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25/09/2013 | FRANCE | N°11/18192

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 25 septembre 2013, 11/18192


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 3



ARRÊT DU 25 SEPTEMBRE 2013



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 11/18192



Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Septembre 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/14747





APPELANTE



Le Syndicat des copropriétaires SECONDAIRE B DU CENTRE COMMERCIAL SAINT-DIDIER GALERIE S

AINT-DIDIER [Adresse 1], prise en la personne de ses représentants légaux,

Centre commercial Masséna

[Adresse 3]

[Localité 1]



représenté par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barrea...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRÊT DU 25 SEPTEMBRE 2013

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/18192

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Septembre 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/14747

APPELANTE

Le Syndicat des copropriétaires SECONDAIRE B DU CENTRE COMMERCIAL SAINT-DIDIER GALERIE SAINT-DIDIER [Adresse 1], prise en la personne de ses représentants légaux,

Centre commercial Masséna

[Adresse 3]

[Localité 1]

représenté par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151, avocat postulant

assisté de Me Jean-David GUEDJ, avocat au barreau de PARIS, toque : L0025, avocat plaidant

INTIMÉS

Monsieur [M] [I]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Luc COUTURIER de la SELARL HANDS Société d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : L0061, avocat postulant

assisté de Me Jean-Pierre BLATTER de la SCP BLATTER RACLET ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0441, avocat plaidant

La SNC PHARMACIE DES BELLES FEUILLES, prise en la personne de ses représentants légaux,

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avocats au barreau de PARIS, toque : P0480, avocat postulant

assistée de Me Mathieu ROGER-CAREL de la SELARL JTBB AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0254, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 Juin 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Chantal BARTHOLIN, Présidente

Mme Odile BLUM, Conseillère

Mme Isabelle REGHI, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Alexia LUBRANO

ARRÊT :

- contradictoire.

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Chantal BARTHOLIN, Présidente et par Mme Alexia LUBRANO, Greffière.

* * * * * * *

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte authentique en date du 5 octobre 1997, Mme [I] a cédé sous diverses conditions suspensives à la snc Pharmacie des Belles Feuilles un fonds de commerce de pharmacie exploité dans les locaux situés [Adresse 1], l'acte contenant promesse de cession de bail consentie par la sci Sablons [I] propriétaire des locaux où est exploité le fonds cédé.

Ainsi par acte sous seing privé en date du 26 octobre 1997, la sci Sablons [I] a donné à bail à la snc Pharmacie des Belles Feuilles les locaux à usage de pharmacie pour une durée de neuf années ayant pris effet le 1er janvier 1998 pour expirer le 31 décembre 2006 ;

Suivant acte du 5 janvier 1998, les parties ont constaté que les conditions suspensives étaient levées, la vente étant parfaite.

Par acte d'huissier du 25 juillet 2006, la snc Pharmacie des Belles Feuilles a demandé le renouvellement du bail à effet du 1er janvier 2007 moyennant la fixation du loyer à la valeur indiciaire, la sci Sablons [I] a répondu qu'elle entendait voir fixer le loyer à la somme annuelle de 72 000 € ; une procédure en fixation du prix du loyer est pendante devant le juge des loyers du tribunal de grande instance de Paris.

Les locaux dépendent d'un centre commercial abritant notamment un supermarché à l'enseigne Casino ; en 2006, la snc Pharmacie des Belles Feuilles a été avisée de la réalisation de travaux de rénovation/desamiantage devant être réalisés dans le centre, entraînant fermeture du centre commercial et de l'officine.

Fin 2009, M [I] aux droits de la sci bailleresse a adressé à la snc Pharmacie des Belles Feuilles une copie de l'autorisation administrative nécessaire aux travaux et un calendrier de ceux-ci prévoyant que les locaux de la pharmacie devaient être libérés par remise des clefs du 26 février au 25 avril 2010, à charge pour le preneur d'effectuer ensuite leur reaménagement, précision étant faite que les réserves en sous sol resteraient accessibles.

En réponse, la snc Pharmacie Les Belles Feuilles a indiqué qu'il appartenait au bailleur de supporter les frais de reaménagement, et que s'agissant des réserves, elle ne continuerait pas à y entreposer son stock de médicaments qui, par mesure de sécurité, serait confié à son grossiste répartiteur aux frais du bailleur, réclamant en outre l'indemnisation de son préjudice résultant de la fermeture de son officine pendant plusieurs mois, le temps des travaux de déménagement/reaménagement ;

Si les clefs des locaux ont été restituées le 26 avril 2010, la snc Pharmacie des Belles Feuilles a fait cependant valoir que elle n'avait pu reprendre son activité que le 14 juin 2010, qu'à cette date, les travaux de renovation du centre commercial n'était pas encore achevés ; elle a assigné son bailleur en indemnisation de son préjudice né de la réalisation des travaux ;

Par jugement du 8 septembre 2011, le tribunal de grande instance de Paris a :

- rejeté l'exception d'irrecevabilité présentée par les défenderesses pour défaut d'intérêt à agir,

- dit que M [I] est tenu d'indemniser la snc Pharmacie des Belles Feuilles des conséquences dommageables des travaux de mise en conformité entrepris dans les lieux loués,

- dit que le syndicat de la copropriété du centre commercial Saint Didier est tenu de garantir M [M] [I] des condamnations prononcées à son encontre et résultant de la réfection du plancher haut du rez-de-chaussée,

- désigné Mme [Y] [D] en qualité d'expert (...) afin de fournir tous éléments permettant de déterminer le préjudice subi du fait des travaux de mise en conformité et de la privation de jouissance,

- condamné d'ores et déjà M [I] à payer à la snc Pharmacie des Belles Feuilles la somme de 100 000 € à valoir sur son préjudice, outre la somme de 20 894,92 € au titre de la restitution des loyers pour la période du 13 février au 14 juin 2010,

- condamné le syndicat secondaire B de la copropriété du centre commercial Saint Didier à garantir M [I] de cette condamnation ;

- sursis à statuer sur le surplus des demandes,

- réservé les dépens et ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Le syndicat de la copropriété secondaire B du centre commercial Saint Didier a interjeté appel de cette décision ; il demande à la cour par conclusions signifiées le 11 janvier 2012 d'infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau, de :

A titre principal, dire et juger irrecevables les demandes de la snc Pharmacie les Belles Feuilles pour défaut d'intérêt à agir,

A titre subsidiaire au fond,

Débouter la snc Pharmacie les Belles Feuilles de l'ensemble de ses demandes, et par conséquent, rejeter la demande en garantie de M [I] à l'encontre du syndicat de la copropriété,

Subsidiairement,

Débouter M [I] de ses demandes à l'encontre du syndicat des copropriétaires du centre commercial,

Plus subsidiairement,

Opérer un partage de responsabilité entre M [M] [I] et le syndicat de la copropriété B du centre commercial ;

Pour ce faire, surseoir à statuer, dans l'attente de l'expertise en cours,

Encore plus subsidiairement,

Limiter la période de fermeture de la pharmacie et donc d'indemnisation des éventuels préjudices subis par la snc Pharmacie des belles Feuilles du 26 février au 26 avril 2010 et non du 13 février au 24 juin 2010 comme l'ont fait les premiers juges,

En tout état de cause,

Condamner solidairement M [I] et la snc Pharmacie des Belles Feuilles à payer au syndicat des copropriétaires du centre commercial Saint Didier la somme de 20 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les condamner solidairement aux dépens dont recouvrement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

La snc Pharmacie des Belles Feuilles demande par conclusions signifiées le 8 mars 2012 de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, de rejeter les appels principal et incident de M [I] et du syndicat des copropriétaires, de renvoyer les parties devant le juge de première instance dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise, de condamner sin solidum M [I] et le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 20 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner les mêmes in solidum aux dépens de l'instance qui comprendront le coût des différents actes d'huissier dressés et les frais d'expertise et seront recouvrés directement en application de l'article 699 du code de procédure civile.

M [M] [I], par conclusions signifiées le 23 avril 2012, demande de débouter le syndicat de la copropriété et à titre principal, de réformer le jugement entrepris et débouter la snc Pharmacie des Belles Feuilles de l'ensemble de ses prétentions financières, de l'exonérer de toute responsabilité à raison de la force majeure caractérisant l'opération de protection coupe feu et desamiantage ayant entraîné la fermeture du fonds et en tout état de cause, de faire application des dispositions contractuelles et débouter la snc Pharmacie des belles Feuilles de l'ensemble de ses prétentions ;

A titre subsidiaire, il demande d'étendre la mission de l'expert et de son sapiteur afin que la distinction soit faite entre la responsabilité du bailleur, celle du syndicat des copropriétaires du centre commercial dans la conduite des travaux, et dans le retard dans la livraison des lieux et l'aménagement du centre commercial et celle de la société locataire elle-même.

A titre plus subsidiaire encore, il demande au visa des articles 9 et 14 de la loi du 10 juillet 1965 et en tant que de besoin l'article 1384 du code civil, de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné le syndicat des copropriétaires à le garantir des condamnations éventuelles, qui pourraient être prononcées à son égard, en principal intérêts et frais, de le réformer pour le surplus et de dire que M [I] ne peut être tenu de rembourser les loyers perçus que pour la période du 26 février 2010 au 25 avril 2010, de le reformer également en ce qu'il a alloué à la charge de M [I] une provision de 100 000 € à la snc Pharmacie des Belles Feuilles à valoir sur la réparation de son préjudice,

En tout état de cause, il demande condamnation in solidum de la snc Pharmacie des Belles Feuilles et du syndicat des copropriétaires aux dépens et à lui payer la somme de 25 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE,

Sur l'intérêt à agir de la snc Pharmacie Belles Feuilles :

Le syndicat des copropriétaires soutient que la snc Pharmacie des Belles Feuilles n'avait au jour de l'introduction de son action en justice à la date du 15 septembre 2009 aucun intérêt né et actuel à agir et notamment à réclamer une perte de marge brute, le coût de son déménagement/emménagement alors que les travaux de rénovation et de desamiantage n'avaient pas encore commencé, que la date de fermeture et celle de réouverture de l'officine n'étaient pas encore connues, que le déménagement et le réaménagement des locaux n'étaient pas encore intervenus, que la durée de fermeture de l'officine était pas elle-même parfaitement connue, que les faits lui ont d'ailleurs donné tort, la restitution du local pharmacie ayant bien eu lieu au 25 avril 2010 conformément au planning prévisionnel des travaux.

Or l'assemblée générale de la copropriété a voté le 29 janvier 2009 les travaux de renovation, desamiantage, remise en état des sprinklers du centre commercial qui abrite les lieux loués, suivant un calendrier prévisionnel qui prévoyait notamment que les travaux seraient organisés du 1er février 2010 au 30 juin 2010 dans la zone Saint Didier où se trouvent les lieux loués ; M [I], le bailleur, en a été avisé par lettre recommandée avec AR du 29 mai 2009 émanant du syndic de la copropriété et il a reçu également une fiche de synthèse des travaux concernant son lot, indication lui étant donnée de prendre ses dispositions afin que le lot soit libre de toute occupation durant la période du 26 février au 25 avril 2010.

Il s'ensuit que, ainsi que l'ont justement retenu les premiers juges, la locataire avait elle-même à la date de l'assignation du 15 septembre 2009 reçu l'information concernant la nécessité de fermer son local, de procéder à l'enlèvement et au stockage des médicaments et du mobilier, de sorte qu'elle avait au moins parfaite connaissance à cette date qu'elle ne recevrait pas de recette durant au moins la période de fermeture du fonds et de ce qu'elle devrait déménager le fonds avant de procéder ensuite au reaménagement de celui-ci ;

Dans ces conditions, elle disposait bien dès l'assignation d'un intérêt né et actuel à agir en suspension du paiement des loyers et indemnisation du trouble résultant selon elle de la fermeture, du déménagement et du reaménagement, aucune disposition n'ayant été envisagée à cet égard par la copropriété.

Sur le fond :

M [I] soutient que les travaux qui résultent de la nécessité de rendre plus résistante au feu la dalle séparant la partie galerie commerciale de la partie habitation de l'immeuble, cette opération impliquant le desamiantage des locaux, constitue un événement ayant à son égard les caractères de la force majeure, ce qui l'exonère de toute responsabilité à l'égard du preneur.

Or les travaux résultant de la mise en sécurité incendie de l'immeuble, quoiqu'imposés par l'administration ne sont ni imprévisibles ni irrésistibles ; la nécessité de mettre en conformité l'immeuble avec les normes existantes et d'y faire tous travaux à cette fin dont ceux relatifs au desamiantage, n'est pas un événement qu'un bailleur normalement diligent ne saurait prévoir, compte tenu de l'évolution constante de la réglementation en matière d'équipement des bâtiments et de protection de ceux-ci contre les risques , étant observé que la présence d'amiante, matériau interdit dans la construction, était connue du bailleur à la date de conclusion du bail ; il s'agit d'un événement d'autant moins insurmontable que la copropriété a voté les travaux destinés à mettre l'immeuble en conformité, le fait de devoir déposer l'amiante étant lui-même la conséquence de la mise aux normes.

Enfin, le caractère d'extériorité des travaux fait défaut, dès lors que leur mise en oeuvre quoiqu'imposée par l'administration procède d'une décision de la copropriété dont fait partie le bailleur, lui-même tenu à l'égard de son locataire à une obligation de délivrer pendant l'exécution du bail un local conforme aux normes en vigueur notamment quant à la sécurité incendie.

M [I] soutient également que le bail contient une clause prévoyant que le locataire s'engage à souffrir les travaux de réparations de l'immeuble, quelles que soient l'importance et la durée de ces travaux, alors même qu'ils dureraient plus de quarante jours, à la condition toutefois qu'ils soient exécutés sans interruption sauf le cas de force majeure, que le tribunal ne pouvait écarter l'application de cette clause au motif que, si elle est licite, elle ne peut déroger à l'obligation de délivrance du bailleur ;

Or le tribunal a parfaitement apprécié que la clause de souffrance prévue dans le bail ne peut imposer sous son couvert des travaux d'une importance telle qu'elle prive entièrement le preneur de l'usage du bien, contrevenant ainsi à l'obligation de délivrance du bailleur et que la fermeture de l'officine pendant deux mois outre le temps nécessaire au déménagement et au reaménagement, constitue bien une atteinte à l'obligation essentielle du bailleur qui rend la clause inapplicable en l'espèce.

En ce qu'il a jugé que M [I] était tenu d'indemniser la snc Pharmacie Belles Feuilles de son préjudice résultant outre de la fermeture du local, du temps nécessaire à son aménagement/réaménagement, la décision du tribunal doit être approuvée.

Sur le préjudice, la snc Pharmacie Belles Feuilles fait valoir que pour être en mesure de restituer les locaux vides à la date prévue, elle a du fermer ses portes dès le 13 février 2010, le temps de stocker les médicaments et de les déménager, de démonter ses agencements qui devaient lui être remis décontaminés, ce qui n'a pas été le cas ainsi qu'attesté par deux constats d'huissier qui font état de traces de poussière importantes sur certains meubles, que ceux-ci étaient donc inutilisables et ont du être remplacés, qu'elle a récupéré les locaux à l'état brut, sans électricité, système de climatisation, plomberie, téléphone, qu'elle a du réaménager entièrement les locaux dont les abords étaient encombrés de matériaux les rendant difficilement accessibles ; elle demande la confirmation du jugement en ce qu'il a avant dire droit sur le montant du préjudice désigné un expert autorisé à s'adjoindre un sapiteur et a condamné le bailleur à lui restituer les loyers perçus pour la période allant du 13 février au 14 juin 2010 durant lesquels l'exploitation a été impossible et lui a accordé une provision à valoir sur son indemnisation définitive de 100 000 €.

Il ressort des procès-verbaux de constat produits aux débats que les locaux n'étaient pas fonctionnels à la date de la remise des clefs le 26 avril 2010, qu'ils ne l'étaient pas davantage au 1er juin 2010 du fait de la nécessité de procéder à des aménagements indispensables et que la pharmacie n'a rouvert ses portes au public que le 14 juin 2010 ; si elle ne peut réclamer au bailleur la remise à neuf des agencements, la locataire est néanmoins fondée à obtenir réparation du fait de la fermeture totale du fonds pendant deux mois et du trouble ensuite occasionné par le défaut de délivrance conforme ;

En ce qu'il a ordonné avant droit une expertise pour lui permettre de déterminer le préjudice matériel et financier réellement subi par la pharmacie des Belles Feuilles et lui a octroyé, à valoir sur ce préjudice, outre le restitution des loyers, non seulement pendant la période de fermeture proprement dite mais du 13 février au 14 juin 2010, une provision de 100 000 €, compte tenu des charges supportées pendant cette période, la décision des premiers juges sera confirmée.

M [I] fait valoir que le syndicat de la copropriété était responsable de l'entreposage du mobilier ainsi que de l'installation des réseaux d'eau, d'électricité, de téléphone dont le preneur a été privé lors de la restitution des locaux et qu'il y a lieu, afin de procéder à un partage de responsabilités, d'étendre la mission de l'expert à la distinction entre la responsabilité du bailleur, celle des copropriétaires dans la conduite des travaux, et celle de la société locataire dans l'organisation de son chantier.

Si le syndicat de la copropriété est le maître de l'ouvrage des travaux de renovation/desamiantage qui ont affecté l'immeuble, la pharmacie n'a quant à elle aucun lien de droit avec le syndicat de la copropriété, seul le bailleur étant tenu à l'égard de sa locataire des obligations nées du contrat de bail de telle sorte que d'une part la recherche de la responsabilité dans la conduite des travaux est sans portée pour déterminer un partage et que d'autre part le bailleur est lui-même tenu d'une obligation de délivrance mais aussi de jouissance paisible tant du local principal que des accessoires que constituent les parties communes, aucun élément ne permettant par ailleurs de retenir une responsabilité de la locataire dans ce retard. Il est donc inutile d'étendre la mission de l'expert pour permettre à ce stade de déterminer un partage éventuel de responsabilité bailleur/syndicat de la copropriété ;

Sur la garantie du syndicat de la copropriété :

M [I] recherche la garantie du syndicat de la copropriété sur le double fondement de l'article 1384 du code civil en ce qu'il est responsable des dommages causés par les parties communes dont il a la garde et des dispositions des articles 9 et 14 de la loi du 10 juillet 1965 modifiées sur la copropriété;

Le syndicat de la copropriété fait valoir pour dénier sa garantie que si l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 dispose que le syndicat a pour objet la conservation de l'immeuble et l'administration des parties communes et qu'il est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de construction ou le défaut d'entretien des parties communes sans préjudice de toutes actions récursoires, cet article ne trouve pas à s'appliquer aux dommages causés par les travaux réalisés par le syndicat en vue de remédier au mauvais état des parties communes que le copropriétaire doit souffrir sans pouvoir prétendre à une indemnisation et ce dès lors que les travaux imposés par l'administration ont atteint indistinctement l'ensemble des copropriétaires ; que M [I] ne rapporte pas la preuve du dommage causé à son lot, directement imputable à un vice de construction ou un défaut d'entretien ;

L'article 9 de la loi du 10 juillet 1965 invoqué prévoit la possibilité pour le copropriétaire, lésé par des travaux sur les parties communes entraînant un accès aux parties privatives, d'obtenir une indemnisation de la part de la copropriété, s'agissant de travaux décidés dans les conditions prévues aux articles e, g, h et i de l'article 25 et notamment ceux rendus obligatoires en vertu de dispositions législatives et réglementaires à la condition pour lui de justifier qu'il subit un trouble grave même temporaire ou une diminution de la valeur de son lot ;

L'article 9 précité ne trouve cependant pas à s'appliquer en l'espèce, le bailleur ne demandant aucune indemnisation pour lui-même ;

L'article 14 de la loi précitée contient quant à lui un rappel de la responsabilité du syndicat au titre des dommages causés par le défaut de construction ou le défaut d'entretien des parties communes, sans préjudice des actions récursoires, mais il n'est pas exclusif de l'application des dispositions générales de la loi concernant la responsabilité civile ;

A cet égard, les premiers juges ont rappelé à bon droit que le syndicat de la copropriété est responsable des dommages qui trouvent leur origine dans les parties communes de l'immeuble dont il a la garde juridique au sens de l'article 1384 du code civil ;

L'invocation de la force majeure est inopérante, la nécessité d'adapter l'immeuble aux normes de sécurité n'ayant aucun caractère imprévisible à l'égard de copropriétaires, compte tenu de l'évolution constante de la législation en matière de normes de construction ; la circonstance que l'immeuble répondait aux normes applicables lors de son édification n'a pas pour effet de conférer aux travaux de mise aux normes nouvelles un caractère d'imprévisibilité. Ils ne sont pas davantage irrésistibles au motif qu'ils auraient été imposés par l'administration puisque leur mise en oeuvre sur les parties communes de l'immeuble dont elle a la garde incombe à la copropriété qui les a votés, planifiés et fait réaliser ; ils ne sont donc pas extérieurs à la copropriété.

Il s'ensuit que le syndicat de la copropriété est responsable des dommages occasionnés par les travaux de la dalle plancher rendus nécessaires en raison de l'insuffisante résistance au feu ;

Le bailleur justifie qu'il devra supporter, du fait des travaux ayant atteint la partie privative de son lot, le préjudice subi par le preneur constitué par le défaut de délivrance conforme et le trouble de jouissance dont le principe a été d'ores et déjà admis ;

Il s'ensuit qu'il est fondé à solliciter la garantie du syndicat de la copropriété sans qu'il y ait lieu de dire à ce stade si la garantie s'opérera pour le tout ou seulement pour partie des dommages compte tenu de l'expertise en cours sur l'étendue et le montant des préjudices subis.

Sur les autres demandes :

Le syndicat de la copropriété qui succombe essentiellement en son recours supportera les dépens d'appel, ceux de première instance ayant été réservés et paiera à la snc Pharmacie Belles Feuilles et à M [I] chacun la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré,

Ajoutant,

Renvoie au tribunal saisi sur le montant du préjudice subi par la snc Pharmacie des Belles Feuilles à l'issue de l'expertise, le point de déterminer si la garantie du syndicat de la copropriété s'opérera pour le tout ou pour partie des dommages subis jusqu'à ce qu'il soit statué.

Condamne le syndicat de la copropriété secondaire B du centre commercial aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et le condamne à payer à la snc Pharmacie des Belles Feuilles et à M [I] chacun la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 11/18192
Date de la décision : 25/09/2013

Références :

Cour d'appel de Paris I3, arrêt n°11/18192 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-09-25;11.18192 ?
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