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19/06/2013 | FRANCE | N°12/035557

France | France, Cour d'appel de Paris, C1, 19 juin 2013, 12/035557


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2- Chambre 1

ARRET DU 19 JUIN 2013

(no 206, 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 03555

Décision déférée à la Cour :
Décision du 13 janvier 2012- Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS-no 721/ 217666

DEMANDEURS AU RECOURS

SCP X... ET ASSOCIES
...
75014 PARIS

Monsieur Jean-Jacques X...
...
75014 PARIS

représentés par Me Emmanuel RAVANAS (avocat au b

arreau de PARIS, toque : D1318)

DÉFENDERESSE AU RECOURS

Madame Elodie Y...
...
75014 PARIS

représentée par de Me Martin PRADEL, avocat...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2- Chambre 1

ARRET DU 19 JUIN 2013

(no 206, 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 03555

Décision déférée à la Cour :
Décision du 13 janvier 2012- Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS-no 721/ 217666

DEMANDEURS AU RECOURS

SCP X... ET ASSOCIES
...
75014 PARIS

Monsieur Jean-Jacques X...
...
75014 PARIS

représentés par Me Emmanuel RAVANAS (avocat au barreau de PARIS, toque : D1318)

DÉFENDERESSE AU RECOURS

Madame Elodie Y...
...
75014 PARIS

représentée par de Me Martin PRADEL, avocat au barreau de PARIS, toque : C 0909

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 avril 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Jacques BICHARD, Président
Madame Marguerite-Marie MARION, Conseiller
Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Noëlle KLEIN

ARRET :

- contradictoire

-rendu publiquement par Monsieur Jacques BICHARD, Président

-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

-signé par Monsieur Jacques BICHARD, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

******************

Mme Elodie Y..., collaboratrice libérale au sein de la Scp d'avocats X... et Associés depuis mars 2006, a été absente du cabinet du 1er Janvier au 25 avril 2011 lors de son second congé de maternité.

Le 4 mai 2011, M. X... a mis oralement un terme immédiat à leurs relations professionnelles.

Par courrier électronique du même jour adressé à M. Jean-Jacques X..., Mme Y... a pris acte de la rupture de son contrat de collaboration et par un autre courriel, en date également du 4 mai 2011, elle a saisi la commission de règlement des difficultés d'exercice en collaboration, à laquelle elle a exposé :
" (...) et vous écris afin de vous signaler la rupture brutale de mon contrat de collaboration avec le cabinet X... et Associés. En effet, ce matin, Maître Jean-Jacques X... m'a demandé de quitter le cabinet sur le champ et m'a accompagné jusqu'à la porte du cabinet.
Cet événement fait suite à des difficultés rencontrées entre les deux associés du cabinet et dont la commission d'exercice en groupe a d'ores et déjà été saisie. (...).
De plus, je tenais à attirer votre attention sur un événement intervenu le mercredi 27 avril dernier au cours d'un cocktail organisé par le client " Groupama Protection Juridique ".
En effet, lors de ce rendez-vous, Maître Jean-Jacques X... n'a pas hésité à m'insulter devant l'ensemble des personnes présentes et en me montrant sa détermination à en découdre par des gestes qui auraient pu devenir violents à mon encontre si sa fille ne s'était pas interposée.
Enfin, je vous précise que j'ai rencontré des difficultés pour obtenir le règlement de ma rétrocession d'honoraires au cours de mon congé maternité. Ces difficultés continuent à ce jour puisque ma note d'honoraires du mois d'avril ne m'a pas été réglée.
Je vous remercie de bien vouloir me permettre d'obtenir le règlement de ma rétrocession d'honoraires jusqu'à ce que le différend entre associés soit réglé et que je puisse reprendre une relation professionnelle avec Maître B... X.... (...).

En l'absence de conciliation malgré l'audition des parties par ladite commission, Mme Casanovas a demandé l'arbitrage du Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris, lequel, par sentence arbitrale en date du 13 janvier 2012, a :

- dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer,
- dit que Mme Elodie Y... n'a commis aucun manquement grave aux règles professionnelles au sens de l'article 14-4 du Règlement Intérieur National (RIN), justifiant la rupture brutale et à effet immédiat de son contrat de collaboration,
en conséquence,
- condamné la Scp d'avocats X... et Associés à verser à Mme Y... les sommes de :
* 21 000 € HT soit 24116 € TTC au titre de son délai de prévenance,
* 700 € HT soit 837, 20 € TTC à titre de solde de jours de repos rémunérés,
* 5000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de collaboration,
- condamné la Scp d'avocats X... et Associés à verser à Mme Y... la somme de 1000 € à titre de dommages et intérêts pour ne pas s'être excusée des injures proférées par son associé le 27 avril 2011,
- débouté les parties de toutes demandes plus amples ou contraires.

Cette sentence a été complétée par une sentence du 30 avril 2012 rectifiant une erreur matérielle.

CELA ETANT EXPOSE, la COUR :

Vu l'appel interjeté le 27 janvier 2012 par la Scp d'avocats X... agissant par son gérant M. Jean-Jacques X... et par M. Jean-Jacques X... en son nom personnel,

Vu les conclusions déposées le 24 avril 2013 par la Scp appelante qui demande de :
- infirmer la sentence,
- débouter Mme Y... de l'ensemble de ses demandes,
- faire sommation à Mme Y... de produire :
*ses relevés de compte personnels et professionnels pour les années 2011 et 2012,
*sa déclaration 2035 pour l'année 2012,
- condamner Mme Y..., au regard de la perte de clientèle de la Scp X... et Associés, à payer à cette dernière la somme de 66 666 € à titre de dommages intérêts,
- condamner Mme Y... à lui payer la somme de
15000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
ainsi qu'à payer les entiers dépens.

Vu les conclusions d'appel incident déposées le 24 avril 2013 par Mme Elodie Y... qui demande de :
- confirmer la sentence en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à déport et à sursis à statuer et en ce qu'elle a condamné la Scp X... et associés à lui payer les sommes de :
* 24 953, 20 € TTC à titre de rétrocession d'honoraires au titre du solde du délai de prévenance,
* 837, 20 € TTC à titre de rétrocession d'honoraires au titre des repos rémunérés acquis,
- l'infirmer en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts,
statuant à nouveau de ce chef,
- condamner la Scp Reoules et associés à lui verser à titre de dommages et intérêts les sommes de :
* 3000 € pour ne pas s'être excusée pour les injures proférées par son associé le 27 avril 2011,
* 8400 € au titre de la rupture brutale et abusive du contrat de collaboration,
* 3600 € au titre de la résistance abusive à exécuter ses obligations et de son attitude particulièrement injurieuse durant tout le temps de cette procédure,
en tout état de cause,
- condamner la Scp X... et associés aux entiers dépens et à lui verser la somme de 4784 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dire que les condamnations prononcées à l'encontre de la Scp appelante porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la saisine par la concluante de l'Ordre des avocats de Paris soit le 5 mai 2011.

SUR CE :

Considérant que les circonstances du litige ont été exactement rappelées dans la sentence aux termes d'un exposé auquel la cour se réfère expressément ; que Mme Y... a soutenu que son contrat de collaboration a été rompu de manière brutale et sans aucune raison, la Scp restant lui devoir des sommes au titre du délai de prévenance et des repos rémunérés, soulignant, au titre des conditions de la rupture, le comportement insultant de M. X... à son égard ; que de leur côté, M. Jean-Jacques X... et la Scp d'avocats X... et associés ont fait valoir que Mme Y... a participé à une démarche collective de déstabilisation du cabinet avec Mme Juliette B... X... et un autre collaborateur, M. Nicolas de C... et qu'elle s'est livrée à des actes de concurrence déloyale, comportement dont la gravité est de nature à la priver de tout délai de prévenance et à fonder la demande par la Scp de la réparation du préjudice direct en résultant pour elle ;

Considérant qu'il sera précisé que la Scp X... a engagé une instance arbitrale distincte contre Mme Juliette B... X... et M. Nicolas de C... pour obtenir l'indemnisation du préjudice qu'elle allègue du fait de la concurrence déloyale qu'elle dénonce, soumise à l'appréciation du Bâtonnier Teitgen, lequel a rendu le 28 décembre 2011 une sentence intermédiaire constatant l'existence de deux instances autonomes et reposant sur des fondements différents ;
que la Scp a demandé à la cour que le présent litige, en raison du contexte familial, soit entendu concomitamment avec la procédure l'opposant à Mme Juliette B... X..., mais que la sentence déférée doit être approuvée en tous ses motifs en ce qu'elle a rejeté la demande de sursis à statuer qui lui a été présentée pour ce motif par la Scp X... ;

Considérant sur la rupture du contrat de collaboration que la Scp appelante, s'appuyant sur les attestations des secrétaires et standardiste, Mmes Martine D..., Stana d'E... et Martine F..., ainsi que sur celle d'un collaborateur, M. Raphael G..., d'un fleuriste, de Mme Marie-José H..., responsable de crèche, conteste formellement les propos de Mme Y... en ce qu'elle aurait manifesté une attitude d'hostilité envers les collaboratrices ou secrétaires bénéficiant d'un congé de maternité ;

Qu'elle explique que durant l'année 2011, elle a été confrontée à de nombreuses difficultés internes, du fait d'un grave accident de la secrétaire générale du cabinet, indisponible pour plusieurs années, de 6 absences concomitantes pour maternité représentant le tiers de l'effectif parisien du cabinet, avec nécessité de recruter avec plus ou moins de succès du personnel de secrétariat ou des avocats ainsi que des difficultés dans le quotidien, créées d'ailleurs par Mme Juliette B... X... et relatives aux codes d'accès aux comptes bancaires, attestées par la responsable de la banque, d'où les retards en janvier 2011 et en avril 2011 dans le paiement de certaines rétrocessions dont celle de Mme Y... ;

Qu'elle souligne que Mme Y... est revenue de congé de maternité le 26 avril 2011 quelques jours après que Mme Juliette B... X... ait notifié brutalement avec un semblant de préavis son retrait de la Scp X..., ce qui explique que M. Antoine I..., futur associé à compter du 1er mai 2011, ait été conduit à interroger Mme Y... sur ses intentions de poursuivre sa collaboration avec le cabinet compte tenu de ses liens très amicaux avec Mme Juliette B... X..., l'intéressée lui confirmant alors sa volonté de rester au cabinet X... ;

Qu'elle explique plus précisément les circonstances à l'origine de l'incident du 27 avril 2011, lors de la réception organisée par Groupama, client significatif du cabinet qui fêtait ses 30 ans d'existence, Mme Y... ayant fait d'abord savoir qu'elle ne pourrait y assister pour des raisons familiales pour finalement s'y rendre mais aux côtés de Mme Juliette B...-Recoules, en tant que sa future collaboratrice, avec laquelle elle procédait ainsi à une opération de démarchage dudit client aux dépens de la Scp X... et associés et au profit du nouveau cabinet qu'elles allaient créer, attitude particulièrement déloyale à l'encontre de M. Jean-Jacques X..., amenant ce dernier à lui dire vertement sa pensée, Mme Y... se mettant alors en arrêt de maladie et ne revenant au cabinet que le 4 mai suivant, mais sans nouvel incident, ainsi qu'en atteste Mlle Pauline J... ; qu'aussitôt après, Mme Y... a rejoint Mme B... X... avec laquelle elle a signé un contrat de collaboration et qui s'était installée, professionnellement chez le mari, lui-même avocat, de Mme Y... ;

Que l'appelante soutient en conséquence que Mme Y..., à la démarche équivoque et en réalité elle-même à l'initiative de la rupture du contrat de collaboration, s'est livrée lors du cocktail à une provocation volontaire en sachant que le vif tempérament de M. Jean-Jacques X... l'amènerait à réagir ; qu'elle tente de mettre l'incident à profit et de le rattacher à son congé de maternité, alors qu'il était en réalité indispensable qu'elle rejoigne rapidement le nouveau cabinet, que le travail par elle effectué après son retour a été de seulement 3 heures ou consacré à du démarchage de clientèle, ce dont témoigne l'attestation de M. K... et qu'elle n'avait aucune intention d'effectuer un préavis ; qu'elle conteste en conséquence les divers griefs hétéroclites avancés par Mme Y... et dont cette dernière s'empare, les rétrocessions ayant été payées avec quelques jours de retard et les surfaces limitées de bureaux suffisant à expliquer certains désagréments matériels ; qu'elle évalue à la somme de 200 000 € le préjudice lié à une perte de clients, que Mme Y... doit réparer à concurrence du tiers de cette somme ;

Considérant que de son côté, Mme Elodie Y..., rappelant son engagement sans faille au service du cabinet X... qui ne contestait ni son travail ni ses résultats pendant 5 ans, ce qui ne lui a pas permis de développer sa clientèle personnelle, invoque les attitudes excessives de M. Jean-Jacques X... et affirme avoir constaté un changement et de l'hostilité lors de l'annonce de sa seconde grossesse, la poursuite de son contrat de collaboration lors de son retour de congé étant devenue incertaine, faits dont atteste Mme Christelle L..., stagiaire travaillant avec elle durant la période de juillet 2010 à mai 2011 ; qu'elle a exercé jusqu'au 31 décembre 2010 ; que pendant son absence, la pression s'est accentuée, ainsi qu'elle l'a compris lors d'une conversation téléphonique début février 2011 avec M. Jean-Jacques X..., puis lorsque M. I..., alors collaborateur de cabinet, lui a demandé si elle reprendrait son poste à l'issue de son congé maternité ; qu'elle n'a appris que le 26 avril 2011 la volonté de Mme Juliette B... X... de quitter le cabinet ; qu'elle a constaté que le bureau qu'elle occupait seule à son départ ne lui a pas été restitué et qu'aucune place ne lui était réservée, devant s'installer dans le bureau des stagiaires ; qu'elle a fait le point de ses dossiers tant avant son départ en congé qu'au retour de ce dernier et n'a pas refusé de se rendre au cocktail mais expliqué qu'elle devait s'organiser pour la garde de ses enfants et s'est d'ailleurs rendue à cette réception ; qu'au cours de cette soirée, M. X... a eu un comportement inqualifiable, n'hésitant pas à l'insulter comme en atteste Mme M..., ancienne responsable des prestataires, ce qui l'a obligée à un arrêt de travail de 5 jours ; que de retour au cabinet le 4 mai 2011, M. Jean-Jacques X... lui a demandé de quitter sur le champ le cabinet et qu'elle n'a pu récupérer à ce moment-là aucune de ses affaires personnelles ;

Que Mme Y... précise qu'à ce jour, plus d'un an après la sentence, cette dernière a été finalement exécutée pour partie le 15 avril 2013 par la transmission d'un chèque de 20 000 €, que la Scp X... reste lui devoir la somme de 7854, 32 € selon le décompte de l'huissier, ce contrairement aux affirmations de l'appelante qui indique que la sentence a été exécutée alors qu'elle a diligenté deux procédures devant le premier président et devant le juge de l'exécution pour s'opposer à l'exécution, dont elle a été déboutée ;

Que Mme Y..., sur ses demandes principales relatives au paiement des 5 mois de délai de prévenance et des congés payés, soutient que la rupture de son contrat de collaboration est d'autant plus abusive qu'elle n'a reçu aucune lettre et n'a pas eu connaissance des motifs la déterminant ; qu'elle considère que la Scp X... tente de l'expliquer a posteriori mais qu'il s'agit d'une rupture sans motif invoqué ; qu'il n'y a pas eu de démarchage, qu'aucun reproche ne lui a été fait sur la qualité de son travail, que c'est parce qu'elle a été renvoyée brutalement qu'elle a accepté la collaboration proposée par Mme Juliette B... X... et non l'inverse ; que s'agissant de l'incident du 27 avril 2011, lors du cocktail, elle a été insultée dès son arrivée et devant l'ensemble des personnes présentes ; qu'elle invoque que le comportement de MM. Jean-Jacques X... et Antoine I... porte atteinte aux principes de délicatesse et de dignité de la profession, que d'ailleurs l'attestation de Mme Emmanuelle N... est éclairante sur les difficultés que cette autre collaboratrice a pu rencontrer lors d'un congé maternité et à son retour le 14 juin 2011, les attestations contraires dont se prévaut le cabinet X... n'étant que de pure complaisance et émanant de salariées de ce dernier en lien de subordination ;

Que sur ses demandes de dommages et intérêts, elle soutient que la Scp X..., par la voix de son unique associé, Jean-Jacques X..., a manqué à son devoir de dignité, au principe d'humanité, à de nombreuses règles de droit en s'appuyant sur son état de grossesse pour la déstabiliser ;

Considérant qu'il n'est pas établi par Mme Y... qu'elle ait fait l'objet d'une discrimination du fait de son état de grossesse et à son retour de congé maternité ; que non seulement les parties produisent des attestations totalement contraires à ce sujet, mais que notamment l'attestation très mesurée de Mlle Pauline J... vient clairement au soutien des affirmations de la Scp appelante, tandis que celle rédigée par Mme N..., du fait de sa tonalité excessive et de la subjectivité dont elle est manifestement empreinte n'emporte pas la conviction de la cour ; que de plus, il est légitime que la répartition des bureaux du cabinet entre le personnel tienne compte, à certaines périodes, des contraintes liées aux absences et elle ne saurait, sauf circonstances et éléments concrets et objectifs dont aucune preuve n'est rapportée en l'espèce, être contestée par les collaboratrices concernées ; qu'il n'est donc nullement démontré que la Scp ait entendu en quelque manière " déstabiliser " une collaboratrice en état de grossesse ;

Considérant que la sentence déférée, si elle a justement rappelé que c'est à la partie qui rompt brutalement le contrat de rapporter la preuve que les faits qui l'ont conduit à décider cette rupture étaient d'une gravité telle qu'ils empêchaient la continuation du contrat jusqu'au terme du délai de prévenance, a notamment retenu le fait qu'un écrit n'a pas été remis à Mme Y... au moment de la rupture pour lui exposer les faits reprochés ; qu'ensuite, elle a estimé que la Scp X..., s'appuyant sur une concurrence déloyale ultérieure, après son départ du cabinet, de celle qui était alors son ancienne collaboratrice, ne pouvait justifier sa décision de rompre le contrat dès lors qu'elle ne rapportait pas la preuve de faits commis avant cette rupture ; qu'elle a enfin retenu que la Scp ne précisait pas en quoi auraient consisté les faits commis par Mme Y... pour apporter son concours à Mme B... X... ou se rendre complice de son retrait, qu'en particulier aucun fait n'est dénoncé ni aucune faute stygmatisée pour matérialiser le concours ou la complicité de Mme Y... ;

Considérant que si la sentence rappelle pertinemment que l'auteur de la rupture doit s'appuyer sur des faits commis avant la rupture, elle ne fait pas une analyse exacte des circonstances de l'incident du 27 avril 2011 lorsqu'elle estime que Mme Y... n'a commis aucun fait répréhensif ce soir-là du seul fait de sa présence au cocktail ; qu'au contraire, la Scp appelante explicite la faute grave alors commise par Mme Y... ; que parmi les pièces versées aux débats, l'attestation qui relate les circonstances complètes de cet incident est celle rédigée par M. I..., pièce 193, qui écrit " En effet, Mme Elodie Y... avait bien conscience qu'il était inacceptable qu'une collaboratrice en exercice accepte de se laisser présenter à un client par une associée de ce même cabinet qui avait notifié son retrait comme étant la collaboratrice de cette associée dans son nouveau cabinet, et ce sans réagir en aucune manière. " ; que Mme Y..., qui dit avoir été insultée sans raison dès son arrivée, ne fournit aucune explication sur cet aspect des choses, ne conteste à aucun moment dans ses écritures la relation des faits telle que fournie par M. I..., laquelle apparaît pourtant essentielle en ce qu'elle explique à la fois la décision de rupture du contrat et les raisons précises de l'insulte, M. Jean-Jacques X... s'étant aperçu qu'il avait été trahi ; que la Scp appelante se fonde à raison sur la signature, très peu de temps après, dès le 18 mai 2011, d'une nouvelle collaboration avec précisément Mme B... X..., ce qui vient conforter la déloyauté commise par sa collaboratrice au cours de la réception ;

Considérant que quand bien même les autres griefs de la Scp appelante n'apparaissent pas convaincants, s'agissant du peu de travail réalisé sur deux jours, ou ne peuvent être pris en compte s'agissant de l'attestation Guerrero qui relate des faits ultérieurs, il demeure que la faute commise sus-analysée apparaît d'une gravité suffisante pour fonder la rupture immédiate du contrat de collaboration ; qu'il est important de noter que la collaboratrice s'est vue proposer de récupérer ses affaires personnelles dans un délai très rapide, par un courriel du 18 mai 2011, comme en atteste la pièce 196 ;

Que la sentence sera en conséquence infirmée en ce qu'elle a fait droit aux demandes de Mme Y... ;

Considérant que la Scp appelante, invoquant la commission d'actes de concurrence déloyale par Mme Y... avant et/ ou après son départ se fonde essentiellement sur un transfert de dossiers au cabinet de Mme B... X..., à laquelle il est également reproché dans une autre instance d'avoir tenté de s'emparer de la clientèle du cabinet de son père, forme une demande de communication des relevés de comptes personnels et professionnels de Mme Y... ainsi qu'une demande de condamnation à la somme de 66 666 € pour la part de la perte de clientèle qu'elle estime pouvoir imputer à la collaboratrice, étant précisé qu'elle fait état de la perte des clients démarchés activement et déloyalement par Mme Juliette B... X... qu'elle chiffre à 200 000 € dans l'autre instance arbitrale ;

Considérant qu'il incombe à la Scp appelante de rapporter la preuve de la réalité des reproches qu'elle forme distinctement et précisément à l'encontre de sa collaboratrice, reposant sur la commission effective par cette dernière d'actes de concurrence déloyale ; qu'elle ne saurait se limiter à demander une mesure d'instruction à caractère général, afin de suppléer à sa propre carence dans l'administration de la preuve ; qu'elle n'explicite pas sa demande de production de ces pièces ; que l'attitude déloyale de Mme Y... ci-dessus retenue, ne démontre pas ipso facto ni un détournement ni même une tentative de détournement de clientèle et ne saurait suffire à étayer la thèse de la Scp appelante qui fait état d'une perte effective de clientèle sans davantage en expliciter la teneur ; que ces demandes seront en conséquence rejetées ;

Considérant la sentence sera infirmée en ce qu'elle a accordé des dommages et intérêts à Mme Y... au titre de la circonstance que M. Jean-Jacques X... ne se serait pas excusé pour l'injure proférée, qu'il sera constaté que ce propos tenu devant les autres personnes présentes, s'il constitue effectivement un écart de langage, en soi très regrettable puisqu'il n'est pas conforme au principe de délicatesse qui doit s'appliquer entre confrères, a été unique et proféré dans un contexte précis, du fait de l'attitude répréhensible de la collaboratrice expliquant amplement que M. Jean-Jacques X... se soit emporté, sans qu'il ne s'agisse de la part de ce dernier d'un écart se voulant délibérément injurieux ; qu'aucun préjudice indemnisable ne sera retenu de ce chef en conséquence ;

Que la sentence sera en conséquence infirmée en toutes ses dispositions ; que Mme Y... supportera les entiers dépens ;

Considérant que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties ;

PAR CES MOTIFS :

Infirme la sentence déférée en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties,

Rejette toutes autres demandes des parties,

Condamne Mme Elodie Y... aux entiers dépens, dont ceux d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : C1
Numéro d'arrêt : 12/035557
Date de la décision : 19/06/2013
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2013-06-19;12.035557 ?
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