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10/09/2013 | FRANCE | N°12/04064

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 10 septembre 2013, 12/04064


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 10 Septembre 2013



(n° , 06 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/04064



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Septembre 2009 par Conseil de Prud'hommes de PARIS RG n° 08/10679







APPELANT

Monsieur [T] [X]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représenté par Me Jean CISSOKO, avocat au barreau d'

ORLEANS substitué par Me Hélène CADINOT-MANTION, avocat au barreau d'ORLEANS







INTIMÉE

SAS FACI

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Jacques PEROTTO, avocat au barreau de PARIS, toqu...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 10 Septembre 2013

(n° , 06 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/04064

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Septembre 2009 par Conseil de Prud'hommes de PARIS RG n° 08/10679

APPELANT

Monsieur [T] [X]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représenté par Me Jean CISSOKO, avocat au barreau d'ORLEANS substitué par Me Hélène CADINOT-MANTION, avocat au barreau d'ORLEANS

INTIMÉE

SAS FACI

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Jacques PEROTTO, avocat au barreau de PARIS, toque : K0126

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 Mai 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Bernadette LE GARS, Présidente

Monsieur Guy POILÂNE, Conseiller

Madame Caroline PARANT, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Claire CHESNEAU, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Monsieur Guy POILÂNE, Conseiller faisant fonction, la Présidente étant empêchée, et par Mademoiselle Nora YOUSFI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [T] [X] a été embauché en qualité de chauffeur par la société Fonderies Cromback à compter du 14 juin 1968.

Son contrat de travail a été successivement transféré dans plusieurs sociétés du groupe Crometal.

En dernier lieu, Monsieur [X] était salarié de la société Faci.

Convoqué le 18 juillet 2000 à un entretien préalable de licenciement, Monsieur [X] a été licencié pour motif économique par lettre du 8 septembre 2000 aux motifs suivants :

' suite à une réorganisation de l'entreprise, votre poste est supprimé.'

Le 18 septembre 2000, a été signé entre Madame [G] [L] et Madame [Z] [X] un protocole transactionnel.

Monsieur [X] est intervenu à cet acte et a déclaré y adhérer, acceptant en conséquence de ratifier les engagements souscrits en son nom par son épouse avec toutes conséquences de droit.

*****

Monsieur [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 15 novembre 2004.

Par jugement du 24 septembre 2009, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté Monsieur [X] de toutes ses demandes et débouté la société Faci de ses demandes reconventionnelles.

Monsieur [X] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 23 février 2010.

L'affaire a été retenue, après radiation du 3 octobre 2011, à l'audience du 28 mai 2013.

*****

Par conclusions visées au greffe le 28 mai 2013, au soutien de ses observations orales, auxquelles il est expressément fait référence, Monsieur [X] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de :

- déclarer inopposable à Monsieur [X] le protocole transactionnel du 18 septembre 2000,

- ordonner, le cas échéant, la comparution personnelle de Monsieur [X] à effet d'apprécier les facultés de compréhension par Monsieur [X] d'une promesse de porte fort,

- déclarer l'absence de validité de la transaction en l'absence de différend existant entre Monsieur [X] et la société Faci, et en raison de l'absence de concession réciproque,

- déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Faci au paiement de la somme de 83 200 € à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2004, date de la saisine du conseil de prud'hommes et de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [X] fait valoir en substance les arguments et moyens suivants :

- il a servi avec son épouse la famille [L] pendant plus de 30 ans, avant d'être licencié pour motif économique,

- le conseil de prud'hommes ne pouvait rejeter ses demandes sur la base du protocole transactionnel signé le 18 septembre 2000, alors que ce protocole transactionnel lui est inopposable car la société Faci n'était pas partie à cet acte,

- Monsieur [X] qui parlait très mal le français a été victime d'un dol lors de la ratification du protocole transactionnel dont il n'a pas compris le contenu, et la cour pourra s'en convaincre en ordonnant sa comparution personnelle,

- la transaction invoquée par la société Faci n'est pas valable, faute de différend mentionné dans la transaction entre Monsieur [X] et la société Faci, et faute de concessions réciproques,

- le licenciement est sans cause réelle et sérieuse puisque la lettre de licenciement ne fait état que de la réorganisation de l'entreprise, laquelle ne peut constituer, à elle seule, un motif économique de licenciement ; cette réorganisation doit être motivée par la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, laquelle n'est ni mentionnée dans la lettre de licenciement, ni justifiée,

- aucune recherche de reclassement dans le groupe dont fait partie la société Faci n'a été effectuée,

- Monsieur [M] a subi un grave préjudice en raison de son licenciement.

*****

Par conclusions visées au greffe le 28 mai 2013, au soutien de ses observations orales, auxquelles il est expressément fait référence, la société Faci conclut à la confirmation du jugement entrepris et au débouté des demandes de Monsieur [X].

Elle demande la condamnation de Monsieur [X] au paiement de la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de 1 500 € sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile.

Subsidiairement, elle demande de limiter à 6 mois de salaire, soit à la somme de 19 274,82 €, le montant des dommages et intérêts.

La société Faci soutient principalement les arguments et moyens suivants :

- les époux [X] ont renoncé par protocole transactionnel à toutes actions ou réclamations envers les époux [L] et toutes les sociétés du groupe moyennant le versement d'une somme substantielle de 186 117,40 € (1 220 850 F),

- après la rupture, les époux [X] ont multiplié les actions de chantage et de harcèlement envers la famille [L],

- Monsieur [X] a ratifié et repris à son propre compte l'engagement de son épouse et a reconnu ne plus avoir de recours, y compris à titre de dommages et intérêts, tant à l'égard des époux [L] que de la société Faci ; ce désistement vise toutes les actions ayant pour fondement les relations de Monsieur [X] avec les époux [L] ou la société Faci ;

le protocole transactionnel est opposable à Monsieur [X] qui l'a ratifié et il a, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort, conformément à l'article 2052 du code civil,

- en contrepartie de son engagement et de celui de Madame [X], les époux [X] ont reçu une somme de 186 117,40 €,

- la contestation de Monsieur [X] est de parfaite mauvaise foi et abusive et justifie le paiement d'une amende civile,

- le motif économique du licenciement est parfaitement démontré, la réorganisation du groupe justifiant le licenciement de Monsieur [X].

MOTIFS

Sur l'opposabilité du protocole transactionnel du 18 septembre 2000 à Monsieur [X]

Monsieur [X] soutient que le protocole transactionnel du 18 septembre 2000 lui est inopposable en raison du défaut d'intervention de la société Faci, son dernier employeur, audit protocole transactionnel.

Ce faisant, il confond l'inopposabilité du protocole transactionnel envers lui même avec l'inopposabilité du protocole envers la société Faci.

En effet, Monsieur [X] était intervenant au protocole transactionnel du 18 septembre 2000 à dessein de ratifier la promesse de porte fort contenue dans l'acte.

Monsieur [X] a ratifié, conformément à l'article 1120 du code civil la promesse de porte fort souscrite par son épouse, Madame [Z] [X].

Le protocole transactionnel du 18 septembre 2000 est, dans ces conditions, parfaitement opposable à Monsieur [X].

Sur le dol

Il est constant qu'il appartient à celui qui se prévaut de la réalité d'un vice du consentement de rapporter la preuve de la réalité du vice allégué.

En l'espèce, Monsieur [X] qui soutient avoir été victime d'un dol et des manoeuvres de la société Faci ne produit aucune pièce en ce sens.

Il se contente d'arguer de sa méconnaissance du français qui l'aurait empêché de comprendre le contenu exact de son engagement, alors qu'il travaillait en France depuis 1968, ce qui implique suppose une maîtrise, au moins partielle, de la langue française.

Il se contente de solliciter l'instauration d'une mesure de comparution personnelle alors qu'en application de l'article 146 alinéa 2 du code de procédure civile une mesure d'instruction ne peut être ordonnée pour pallier la carence d'une partie dans l'administration de la preuve.

Monsieur [X] qui ne justifie pas mal s'exprimer en français ne fournit aucune preuve des manoeuvres de la société Faci destinées à vicier son consentement lors de la ratification du protocole transactionnel du 18 septembre 2000.

Dans ces conditions, la cour dit et juge que la preuve du dol invoqué par Monsieur [X] n'est pas rapportée.

Sur la validité de la transaction à l'égard de Monsieur [X]

En vertu de l'article 2044 du code civil, la transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître.

La transaction suppose un litige, l'intention d'y mettre fin et des concessions réciproques pour y parvenir.

Il est nécessaire qu'il existe entre les parties à la transaction une situation contentieuse ou pré contentieuse.

Cette existence ou cette possibilité de situation litigieuse est la cause de la transaction.

Monsieur [X] soutient que le protocole transactionnel du 18 septembre 2000 n'est pas valable, à défaut d'existence d'un différend opposant les parties.

La société Faci rétorque que quelles que soient les irrégularités formelles susceptibles d'affecter le protocole transactionnel, le versement de la somme de 1 220 850 F était conditionné au respect des engagements pris tant par Monsieur [X] que par son épouse.

Il résulte de la lecture de la première page du protocole transactionnel du 18 septembre 2000 que seule est décrite la contestation opposant Madame [X] à Madame [L], à savoir la revendication par Madame [X] de sa qualité de salariée au service des époux [L].

Il n'est nullement fait mention dans le rappel des faits constituant le préambule du protocole transactionnel litigieux de la relation salariale ayant uni Monsieur [X] aux époux [L] ou à la société Faci.

Seul l'article 2.2 du protocole transactionnel est relatif à la relation salariale entre Monsieur [X] et la société Faci, et, en tant que de besoin, les époux [L].

Il contient l'engagement par Madame [X] de se porter fort de l'absence de toute contestation par Monsieur [X], et du désistement par celui ci de toutes actions ayant pour fondement les relations ayant existé entre Monsieur [X] et la société Faci ou, en tant que de besoin, les époux [L].

Il contient l'engagement de Monsieur [X], s'il ratifie l'engagement de porte fort souscrit par Madame [X], et sous réserve du paiement de la somme de 279 150 F, de ne plus pouvoir former à l'encontre des époux [L] et de la société Faci aucune autre réclamation de quelque nature que ce soit, y compris à titre de dommages et intérêts, et le désistement de toutes actions ayant pour fondement les relations de Monsieur [X] avec les époux [L] et la société Faci antérieures à la lettre de licenciement et celles qui auraient pour fondement, tant la procédure de licenciement que la lettre de licenciement elle- même.

Il n'est fait mention dans cet article d'aucun différend né ou à naître issu de la relation salariale ayant existé entre Monsieur [X] et la société Faci ou les époux [L] que le protocole transactionnel aurait vocation à régler.

Et surtout, il ne résulte d'aucune pièce versée aux débats par les parties qu'il ait existé, préalablement à la signature du protocole transactionnel, un quelconque différend entre la société Faci et Monsieur [X] que la transaction aurait eu vocation à régler.

De sorte que c'est à juste titre que Monsieur [X] se prévaut de cette absence de différend à régler entre lui et la société Faci pour contester la validité de la transaction à son égard.

La transaction ne pouvait valablement en effet prévenir toutes les contestations susceptibles de naître entre Monsieur [X] et ses anciens employeurs ; elle devait être destinée à régler, conformément à l'article 2044 du code civil, une contestation née ou à naître.

Faute de différend à régler, la transaction est sans cause, ce qui la prive de validité à l'égard de Monsieur [X].

De sorte qu'il convient d'infirmer le jugement entrepris et de dire et juger que la demande d'indemnisation par Monsieur [X] de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement est recevable, à défaut de transaction valable pouvant lui être opposée.

Sur le licenciement de Monsieur [X]

Il est constant qu'en application de l'article L 1232 - 6 du contrat de travail la société Faci se devait d'énoncer les motifs du licenciement dans la lettre de licenciement du 8 septembre 2000.

S'agissant d'un licenciement pour motif économique, la suppression du poste de Monsieur [X] devait résulter, conformément à l'article L 1233 - 3 du code du travail, soit de difficultés économiques soit de mutations technologiques.

La société Faci s'est contentée de mentionner dans la lettre de licenciement la suppression du poste de Monsieur [X] en raison de la réorganisation de l'entreprise sans nullement expliquer en quoi elle était nécessaire pour sauvegarder sa compétitivité.

L'imprécision de ce motif de licenciement prive le licenciement de Monsieur [X] de cause réelle et sérieuse.

Au surplus, il n'est nullement démontré par la société Faci qu'elle ait, conformément à l'article L 1233 - 4 du code du travail, tenté de reclasser Monsieur [X] avant de procéder à son licenciement, l'absence d'exécution par l'employeur de son obligation de reclassement privant également le licenciement de cause réelle et sérieuse.

Monsieur [X] qui comptait 32 ans d'ancienneté au sein d'une entreprise occupant plus de 10 salariés est bien fondé à solliciter, en vertu de l'article L 1235 - 3 du code du travail, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dont le montant ne peut être inférieur aux salaires des 6 derniers mois.

Eu égard à son ancienneté, au montant de son salaire, soit 3212,47 € sur 13 mois, au fait qu'étant âgé de 60 ans au jour du licenciement il a pris sa retraite en décembre 2002 sans bénéficier d'un taux plein, il sera alloué à Monsieur [X] la somme de 50 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Cette somme, de nature indemnitaire, porta intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt.

Sur le surplus des demandes

La société Faci qui succombe sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et de sa demande de condamnation de Monsieur [X] au paiement d'une amende civile et condamnée à payer à Monsieur [X] la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

- Infirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris et, statuant à nouveau,

- Déclare le protocole transactionnel du 18 septembre 2000 opposable dans son principe à Monsieur [T] [X] ;

- Dit qu'en raison de son absence de cause, le protocole transactionnel du 18 septembre 2000 ne peut être opposé à la demande d'indemnisation formée par Monsieur [X] au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement ;

- Dit que le licenciement de Monsieur [X] n'a pas revêtu une cause réelle et sérieuse ;

- Condamne la société Faci à payer à Monsieur [T] [X] la somme de 50 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt ;

- Condamne, en outre, la société Faci à payer à Monsieur [X] la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

- Condamne la société Faci aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 12/04064
Date de la décision : 10/09/2013

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°12/04064 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-09-10;12.04064 ?
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