La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/09/2013 | FRANCE | N°11/09813

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 10 septembre 2013, 11/09813


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 10 Septembre 2013

(n° 6 , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/09813



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Juillet 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° 10/05436





APPELANT

Monsieur [J] [I]

[Adresse 1]

[Localité 3]

comparant en personne, assisté de Me Patri

ck CHADEL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0105





INTIMÉES

SARL JAM COMMUNICATION

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Stéphanie LEROY, avocat au barreau de PAR...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 10 Septembre 2013

(n° 6 , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/09813

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Juillet 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° 10/05436

APPELANT

Monsieur [J] [I]

[Adresse 1]

[Localité 3]

comparant en personne, assisté de Me Patrick CHADEL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0105

INTIMÉES

SARL JAM COMMUNICATION

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Stéphanie LEROY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0221

SARL ENTRECOM

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Florence ACHACHE, avocat au barreau de PARIS, toque : R088 substitué par Me Delphine CAZENAVE, avocat au barreau de PARIS, toque : D0740

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Mai 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Aleth TRAPET, conseiller, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Brigitte BOITAUD, président

Madame Marie-Aleth TRAPET, conseiller

Madame Catherine COSSON, conseiller

Greffier : Monsieur Polycarpe GARCIA, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Mme Claudine PORCHER, Présidente

- signé par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente lors des débats et du délibéré et par Monsieur Polycarpe GARCIA, greffier présent lors du prononcé.

FAITS ET PROCÉDURE

Aux termes d'un contrat à durée indéterminée, Monsieur [J] [I] a été engagé par la société JAM COMMUNICATION le 2 octobre 2006, en qualité de rédacteur, statut ETAM, pour assurer, pour le compte de la société ENTRECOM, la page d'accueil du site internet de la société YAHOO, client de cette dernière société. Un avenant en date du 1er mars 2008 modifiait le statut de Monsieur [I] et sa qualification, l'intéressé se voyant alors reconnaître un statut cadre, à raison de sa « nouvelle fonction » de « directeur de contenu », le reste du contrat demeurant inchangé.

Monsieur [I] indique que les dirigeants d'ENTRECOM auraient verbalement mis un terme à la relation de travail, avant sa convocation par la société JAM COMMUNICATION à un entretien préalable au licenciement par lettre du 10 février 2010 et son licenciement notifié par lettre du 19 mars 2010 énonçant le motif du licenciement dans les termes suivants :

« Monsieur,

Nous faisons suite à l'entretien préalable que nous avons eu ensemble le 19 février 2010 à 11 heures en vue d'une éventuelle mesure de licenciement, auquel vous vous êtes présenté seul.

Au cours de cet entretien, lors duquel nous vous avons exposé les motifs qui nous ont conduits à envisager une telle mesure, vous ne nous avez pas fourni d'explication permettant un quelconque changement.

Après réflexion, nous sommes au regret de vous notifier votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.

1 ' Pour mémoire, JAM COMMUNICATION est une société de portage salariale, qui accueille des consultants souhaitant développer une activité dans leur domaine de compétence.

JAM COMMUNICATION accompagne les consultants portés dans le développement commercial (formations) et le suivi de leur activité.

En revanche, chaque consultant porté a à sa charge la commercialisation de son offre (recherche, négociation de tarif) et la réalisation de ses missions (article L. 1251-64 du code du travail). Ainsi l'Accord National Interprofessionnel du 11 janvier 2008 qui défini le portage salarial, indique notamment que le portage salarial se caractérise par la prospection des clients et la négociation de la prestation et de son prix parle porté.

2 ' En l'espèce, vous êtes entré en contact avec notre société de portage à la fin du mois de septembre 2006. Nous avons convenu d'un entretien dans nos locaux, au cours duquel vous nous avez exposé votre projet de mission pour votre client UPPRESS concernant un de leur nouveau client « Yahoo » (contrat annuel).

Au cours de cet entretien, comme nous le faisons toujours, nous vous avons rappelé le fonctionnement du portage salarial et de JAM. Le 29 septembre 2006, vous nous avez retourné par mail le dossier d'accueil pour votre inscription sans commentaire sur le fonctionnement du portage salarial.

Ainsi, vous avez été engagé en CDI intermittent le 2 octobre 2006 pour exécuter la mission que vous aviez négociée avec votre client UPPRESS, en ayant été parfaitement éclairé sur le mécanisme du portage salarial. Aux termes de l'article 11 de votre contrat de travail, intitulé « clause d'objectif », vous avez d'ailleurs pris l'engagement de conclure avant la fin de vos missions, une ou des nouvelles missions équivalentes à cinq jours.

En dernier lieu, vous exécutiez, pour le compte de votre client la société UPPRESS, les fonctions de directeur de contenu, statut cadre,

En début d'année 2008, vous avez d'ailleurs négocié une prestation complémentaire auprès de ce même client sur d'autres projets que Yahoo.

Jusqu'alors vous ne nous avez fait à aucun moment, part de problème avec votre client.

3 ' Or, le 27 novembre 2009, la société UPPRESS nous a informé que, suite à de nombreux conflits intervenus entre Yahoo et vous-même, le contrat entre UPPRESS et Yahoo, ne serait pas reconduit au-delà du 31 décembre 2009. La société UPPRESS nous a donc indiqué qu'elle ne passerait plus de commandes à compter du 31 décembre 2009 avec notre société, ce dont nous avons pris acte.

Par un courrier en date du 17 décembre 2009, la société UPPRESS nous a informés de son souhait de mettre immédiatement un terme à toute collaboration avec vous, suite à d'importants problèmes rencontrés entre des clients de UPPRESS et vous-même au cours de l'année, le dernier conflit datant du mois de décembre.

Nous vous avons immédiatement averti de cette situation et vous avons invité par lettre en date du 31 décembre 2009 à conclure au plus vite une nouvelle mission, conformément à la clause d'objectif figurant à l'article 11 de votre contrat de travail.

Parallèlement, nous vous avons convoqué à un entretien au sein de nos locaux le 7 janvier 2010 à 11 heures afin de faire un point sur votre situation chez JAM et vous avons proposé de vous aider dans la recherche de nouvelles missions.

A cette occasion, vous nous avons indiqué que vous ne souhaitiez pas prospecter pour trouver de nouveaux clients, méconnaissant ainsi le principe même du fonctionnement du portage salarial.

4 - Ainsi, il apparaît que depuis le 18 décembre 2009, vous n'avez retrouvé aucune mission, vous ne justifiez d'aucune démarche positive de prospection, et ne fournissez plus aucun relevé d'activité permettant de justifier de votre temps de travail, malgré nos diverses relances.

En effet, par e-mail en date du 4 février 2010, nous vous avons relancé afin d'avoir votre relevé d'activité du mois de janvier en vue de l'établissement de votre bulletin de salaire. Vous n'avez jamais répondu favorablement à cette demande. De la même manière, au mois de février 2010, vous ne nous ayez pas adressé votre relevé d'activité.

Force est de constater que depuis cette date, vous refusez de nous fournir vos relevés d'activités, d'assister à nos formations et de prospecter pour trouver de nouveaux clients en méconnaissance totale des dispositions de votre contrat de travail.

Face à ce constat, nous avons été contraints de vous convoquer à un entretien préalable en vue d'un licenciement.

Lors de cet entretien, au cours duquel nous vous avons expliqué les griefs retenus à votre encontre, vous nous avez fait savoir que vous ne souhaitiez plus :

- Assister aux formations JAM,

- Fournir de relevé d'activité,

- Continuer de travailler avec notre société de portage salarial et donc de chercher de nouvelles missions avec JAM,

- Remplir votre clause d'objectif (article 11 du contrat de travail) concernant votre obligation de. conclure une ou des nouvelles missions équivalentes à 5 jours.

Ce désintérêt manifeste pour votre collaboration au sein de notre société, mais surtout l'absence de recherches actives de nouvelles missions pour la société JAM, constituent

très clairement un manquement à vos obligations contractuelles qui ne peut permettre la poursuite de votre contrat de travail.

6 ' Nous n'avons, en conséquence, d'autre choix que de vous notifier votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.

La date de première présentation de la présente lettre de licenciement marque le point de départ du préavis de trois mois. »

Par jugement du 25 juillet 2011, le conseil de prud'hommes de Paris, en sa section Encadrement, a mis hors de cause la société ENTRECOM, débouté Monsieur [I] de l'ensemble de ses demandes, le condamnant aux dépens. Les sociétés JAM COMMUNICATION et ENTRECOM ont été déboutées de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Cette décision a été frappée d'appel par Monsieur [I] qui demande à la cour de reconnaître la qualité de coemployeur entre les sociétés JAM COMMUNICATION et ENTRECOM, de requalifier le contrat à temps partiel de Monsieur [I] en contrat à temps plein, de juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner en conséquence solidairement les sociétés JAM communication et ENTRECOM à lui payer les sommes suivantes :

- 12 736,07 € à titre de rappel de salaire pour la période de janvier 2007 à décembre 2007,

- 1 273, € au titre des congés payés afférents,

- 26 607,96 € à titre de rappel de salaire pour la période de janvier à juin 2010,

- 2 660,79 € au titre des congés payés afférents

- 2 357,27 € - et subsidiairement 1 424,29 € - à titre de rappel d'indemnité de licenciement,

- 60 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour non respect du droit aux congés,

outre 3 000 € au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

La société JAM COMMUNICATION soutient que les relations de travail entre elle et Monsieur [I] s'inscrivent dans le cadre du portage salarial et que la société UPPRESS (aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société ENTRECOM) ne peut être considérée comme le coemployeur de la société JAM COMMUNICATION. Elle conclut en conséquence à la confirmation du jugement entrepris, et sollicite la condamnation de Monsieur [I] à lui payer 3 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société ENTRECOM demande elle aussi à la cour de confirmer le jugement qui lui est déféré, dès lors que Monsieur [I] est intervenu dans le cadre d'un contrat de portage salarial valablement signé, et qu'il n'existait aucun lien de subordination entre elle-même et le salarié de la société JAM COMMUNICATION. Elle demande la condamnation de Monsieur [I] au paiement d'une somme de 1 500 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et d'une somme de 2 500 € au titre des frais irrépétibles engagés devant la cour.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, reprises et complétées lors de l'audience des débats.

SUR QUOI, LA COUR,

Sur le licenciement de Monsieur [I]

Monsieur [I] conteste l'existence d'un contrat de portage salarial valablement souscrit avec la société JAM COMMUNICATION, aux motifs que l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 comme la législation sur le portage salarial telle qu'issue de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 ne sont pas applicables à la relation contractuelle qui leur est antérieure. Dans ces conditions, son contrat de travail, comme son avenant, tous deux signés avant la promulgation de la loi susvisée portant modernisation du marché du travail, devraient être analysés en un prêt de main d''uvre illicite, peu important que les conditions de la relation de travail lui aient été précisées avant la signature du contrat, les sociétés JAM COMMUTATION et ENTRECOM ne pouvant s'affranchir des règles du droit du travail.

Monsieur [I] estime que la société ENTRECOM doit se voir reconnaître la qualité de coemployeur, dès lors qu'il n'aurait eu quasiment aucun contact avec son « employeur de droit », la société JAM COMMUNICATION, sinon pour la facturation de ses interventions pour Yahoo, alors qu'il faisait « partie intégrante » de la société ENTRECOM comme cela résulterait notamment :

- de l'établissement par la société ENTRECOM de ses cartes de visite,

- des extraits de page internet de cette société, sur lesquelles il apparaissait en qualité de directeur des contenus de la société ENTRECOM,

- du fait qu'il disposait d'une adresse électronique ENTRECOM,

- de sa participation aux séminaires organisés par la société et aux autres réunions de travail,

- du fait qu'il sollicitait de la société ENTRECOM le droit de prendre des vacances,

- du fait qu'il recevait ses consignes de travail directement de la société ENTRECOM

Par ailleurs, Monsieur [I] fait valoir que son licenciement se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse, la société JAM COMMUNICATION se fondant sur la clause dite d'objectif contenue dans son contrat de travail laquelle devrait d'être déclarée nulle à raison de ce qu'elle ne correspondrait pas au cas autorisé par la convention collective SYNTEC ' aux termes de dispositions de surcroît postérieures à la signature du contrat-, Monsieur [I] se voyant imposer l'obligation de « trouver des missions d'une durée de cinq jours », niant au demeurant l'obligation pesant sur l'employeur de fournir du travail à son employé.

La société JAM COMMUNICATION expose que le licenciement a été prononcé en raison de l'inexécution, par Monsieur [I], de ses obligations contractuelles, dès lors qu'il n'avait effectué aucune démarche de prospection auprès de clients pour trouver de nouvelles missions alors que la société ENTRECOM n'envisageait plus de recourir à ses services du fait du mécontentement du client Yahoo.

Elle prétend que la conclusion d'un contrat de portage salarial était possible avant la loi du 25 juin 2008 laquelle avait la nature d'une loi d'ordre public absolu de sorte qu'elle se trouvait d'application immédiate aux situations contractuelles en cours. La société de portage ajoute que la conclusion d'un contrat de portage salarial était légal avant même la promulgation de la loi du 25 juin 2008, que Monsieur [I] avait été informé au moment de son embauche et de la signature de l'avenant du mécanisme du portage salarial, qu'il a directement négocié sa prestation avec la société UPPRESS et que dès lors, il ne fait aucun doute que sa relation de travail s'inscrivait dans le cadre du portage salarial.

La société ENTRECOM fait valoir pour sa part que les pièces versées aux débats permettent d'établir que la « relation triangulaire » résultant de la signature d'un contrat de portage convenait parfaitement à Monsieur [I] qui avait toujours manifesté sa volonté d'indépendance, notamment vis à vis d'elle-même, comme en témoignerait notamment la liberté de ton de ses messages électroniques démontrant sa réelle autonomie et son indépendance dans le cadre de l'exécution de sa prestation, Monsieur [I] se positionnant « d'égal à égal » avec son client et non dans un rapport de subordination.

Enfin, la société ENTRECOM souligne qu'aucun des critères du contrat de travail, à savoir une activité distincte, une rémunération et un lien de subordination, ne serait établi par Monsieur [I], le seul contrat signé le liant à la société JAM COMMUNICATION qui le rémunérait conformément aux dispositions de l'article L. 1251-64 du code du travail, la société ENTRECOM n'ayant signé qu'un contrat cadre avec la société JAM COMMUNICATION.

Considérant qu'en vertu de l'article L. 1251-64 du code du travail, le portage salarial est un ensemble de relations contractuelles organisées entre une entreprise de portage, une personne portée et des entreprises clientes comportant pour la personne portée le régime du salariat et la rémunération de sa prestation chez le client par l'entreprise de portage. Il garantit les droits de la personne portée sur son apport de clientèle ;

Considérant que, selon les termes de l'article L. 8241-1 du code du travail, les entreprises de portage salarial échappent à l'incrimination de prêt de main-d''uvre illicite ; qu'aucune de ces dispositions n'entache d'illégalité la pratique du portage salarial antérieurement à la loi du 25 juin 2008, chacune d'elles ayant au contraire, comme l'ont justement souligné les premiers juges, pour objectif affiché d'encadrer cette organisation qui répond encore actuellement à un besoin social ;

Considérant que le jugement est confirmé en ce qu'il a retenu l'existence entre la société JAM COMMUNICATION et Monsieur [I] d'un contrat de portage salarial ;

Considérant que Monsieur [I] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un contrat de travail le liant à la société ENTRECOM ; que les apparences résultant de l'édition de cartes de visites et de la mise à disposition de Monsieur [I] d'une adresse électronique ne suffisent pas à établir l'existence d'un lien de subordination juridique avec la société ENTRECOM pour lequel il réalisait ses prestations ;

Considérant qu'en l'absence d'élément nouveau, la cour confirme par des motifs adoptés, la décision mettant hors de cause la société ENTRECOM, étant précisé que :

- la société JAM COMMUNICATION se présente dans le dossier d'accueil transmis à Monsieur [I] avec la fiche d'embauche qu'il a retournée par courriel du 29 septembre 2006 comme « pionnier dans le portage salarial », la présentation explicite de la société ne laissant aucun doute sur le statut en résultant pour ses salariés : « Le groupe JAM est constitué de sociétés de prestations de services à forte valeur ajoutée (conseil, formation, communication, création artistique). Les professionnels autonomes rejoignent le groupe JAM pour développer leur activité en s'appuyant sur des équipes pour négocier, conclure des prestations et les accompagner dans la croissance de leur activité et le développement de leur savoir-faire. Pionnier du portage salarial, fort de ses quinze ans d'expérience et présent sur l'ensemble du territoire français, le groupe JAM accompagne les consultants et professionnels autonomes dans le développement de leur projet. [..] Il est rappelé que lorsque le « Salarié » rejoint le groupe JAM, il est amené, conformément à son contrat de travail, à exécuter des missions et à en prospecter de nouvelles »,

- dans sa demande de recrutement, jointe au dossier d'accueil, Monsieur [I] a exposé avec exactitude les conditions dans lesquelles il serait recruté par la Société JAM COMMUNICATION, les modalités de sa démarche commerciale, d'organisation de ses prestations, sa rémunération et le lien de subordination déconnecté de la relation avec le client lui assurant une totale indépendance,

- le contrat de travail à durée indéterminée en date du 2 octobre 2006 précise qu'il est conclu en conformité avec les dispositions de l'article L. 212-4-12 du codé du travail (devenu l'article L. 3123-23 du code du travail), les relations contractuelles entre JAM COMMUNICATION et ENTRECOM étant définies dans le contrat cadre de prestations d'assistance technique, conclu le 17 mai 2005, aux termes duquel le fournisseur - JAM COMMUNICATION - s'engage à fournir au client ENTRECOM des prestations de rédactions éditoriales spécialisées,

- Monsieur [I] a exécuté ses prestations en faveur de la société ENTRECOM en contrepartie d'une rémunération réglée par JAM COMMUNICATION, conformément aux relevés d'activité qu'il établissait lui-même dans le respect de ses obligations contractuelles et des règlements opérés par le client,

- Monsieur [I], spécialiste dans son domaine d'activité, exerçait ses fonctions en qualité de professionnel autonome, disposant d'une grande autonomie et d'une très large liberté de parole comme le démontrent les débats et les pièces du dossier ;

- Monsieur [I] bénéficiait, depuis le 1er mars 2008, du statut cadre qui, à ses yeux, aurait constitué une condition de l'existence d'un contrat de portage, en vertu des dispositions de l'accord cadre du 24 juin 2010 cependant inapplicable comme étant postérieur à son départ de la société JAM COMMUNICATION et de surcroît non encore entré en vigueur, à défaut de publication d'un arrêté ministériel permettant son extension,

Monsieur [I] soutient à tort que l'accord interprofessionnel du 11 janvier 2008, étendu par arrêté du 23 juillet 2008, limiterait à trois années la durée maximum du portage salarial, seul l'accord susvisé du 24 juin 2010, inapplicable, envisageant une telle limite, l'article L.1251-64 ne prévoyant aucune limite à la relation de travail en portage salarial ;

Considérant que le contrat de travail comportait une clause d'objectif ainsi rédigée : « Eu égard à la dimension également commerciale de l'activité du "salarié", les parties estiment légitime l'inclusion dans le contrat de travail d'une clause d'objectif. Cet objectif est déterminé en commun accord avec le "salarié". Au terme de cette clause, le "salarié" devra conclure, avant la fin de ses missions, une ou des missions nouvelles équivalentes à cinq jours » ;

Considérant que la société UPPRESS ayant informé la société JAM COMMUNICATION qu'elle ne passerait plus de commandes de prestation de services à compter du 31 décembre 2009, au motif que le contrat avec Yahoo n'était pas reconduit au-delà du 31 décembre 2009, la société de portage a écrit à Monsieur [I] ce même jour pour lui indiquer qu'il lui appartenait de conclure au plus vite une nouvelle mission, conformément à la clause d'objectif figurant à l'article 11 de son contrat de travail ; que Monsieur [I] n'ayant pas trouvé de nouveaux clients a été licencié par la société de portage ;

Considérant que la qualification de contrat de travail et le régime juridique qui en découle ne sont pas à la disposition des parties ; que la seule volonté des parties est impuissante à soustraire un travailleur au statut social qui découle nécessairement des conditions d'accomplissement de son travail ;

Considérant que le contrat de portage étant un contrat de travail, l'ensemble des règles régissant le contrat de travail s'appliquent au contrat liant l'entreprise de portage au salarié ; que la clause contraignant Monsieur [I] à conclure avant la fin de ses missions, «une ou des nouvelles missions nouvefles équivalentes à cinq jours » est sans effet ; qu'en effet, le contrat de travail comporte pour l'employeur l'obligation première ' en laquelle il trouve son essence ' de fournir du travail au salarié ; que lorsque l'entreprise de portage embauche ' comme en l'espèce ' le salarié pour une durée indéterminée, elle s'engage nécessairement à lui fournir elle-même du travail après l'expiration de la prestation apportée ;

Considérant que la fin de la mission confiée à Monsieur [I] du fait de la non-reconduction du contrat liant la société Yahoo à la société UPPRESS ne justifiait pas le licenciement du salarié au motif qu'il était resté sans travail faute d'avoir cherché et en tout cas trouvé d'autres missions à effectuer ; que la société JAM COMMUNICATION a manqué à son obligation à l'égard de Monsieur [I] ;

Considérant que le jugement entrepris est infirmé en ce qu'il a retenu l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement ;

Considérant que dès lors que la société JAM COMMUNICATION se devait de fournir du travail à son salarié, la société JAM COMMUNICATION ne pouvait se contenter de lui verser, après la rupture des relations avec son client UPPRESS, le minimum mensuel résultant de l'application en faveur des salariés portés n'ayant pas de mission en cours de l'accord du 15 novembre 2007 de la convention collective des bureaux d'études techniques, soit une somme de 112,20 € brut correspondant à sept heures de travail par mois (101,88 €), augmentée de l'indemnité compensatrice de congés payés et de la prime de vacances (11,12 €) ; qu'il résulte du contrat de travail du salarié que la rémunération mensuelle brute de Monsieur [I] se composait d'une partie fixe et d'une partie variable calculée à partir « du résultat du centre d'activité du "salarié" selon les normes de calcul précisé dans le guide de gestion du centre d'activité » ; que Monsieur [I] est bien fondé à solliciter le paiement d'une somme de 26 607,96 € à titre de rappel de salaire pour la période de janvier à juin 2010, en fonction d'une rémunération moyenne de 4 546,86 € au cours des douze derniers mois effectivement travaillés, outre 2 660,79 € de congés payés afférents ;

Considérant que, compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise (plus de dix salariés), des circonstances de la rupture, du salaire de référence de 4 546,86 € par mois servi au salarié, de son âge (trente-sept ans au moment du licenciement), de son ancienneté (plus de trois ans), des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces communiquées et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer une somme de 30 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail ;

Considérant que Monsieur [I] est encore fondé à réclamer un rappel d'indemnité de licenciement, laquelle doit être calculée, par application de l'article 10 de la convention collective SYNTEC, sur la base de la moyenne des douze derniers mois précédant la rupture, en tenant compte d'une ancienneté de trois ans et huit mois ;

Considérant que, n'ayant perçu qu'une somme de 3 200 €, Monsieur [I] est fondé à réclamer un rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement de 2 357,27 € [5 557,27 - 3 200], le jugement étant infirmé encore sur ce point ;

Sur la demande de requalification du contrat de travail à durée indéterminée intermittent en contrat à temps plein

Monsieur [I] soutient que son contrat de travail intermittent doit être requalifié en contrat à durée indéterminée à temps plein, dans la mesure où il ne comprendrait aucune indication précise quant à ses horaires de travail, au mépris des dispositions de l'article L. 3123-14 du code du travail. Il indique qu'il n'aurait pas même eu à faire des déclarations horaires dès lors qu'il percevait une rémunération fixe sans spécifications horaires concernant son activité

Le salarié réclame un rappel de salaire à ce titre pour la seule période de janvier 2007 à décembre 2007

La société JAM COMMUNICATION fait valoir que la présomption de travail à temps plein susceptible de jouer lorsque le contrat de travail intermittent ne contient pas certaines dispositions relatives au temps de travail ne constitue qu'une présomption simple laquelle tombe lorsqu'il est établi que le salarié ne travaillait pas à temps complet.

Considérant que dans un contrat de travail à temps partiel doivent notamment figurer :

- la durée du travail,

- sa répartition entre les jours de la semaine ou les semaines du mois,

- les conditions de modification de cette répartition,

- les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués au salarié,

- les limites dans lesquelles peuvent être effectuées des heures complémentaires ;

Considérant que le contrat de travail de Monsieur [I] précisait :

« Les périodes d'astreintes seront déterminées 15 jours avant chaque mois et seront composées :

- pour le soir d'une astreinte de 17h à 23h avec un temps de travail effectif de 2 heures maximum,

- pour les week-end et jours fériés d'une astreinte de 10 h à 20 h avec un temps de travail effectif de 3 heures maximum.

Le nombre de jours d'astreinte pour la première année est au minimum de 10 jours en semaine, et 4 jours le week-end et jours fériés ».

Considérant que le contrat de travail intermittent de Monsieur [I] avait été conclu en application de l'accord d'entreprise du 5 avril 2005 ; qu'il était conforme aux dispositions de l'article L. 3123-23 du code du travail comme l'ont souligné à juste titre les premiers juges ;

Considérant que les éléments du dossier et les débats ont permis à la cour de vérifier que Monsieur [I] avait été rémunéré sur la base des horaires qu'il avait déclarés lorsqu'il exerçait les fonctions de rédacteur, pour assurer, pour le compte de la société ENTRECOM, la page d'accueil du site internet de la société Yahoo ; qu'à la suite de sa promotion en qualité de directeur de contenu , intervenue le 1er mars 2008, il a été rémunéré sur la base d'un temps plein, soit de 151,67 heures ; qu'il ne formule au demeurant pas de demande de rappel de salaire après la promotion de 2008 pour cette période, hormis pour les mois ayant précédé son licenciement, sa demande reposant alors sur un autre fondement dont la légitimité a été admise ;

Considérant qu'invité par la cour à communiquer ses déclarations de revenus, Monsieur [I] a transmis ses avis d'imposition pour les années concernées ; qu'il résulte de ces documents que le revenu net déclaré par Monsieur [I] (22 245 €) est supérieur au montant des revenus perçus de la société JAM COMMUNICATION (17 043,79 €) au cours de cette année ; que Monsieur [I] ne conteste pas avoir eu d'autres activités professionnelles avant sa promotion de mars 2008 ; qu'il exerçait une activité comme travailleur indépendant depuis 2003 et travaillait également comme pigiste ; que dans un courriel du 9 avril 2009, il écrivait à la société ENTRECOM : « le régime du portage ne me convient plus guère (ça allait quand j'avais pas mal de pipes à côté) » ;

Considérant que la demande de requalification du contrat à durée indéterminée intermittent en contrat à plein temps n'est justifiée qu'à compter de la promotion de Monsieur [I] à ses fonctions de cadre ; que l'employeur a d'ailleurs tenu compte de la réalité de ce plein temps pour rémunérer Monsieur [I], en dépit du fait que le contrat du salarié n'avait pas été modifié explicitement sur ce point ;

Considérant qu'il est fait droit à la demande de requalification à compter du 1er mars 2008 ; que la demande de rappel de salaire pour 2007 est rejetée, le jugement étant confirmé sur ce point ;

Sur la demande de dommages et intérêts pour non-respect du droit aux congés

Monsieur [I] réclame une somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect du droit aux congés. Il reconnaît avoir bénéficié chaque mois, au titre des congés payés, d'une indemnité égale à 11 % de son salaire mais soutient qu'il a éprouvé les plus grandes difficultés à prendre des jours de congés dans la mesure notamment où il était en astreinte chaque semaine pour assurer la maintenance du site d'information. Il aurait pris tout au plus deux semaines de congés en deux ans.

La société JAM COMMUNICATION conteste avoir jamais empêché Monsieur [I] de prendre des congés, pas plus que la société ENTRECOM.

Considérant qu'il appartient au salarié d'apporter la preuve qu'il n'a pas pu prendre ses congés payés par la faute de son employeur et qu'il les a personnellement réclamés ;

Considérant que Monsieur [I] produit un courriel adressé le 5 novembre 2009 à Monsieur [H] de la société ENTRECOM l'interrogeant en ces termes : « J'ai besoin de prendre des jours en novembre (19, 20 et 21 novembre) et des vacances à Noël (du 23 décembre au 4 janvier). Dans quelle mesure seront-ils pris en charge ' » ; que son interlocuteur lui avait répondu : « Tu vois ça avec ton boss » ; qu'il ne justifie pas être intervenu auprès de la société JAM COMMUNICATION ;

Considérant que Monsieur [I] succombe sous la charge de la preuve qui pèse sur lui ; que le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a rejeté ce chef de demande ;

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive

La société ENTRECOM sollicite la condamnation de Monsieur [I] au paiement d'une somme de 1 500 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Considérant que les circonstances de la cause ne permettent pas de retenir à l'encontre de Monsieur [I] une faute de nature à faire dégénérer son droit à exercer un recours en procédure abusive ; que la société ENTRECOM est débouté de sa demande de dommages et intérêts ;

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a mis hors de cause la société ENTRECOM et rejeté les demandes de Monsieur [I] portant sur un rappel de salaire pour 2007 et des dommages-intérêts pour non-respect du droit aux congés payés ;

STATUANT À NOUVEAU ET AJOUTANT,

CONDAMNE la société JAM COMMUNICATION à payer à Monsieur [I] les sommes suivantes :

- 26 607,96 € à titre de rappel de salaire pour la période de janvier à juin 2010,

- 2 660,79 € au titre des congés payés afférents,

- 2 357,27 € à titre de rappel d'indemnité de licenciement,

- 30 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la société JAM COMMUNICATION à payer à Monsieur [I] une somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la société JAM COMMUNICATION et la société ENTRECOM de leur demande de frais irrépétibles ;

DEBOUTE la société ENTRECOM de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

CONDAMNE la société JAM COMMUNICATION aux dépens de première instance et d'appel ;

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 11/09813
Date de la décision : 10/09/2013

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°11/09813 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-09-10;11.09813 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award