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11/09/2013 | FRANCE | N°08/15767

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 2, 11 septembre 2013, 08/15767


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 2



ARRET DU 11 SEPTEMBRE 2013



(n° , 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 08/15767



Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Mai 2008 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 04/11553





APPELANTE





Compagnie AXA FRANCE IARD venant aux droits de la Compagnie AXA ASSURANCES agissant poursuites e

t diligences de ses représentants légaux

[Adresse 3]

[Adresse 3]



représentée par Me Vincent RIBAUT de la SCP RIBAUT, à la Cour, toque : L0010

assistée de Me Souheila MEJDOUB, ...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 2

ARRET DU 11 SEPTEMBRE 2013

(n° , 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 08/15767

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Mai 2008 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 04/11553

APPELANTE

Compagnie AXA FRANCE IARD venant aux droits de la Compagnie AXA ASSURANCES agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Vincent RIBAUT de la SCP RIBAUT, à la Cour, toque : L0010

assistée de Me Souheila MEJDOUB, pour la SCP KARILA & Associes (avocat au barreau de PARIS, toque : P 264)

INTIMÉES

SA MARTO & FILS, ayant son siège social

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

assistée de Me Michel SIMONET de la SELARL ISGE & ASSOCIES, toque : P0038

SARL D'AMENAGEMENT DE TERRAINS - SAT, ayant son siège social

[Adresse 4]

[Adresse 4]

régulièrement assignée, n'ayant pas constitué avocat

Compagnie d'assurances MMA venant aux droits de la COMPAGNIE AZUR ASSURANCES IARD, ayant son siège social

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Hélène BLANC, avocat au barreau de PARIS, toque : A0420

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Mai 2013, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sylvie MESLIN, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Fabrice JACOMET, Conseiller hors hiérarchie faisant fonction de Président

Madame Denise JAFFUEL, Conseiller

Madame Sylvie MESLIN, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Emilie POMPON

ARRET :

- réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Denise JAFFUEL, Conseiller, en suite de l'empêchement du Président, et par Madame Emilie POMPON, Greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire

Vu l'appel déclaré le 1er août 2008 par la société anonyme AXA FRANCE IARD (la société AXA) contre le jugement prononcé par le tribunal de grande instance de BOBIGNY le 29 mai précédent - 6ème Chambre, 5ème Section -, dans l'affaire qui l'oppose, à la société anonyme MARTO & FILS (la société MARTO), à la société à responsabilité limitée D'AMENAGEMENT DE TERRAINS « S.A.T » (la société SAT) ainsi qu'à la société MMA venant aux droits et garanties de la société AZUR ASSURANCES IARD,

Vu le jugement attaqué,

Vu, enregistrées par ordre chronologique, les conclusions récapitulatives présentées le :

-15 mai 2013 par la société AXA, appelant à titre principal

-17 mai 2013 par la société MARTO, intimée,

-17 mai 2013 par la société MMA, intimée,

Vu l'ensemble des éléments du dossier,

SUR CE,

La Cour se réfère au jugement entrepris pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions initiales.

Il suffit de rappeler les éléments constants suivants :

1. les données analytiques, factuelles et procédurales, du présent litige

Le Syndicat des copropriétaires des GRANDS COTEAUX DE [Localité 1] dispose, sur les six hectares lui appartenant, d'un espace vert d'environ un hectare, boisé, clôturé et interdit à la circulation, servant de tampon naturel entre les habitations et le plateau situé en amont.

L'ensemble immobilier de ce syndicat se compose de 15 bâtiments regroupant 515 logements construits en 1967-1968.

Cet ensemble est édifié sur le versant de la colline de la vallée de [Localité 2], anciennement exploitée au moyen de carrières de gypses descendant à environ 30 m avec un toit de galerie à - 21 m, ayant ultérieurement servi de champignonnières aujourd'hui désaffectées.

Un glissement de terrain de grande ampleur provoqué par un dérèglement de la circulation des eaux provenant du plateau, constaté courant 1983, a nécessité la réalisation de travaux pour un coût de 3 500 000 francs (533 571, 56 €).

M. [Y] [C], marchand de biens, a courant 1992, acquis les parcelles situées à [Adresse 5], jouxtant et surplombant ce terrain et a, avec le concours de plusieurs sociétés qu'il gère, créé sur ce site une activité de recyclage de bétons de démolition outre la décharge de matériaux.

La société MARTO ayant dès 1993, reçu mission de réaliser les travaux de consolidation du terrain litigieux a donc, dans le cadre d'un référé préventif introduit le 5 août 1993, sollicité le constat des avoisinants dès lors que la commune de [Localité 1] faisait l'objet d'un arrêté de catastrophe naturelle et qu'un glissement de terrain s'était produit en 1983.

Le syndicat des copropriétaires des GRANDS COTEAUX DE [Localité 1] (le syndicat des copropriétaires), craignant que la présence de matériaux entreposés par M. [Y] [C] et la société MARTO sur le plateau, ne provoque un nouveau glissement de terrain a, par acte extrajudiciaire du 5 août 1996, sollicité en référé la désignation d'un expert devant le tribunal de grande instance de BOBIGNY.

Le juge saisi a fait droit à cette demande et, par ordonnance du 9 octobre 1996, a désigné M. [S] [X], précédemment désigné dans le cadre du référé préventif, avec notamment pour mission de :

-« déterminer si compte tenu des aménagements actuels et en particulier du stockage des matériaux en partie haute, sur le plateau appartenant à Monsieur [C] et des arrivées d'eau pluviales, des glissements de terrains superficiels ou en profondeur peuvent se produire et affecter les bâtiments de la copropriété des GRANDS COTEAUX DE [Localité 1],

-déterminer si compte tenu des risques liés à l'écoulement des eaux provenant du plateau appartenant à Monsieur [C], l'édification d'un fossé drainant le long de l'aqueduc [Localité 3] doit être entreprise ou si une solution de substitution est à envisager ... »

Un nouveau glissement de terrain s'est produit en mai 1998 : une importante masse de terre s'est ainsi répandue sur la propriété du syndicat des copropriétaires.

Le technicien désigné a déposé un premier rapport le 12 juin 1998.

Le syndicat des copropriétaires a subséquemment obtenu par ordonnance de référé du 9 octobre 1998 la condamnation, sous astreinte, de M. [Y] [C] et de la société MARTO à réaliser les travaux préconisés par l'expert (déchargement du terrain au droit de la zone d'éboulis, aménagement des fossés pour détourner les eaux du Domaine des GRANDS COTEAUX).

L'astreinte prononcée a été liquidée par ordonnance de référé du 15 mars 2000, confirmée par arrêt de la cour d'appel de PARIS du 11 octobre 2000.

L'expert judiciaire, investi de sa mission par le juge, a finalement déposé son rapport définitif le 10 juillet 2000 : il y précise que les conditions dans lesquelles M. [C] exerce son activité sont un facteur aggravant des risques liés à la nature des sols, de stabilité précaire, et notamment que les surcharges et accumulations de matériaux sur son plateau côté propriété des GRANDS COTEAUX, l'absence de toute mesure pour prévenir l'écoulement des eaux de ruissellement vers cette copropriété et l'absence de toute mesure pour éviter la pénétration de l'eau dans les terrains, ont été l'élément additif décisif ayant contribué au glissement survenu début mai 1998.

Le syndicat des copropriétaires a alors fait assigner au fond la société MARTO ainsi que M. [Y] [C] ès qualités de propriétaire du terrain en cause, afin qu'ils soient condamnés à réaliser les travaux prescrits par l'expert judiciaire.

Par jugement avant-dire-droit du 28 février 2002, le tribunal de grande instance de BOBIGNY a ordonné une expertise complémentaire et confié la réalisation de celle-ci au même technicien.

Ce dernier a déposé son rapport définitif le 12 décembre 2003 : il constate le caractère évolutif des désordres ainsi que l'aggravation de ces derniers et souligne que les mouvements de glissement ne peuvent que s'accentuer et constituer une situation potentiellement dangereuse pour la sécurité, sans pouvoir porter atteinte aux bâtiments. Il ajoute que les défendeurs n'exerçant plus d'activité de concassage de matériaux de recyclage de bétons de démolition ou de stockage de matériaux ou matériels lourds, cette activité ne peut avoir un impact sur les sols ni une influence véritable sur les risques de glissements de terrain.

Le syndicat des copropriétaires a ensuite fait appeler M. [Y] [C] ainsi que la société MARTO en ouverture de rapport.

Par jugement du 10 mars 2005, le tribunal de grande instance de BOBIGNY, a énoncé sa décision sous forme du dispositif dans les termes qui suivent :

-condamne in solidum M. [Y] [C] ainsi que la société MARTO à faire réaliser les travaux préconisés par l'expert, à savoir, par toute entreprise de leur choix :

-reprofilage du talus sur une longueur de 100 ml,

-réalisation d'une risberme portant un caniveau béton de collecte des eaux de ruissellement,

-réalisation d'éperons drainants,

-réalisation d'un drain de collecte des eaux vers l'aval de l'aqueduc St Fiacre et raccordement de celui-ci à un exutoire, le tout conformément aux descriptions détaillées de réalisation fournies par l'expert en page 44 et 45 de son rapport du 12 décembre 2003, cela dans un délai de six mois suivant la date de signification du présent jugement, passé ce délai, sous astreinte de 1 000 € par jour de retard, qui courra sur une période également de six mois, à l'issue de laquelle il sera à nouveau statué si nécessaire par le juge de l'exécution,

-dit qu'à l'initiative de la partie la plus diligente, et à ses frais avancés, M. [X] pourra contrôler la bonne réalisation des travaux ordonnés, les honoraires de son intervention devant être supportés à titre définitif par les défendeurs,

-condamne in solidum M. [C] et la société MARTO et FILS à payer au syndicat des copropriétaires [des GRANDS COTEAUX DE [Localité 1]] en demande, représentée par son syndic en exercice, les sommes suivantes :

- 18 909,86 € au titre des frais d'investigation avancés, outre intérêts légaux à compter du 10 juillet 2001, qui seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil,

- 11 427,76 € TTC au titre des frais de remise en état de la clôture, outre intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2001, qui seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil,

- 49 036 € TTC au titre du coût de l'enlèvement des terres, outre intérêts légaux à compter du 29 janvier 2004 qui seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil,

- 10 000 € de dommages intérêts

- 5000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile

-rejette toutes autres demandes, fins et conclusions,

-ordonne l'exécution provisoire du présent jugement,

-condamne in solidum M. [C] et la société MARTO et FILS en tous los dépens qui incluront le coût des expertises de M. [X], dont distraction au profit de l'avocat du demandeur dans les conditions de l'article 699 du CPC.

La Cour de céans a par arrêt du 5 juillet 2007, réformé ce jugement en ce qu'il a condamné M. [Y] [C] et la société MARTO à exécuter les travaux préconisés par l'expert et avant-dire-droit, a ordonné une mesure d'expertise aux fins 1°) d'observer les travaux réalisés par la société MARTO et d'étudier ceux prévus pour sécuriser les carrières souterraines dans le cadre de l'aménagement du terrain en vue de sa transformation, 2°) de déterminer si les travaux faits ou à faire sont de nature à sécuriser la propriété des GRANDS COTEAUX DE [Localité 1] 3°) dans l'affirmative d'indiquer au vu du dossier et notamment des plans d'architectes, des contrats signés et des autorisations administratives reçues, quand ces travaux pourront être achevés, dans la négative de préciser quels sont les travaux complémentaires nécessaires pour assurer la sécurité de la copropriété des GRANDS COTEAUX DE [Localité 1] et les chiffrer.

Elle a en revanche confirmé le jugement entrepris en ce qui concerne les condamnations au titre des frais d'investigation, de remise en état de la clôture, d'enlèvement des terres et du chef de l'indemnité allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour le trouble de jouissance consécutif au trouble anormal de voisinage subi.

Le technicien désigné, M. [S] [X], investi de cette mission par le juge, a procédé à l'exécution de celle-ci et déposé son rapport le 18 juin 2008 : il y constate, - qu'aucun travaux n'a été réalisé sur le site alors que leur exécution est de nature à sécuriser la propriété de la collectivité des copropriétaires des GRANDS COTEAUX DE [Localité 1] puisqu'ils comprennent le comblement et le reprofilage simultané du terrain ; - que l'absence de production par la société MARTO et M. [Y] [C], de plan d'architecte autre que celui du 30 mars 2007, de contrat signé et encore d'autorisation administrative ne permet pas de donner à la Cour quel que renseignement que ce soit sur la pertinence du projet architectural qui serait envisagé ' implantation de maisons individuelles impliquant un remodelage complet de la totalité du terrain ; - que d'une part, le syndicat des copropriétaires doit procéder à ses frais au remblaiement des carrières situées sous son propre terrain pour éliminer tout risque de fontis et d'autre part, que le reprofilage et le comblement des carrières sont des travaux techniquement distincts de l'opération immobilière envisagée par M. [Y] [C] et sont donc réalisables sans que cette opération immobilière ne soit engagée.

Par arrêt du 22 juin 2011 la Cour de céans a finalement, au visa des conclusions de cette expertise, énoncé sa décision dans les termes suivants :

-vu l'arrêt du 5 juillet 2007,

-vu le rapport de l'expert [X] clos le 18 juin 2008,

-condamne Monsieur [C] et la SA MARTO et FILS à faire procéder aux travaux de reprofilage de leur terrain ainsi qu'au comblement des carrières situées sur leur propriété,

-dit que l'exécution de ces travaux devra être commencée dans le délai de six mois de la signification du présent arrêt,

-dit qu'en cas d'urgence reconnue par l'architecte de la copropriété ou au cas où ces travaux ne seraient pas commencés dans le délai requis ou arrêtés pour une période supérieure à quinze jours, hors congés, le syndicat des copropriétaires sera autorisé à faire procéder aux travaux deux mois après mise en demeure délivrée à Monsieur [C] et à la SA MARTO,

-condamne en ce cas in solidum Monsieur [C] et la SA MARTO et FILS à payer au Syndicat des copropriétaires la somme de 355 548 €, valeur décembre 2003 indexée sur l'indice BT01 de la construction,

-dit que les travaux devront être réalisés sous le contrôle d'un architecte,

-condamne in solidum Monsieur [C] et la SA MARTO et FILS à payer la somme de 2 000 € au Syndicat des copropriétaires des GRANDS COTEAUX de [Localité 1] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-rejette toutes autres demandes des parties,

-condamne Monsieur [C] et la SA MARTO et FILS aux dépens,

-dit qu'ils seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

La société MARTO a pour l'exécution de cet arrêt, pris contact avec les services compétents de la Mairie de [Localité 1] afin d'obtenir notamment l'autorisation de faire passer des engins sur sa propriété et sur les terrains présentant des dangers dus à la présence d'anciennes carrières non remblayées et a, dès le 4 août 2011, communiqué à la PREFECTURE DE LA [Localité 4] un document complet se rapportant précisément aux travaux de comblement de la carrière située sous son terrain.

Les services de la PREFECTURE DE LA [Localité 4] ont par lettre du 30 novembre suivant estimé que ces documents étaient insuffisants et a donc demandé à la société MARTO de produire un nouveau dossier.

La société MARTO a transmis le 16 mars 2012 les plans de principe des forages d'injection en complément de son dossier initial.

Le Préfet de [Localité 4], jugeant que les documents qui lui avaient été fournis jusqu'à présent demeuraient incomplets a, par arrêté du 3 janvier 2013, mis M. [Y] [C] ès qualités de représentant de la société MARTO, en demeure de fournir dans les 6 mois, un dossier de comblement du secteur nord de l'ancienne carrière dont il est propriétaire située sur la commune de [Localité 1].

La société MARTO avait par ailleurs, par acte extrajudiciaire du 22 octobre 2004, fait assigner devant le tribunal de grande instance de BOBIGNY la société AXA en qualité d'assureur responsabilité civile des « Maîtres d'ouvrages professionnels, Promoteurs Immobiliers et Professions assimilées », d'une part et des « Entreprises du Bâtiment et du Génie Civil », d'autre part et sollicité sa condamnation, à la relever et à la garantir de toutes condamnations pouvant, sur demande du syndicat des copropriétaires, intervenir contre elle.

La société AXA a, par acte extrajudiciaire du 7 septembre 2005, fait assigner en intervention forcée la société SAT ainsi que son assureur, la société AZUR ASSURANCES aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société MMA.

Les deux procédures ont été jointes.

Par jugement du 29 mai 2008, les premiers juges ont énoncé leur décision sous forme de dispositif dans les termes suivants :

-condamne la Compagnie AXA FRANCE, en sa qualité d'assureur de la société MARTO et FILS, à payer à cette dernière les sommes suivantes :

-18 909, 86 euros au titre des frais d'investigation avancés, outre intérêts légaux à compter du 10 juillet 2001, capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du Code civil,

-11 427,76 euros TTC, au titre des frais de remise en état de la clôture, outre intérêts légaux à compter du 10 juillet 2001, capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du Code civil, 49 036 € TTC, au titre du coût de l'enlèvement des terres, outre intérêts légaux à compter du 29 janvier 2004, capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du Code civil,

-10 000 € au titre de dommages-intérêts,

-5000 € représentant de condamnation en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamne AXA FRANCE à payer 2 000 € à la société MARTO et FILS au titre de l'article 700 du CPC,

-déboute AXA FRANCE de ses demandes dirigées à l'encontre de la compagnie d'assurances MMA,

-condamne AXA FRANCE à payer 1000 € à la compagnie d'assurances MMA au titre de l'article 700 du CPC,

-ordonne l'exécution provisoire du présent jugement,

-condamne AXA FRANCE en tous les dépens, lesquels incluront le coût des expertises de M. [X], dont le montant pourrait être recouvré directement par Me Michel SIMONET avocat, selon les dispositions de l'article 699 du CPC ; dit que Me Hélène BLANC, avocat, pourra faire application de l'article 699 du CPC [code de procédure civile].

La société AXA a, en exécution de cette décision assortie du bénéfice de l'exécution provisoire, versé 79 128, 63 € à la société MARTO.

La société AXA a régulièrement déclaré appel de cette décision.

La société AXA a par acte extrajudiciaire des 2 et 4 décembre 2008, fait assigner la société SAT qui, assignée à personne morale, n'a pas constitué avocat.

La clôture de l'instruction a été ordonnée une première fois le 20 octobre 2010 et l'affaire a été renvoyée à l'audience du 1er mars 2011 pour y être plaidée.

Cette clôture ayant été révoquée, l'examen de cette affaire a été renvoyée à l'audience de mise en état du 11 mai 2011.

La clôture de l'instruction a été ensuite ordonnée le 27 mars 2013 et l'affaire renvoyée pour y être plaidée à l'audience du 23 avril suivant, tenue en formation de juge rapporteur.

A cette audience, l'affaire a sur conclusions de révocation de la clôture, été renvoyée à la demande de la société AXA à l'audience de plaidoiries du 21 mai suivant.

La révocation de la clôture a été prononcée à cette dernière audience par le magistrat chargé de la mise en état, avant l'ouverture des débats et par simple mention au dossier, à l'effet de permettre la prise en compte des conclusions ci-dessus énumérées.

Une décision de clôture a ensuite immédiatement été prise, avec l'assentiment de l'ensemble des parties.

Les débats ont été ouverts, les avocats ont été entendus en leurs plaidoiries puis l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour.

2. Prétentions et Moyens des parties

Vu les articles 455 et 954 du code de procédure civile.

Les conclusions des parties ci-avant visées récapitulent les demandes par l'énoncé des dispositifs suivants.

La société AXA prie la Cour de :

I - à titre principal,

-dire et juger que la cause originelle, directe et déterminante du dommage subi par la copropriété des GRANDS COTEAUX DE [Localité 1] est la nature et la consistance des sols ainsi que le ruissellement des eaux pluviales sur la propriété de M. [C]

-dire et juger que c'est en sa qualité de propriétaire du terrain litigieux que la responsabilité de Monsieur [C] a été retenue par le tribunal de grande instance par jugement du 10 mars 2005,

-dire et juger que la responsabilité de la société MARTO & FILS n'a pas été recherchée au titre de ses activités telles que déclarées et assurées dans le cadre des contrats « RC des Entreprises du Bâtiment et de Génie Civil » et des « Maîtres d'Ouvrage Professionnels, Promoteurs Immobiliers et Professions assimilées »

-dire et juger que le dommage subi par la copropriété des GRANDS COTEAUX DE [Localité 1] n'est pas lié à l'activité de la société MARTO & FILS dès lors qu'il résulte des conclusions de l'expert judiciaire que les troubles subsistent même en cas de cessation d'activité,

-dire et juger que les manquements reprochés à la société MARTO & FILS n'entrent pas parmi les activités déclarées dans le cadre des contrats d'assurance « RC des Entreprises du Bâtiment et de Génie Civil » et « des Maîtres d'ouvrage Professionnels, Promoteurs Immobiliers et Professions assimilées »

-dire et juger que les dommages subis par le Syndicat des copropriétaires des GRANDS COTEAUX DE [Localité 1] ne sont pas couverts par le contrat d'assurance RC Entreprises du Bâtiment et du Génie Civil,

-en conséquence

-infirmer le jugement rendu le 29 mai 2008 par le tribunal de grande instance de Bobigny en ce qu'il est entré en voie de condamnation à l'encontre de la Compagnie AXA FRANCE IARD, en sa qualité d'assureur de la société MARTO & FILS,

-et statuant à nouveau

-débouter la société MARTO & FILS de son action en garantie quel que soit le contrat d'assurance excipé,

-débouter la société MARTO de ses demandes tendant à obtenir la condamnation de la Compagnie AXA à la relever et garantir de toute condamnation prononcée contre elle par l'arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 22 juin 2011 et à lui rembourser le coût des travaux de reprofilage,

-ordonner à la société MARTO & FILS de rembourser à la Compagnie AXA FRANCE IARD la somme de 79 128,63 € qu'elle a perçue dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement entrepris,

II - à titre plus subsidiaire et pour le cas où la Cour retient la garantie de la Compagnie AXA FRANCE IARD,

-dire et juger que la Compagnie AXA France IARD ne saurait être tenue que dans le cadre de ses obligations résultant des contrats d'assurance souscrits et dans les limites de ses garanties sous déduction de la franchise de son assurée,

-dire et juger que la responsabilité de la société SAT et la garantie de son assureur, la Compagnie MMA sont incontestablement engagées,

-en conséquence,

-infirmer le jugement rendu le 29 mai 2008 par le tribunal de grande instance de Bobigny en ce qu'il a débouté la Compagnie AXA FRANCE IARD de sa demande en garantie à l'encontre de la société SAT et de son assureur, les MMA,

-et statuant à nouveau,

-condamner in solidum la société SAT et son assureur la Compagnie AZUR ASSURANCES ( sic ' en réalité la société MMA) à relever et garantir la Compagnie AXA FRANCE de toute condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,

-en tout état de cause,

-condamner tout succombant in solidum à verser à la Compagnie AXA France IARD la somme de 6000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner tout succombant in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel et dire que ces derniers pourront être directement recouvrés par (') application de l'article 699 du code de procédure civile.

La société MARTO demande qu'il plaise à la Cour de :

-vu la police d'assurance souscrits par la société MARTO ET FILS auprès de la Compagnie AXA FRANCE IARD

-confirmer le jugement du tribunal de grande instance de BOBIGNY du 29 mai 2010 en ce qu'il a condamné AXA FRANCE à payer à la société MARTO ET FILS :

-la somme de 18 909,86 euros au titre des frais d'investigation avancés, outre intérêts légaux à compter du 10 juillet 2001, capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil

-la somme de 11 427,76 euros TTC au titre des frais de remise en État de la clôture, outre intérêts légaux à compter du 10 juillet 2001, capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil,

-la somme de 49 0036 € TTC au titre du coût de l'enlèvement des terres, outre intérêts légaux à compter du 29 janvier 2004, capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil

-la somme de 10 000 € au titre de dommages-intérêts,

-la somme de 5000 € représentant une condamnation en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,

-la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du CPC,

-à titre subsidiaire,

-condamner la Compagnie MMA à garantir la société MARTO ET FILS de toute condamnation prononcée à son encontre,

-y ajoutant,

-condamner solidairement AXA FRANCE IARD et la compagnie MMA à garantir la société MARTO ET FILS de toute condamnation prononcée à son encontre par la Cour d'Appel de PARIS dans son arrêt du 22 juin 2011 (RG n° 05/12008)

-condamner en conséquence solidairement la Compagnie AXA FRANCE IARD et la compagnie MMA à rembourser à la société MARTO ET FILS le coût des travaux correspondant au reprofilage de son terrain ainsi qu'au comblement des carrières situées sur sa propriété,

-à défaut d'exécution,

-condamner solidairement AXA FRANCE IARD et la compagnie MMA à payer à la société MARTO ET FILS la somme de 355 548 €, valeur décembre 2003, indexée sur l'indice BT01 de la construction, correspondant aux sommes qu'elle serait amenée à payer au syndicat des copropriétaires de la Résidence des GRANDS COTEAUX DE [Localité 1]

-condamner solidairement la Compagnie AXA FRANCE IARD et la Compagnie MMA à payer à la société MARTO ET FILS une somme de 5000 € à titre de dommages-intérêts pour appel abusif,

-condamner solidairement la Compagnie AXA FRANCE IARD et la Ciompagnie MMA à payer à la société MARTO ET FILS une somme de 5000 € par application de l'article 700 du CPC

-débouter la Compagnie AXA FRANCE IARD à ce titre,

-condamner tout contestant en tous les dépens, dont le montant pourrait être recouvré, selon les dispositions de l'article 699 du CPC.

La société MMA demande à la cour de :

-confirmer le jugement du 2 mai 2008 en ce qu'il a condamné AXA à verser à la Compagnie MMA une somme de 1 000 € au titre de l'article 700, après l'avoir débouté de sa demande en garantie,

-dire et juger bien-fondée la MMA en sa position de non garantie en raison du défaut d'aléa du contrat et en raison de l'absence de caractère accidentel du sinistre ,

-faire droit à cette position de non garantie ,

-débouter AXA de son appel en garantie à l'encontre de AZUR ASSURANCES (sic - en réalité la société MMA),

-condamner AXA à verser à la Compagnie AZUR ASSURANCES une somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-la condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de (') en application de l'article 699 du CPC.

La Cour renvoie à chacune de ces écritures pour un exposé complet des argumentaires de chaque partie dont l'essentiel sera développé lors de l'analyse des prétentions et moyens qui sont articulés.

CELA ETANT EXPOSE, LA COUR,

Considérations élémentaires

1. sur les points à juger

Considérant que la Cour est aujourd'hui saisie de la contestation d'un assureur, condamné à garantir le bénéficiaire d'un contrat d'assurance responsabilité civile exploitation souscrit auprès de lui, des condamnations judiciairement prononcées à son encontre du chef de désordres matériels et de jouissance consécutifs à un trouble anormal de voisinage caractérisé par des glissements de terres en provenance de son terrain ayant porté atteinte à la propriété d'un tiers voisin ;

Que ces demandes de condamnation en garantie comprennent non seulement, le coût de frais d'investigation, de remise en état de la clôture et d'enlèvement des terres ayant recouvert le terrain voisin mais également, le coût de réalisation de travaux de reprofilage du terrain appartenant à l'assuré et celui du comblement des carrières situées au-dessous outre le montant de dommages et intérêts alloués aux voisins concernés, en indemnisation du trouble de jouissance que les dits glissements de terres leur ont occasionnés ;

2. sur la qualification de cet arrêt

Considérant que la société SAT, bien que régulièrement assignée à personne morale, n'a pas constitué avocat ;

Que cette décision sera subséquemment déclarée réputée contradictoire par application de l'article 474 alinéa 1 du code de procédure civile ;

3. sur la structure de la motivation de cette décision

Considérant que la motivation de cette décision naturellement guidée par la logique d'ensemble de l'argumentaire de la partie appelante, comportera trois points principaux ;

1. sur le bien fondé de l'appel principal de la société AXA

Considérant que la société AXA conteste devoir cette garantie observant que, dans les circonstances de la présente espèce, aucun des contrats signés par son assurée n'a en réalité vocation à trouver application ;

Qu'elle soutient ainsi : - que c'est à tort que les premiers juges l'ont condamnée au titre du contrat Assurance Responsabilité Civile Entreprises du Bâtiment et du Génie Civil qui, relevant du régime de l'assurance de responsabilité, concerne la seule responsabilité civile professionnelle de l'assurée à l'occasion d'une activité que celle-ci a déclarée et en aucun cas, les dommages consécutifs aux choses dont l'assurée serait propriétaire et/ou locataire ; - que le jugement déféré comporte un vice de motivation lorsqu'il précise que la police « Assurance Responsabilité Civile Entreprises du Bâtiment et de Génie Civil » a vocation à garantir les condamnations mises à la charge de la société MARTO alors que le fait générateur du dommage pris en considération constituant la cause originelle, directe et déterminante du dommage subi par la copropriété DES GRANDS COTEAUX, n'est pas rattaché à l'activité de l'assurée mais à un vice du sol, celui-ci étant, eu égard à sa nature, particulièrement sensible aux variations hydriques ainsi qu'au ruissellement des eaux pluviales et alors que quoi qu'il en soit, les manquements reprochés à son assurée n'entrent pas dans le cadre des activités déclarées ;

Qu'elle explique : - que selon l'expert judiciaire, l'activité de la société MARTO n'est pas la cause première des glissements incriminés ; - que preuve en est que les troubles subsistent, même en cas de cessation de l'activité de cette société ; - que par ailleurs, l'activité déclarée dans le cadre des conditions particulières du second contrat, contrat responsabilité civile des Maîtres d'Ouvrages Professionnels, Promoteurs Immobiliers et Professions Assimilées, est une activité de « marchand de biens pouvant comporter des travaux sur existants, sans reprise en sous-'uvre ni intervention sur les superstructures » ; - que cette activité de marchand de biens se rapporte essentiellement à une activité d'achat pour revente de biens immobiliers, le cas échéant avec travaux et ne saurait englober les faits pour lesquels la responsabilité de la société MARTO a été retenue dans les circonstances de la présente cause puisque le désordre litigieux a pour cause, la nature et la consistance des sols (présence d'argile verte en éboulis ou colluvions, présence d'une nappe aquifère saisonnière au toit de cet horizon) ainsi que le remblaiement de la plate forme et encore les fortes pluies survenues en avril 1998 sur des sols de stabilité précaire ; - qu'en ce qui concerne par ailleurs la police « responsabilité civile des entreprises du Bâtiment et de Génie Civil », l'objet de la police d'assurance n'est pas de garantir l'activité d'entreposage mais exclusivement les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile encourue par l'assurée en raison des dommages corporels, matériels et immatériels causés à autrui et imputables aux activités assurées parmi lesquelles ne figurent pas l'entreposage ; - qu'en tout état de cause, « les surcharges et les accumulations de matériaux sur le plateau » sont imputées de manière infondée à cette assurée alors que précisément, les opérations d'expertise ont mis en évidence que le terrain a été loué à la société SAT pour y stocker des matériaux lourds ; - qu'il s'ensuit que dans la mesure où la cause du sinistre ne réside pas dans l'activité (de type terrassement, vente de matériaux etc...) de la société MARTO mais dans les éboulements de terrain appartenant à son représentant, M. [Y] [C], dont la mauvaise qualité de sol a été mise en exergue, les premiers juges ont nécessairement dénaturé l'objet de la police d'assurance ci-avant présentée ; - qu'en réalité, seul M. [Y] [C] est, en qualité de propriétaire du terrain litigieux, concerné par ce litige puisqu'il est clairement établi que la cause originelle, directe et déterminante du dommage subi par la copropriété DES COTEAUX est la nature des sols, particulièrement sensible aux variations hydrauliques (gonflement des argiles vertes) ainsi que le ruissellement des eaux pluviales sur sa propriété ; - qu'il résulte d'ailleurs du contrat Responsabilité civile des Entreprises du Bâtiment et de Génie Civil que sa garantie est exclue en ce qui concerne les « dommages matériels causés par l'incendie, l'explosion, les phénomènes d'ordre électrique et les eaux, prenant naissance dans les bâtiments dont l'assuré est propriétaire ou locataire » ;

Considérant que la société MARTO soutient à l'appui de sa demande de confirmation que l'élément, certes additif mais aussi déterminant, ayant déclenché les désordres incriminés est bien lié aux aménagements, à l'activité et au stockage de matériaux qu'elle a effectués sur le site litigieux ; - que les dommages matériels et immatériels consécutifs à ces désordres étant imputables à ses activités, la société AXA doit subséquemment la garantir des condamnations prononcées contre elle dès lors que cet assureur ne justifie d'aucune clause d'exclusion de garantie de ses activités sans distinction ; - qu'elle a pris contact avec la Mairie de [Localité 1] pour obtenir les autorisations préfectorales nécessaires et pouvoir ipso facto, entreprendre les travaux de reprofilage mis à sa charge par l'arrêt du 22 juin 2011 ; - que ces travaux ont les mêmes causes que celles ayant donné lieu à la condamnation du 10 mars 2005 dont la société AXA a formé appel ; - que cet assureur doit donc également la garantir des condamnations mises à sa charge sur le fondement d'un trouble anormal de voisinage par arrêt du 22 juin 2011 soit la somme de 355 545 € TTC correspondant au coût des travaux de reprofilage des terrains et de comblement des carrières ;

Vu l'article 1134 du code civil, ensemble les articles L.113-5 du code des assurances, 1315 du code civil et 9 du code de procédure civile ;

Considérant qu'il ressort de la lettre et de l'économie de ces dispositions légales que lors de la réalisation du risque, l'assureur doit dans le délai convenu, exécuter la prestation déterminée par le contrat sans pouvoir être tenu au-delà ; qu'il est par ailleurs de principe que la preuve du sinistre et par extension, celle des circonstances de celui-ci, incombe à l'assuré tandis que la preuve des conditions d'exonération de garantie incombe à l'assureur ; que quoi qu'il en soit, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de sa prétention ;

Considérant qu'en l'espèce, il ressort du contrat d'assurance souscrit à compter du 30 janvier 1998 auprès de la société AXA (n° 393700423437 R), que la garantie « responsabilité civile générale » bénéficiant à la société MARTO, concerne « les conséquences pécuniaires de la Responsabilité Civile encourue par l'assuré en raison des dommages corporels [toutes atteintes corporelles subies par une personne physique], matériels [toutes atteintes à la structure ou à la substance d'une chose ainsi que son vol ou sa disparition, toutes les atteintes physiques à des animaux] et immatériels [tous dommages autres que corporels ou matériels] causés à autrui et imputables aux activités assurées. » ;

Considérant que l'activité déclarée par la société AXA lors de la souscription de son contrat responsabilité civile est présentée en p. 5 des conditions particulières de ce contrat régulièrement versées aux débats, comme correspondant à une activité de « location avec ou sans chauffeur, vente de matériaux de construction » et par ailleurs de « terrassement et démolition dans le domaine du bâtiment et du génie civil, V.R.D, remblaiement de carrière, aménagement d'espaces verts ainsi que la maçonnerie et les reprises en sous 'uvre » ;

Considérant que les premiers juges ont relevé à juste titre, qu'il résulte clairement des investigations expertales que l'activité de la société MARTO a contribué à la réalisation du sinistre de 1998 et par suite, pris place dans la chaîne des causes déterminantes, sans lesquelles ce dommage ne serait pas survenu ; que le jugement du 10 mars 2005, non contredit sur ce point par les arrêts de la Cour de céans des 5 juillet 2007 et 22 juin 2011, mentionne ainsi également en p. 5 que les coulées de terre supportées par le syndicat des copropriétaires en provenance de la propriété [C] ont certes pour origine la nature et la pente du sol de cette propriété mais qu'elles ont, de manière décisive, précisément été déclenchées par l'activité de cette société ;

Que les conditions dans lesquelles la société MARTO a exercé son activité apparaissent donc avoir constitué un facteur aggravant des risques liés à la nature des sols, de stabilité précaire ; que ces conditions d'exercice ont notamment déterminé la survenance du glissement de terrain de mai 1998 ' voir pp. 46 à 54 ainsi que 58 § 1 du rapport du 10 juillet 2000 « ce sont les modalités selon lesquelles [M. [C]] a exercé son activité : les surcharges et accumulation de matériaux sur son plateau côté propriété des GRANDS COTEAUX, l'absence de toute mesure pour prévenir l'écoulement des eaux de ruissellement vers la copropriété des GRANDS COTEAUX et l'absence de toute mesure pour éviter la pénétration de l'eau dans les terrains, qui ont été l'élément additif décisif ayant contribué au glissement survenu début mai 1998 » et encore p. 33 du rapport du 12 décembre 2003, nonobstant le fait, qu'il y est également précisé que l'arrêt de son activité ne fait pas disparaître le risque même de glissements, la cause première de ces derniers (et donc l'instabilité des sols), demeurant ;

Considérant que, sur ces constatations et pour ces raisons, la société MARTO et M. [Y] [C] justifient bien des conditions d'application de la garantie souscrite par celle-là et le jugement entrepris, faute pour la société AXA de justifier solidement de quelle que manière que ce soit, d'une cause d'exclusion de garantie, sera confirmé dans les termes du dispositif de cet arrêt ; que ne sont en effet exclus, aux termes des stipulations des conditions générales du contrat applicable, que les « dommages (') résultant des eaux, prenant naissance dans les bâtiments dont les personnes assurées sont propriétaires, locataires ou occupantes », ce qui n'est pas le cas dans les circonstances de la présente espèce ' voir p. 46, dernier paragraphe du rapport du 20 juillet 2000 identifiant les eaux à l'origine du sinistre, comme provenant du ruissellement de fortes pluies survenues en avril 1998 ;

Considérant encore qu'il est constant que la société MARTO a aujourd'hui arrêté son activité industrielle ; que par suite, contrairement à ses dires, la légère aggravation des désordres constatée dans le cadre des investigations du technicien commis ayant conduit au rapport d'expertise du 18 juin 2008 et en suite desquelles l'expert a préconisé la réalisation nécessaire de travaux de reprofilage du terrain litigieux et de comblement des anciennes carrières situées au-dessous, n'apparait pas relever à suffisance de droit d'un trouble anormal de voisinage consécutif à son activité garantie mais bien, en l'état des éléments soumis à l'appréciation de la Cour, d'un trouble naturellement occasionné par la mécanique des sols, indépendante de toute activité industrielle exercée par la société MARTO  ;

Considérant que sur ces simples constatations et pour ces raisons, il ne peut être fait droit à la demande de condamnation à garantie des condamnations prononcées par la Cour de céans dans son arrêt du 22 juin 2011 ;

2. sur le bien fondé des demandes subsidiaires de la société AXA

2.1. en ce qui concerne l'opposabilité de la franchise contractuelle

Considérant que la société AXA s'estime en droit d'opposer à son assurée les conditions et limites des montants garantis, sous déduction de la franchise contractuelle prévue aux conditions particulières du contrat ;

Considérant qu'en l'absence de discussion de l'assurée, il sera fait droit à cette réclamation, précision étant faite qu'aux termes de ces conditions particulières, les dommages autres que ceux relatifs à l'activité de vente sont garantis dans la limite de 762 245 € et que l'indemnité pour les dommages autres que corporels, relevant du contrat litigieux, est calculée sous déduction d'une franchise dont le montant par sinistre est de 15 245 € ;

2.2. en ce qui concerne la demande en garantie de la société AXA contre la société SAT

Considérant que la société AXA observe que les premiers juges ont omis de se prononcer sur la demande qu'elle a formée pour obtenir la condamnation de la société SAT à la garantir des condamnations prononcées contre elle ;

Qu'elle se prévaut à cette fin des conclusions de l'expert énoncées en p. 67 du rapport du 10 juillet 2000 aux termes desquelles, les surcharges du terrain situé au-dessus des GRANDS COTEAUX sont dues aux travaux exécutés par cette société ayant pour objet, une activité de : - remblaiement de carrières assez ouvertes et souterraines, - de dépollution, - de traitement de terre d'immeubles pollués, - d'aménagement des espaces verts et de recyclage de matériaux ainsi que de leur commercialisation ;

Considérant qu'en l'absence de constitution de cette société, la Cour ne fera droit à cette demande que si elle l'estime recevable, régulière et bien fondée par application de l'article 472 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Considérant qu'il s'infère des éléments du dossier et notamment, des éléments dégagés par les investigations expertales que le sinistre survenu en mai 1998 est non seulement du à la présence d'eau mais également, aux surcharges du terrain résultant des travaux exécutés par la société SAT appartenant au Groupe MARTO - voir pp. 41 et 67 du rapport du 10 juillet 2000 ;

Qu'il ressort en effet de ces investigations : - que le glissement de terrain concerné « s'est produit à partir de la propriété [C]. Il s'est développé de la partie haute, débordant le chemin de l'Aqueduc [Localité 3] déplaçant la clôture sur environ 70 mètres s'arrêtant sur le chemin des GRANDS COTEAUX situé à une distance variant de 10 à 15 m de la limite de la propriété avec une hauteur de 1 mètre environ./La crête du talus de protection des eaux de la propriété [C] s'est déplacée sur la longueur (70 ml) sur un plan horizontal de 1, 50 à 2 m et sur un plan vertical de 1,50 à 1, 70 m. Une importante masse de terre s'est donc répandue sur la propriété du Syndicat des copropriétaires des GRANDS COTEAUX le terrain naturel ayant été recouvert par les sols en provenance de la propriété [C] » ; - que par ailleurs, « la propriété de M. [C] acquise courant 1992 est en surplomb de celle du Syndicat des copropriétaires des GRANDS COTEAUX sur une surface de l'ordre de 12 hectares dans laquelle Monsieur [C] stocke et concasse des matériaux, des produits de démolition. » ; - qu'enfin « sur cette propriété la Société d'Aménagement de Terrains (SAT) dont Monsieur [C] est le gérant, exploite une installation destinée à recycler les bétons en démolition » ;

Que dès lors, il y a lieu de faire droit à la demande en garantie exercée par la société AXA contre cette société ;

2.3. en ce qui concerne la demande en garantie de la société AXA contre la société MMA ès qualités d'assureur de la société SAT

Considérant que la société AXA conclut à la condamnation de la société MMA, in solidum avec la société SAT, à la garantir des condamnations mises à sa charge et prononcées en faveur de la société MARTO ;

Qu'elle critique les premiers juges l'ayant déboutée de cette demande pour défaut d'aléa au motif que l'assuré avait une connaissance préalable de la possible survenance du sinistre et partant en raison de l'absence de caractère accidentel des glissements de terrains incriminés ; qu'elle observe : - que les premiers juges ont en, réalité opéré un amalgame entre la connaissance par l'assuré d'un sinistre au jour de la souscription du contrat d'assurance et celle, acquise en cours d'exécution d'un tel contrat, portant sur la seule potentialité d'apparition d'un sinistre ; - que dans les circonstances de la présente espèce, contrairement à ce qu'allègue la société MMA, le sinistre litigieux n'était pas connu lors de la souscription du contrat d'assurance applicable soit en 1994, seul un référé préventif aux fins de constat des avoisinants ayant alors été mis en place ; - que la connaissance dès 1996 d'un risque d'éboulement, n'enlève par ailleurs pas de facto au sinistre litigieux son caractère aléatoire ; - qu'une seule réunion s'était tenue sur place courant 1997, au cours de laquelle le fonctionnement d'un drain avait été constaté de sorte que rien ne laissait alors présager l'éboulement ; - qu'au surplus, quand bien même, les mesures préventives auraient été mises en 'uvre il n'est pas évident que le sinistre ne se serait pas produit ;

Considérant que la société MMA réplique : - que si le contrat définitif a été conclu le 4 octobre 1994 avec effet au 27 mai précédent, la note de couverture établie à cette dernière date faisait suite aux visites de référé préventif de M. [S] [X] effectués le 19 mai précédent ; - qu'il est donc inexact de soutenir que lors de la souscription du contrat d'assurance, la société SAT n'avait pas connaissance de la potentialité du sinistre ; - que par ailleurs, le glissement de terrain litigieux aurait pu être évité si l'assurée avait donné suite aux directives données par l'expert judiciaire le 25 novembre 1996 puis réitérées les 21 avril et 9 mai 1998, d'autant que ce technicien, précisant ce qu'il ne fallait pas faire, ne s'est pas contenté d'une vague mise en garde ; - que l'assuré ne peut donc plus aujourd'hui se prévaloir de la notion d'accident pour faire jouer sa garantie car, compte tenu de la probabilité d'accident parfaitement connue d'elle, le contrat incriminé était lors de la survenance du sinistre dépourvu de tout aléa ;

Vu l'article 1964 du code civil ;

Considérant que le contrat d'assurance est par essence un contrat aléatoire ; que la cause des obligations exige la présence constante d'un aléa, faute de quoi le contrat ne peut plus recevoir application ;

Considérant qu'en l'espèce c'est donc à juste titre que les premiers juges ont pris appui sur les énonciations du rapport d'expertise du 10 juillet 2000 et notamment, sur celles portées aux pp. 58 et 59 en jugeant que cet aléa avait disparu lors de la survenance du sinistre de mai 1998 ; qu'il suffit à la Cour de souligner que réitérant la préconisation de mesures préventives précises données dès le 25 novembre 1996 à la société SAT, l'expert a début mai 1998 indiqué à M. [Y] [C], son gérant : « ce désordre [de glissement de terrains] va s'aggraver très rapidement si vous ne respectez pas les dispositions suivantes : 1° décharger votre terrain en haut de la zone d'éboulis ; notamment 2 importants stocks de matériaux sont à déplacer ; 2° créer sur le pourtour et au travers du plateau, des fossés qui devront conduire les eaux vers le centre de votre propriété, en un point bas derrière la descenderie./Ces travaux doivent donc être réalisés immédiatement et nous nous tenons à votre disposition pour examiner en détail les dispositions que vous devez prendre (') » [souligné par la Cour] ;

Considérant qu'il est constant que la société SAT n'a pas donné suite à ces invitations de l'expert ; que dans ces conditions la société MMA apparaît fondée à opposer une non garantie du sinistre survenu ;

3. sur les autres demandes

Aucun élément du dossier ne permettant de caractériser un abus de la société AXA dans l'exercice de son droit d'appel, la demande de dommages et intérêts de la société MAZRTO sera donc écartée ;

Vu les articles 696 et 699 du code de procédure civile ;

Considérant que chaque partie succombant, il sera fait masse des dépens d'appel qui seront respectivement supportés par la société AXA et la société MARTO dans les proportions suivantes : 2/3 à la charge celle-là et 1/3 à la charge de celle-ci avec faculté de recouvrement direct en faveur des avocats qui en ont fait la demande conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile ;

Considérant qu'aucune considération d'équité ne justifie l'attribution de frais irrépétibles d'appel ;

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

Statuant en audience publique et par arrêt réputée contradictoire,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions en ce compris les dépens et les dispositions afférentes à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Y AJOUTANT,

DEBOUTE la société anonyme MARTO & FILS de sa demande de garantie des condamnations prononcées à son encontre par la Cour d'appel de Paris par arrêt du 22 juin 2011 (RG n° 05-12008),

DIT que la société anonyme AXA FRANCE IARD ne sera tenue des condamnations prononcées contre elles que sous déduction de la franchise de son assurée et dans les limites de sa garantie,

CONDAMNE la société SAT à garantir la société AXA de toute condamnation prononcée à son encontre,

FAIT MASSE des dépens d'appel et dit qu'ils seront supportés à raison des 2/3 par la société AXA FRANCE IARD et d'1/3 par la société anonyme MARTO & FILS avec faculté de recouvrement direct en faveur des avocats qui en ont fait la demande conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

DIT n'y avoir lieu à attribution de frais irrépétibles d'appel,

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

FAIT à PARIS, le 11 septembre 2013.

Le Greffier,Pour le Président empêché,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 08/15767
Date de la décision : 11/09/2013

Références :

Cour d'appel de Paris G2, arrêt n°08/15767 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-09-11;08.15767 ?
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