants:

Monsieur [F] [M] est entré au service de la Société PGA MOTORS après avoir accepté le 9 octobre 2002 une offre d'embauche du 4 octobre 2009 pour exercer dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée des fonctions de « centralisateur de plaque des marques du groupe Daimler Chrysler et Directeur du Pôle Techstar ». Selon cette offre, il bénéficiait d'un statut de cadre position IV -210 . Sa rémunération était composée d'un salaire de base de 110.000 euros annuels bruts, d'un bonus garanti de 5 mois de salaire la première année, puis bonus ensuite selon les critères Groupe pouvant aller jusqu'à 6 mois de salaire. Il disposait en outre d'un véhicule de fonctions, ses frais de déménagement étant pris en charge, de même que ses frais d'hébergement pendant 6 mois à hauteur de 450 euros par mois plus frais d'agence.

En exécution de ce contrat de travail, le salarié a rejoint le 15 janvier 2003 le poste de Directeur de Pôle centralisateur de plaques Stuttgart Motors.

En septembre 2005, Monsieur [M] est devenu Directeur Général Adjoint aux Opérations et a rejoint l'équipe dirigeante du Groupe à [Localité 3] en devenant membre du Comité de Direction, invité aux conseils d'administration. Il avait la responsabilité du suivi des marques de Stuttgart Motors et de Wolfsburg Motors, le développement des achats groupés pour PGA et la mise en place d'une organisation centralisée des ventes des véhicules d'occasion par internet.

Au début de 2007, Monsieur [M] a reçu la mission de développer le concept « Autosphère », marque retenue pour le site internet VO du Groupe et label attribué aux véhicules âgés destinés aux particuliers.

Début 2008, avec l'arrivée de nouveaux Directeurs généraux Adjoint aux Opérations, il devient responsable du suivi des entreprises filiales de Dearborn Motors.

Le 20 mai 2009, PGA MOTORS a proposé au salarié un poste de Chef de Pôle Techstar ce qu'il a considéré comme une rétrogradation. Il a demandé des explications sur le défaut de versement de la prime 2008 et la non réévaluation de son salaire fixe annuel, contrairement aux années antérieures.

Le 4 août 2009, M. [M] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 24 août 2009. Puis il a été licencié par lettre du 28 août 2009 pour insuffisance professionnelle.

Contestant son licenciement Monsieur [M] a saisi le 26 octobre 2009 le conseil de prud'hommes de PARIS qui a rendu la décision déférée.

* * *

Monsieur [F] [M] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, de constater que son salaire mensuel brut était de 11599,55 euros et de déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse et intervenu dans des circonstances particulièrement vexatoires.

Il lui demande de prendre acte de l'ordonnance de référé rendue le 21 juillet 2010 par le conseil de prud'hommes de Paris ordonnant à PGA MOTORS de lui restituer la somme de 107119 euros correspondant à la part des primes déposées par lui sur le plan SCA VISION, décision confirmée par arrêt de la Cour d'appel du 26 mai 2011 et arrêt de la Cour de Cassation du 10 octobre 2012.

Il réclame la condamnation de la société PGA MOTORS au paiement des sommes suivantes :

- 636.206,32 € avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil et anatocisme à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et licenciement dans des conditions vexatoires,

- 66.697, 41 € au titre du rappel de primes 2008,

- 62.973,47 € au titre du rappel de primes 2009,

- 3827,85 € au titre du rappel d'augmentation de salaire (3%) pour les années 2008 et 2009,

- 536.435,75 € au titre du paiement de son investissement et du solde des options SCA VISION, sous déduction de la provision de 107.119 € perçue en référé, soit la somme de 429.316,75 €,

- 10000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre dépens.

Il sollicite en outre la remise de documents sociaux conformes à la décision à intervenir, et le remboursement aux organismes concernés des indemnités de chômage du jour de son licenciement jusqu'au jugement à intervenir.

La SAS PGA MOTORS demande à la Cour de déclarer M. [M] mal fondé en son appel et de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes du 8 avril 2011 en ce qu'il a débouté ce dernier de l'intégralité de ses demandes.

Faisant appel incident, la Société PGA MOTORS demande la restitution de la somme de 107.119 € au motif que :

- dès lors que M.[M] avait sollicité la restitution de ses primes, il ne pouvait réclamer d'indemnisation pour ce qu'il aurait gagné par l'effet de leur placement,

- l'intéressé n'était pas fondé à solliciter le remboursement de ses primes, celui-ci n'ayant pas du fait de son licenciement, la possibilité de lever les options aux dates réglementaires, cette conséquence étant la stricte application du pacte auquel il avait souscrit.

La société PGA MOTORS sollicite enfin une somme de 10000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre dépens de première instance et d'appel à la charge de l'intimé.

* * *

MOTIFS

Sur le bien-fondé du licenciement

L'incompétence ou l'insuffisance professionnelle d'un salarié (c'est-à-dire la difficulté à exercer correctement sa prestation de travail, quelle que soit sa bonne volonté) peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement si elle fait l'objet d'une appréciation objective. Il n'est pas nécessaire que l'inadaptation à l'emploi ou l'incompétence du salarié se soient traduites par une faute. Il importe cependant que les insuffisances alléguées par l'employeur se soient manifestées par des éléments extérieurs, par des anomalies de nature à entraver la bonne marche de l'entreprise, et susceptibles de vérifications objectives.

En l'espèce, la lettre de licenciement de six pages adressée à M. [M] le 28 août 2009 reprochait à ce dernier une situation très dégradée tant d'un point de vue économique et financier que sur un plan organisationnel et humain des structures dont il avait la charge, l'inefficacité des mesures mises en place ou l'absence de mesures démontrant selon l'employeur qu'il avait failli dans sa mission de dirigeant.

L'employeur a considéré que le travail par délégation vers les directeurs de pôle était révélateur de son mode de fonctionnement et de son déficit d'engagement. Il lui était reproché une certaine lassitude de ses fonctions, une passivité et un défaut d'accompagnement des affaires difficiles avec une préférence pour visiter des affaires rentables, ce qui expliquait son absence de valeur ajoutée, et l'aggravation de situations déjà dégradées.

La Société fait état :

- de résultats en forte décroissance pour les marques VOLKSWAGEN/AUDI sur les trois dernières années, en totale opposition avec l'évolution des marchés

- de résultats décevants pour les marques Ford et annexes avec constat de dérives et de non respect des méthodes et procédures du groupe PGA sur les concessions dont il avait la charge,

- des difficultés des organisations dont il avait la charge (Autos sport, BASA, MCA, OA, AGO), notant qu'aucun accompagnement particulier ou proposition et mises en oeuvres de solutions appropriées

de plusieurs carences :

* dans l'accompagnement des dirigeants en difficultés

* dans l'accompagnement des nouveaux pour faciliter leur réussite dans leur mission,

* en ce qui concerne les ressources humaines,

* en ce qui concerne la définition et la mise en oeuvre des business plans

* dans les relations avec les constructeurs

* absence de contrôle du respect des procédures et ds règles incontournables du groupe

* prise d'engagement sans autorisation.

Selon les pièces produites, M. [M] était au moment de son licenciement et depuis le 1er Août 2005 Directeur Général Adjoint des opérations (DGAO) pour les plaques (pôles) Wolfsburg Motors (notamment marques Volkswagen/audi/Skoda) et Dearborn Motors (notamment Ford/Jaguar).

La Société PGA MOTORS rappelle dans la lettre de licenciement que dans le cadre de ces fonctions, le salarié avait un périmètre de responsabilités clairement défini, et notamment « un rôle constant de propositions et d'initiatives pour améliorer les performances et le fonctionnement des organisations sous sa responsabilité, à savoir les pôles et les concessions des marques concernées ».

L'employeur affirme que le salarié s'était ainsi engagé à :

- animer les collaborateurs et mettre en 'uvre les actions nécessaires à la réalisation des objectifs quantitatifs et qualitatifs des marques dont [il avait]la charge

- participer aux réunions avec les constructeurs et assurer avec eux un relationnel permanent de nature à renforcer le partenariat

- participer à l'élaboration et à la validation des budgets

- participer à la préparation et à l'animation des réunions de plaque et centralisateurs de plaques

- participer aux recherches de compétences, de validation des profits etc.. afin d'optimiser les organisations humaines dans les différents services des concessions qui vous sont rattachées

- participer en back office aux études analyses, investigations nécessaires à l'élaboration des plans d'actions au tire des affaires sensibles,

- participer aux études, analyses nécessaires lors de la reprise d'affaires dans le cadre du développement de la ou les marques

- alerter la Direction Générale lors de constat de dysfonctionnements graves dans les affaires du périmètre en responsabilité.

La Société PGA MOTORS en tire la conclusion que tant son statut que sa qualification conféraient au salarié « une obligation de réussir » et que cette réussite se mesurait « au travers des performances et du bon fonctionnement des organisations » étant sous sa responsabilité.

Le caractère vague et l'appréciation de cette « obligation de réussir » à travers les « performances et le bon fonctionnement des organisations » doit être cependant relativisé et étayé par des éléments concrets permettant de vérifier si le salarié a été réellement défaillant dans l'exercice de ses responsabilités.

Or, bien que l'employeur ait défini les principales responsabilités de M. [M] en sa qualité de DGAO, il faut pourtant observer que ce dernier n'a concrètement signé aucun écrit listant précisément ces responsabilités.

La Société PGA MOTORS le reconnaît puisqu'elle écrit dans ses conclusions :

« Si pour des raisons dont il n'a pas été trouvé trace au dossier, Monsieur [M] n'a pas signé son avenant du 30 août 2005 relatif à son accession à la fonction de Directeur Général adjoint des opérations (DGAO) (pièce 3) pas plus que sa lettre de mission (pièce 4), il ne peut soutenir, en raison du niveau de sa fonction et des avantages financiers importants qu'il en retirait, qu'il n'en connaissait pas le contenu et l'étendue et ce moyen de défense le discrédite ».

Pourtant, dès lors que le salarié est licencié pour des raisons d'insuffisance professionnelle, il s'avère essentiel de pouvoir déterminer quelles étaient ses attributions précises et en quoi le salarié était défaillant.

Or en l'espèce, la Cour constate d'une part que la pièce 3 (avenant du 30 août 2005) figurant au bordereau de communication de pièces ne se trouve pas dans la cote 1 où elle est annoncée de sorte qu'il est impossible de constater en quoi consistait précisément la fonction de DGAO proposée au salarié, et d'autre part que la pièce 4 (« la lettre de mission » d'août 2005) n'a pas été signée par ce dernier, cette lettre précisant 3 points :

. Rattachement et Position : Il est indiqué que M. [M] était rattaché hiérarchiquement au Directeur des opérations de la société PGA MOTORS et qu'il était membre du comité de Direction ;

. Domaines de responsabilité : (rubrique non remplie)

. Amélioration : Il est précisé que le DGAO a un rôle constant de propositions et d'initiatives pour améliorer les performances et le fonctionnement des organisations sous sa responsabilité dans les domaines suivants :

- animation de la ou des marques dont il a la responsabilité

- analyse / suivi des résultats de la marque pilotée,

- audit interne : validation des actions correctives,

- ressources humaines (centralisateurs, coordinateurs, CDS)

- préparation des réunions de plaques, pôles

- participation aux comités de direction des filiales (ponctuel)

- validation des plans de formation

- participation des plans de formation

- participation à l'élaboration des plans marketing

- élaboration des pré-budgets et validation des budgets en CE

- préparation et participation aux réunions opérations,

- relations constructeurs

- suivi des partenariats

- suivi des pay plans et des rémunérations

- suivi des BFR et des stocks

Si l'on se reporte à la lettre de licenciement, les reproches faits aux salariés en matière de résultats ne peuvent être pris en considération dès lors que PGA MOTORS ne lui a fixé aucun objectif précis, ce qui est pourtant indispensable pour évaluer la performance d'un cadre et déterminer son bonus annuel. Même si l'on peut admettre que le salarié en sa qualité de Directeur Général adjoint des Opérations avait un rôle prépondérant dans la mise en oeuvre de la politique du groupe PGA MOTORS, dans la coordination et l'animation des structures sous sa responsabilité, il est toutefois impossible au vu des résultats produits des marques Volkswagen, Audi et Ford pour 2007, 2008 et 2009, d'en attribuer les mauvaises performances à sa seule négligence, en faisant abstraction du contexte économique de récession ayant touché le groupe PGA MOTORS.

Aucun entretien annuel d'évaluation ne fixe ou ne rappelle au salarié le cadre contractuel de ses obligations ou n'évoque ses insuffisances pendant les quatre années où il a exercé ses fonctions de DGAO. Bien plus, il résulte des pièces produites que jusqu'à l'année ayant précédé son licenciement, Monsieur [M] avait été promu et récompensé pour ses performances par des augmentations régulières de salaire et des versements de primes équivalentes à cinq mois minimum de salaire.

En ce qui concerne les difficultés des organisations dont il avait la charge (Autos sport, BASA, MCA, OA, AGO), et le défaut d'accompagnement particulier ou proposition et mises en oeuvre de solutions appropriées, la société PGA MOTORS n'établit pas, par la seule production de rapports d'audit, en quoi le salarié serait seul responsable des dysfonctionnements qui y sont dénoncés.

S'agissant des carences reprochées au salarié dans l'accompagnement des nouveaux dirigeants, des dirigeants en difficulté, et en matière de ressources humaines, elles ne peuvent être caractérisées par la seule production de plannings hebdomadaires mentionnant des déplacements qualifiés de « trop rares dans les concessions ».

La lettre de licenciement reproche à M. [M] de n'avoir apporté aucune assistance au dirigeant d'Autosport qui connaissait de nombreuses difficultés, ce qui a eu pour conséquence des résultats désastreux, des relations tendues entre le dirigeant en poste, et son directeur de pôle, ayant nécessité un remplacement du dirigeant en poste et finalement la cession de l'entreprise. Il est fait grief au salarié de n'avoir procédé sur cette concession à aucune analyse précise des dysfonctionnements, à aucun plan d'action spécifique, en dehors de ceux demandés par la Direction Générale dans le cadre des réunions d'opérations ; de n'avoir pas veillé à la mise en place par le Directeur d'Auto sport du plan d'économies de charges décidé depuis octobre 2008 par le groupe lors de l'élaboration des budgets et pour lequel M. [M] aurait été relancé maintes fois sans obtenir des réponses satisfaisantes .

Il est également reproché au salarié sur BASA de n'avoir effectué aucun contrôle sur les actions du dirigeant en place, notamment en ce qui concernait le vieillissement inquiétant des stocks VO et des provisions Buy-backs, ce qui a eu pour conséquence des résultats financiers désastreux et un contexte social tendu ; que le même constat pouvait être fait sur OA en ce qui concernait les buy-backs et les activités après-vente.

A l'appui de ces reproches la société PGA MOTORS a produit un certain nombre d'attestations de salariés déclarant avoir peu vu Monsieur [M] du temps où il était DGAO (attestation COGEARD directeur de concession Ford, Jaguar, et Land à [Localité 2]), ou constaté ses insuffisances (attestation [Q], Directeur, et [I] ex-directeur d'Auto Sport de 2004 à 2007).

Ces éléments sont cependant insuffisants à établir la responsabilité personnelle de Monsieur [M] lequel relativise ces critiques en rappelant :

- les nombreux changements de directeurs intervenus entre 2005 et 2009 sur les « plaques » dont il avait la charge (7 sur 14 en 4 ans) sans qu'il en ait été préalablement informé ou consulté, ce qui ne favorisait pas son travail d'accompagnement ;

- le lien téléphonique avec ses chefs de pôle plusieurs fois par semaine qu'il rencontrait au moins deux fois par mois, sans compter les réunions diverses avec les constructeurs ou les réunions du groupe ; qu'il déplorait les interventions directes de la direction de PGA MOTORS auprès des directeurs de Pôles sans concertation préalable avec lui. Le salarié conteste en particulier l'attestation de M. [Q], qui n'était pas sous sa responsabilité, mais sous celle du chef de pôle.

Le défaut d'accompagnement ou d'assistance reproché, ne peut dans ce contexte suffire à justifier un licenciement pour insuffisance professionnelle, d'autant qu'aucune lettre de reproche ou entretien d'évaluation là encore n'est jamais venu reprocher au salarié ses carences sur ce point.

En ce qui concerne les carences dans la définition et la mise en 'uvre des business plans, il est reproché au salarié sur OA d'avoir élaboré le business plan des nouveaux sites de façon totalement fantaisiste ceux-ci ayant dû être reconstruits avant d'être produits aux constructeurs et aux actionnaires. Ces reproches ne résultent pourtant pas des pièces produites et ne peuvent se résumer à quelques échanges électroniques de discussion ou de mises au point, peu explicites pour apprécier les carences fautives de M. [M].

Il en est de même pour les carences alléguées dans les relations avec les constructeurs alors au surplus qu'il est impossible de connaître réellement les objectifs fixés au salarié sur ce point.

S'agissant de l'absence de respect des procédures et des règles incontournables du groupe, il est reproché au salarié son laxisme en ce domaine, mais il est impossible au vu des pièces produites de déterminer quelles procédures ou règles incontournables n'ont pas été suivies, mises en oeuvre, coordonnées ou contrôlées par le salarié dont les tâches en la matière ne sont pas clairement contractualisées.

Enfin sur les prises d'engagements sans autorisation, elles sont difficilement appréciables par des productions de correspondances ou courriers électroniques totalement sorties de leur contexte. Le prétendu engagement pris par M.[M] envers AUDI résultant d'une lettre d'AUDI du 28 juillet 2009 n'est absolument pas probant, cette lettre faisant clairement état de l'élaboration d'un projet non encore définitivement arrêté. En ce qui concerne les assurances données au dirigeant de MCA sur la prise en charge de ses frais de logement ou de déménagement, rien n'établit non plus qu'il s'agissait d'un engagement pris par M. [M] sans autorisation de sa hiérarchie.

Au terme de ces constatations, les carences et insuffisances professionnelles reprochées à Monsieur [M] ne sont pas établies et leur éventuel impact sur la bonne marche de l'entreprise n'est pas objectivement vérifiable.

Dans ces conditions, il y a lieu d'infirmer le jugement déféré et de déclarer le licenciement de Monsieur [M] dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes de Monsieur [M]

Sur les conséquences du licenciement :

Le licenciement étant déclaré sans cause réelle et sérieuse, Monsieur [M] est en droit d'obtenir une indemnisation pour le préjudice résultant de la rupture de son contrat de travail.

Compte tenu de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise (plus de 6 ans ), de son âge au moment de la rupture (55 ans, âge difficile pour retrouver un emploi équivalent), des circonstances de rupture (proposition de changement de poste avec perte de responsabilités) et des conséquences humaines et financières entraînées par cette rupture (n'a pas retrouvé d'emploi, maladie de l'épouse, vente de la maison principale faute de pouvoir honorer les crédits) il y a lieu de condamner la société PGA MOTORS à verser à Monsieur [M] la somme de 160000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt.

Sur la demande de rappel de primes pour les années 2008 et 2009 :

Monsieur [M] soutient que tout au long de son contrat de travail, le salarié a perçu, à titre de primes, une moyenne de 5,75 mois de salaire en dehors de sa rémunération fixe ; qu'il n'a pas perçu ses primes au titre des années 2008 et 2009 et réclame pour ces deux années une somme de 129.670,94 euros soit :

- 66697,47 euros au titre de 2008

- 62973,47 euros au titre de 2009 (au prorata temporis)

Si le principe d'une rémunération variable résultait bien des engagements contractuels initiaux (bonus garanti de 5 mois de salaire la première année, puis bonus ensuite selon les critères Groupe pouvant aller jusqu'à 6 mois de salaire), en revanche rien ne vient préciser ce qu'il en était de l'attribution de ce bonus après la nomination de Monsieur [M] au poste de DGAO.

Quoi qu'il en soit, l'employeur ne conteste pas que le salarié a perçu depuis sa nomination une prime annuelle qui s'est élevée :

- en 2007 à 6 mois de salaire au titre 2006

- en 2008 à 5,5 mois de salaire au titre de 2007.

L'employeur affirme que la promesse de prime au titre de 2008 était conditionnée à l'acceptation par le salariée du poste de Directeur de Pôle de Techstar, ce qui résulte effectivement des courriers échangés entre les parties.

Aucune pièce contractuelle ne fixe clairement les conditions d'attribution des primes annuelles (l'avenant du 30 août 2005 n'est pas versé aux débats et le salarié conteste l'avoir signé). Compte tenu des courriers échangés entre les parties au sujet de la prime 2008, rien de permet d'établir que Monsieur [M] était en droit de percevoir une prime de 5,75 mois de salaire au titre des années 2008 et 2009, observation étant faite que le salarié ne justifie pas davantage avoir accepté le pôle de Directeur de Pôle de Techstar, qui conditionnait l'attribution de la prime 2008.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement contesté et de débouter Monsieur [M] de sa demande de prime au titre des années 2008 et 2009.

Sur la demande de rappel résultant des augmentations de salaire :

Aucun élément ne venant établir que Monsieur [M] avait droit à une augmentation de salaire de 3% par an, ce dernier sera débouté de sa demande de rappel de salaire au titre des années 2008 et 2009.

La décision déférée sera confirmée sur ce point.

Sur la demande de paiement du solde des « SCA VISION »

Rappelant qu'il avait investi une partie de ses primes annuelles dans un plan d'intéressement « SCA VISION », Monsieur [M] soutient qu'il a perdu le droit de lever les options offertes, la chance de voir prospérer ses actions, mais aussi les avantages fiscaux attachés aux gains.

Le salarié expose que s'il a pu judiciairement obtenir la restitution des primes déposées sur le plan (soit la somme de 107119 euros), il a perdu cependant la valorisation des options acquises sur le plan SCA VISION, soit au total une somme de 429.316 euros dont il demande le paiement pour les options acquises de 2004 à 2008 inclus, déduction faite de somme de 107119 euros déjà perçue à la suite de la procédure de référé qu'il a dû engager.

Bien que le salarié ait fourni dans ses écritures une évaluation précise des sommes qu'il aurait pu recueillir s'il avait pu lever les options souscrites par lui de 2004 à 2008, il n'en résulte pas moins au vu des pièces produites, que celui-ci a été remboursé du capital placé en récupérant le montant des primes investies, qui étaient des éléments de salaire.

Rejetant le pourvoi formé par la Société MOTORS à l'encontre de l'arrêt du 26 mai 2011 rendu par la Cour d'appel de Paris, la Cour de Cassation (par arrêt du 10 octobre 2012) a en effet considéré « qu'en relevant que les sommes placées sur le plan d'investissement étaient déduites du bonus annuel du salarié et avaient en conséquence la nature d'un salaire, la cour d'appel devant laquelle il n'était pas allégué que le salarié y avait renoncé, a pu décider que la privation en cas de licenciement de lever les options et de récupérer les sommes ainsi placées constituait un trouble manifestement illicite » .

Toutefois, bien que le salarié ait pu obtenir la restitution de ses salaires, celui-ci a perdu cependant une chance d'en disposer à sa guise et de recueillir le bénéfice d'un placement avantageux. Ce préjudice doit être indemnisé. Il y a donc lieu de condamner la société PGA MOTORS à verser à Monsieur [M] une somme de 25000 euros au titre de cette perte de chance.

La décision de première instance qui avait rejeté ce chef de demande sera donc infirmée en ce sens.

Sur la remise de documents sociaux conformes

Compte tenu des motifs qui précèdent, il y a lieu de condamner la société PGA MOTORS à remettre à Monsieur [M] des documents sociaux (bulletin de salaire, solde de tout compte, attestation Pôle Emploi) conformes au présent arrêt.

Sur la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'appelant les frais irrépétibles exposés par lui au cours de la procédure. Il y a lieu de condamner la société PGA MOTORS à lui verser une somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur le remboursement des indemnités de chômage

L'article L 1235-4 du code du travail prévoit que « dans les cas prévus aux articles 1235-3 et L 1235-11 le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de 6 mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. » Le texte précise que « ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées. »

Sur la base de ces dispositions, et compte tenu du licenciement sans cause réelle et sérieuse de Monsieur [F] [M] il y a lieu d'ordonner à la société PGA MOTORS de rembourser les indemnités de chômage versées au salarié du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 6 mois d'indemnités.

Sur les demandes reconventionnelles de la Société PGA MOTORS

Les primes investies sur le plan SCA VISION ayant le caractère de salaires, il n'y a pas lieu à restitution de ces sommes. La société PGA MOTORS sera donc déboutée de sa demande de restitution.

La société PGA MOTORS succombant en ses prétentions, elle sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

Infirmant partiellement le jugement déféré,

Dit que le licenciement de Monsieur [F] [M] était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la Société PGA MOTORS à payer à Monsieur [F] [M] les sommes suivantes :

- 160000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt,

- 25000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice résultant de la perte de chance d'avoir pu bénéficier des bénéfices du plan SCA VISION,

- 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne à la société PGA MOTORS de remettre à Monsieur [M] des documents sociaux (bulletin de salaire, solde de tout compte, attestation Pôle Emploi) conformes au présent arrêt,

Ordonne à la société PGA MOTORS de rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées au salarié du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 6 mois d'indemnités,

Confirme pour le surplus le jugement déféré en ses dispositions non contraires,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

Condamne la société PGA MOTORS aux entiers dépens.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 11/09526
Date de la décision : 19/06/2013

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°11/09526 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-06-19;11.09526 ?
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