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25/09/2013 | FRANCE | N°11/11261

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 25 septembre 2013, 11/11261


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 25 Septembre 2013



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/11261



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 07 Septembre 2011 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY - section commerce - RG n° 10/00082





APPELANTE

S.A.S. L.R.M.

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée M. [B] [R] (Directeur de site)

assist

é par Me Fabrice PANCKOUCKE, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, NAN702 substitué par Me Dorothée GRANDSAIGNE, avocate au barreau de VERSAILLES





INTIMÉ

Monsieur [E] [K]

[Adresse 1]

[L...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 25 Septembre 2013

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/11261

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 07 Septembre 2011 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY - section commerce - RG n° 10/00082

APPELANTE

S.A.S. L.R.M.

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée M. [B] [R] (Directeur de site)

assisté par Me Fabrice PANCKOUCKE, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, NAN702 substitué par Me Dorothée GRANDSAIGNE, avocate au barreau de VERSAILLES

INTIMÉ

Monsieur [E] [K]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Jean Marc MARTINVALET, avocat au barreau de la SEINE SAINT DENIS, BOB16

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Juin 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jacques BOUDY, conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Christine ROSTAND, présidente

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Monsieur Jacques BOUDY, conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIÈRE : Madame Nora YOUSFI, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Christine ROSTAND, présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [E] [K] a été embauché par la SAS LRM le 5 juillet 1991 en qualité de technico-commercial, sans contrat de travail écrit.

Son employeur avait pour activité la commercialisation de produits d'outillage et de fixation de matériaux pour chantier.

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective de la quincaillerie, des fournitures industrielles, des fers, des métaux et des équipements de la maison.

Il est admis que la moyenne des trois derniers mois de salaire s'élevait à 3 100,86 €.

Le 2 décembre 2009, la SAS LRM a procédé au licenciement pour faute grave de M. [E] [K].

Celui-ci a contesté le bien-fondé de son licenciement et a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny de diverses demandes.

Par jugement en date du 7 septembre 2011, ce dernier, après avoir requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse, a condamné la SAS LRM à payer à M. [E] [K] les sommes suivantes :

- 6 201,72 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 620,17 € au titre des congés payés afférents

- 14 470,68 € au titre de l'indemnité légale de licenciement

- 2 641 € à titre de rappel d'une gratification et 264,10 € au titre des congés payés afférents

- 2 800 € au titre du bonus d'exploitation, avec intérêts au taux légal à compter du 15 janvier 2010

- 800 € par application de l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement a débouté M. [E] [K] du surplus de ses demandes.

La SAS LRM en a interjeté appel par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception expédiée le 4 novembre 2011.

Elle conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a reconnu le caractère réel et sérieux du licenciement et à son infirmation en ce qu'il a estimé qu'il n'existait pas de faute grave.

Elle conclut en conséquence au rejet de l'ensemble des demandes formées à son encontre et sollicite, à titre reconventionnel, la condamnation de M. [E] [K] à lui payer la somme de 1 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à lui rembourser la somme de 2 200 € au titre des remboursements de frais professionnels frauduleusement perçus.

Pour sa part, M. [E] [K] sollicite la condamnation de la SAS LRM à lui payer les sommes suivantes :

- 2 641 € au titre du treizième mois et 264,10 € au titre des congés payés afférents

- 5 000 € au titre de la prime dite bonus d'exploitation et 500 € au titre des congés payés afférents

- 6 201,72 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 620,17 € au titre des congés payés afférents

- 14 470,68 € au titre de l'indemnité légale de licenciement

- 18 605,16 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse

- 2 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La lettre de licenciement était motivée de la façon suivante :

« Nous vous informons par la présente que nous avons décidé de vous licencier pour le motif suivant : vous avez sollicité et obtenu de l'entreprise le remboursement de frais professionnels injustifiés, et ce, par des moyens frauduleux (fausses déclarations et production de faux documents).

De fait, lors d'un contrôle des frais généraux et, en particulier, des frais professionnels des salariés de l'entreprise effectué le 5 octobre dernier, nous avons constaté, à la lecture des documents que vous nous avez remis au cours de la période du mois de janvier 2008 au mois de juillet 2009, que :

- des montants de frais de repas plus importants que ceux mentionnés sur vos justificatifs de frais figuraient sur vos états de frais de déplacement ;

- la plupart de vos justificatifs de frais étaient manuscrits au lieu d'être imprimés ;

- la plupart de ces justificatifs de frais comportaient une numérotation qui se suit ;

- sur certains de ces justificatifs de frais figurait un double cachet de l'entreprise de restauration ;

- sur certains de ces justificatifs de frais figurait une fausse identité de l'entreprise de restauration (faux cachet de l'entreprise, faux numéro d'inscription au registre du commerce, etc.').

Au cours de l'entretien du 25 novembre dernier, vous avez reconnu avoir fait de fausses déclarations et avoir produit de faux documents à l'effet d'obtenir le remboursement de frais professionnels injustifiés auprès de l'entreprise.

Il faut préciser que, en ne tenant compte que des fiches de restaurant des années 2008 et 2009 comportant des incohérences, le montant des frais professionnels injustifiés que l'entreprise vous a remboursés est au minimum de 2200 €, selon votre confirmation.

Au cours de ce même entretien, vous avez déclaré : j'ai marché en dehors des clous ; je suis en tort. à vous de voir.

En outre, vous avez expliqué que :

-vous étiez parvenu à obtenir des fiches de restaurant vierges auprès de vos interlocuteurs chez certains clients de l'entreprise (dont vous n'avez pas voulu citer le nom ;

-vous remplissiez ou faisiez remplir lesdites fiches par vos interlocuteurs chez ces clients ;

-vous recouriez à ce moyen frauduleux depuis janvier 2008.

Vous avez alors précisé avoir produit au moins une dizaine de fiches établies de cette façon aux fins d'en obtenir le remboursement auprès de l'entreprise.

Enfin, vous avez prétendu avoir recouru à ce procédé dans le but d'obtenir des commandes auprès de certains clients de l'entreprise : vos interlocuteurs chez ces clients ne souhaitant pas obtenir d'avantage financier pour le compte de leur entreprise ( remise commerciale) mais plutôt pour leur compte personnel, ce procédé vous aurait permis de leur faire des cadeaux.

Une telle prétention est pour le moins surprenante mais, si elle correspondait à la réalité des faits, constituerait une circonstance aggravante.

En effet, à aucun moment pour ces derniers mois, vous n'avez demandé à nous rencontrer afin d'évoquer d'éventuelles difficultés liées à la fidélisation de la clientèle.

En outre, le fait d'accorder des avantages financiers à vos interlocuteurs chez certains clients de l'entreprise constitue un acte de concurrence pour le moins déloyal puisque totalement illégal et pénalement répréhensible.

Enfin, le fait d'accorder des avantages financiers à vos interlocuteurs chez certains clients de l'entreprise, a fortiori par des moyens frauduleux, porte atteinte à l'image de l'entreprise, porte préjudice aux clients de l'entreprise qui n'ont pas bénéficié des remises commerciales de notre part et, ce faisant, porte atteinte à la pérennité de l'entreprise.

De tels agissements sont inacceptables.(...) ».

Sur la prescription

Selon l'article L 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

En l'espèce, M. [E] [K] invoque l'écoulement de ce délai de prescription avant que l'employeur n'ait entamé la procédure disciplinaire puisqu'en effet, selon lui, la dernière note de frais litigieuse invoquée par l'employeur était datée du 16 juillet 2009, lui avait été remise le jour même et avait donné lieu à un remboursement au cours du mois d'août 2009 alors que ce n'est que le 17 novembre suivant qu'il lui a remis sa convocation à l'entretien préalable à un éventuel licenciement.

La SAS LRM rappelle que le point de départ du délai de prescription doit se situer au jour où l'employeur a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié.

Qu'en l'espèce, cette date doit être fixée au 5 octobre 2009, date du contrôle des frais généraux et notamment des frais professionnels des salariés de sorte que la prescription n'était pas acquise au moment de l'engagement des poursuites disciplinaires.

Mais il appartient à l'employeur de rapporter la preuve qu'il n'a eu connaissance des faits fautifs que dans les deux mois qui ont précédé l'engagement de la procédure disciplinaire.

Or en l'espèce, alors qu'il est constant que la date de la dernière note de notes de frais litigieuse se situait au 16 juillet 2009 et que les poursuites disciplinaires ont été engagées le 17 novembre suivant, l'employeur ne produit aucun élément de preuve de nature à démontrer qu'il n'aurait eu connaissance des faits qu'il estime frauduleux et qui, selon lui se seraient produits pendant de nombreux mois, que le 5 octobre 2009 à la faveur d'un contrôle dont il n'établit en aucune façon l'existence ni la date.

Dans ces conditions, la prescription ne peut qu'être considérée comme acquise et l'ensemble des faits invoqués à l'appui du licenciement ne peuvent donc être retenus pour le justifier.

Le licenciement doit en conséquence être déclaré sans cause réelle ni sérieuse.

Sur les sommes dues au titre du licenciement

Sur la base des calculs opérés par le salarié et non contestés par l'employeur, il est dû à M. [E] [K] les sommes de 6201,72 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 620,17 € au titre des congés payés afférents et de 14 470,68 € au titre de l'indemnité légale de licenciement de sorte que le jugement du conseil de prud'hommes sera confirmé sur ce point.

Il ne peut qu'être fait droit à la demande de paiement d'une somme de 18 605,16 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, représentant six mois de salaire, s'agissant en effet d'un salarié comptant plus de deux années d'ancienneté dans une entreprise employant plus de 10 salariés.

Sur la demande de paiement d'un treizième mois

La SAS LRM s'oppose à cette demande au motif que la réclamation de M. [E] [K] ne concerne pas un treizième mois mais une gratification de fin d'année qui était subordonnée à la double condition de la présence du salarié au sein de l'entreprise au 31 décembre de l'année en cours et d'une ancienneté de celui-ci au moins égale à un an.

Elle explique que dans la mesure où M. [E] [K] a été licencié le 2 décembre 2009, il n'était donc pas fondé à obtenir cette gratification au titre de l'année considérée.

Mais alors qu'elle ne conteste pas que M. [E] [K] avait vocation à percevoir cette somme s'il était resté dans l'entreprise jusqu'au 31 décembre 2009, la SAS LRM ne peut lui opposer une condition de présence à cette date qui ne résulte, selon ses propres affirmations, que des mentions d'un contrat de travail convenu avec un autre salarié et alors qu'aucun contrat de travail écrit n'a été établi entre les parties.

Dans ces conditions, c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a fait droit à cette demande et le jugement sera donc confirmé.

Sur le bonus d'exploitation

M. [E] [K] expose que depuis son embauche et jusqu'à la veille de son licenciement, il percevait une prime dite bonus d'exploitation, que depuis décembre 2007, le montant de cette prime était de 5000 € et qu'il s'agissait d'un avantage accordé de façon constante, à tous les commerciaux, de sorte que c'est en vertu d'un usage liant l'employeur qu'il est fondé à en réclamer le paiement.

Mais c'est à juste titre que l'employeur fait valoir que cette gratification ne dérivait ni du contrat de travail ni d'un accord collectif ni d'un engagement unilatéral et que par ailleurs, il ne pouvait s'agir d'un usage dans la mesure où le principe même du versement de cette gratification était aléatoire, que l'ensemble des salariés n'en bénéficiait pas systématiquement tandis que son montant n'était pas régulier pour un même salarié.

En ce qui concerne M. [E] [K] en particulier, la lecture de ces bulletins de paie permet de constater que le montant de cette prime s'était élevé à 300 € en 2005, à 1 800 € en 2006, à 2200 € en 2007 et à 500 € en 2008.

Le jugement du conseil de prud'hommes qui avait accordé à M. [E] [K] la somme de 2 800 € après avoir déduit de la somme réclamée de 5 000 € celle dont il estimait le salarié redevable à l'égard de l'employeur en raison des remboursements de frais indus, sera donc infirmé sur ce point.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Il n'apparaît pas inéquitable d'accorder à M. [E] [K], qui a dû agir en justice pour faire valoir ses droits, une indemnité d'un montant de 1 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

INFIRME partiellement le jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny en date du 7 septembre 2011 ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la SAS LRM à payer à M. [E] [K] la somme de 18 605,16 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;

DÉBOUTE M. [E] [K] de sa demande de paiement de la gratification dite bonus exploitation ;

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes pour le surplus ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la SAS LRM à payer à M. [E] [K] la somme de 1 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 11/11261
Date de la décision : 25/09/2013

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°11/11261 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-09-25;11.11261 ?
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